J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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jeudi 20 octobre 2011

#61: Gene Clark "No Other"

Gene Clark ? Et personne d'autre ? Rien que lui ? Pas étonnant au vu de sa carrière. Débutant avec les Byrds, dont on se souvient qu'ils avaient été formés par Roger Mc Guinn, que David Crosby y a participé au début, que Gram Parsons a influencé leur virage country et (éventuellement) que le regretté Clarence White a illuminé leur fin de parcours, et c'est à peu près tout.

Et pourtant, il était là. Eight Miles High, c'était en partie lui, pour n'en citer qu'une. Mais Gene Clark, ça ne l'amusait pas de chanter des reprises de Dylan, dévolues à la voix chevrotante (mais merveilleuse aussi, hein, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas) de Mc Guinn, et il avait une trouille folle de l'avion. Out, donc, les Byrds. Il sortira un premier album solo, pas terrible, du moins très influencé par la "pop folk à la 12 cordes Rickenbaker" des Oyseaux. Il formera un duo avec un certain Doug Dillard, très orienté bluegrass, en 1968 (tiens, tiens... l'époque de Sweetheart Of The Rodeo des Byrds... sans doute un hasard), puis encore un album solo, connu comme "l'album à la bougie" ou "White Light", et là ça commence à devenir merveilleux.

Et puis, en 1974, sort ce No Other, sur Geffen Records, à l'époque où David Geffen signait à tout-va et chamboulait le show-biz en récupérant Dylan de chez Columbia. Sacré nez, sacré rapace. Mais on est pas là pour causer business. On est là pour causer de cet album magique, No Other.

Il y a des albums mythiques, pleins. Certains enregistrés avec peu de moyens, connaissant un succès immédiat et mémorable (choisissez le votre), d'autres re-découverts quelques années plus tard, un peu par hasard (Odessey & Oracle des Zombies), d'autres dont on parle beaucoup mais qu'on écoute peu (le Village Green des Kinks), d'autres encore chéris toujours par une poignée de fous furieux dans l'indifférence quasi-générale. Tel celui-là.

Un four commercial, malgré tout l'investissement financier. Des mois et des mois à peaufiner le Grand Oeuvre. Et non pas, comme ce qui reste des Guns'n'Roses, à trouver trois chansons pour le débile Chinese Democracy. Non, du travail, de la recherche, de l'aboutissement, des doutes, des avancées. Pour à peine 45 minutes de pur bonheur. De bonheur pour qui ? Pour quelques initiés. Même si cet album contient toutes les recettes qui feront les choux gras des Eagles (au hasard, mais Gene Clark était pote avec Bernie Leadon, qui ne perdra rien de la leçon... mais se fera évincer avant la timbale Hotel California, y'a une justice...). Et de cinquante mille groupes en devenir qui peuvent encore piocher les mille idées non exploitées là-dedans. Une véritable cathédrale, dans laquelle on ne se lasse pas de venir se recueillir. D'y observer les bas-reliefs, les voutes... Une production miraculeuse, des arrangements osés, par-dessus le marché. Et les bonus tracks (quelques démos, des alternate takes), sont là pour magnifier le bonhomme, même si on peut les jeter après écoute, par respect pour l'oeuvre finale : tout était déjà dans sa tête, au départ, et il a cherché, cherché.... Pas le genre à glandouiller en studio. Plutôt le genre à ciseler et peaufiner. Ca prendra le temps que ça prendra, mais il en sortira ce que j'ai dans la tête, rien d'autre.

Bien sûr, ça fleure bon le country-rock, mais ça part dans tous les sens avec un déluge d'inventivité et sans a priori (No Other, Strengths Of Strings par exemple). Et les ballades sont incroyables (Silver Raven). Tout est là, de cette mouvance rock californien à tendance (un peu) roots de l'époque, laissant sur place les ténors du genre parce qu'empli d'une émotion inédite chez les cadors du genre.

Mais la perfection n'est pas de ce monde, et l'indifférence de la plèbe à la sortie du truc aura raison d'un Gene Clark, qui finira sa vie à végéter et décrépir doucement, malgré quelques soubresauts, avant de claquer d'une crise cardiaque à 46 ans dans l'indifférence définitivement générale en 1991 (juste avant que David Geffen ne s'achète une île dans les Caraïbes grâce à Nirvana).

Sur sa tombe, figure ceci :

Harold Eugene Clark - No Other


PS : le blog est en berne jusqu'à mercredi prochain. Ca vous laisse tout le temps de déguster cet album dans votre baignoire, dans votre voiture, dans votre salon, mais pas dans l'avion, par respect pour le Monsieur. Je sais, ça fait dilettante, mais croyez bien que j'aurais préféré bloguer tout le week-end. Vieux papa qui pète les plombs, pas drôle. Mais ça vous regarde pas et c'est tant mieux pour vous. A bientôt les poteaux.

9 commentaires:

  1. Ensuite, tu écoutes un "petit" Chris Bell et tu t'envoles!
    Jimmy

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  2. ça me fait chier parfois le boulot, pas le temps de te faire un commentaire et sur cet album, j'ai tellement à raconter sur le plaisir et + que j'ai pris à son écoute, un des rares que j'ai écouté plusieurs fois d'affilée...
    tant pis

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  3. Hello Jeepeedee :)

    Merci pour cette piqûre de rappel...

    Bref, dans les Byrds tout est bon mais surtout les seconds rôles.

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  4. Merci de m'avoir fait découvrir cette perle. Je ne savais rien des opus en solo de Gene Clark mais cet album vaut son pesant d'or. L'atmosphère créée à son écoute fait qu'on se sent frustré quand c'est fini et que la seule solution est de le faire tourner en boucle. Attention à l'addiction!

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  5. @psegpp : si j'ai pu faire découvrir cet album à une seule personne, j'ai gagné ma journée. Merci pour ton commentaire.

    @tous : merci pour les vôtres, comme d'hab. Et c'est pas faux, ce que tu dis, LyC...

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  6. Que ces plages sont belles... et empruntes d'une certaine tristesse aussi.
    L'addiction est totale. J'ai comandé le CD.
    Vrai que dans l'ensemble, on croirait souvent entendre des originaux des Byrds. Mais il y a eu tant de groupes où les seconds couteaux valaient largement leur leader. Comme pour nombre de musiciens de studio.
    Ce qui me fait chier, c'est d'apprendre dans quelle indifférence le bonhomme nous a quitté il y a déjà une vingtaine d'années.

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  7. @psegpp : Je suis trop content, t'as acheté le disque ??? Quelle nique à Hadopi et à toute cette mouvance qui honnit ce genre de blogs, sous prétexte qu'on flingue "l'industrie du disque". Hé les gars, y'a qu'à nous sortir des "No Other" tous les mois et ça ira mieux. Et puis sois pas triste, je suis sûr que question indifférence, d'ici 4 ou 5 ans, y'a des Justin Bieber qui ont plus de soucis à se faire. Mon post grimpe dans le hit-parade des pages lues sur ce blog, et en devance bien d'autres. Il est toujours là, donc...

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  8. Magnifique Gene Clark. Tout est bon, son premier album solo, ses duos avec Dillard, son "White Light" émouvant et son "No Other". Il ne retrouvera jamais totalement son talent par la suite, ses problèmes de boisson et de drogue devenant très sérieux...

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  9. Je visite tes billets !!! je tombe sur ça !!! on est deux alors à avoir parlé de ce disque merveilleux ... je l'écoute régulièrement...poète folk country baladin maudit !!!!
    Génial ton billet

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