J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mercredi 7 septembre 2016

Mille milliards de concerts du Grateful Dead... (One down, Nine To Go)


Encore...

Ben oui, encore. D'abord parce que, si je compte à peu près bien, en supprimant la blagounette du Gentle Giant sans disque, j'en suis au 191ème article de ce blog, et que de fait, les dix à suivre seront consacrés non plus à un disque, mais aux artistes qui m'auront scotché ces cinquante dernières années. Attendez-vous donc à du banal (sans doute y parlera-t-on de Dylan...), tant pis pour les élitistes. J'essaierai en revanche de proposer de la fraiche, du grisbi, du matos à chaque fois. Enter donc les derniers en date de ma pathologie obsessionnelle, le Grateful Dead.

Je pensais voguer vers la guérison, et puis non. Plouf. Retombé dedans. Mais avant tout, cliquez donc sur Play pendant que vous lirez mes digressions inutiles. Nous sommes le 8 mai 1977, au Barton Hall d'Ithaca, état de New-York. Le Grateful Dead y donne ce que beaucoup considèrent comme le meilleur concert du groupe. Je me garderai bien d'y aller de mon couplet, que faire dès lors de la tournée européenne de 1972, des beaux restes de 1990, etc. Et que faire du concert du lendemain, dantesque également ? Et que dire de celui de Hartford, le 28 du même mois (disponible dans toutes les bonnes crémeries sous le titre vaseux de To Terrapin) ?

Non, sérieusement, les débats s'avéreraient stériles. J'ai choisi celui-ci car, ironie (?) du sort, on parle (encore) ici du Grateful Dead, en 1977 (l'année du punk et du disco, ha !). Si cela pouvait faire taire une bonne fois pour toute celles et ceux qui ont définitivement décidé de cantonner le groupe au statut d'éternels chantres (chancres ?) de Haight Ashbury, du mouvement hippie et des fleurs dans les cheveux san franciscains, cela constituerait déjà un grand pas.

Ce concert, comme des centaines d'autres, est disponible à l'écoute sur https://archive.org/details/GratefulDead. Et la bonne nouvelle, c'est que dans le cas précis du Dead, il est inutile ou presque de chercher le frisson ailleurs que dans les bandes de concert, dont on aura sans doute pas assez d'une vie pour les écluser toutes. A celles et ceux que le streaming agace, je me permettrai ici de livrer le secret de polichinelle permettant de télécharger tout ça en mp3 192 k en trois coups de cuiller à pot. Inutile donc d'engraisser l'industrie florissante du disque qui, dans le cas du Grateful Dead, ne s'est jamais mieux porté que depuis qu'elle fourgue tout cela "officiellement" à vil prix. Hop donc, je vous montre, et on discute :

Le concert dont on parle s'écoute ici :
https://archive.org/details/gd1977-05-08.111493.mtx.seamons.sbeok.flac16

Eh oui, streaming only, depuis 2009 (il était possible avant de tout engouffrer en mp3 ou FLAC). Streaming only ? Euh... ben non, et toc. Clic-droit sur le lien indiquant Stream Playlist VBR à droite, enregistrez-sous et hop, voilà un fichier m3u rappatrié sur votre ordinateur. Ouvrez-le avec le bloc-notes, et - oh les beaux liens qui apparaissent en clair ! Des choses comme :

http://archive.org/download/gd77-05-08.sbd.hicks.4982.sbeok.shnf/gd77-05-08eaton-d1t01.mp3

Copier/coller dans le navigateur, et hop c'est dans la boite. Il ne vous reste plus qu'à remplacer d1t01 par d1t02, d1t03... d3t07 et voilà le camembert dans la boîte. C'était mon cadeau du jour, ne me remerciez pas. Il ne vous reste plus qu'à flâner sur le site, et à faire votre marché.

Je vois bien que la plupart d'entre-vous, outre leur indifférence crasse pour le Grateful Dead, me plaignent secrètement. Oui, j'avoue, la pratique décrite ci-dessus relève du Trouble Obsessionnel Comportemental, et j'assume complètement. Mais outre le plaisir purement personnel que m'apporte ce syndrome médicalement bénin bien qu'inguérissable, visiblement, j'ai quand même quelques tonnes d'arguments à apporter. A rappeler. Je ne sais plus.

D'abord, il est facile - très facile, trop facile - de réduire le Dead à la posture d'un groupe hippie caricatural du Haight Ashbury des années 1967-68. Ne serait-ce que, tout simplement, parce que le groupe a continué à tourner jusqu'en 1995, avec, en plus, un succès de masse grandissant. Je veux bien que les américains soient tous des cons, à commencer par Donald Trump, mais cela cache quelque chose, non ? Que sont devenus le Jefferson Airplane, Quicksilver Messenger Service et quelques autres après quelques années de flowers in their hair ? hmm ?

Ensuite, ha oui, je vous vois venir : Dark Star. Ou The Other One. Playin' In The Band. Des machins qui tapent régulièrement la demi-heure. C'est oublier une multitude de chansons (j'ai bien dit chansons) que j'en connais des tas qui se damneraient pour en avoir ne serait-ce qu'une ou deux comme ça dans leur répertoire : Jack Straw, Brown Eyed Woman, Sugaree, Bertha, même... Touch Of Grey - leur mégatube planétaire décroché grâce à MTV (!) en 1987 (!!) (et toc, voir paragraphe précédent).

Remarquez que je n'ai même pas cité Uncle John's Band, Friend Of The Devil, Truckin' ou Box Of Rain, issues des deux albums alt-country que tout le monde s'accorde à aimer pour les mêmes mauvaises raisons qu'il déteste le reste. Workingman's Dead et American Beauty ne tiennent pas la rampe si on y cherche des vocalises à la Crosby Schtroumpf et Nash. Ce n'est pas ça qui rend ces disques (quand même) délicieux.

D'ailleurs, pour dire vrai, tous les albums du Dead sont ratés. Totalement (Go To Heaven, au hasard) ou partiellement (Blues For Allah, au hasard). Après avoir osé aller au bout de ce qu'un studio d'enregistrement pouvait éventuellement leur apporter (les bidouilles mixant live/studio d'Anthem Of The Sun, expérimentations à comparer au Revolver des Beatles ou au Pet Sounds des Beach Boys, those were the days), c'est finalement dans des versions live que les plus belles chansons paraîtront (Bertha, encore elle, au hasard). Pourquoi s'embêter, pourquoi s'arrêter de jouer pour enregistrer ? Touch Of Grey, LE tube improbable des années MTV, sera joué sur scène dès 1983, tu m'étonnes que la version studio soit carrée, quatre ans plus tard.

Mais j'ai bien compris que je ne convaincrai personne. Je cherche juste à comprendre pourquoi le Grateful Dead souffre d'une indifférence crasse en France (autant sans doute qu'en Belgique ou en perfide Albion, d'ailleurs).

Et c'est justement en traînant mes guêtres parmi les mille milliards de bootlegs proposés ci-dessus que j'ai compris, je pense. Va-t-en savoir pourquoi, peut-être parce que faire preuve de curiosité en écoutant Sunshine Daydream vous pousse à en enfourner un autre, toujours est-il que je me suis mis à adopter un comportement obsessionnel à l'insu de mon plein gré. A commencer à classer mes périodes préférées, et parmi celles-ci, mes versions préférées de telle chanson, ce genre de choses. Capable de ne pas dormir de la nuit à l'idée de ne pas pouvoir départager un Jack Straw de 1977 avec un Chinese Cat Sunflowers de 1972, de rester hypnotisé par la version d'Uncle John's Band à Dijon en 1974. En fait, je me suis mis à devenir un Dead Head tout simplement en vivant par procuration ce que mes cousins d'Amérique ont vécu pour de bon, à savoir suivre le Grateful Dead sur des dizaines de concert d'affilée. Chose impossible dans la vieille Europe (sauf en 72, 74 et 90), les disques - encore une fois - étant accessoires, jusqu'à la prolifération des Dick's Picks, Dave's Picks et autres Download Series.

L'homme étant mauvais et par nature et par usage, c'est donc à ce voyage que je vous invite. Laissez-vous aller, vous avez le droit de zapper (systématiquement, même) les séquences Drums/Space quasi-systématiquement insupportables, pour ne retirer que le poison qui se distille de ces putains de chansons, car c'est, malgré les Dark Star de 45 minutes, ce qu'il faut retenir. Et tant mieux, si, parfois, elles dépassent la demi-heure. Plus c'est long, plus c'est bon. Et peut-être, en écoutant par-ci par-là tout ce magma, se rendre compte que le Dead n'aura été hippie qu'un été, ou presque, sur une carrière de trente années.