J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mardi 30 décembre 2014

#176 : Prince Charles and the City Beat Band "Stone Killers" (vinyle rip)

En 1982, il n'y a plus rien. Led Zeppelin s'est désintégré ans le vomi de John Bonham. Le rock est devenu un phénomène de foire grâce (?) à Van Halen et autres. le Clash, qui avait tout compris à l'Angleterre de la fin des années 1970 n'y comprend plus rien non plus et ne va pas tarder à s'auto-saborder dans un Combat Rock perdu d'avance (Should I Stay Or Should I Go ? Ben go, les gars...). L'Angleterre blanc-bec lèche ses blessures dans une cold-wave dépressive, et Ian Curtis n'aura jamais eu ni le temps ni l'énergie de relever le défi. C'était pendu d'avance.

Le seul à avoir tiré son épingle (à nourrice du jeu) sera le comique-troupier Captain Sensible, qui cartonnera (et c'est bien fait) avec son Wot ?!! jouissif, drôle et bien envoyé. Et pourtant le coup était facile. Les Chic et autres Grandmaster Flash arrivaient, il lui avait suffi de trouver un truc dans le genre un peu moins médiatisé, bref, pomper allègrement le Don't Fake The Funk qui ouvre cet album de Prince Charles and the City Beat Band.

Les noirs allaient enfin gagner. Tout rafler. Cash Money.

Après s'être fait plumer le blues par des blanc-becs qui allaient décupler la mise tout au long des années 1970, ils n'allaient pas se faire avoir une deuxième fois. Il faudra attendre les années 2000 pour qu'un whitey ose rapper sans se faire dézinguer, et ce avec la bénédiction du Dr Dre. Eminem sera à peu près le seul toléré à lécher le fond de la gamelle. Pour l'heure, il s'agissait de reprendre la main et poser les règles de tout ce qui allait suivre. Définir le son du XXIème siècle, et surtout garder la monnaie. James Brown avait préparé le plan de bataille, il ne restait plus qu'à déclarer la guerre. Du côté de Detroit, on allait s'accaparer les boites à rythme Roland et jeter une bonne fois pour toutes les bases de la techno et de ses futurs ersatz (house, electro, que sais-je encore).

Du côté de NYC la festive, et non de Minnéapolis, un certain Prince Charles va dépoussiérer le funk et définir en un album (que dis-je ! une face d'album !) ce que sera l'electro-funk, le new beat à venir. Enfermez votre gonzesse et vos filles, prévient-il sur le dos de la pochette, ça va groover. Que ça vous plaise ou non, voici le son de demain.

Et de jeter un pont entre le passé (le funk "classique", guitares qui cocottent, basse moite) et le futur (les boites à rythme, les synthés qui grincent), sur deux faces bien distinctes. Que ça vous plaise ou non.

Et le gars à des trucs à dire, ou plutôt à envoyer. La face A dure rien moins que 28 minutes, un exploit pour un vinyle. Du coup, le son est compressé, sec et ramassé. Le machin a été mixé pour être joué fort, au risque d'en perdre des miettes si les watts ne compensent pas le mix. Un peu à l'image du Led Zep III, toutes les idées sont bonnes à prendre (l'homme n'hésite pas, par ailleurs, à balancer des soli de flûte traversière (Cash Money) à renvoyer Ian Anderson à la niche). Ce disque se veut comme un plaidoyer pour la musique afro-américaine, un disque rebelle, revanchard, osé et moderniste. Don't call me nigger, whitey !

Bien sûr, tout cela ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd ni d'un nabot de Minneapolis (l'autre Prince) qui battra sa carrière sur la face B de cet album. Plagiat ? Lèse-majesté ? Que nenni, il semblerait que la quête de Prince Charles se soit achevée telle qu'il l'avait souhaité. Car l'animal sortira un dernier album, en 1984, et disparaîtra du devant de la scène, non pas pour crever lentement dans la dope, la prostitution ou la pègre, mais pour, après avoir jeté les bases du renouveau de la musique black, et laisser les copains s'en inspirer goulument, tirer les ficelles depuis la console de mixage. Le point névralgique des années à venir. L'heure ne sera plus jamais aux exploits pyrotechniques d'un Jimi Hendrix, les machines joueront suffisament carré pour qu'un James Brown n'ait plus à infliger d'amendes à des musicos par trop approximatifs. On peut s'en réjouir, ou le regretter. Comme le dit Prince Charles lui-même dans la note de pochette, this is the new R&B wether you like it or not. Un coup d'oeil sur la page wikipedia du monsieur vous confirmera qu'il avait tout compris. Grammy Awards, Victoires de la Musique a gogo, l'homme aura tout raflé en tant que producteur (Puff Daddy, Mary J. Blige, et même cette vieille folle de Sting qui recherchera une crédibilité bien entamée auprès du Monsieur).

Mais tout ça, c'est pour la petite histoire. En pratique, et puisque demain soir c'est le réveillon, voici un putain d'album de funk torride (forcément torride, vous connaissez du funk mou du genou vous ?), un de ces disques maudits des DJ (tout est bon, pas besoin de changer de morceau) qui devrait vous sauver la mise. Pour les petits frenchies qui se touchent à Versailles, j'ai laissé le vinyle crachoter un peu, ça fera plus frime sur vos samples. Let's dance !

All the ladies go miaaw, all the men go woof-woof !

Don't Fake The Funk.

samedi 27 décembre 2014

#175 : Foxygen "We Are The 21st Century Ambassadors Of Peace And Magic"

En ces périodes de fête, on bouffe n'importe quoi, n'importe comment, et c'est ça qui est bon. Trop de foie gras, trop de chocolat, beaucoup trop d'alcool, comme si le vieil adage - ce qui est pris n'est plus à prendre - semblait calmer nos angoisses à la veille d'une nouvelle année. Comme si, le fait de passer du 21/12 au 01/01 signifiait qu'on remettait les compteurs à zéro, qu'on tentait le super-banco au risque de tout perdre. Alors on se plait à entendre le coucou chanter avec de la monnaie dans sa poche, on accroche du gui au plafond, en attendant de faire sauter les crêpes avec un louis d'or dans la main, de fêter la résurrection du Christ avec des fayots (les apôtres ?) et du mouton (nous-même ?). On est presque content d'acheter des chrysantèmes plutôt que de se les faire offrir quand les frimas reviennent...

Bref, on ritualise nos angoisses comme on peut, jusqu'à laisser Facebook publier un petit récapitulatif de nos "j'aime" de l'année, comme s'ils avaient à eux seuls constitué et résumé les événements marquants du passé...

Du symbolisme en veux-tu en voilà, ça nous rassure, ça nous angoisse gentiment aussi (les Illuminati nous guettent, mais bon, on aura fini de payer la télé avant...).

Alors voilà un disque parfait pour cette époque de crise de foi(e). Impossible de passer à côté de la pochette, et encore moins du titre. Ambassadeurs de la paix et de la magie du 21ème siècle. Le pauvre Lou le chantait déjà sur son ténébreux Magic & Loss. I need magic, I don't wanna die... Un peu de magie dans ce monde de brute. Un peu d'irrationnel, je sais pas moi, rencontrer un vrai ami grâce à Facebook, télécharger une version pirate de Photoshop qui fonctionne, n'importe quoi, pour échapper au quotidien forcément banal (le mac qui pète 15 jours après la fin de l'Apple Care, des choses comme ça).

Pour être honnête, j'ai découvert ce disque dans les chiottes en lisant le hors-série de Rock & Folk. Dans un endroit donc ou tout un chacun est prêt à laisser ses espoirs, ses envies et ses rêves, avec un magazine sur les 500 meilleurs disques du monde, dont on possède les 399 premiers (en gros, tous ceux d'avant 1985, au hasard) et dont on se fiche du reste.

La suite est encore plus magique : par flemme de télécharger le boudin qui comme tant d'autres ne vaut même pas 80 Mo sur un disque dur, une écoute sur Spotify en passant le balai (une grande journée pour moi, vous l'avez deviné !), et... ben replay. Replay sur Spotify !!! Sans blague, je crois que ça ne m'est pas arrivé souvent.

Tout ça pour dire que ce n'est pas, contrairement à ce qu'en dit Rock & Folk, un album essentiel dont on se souviendra dans 10 ans. Mais qui donc pourrait, en 2014, écouter Sergent Pepper ou Fun House en boucle, comme ça ? Pas moi. Les Foxygen (ce nom !) font bien mieux que ça : ils sortent un album  qu'on va consommer comme une boite de Pyrénéens, jusqu'à en avoir mal au ventre et à n'y plus toucher jusqu'aux Ferrero de l'an prochain. No Future pour les Foxygen, ne me parlez pas du groupe du siècle. Mais pour moi, pour aujourd'hui, et jusqu'à demain, c'est parfait. Je viderai sans doute la corbeille sans regret, mais bon, comme disait l'autre, carpe diem.

A quoi ressemblent-ils ces zazous ? A des petits rigolos qui ont tout compris. Ambassadeurs de la paix et de la magie ? Oui, un peu comme si là, au 31 décembre, nous allions basculer en 1967. Vous admettrez que la tâche n'est pas facile, sorte de Graal du groupuscule nostalgique, nourri de bon goût et pavé (voire planté par) de (trop) bonnes intentions. Sauf que là, au copier/coller bêta qui ne dure qu'un temps (remember Lenny Kravitz et Oasis ?) nos petits magiciens provisoires semblent adapter la méthode bien comprise de l'oulipo, la littérature sous contrainte d'où nait une nouvelle création à la fois complètement fêlée mais aussi globalement maîtrisée. Je m'explique : prenez une bonne chanson, un bon titre (San Francisco, au hasard, fallait oser !) collez-lui la contrainte d'appliquer à la lettre les arrangements de Hello Goodbye - au hasard (In The Darkness), mais ça marche aussi avec Under My Thumb (On Blue Mountain) ou... San Francisco (enfin, Be Sure To Wear Some Flowers In Your Hair pour les puristes non Johnnyphiles) avec San Francisco (petits crétins ! voyou !). Ben figurez-vous que si la matière de base est solide, la méthode fonctionne et le nostalgique comme le nouveau venu y trouvent leur compte. Si la chanson est bonne, comme disait l'autre. Sinon, bien entendu, c'est le fou-rire assuré. Ceci dit, nous sommes bien d'accord, cela ne fera pas de vous l'auteur d'un prochain Rock Bottom ou Egge Bamiyasi. Simplement, cela fait illusion, et dans notre monde si rationnel, de l'illusion à  la magie, il n'y a qu'un pas. Tout ça ressemble malgré tout à - disons - des Flaming Lips jouant à "dessinez c'est gagné".

Ceci étant, la chose ne manque pas d'attrait, et pour les nostalgiques des jours de paix, d'amour et de musique, cela devrait leur permettre de calmer leur angoisse le soir du 31 : oui, il y aura encore et toujours des trucs qu'ils pourront adorer l'espace d'un instant en 2015. John Lennon Uber Alles.

Ceci dit, pas d'affolement, les Foxygen sont déjà morts. Ils viennent de sortir le même album (en y utilisant la méthode Beach Boys et Dylan façon Sad-Eyed Lady Of The Lowlands, notamment). Il s'appelle très justement ...And Star Power (nos Ambassadeurs sont semblerait-il sur la route du succès (plus de 3 millions d'écoute sur Spotify rien que pour San Francisco), les masses vont adorer pendant six mois et basta). Les curieux avides de télécharger deux fois la même chose trouveront leur nouvel opus au supermarché, mais je vous préviens, rien ne vaut la première gorgée de bière comme disait le père du phoque pleureur. La suite a déjà le goût du dernier marron glacé qu'on a oublié dans la boîte et qu'on mange par acquis de conscience parce qu'il ne faut pas gâcher.

No Destruction.

PS : je dédie ce post à l'ami Jimmy, reviens-nous vite, c'est pas mes deux posts tous les six mois qui vont consoler les copains !