Toute ressemblance avec
The Eraser ne serait pas totalement fortuite. C'est l'avertissement qui aurait dû être "stické" sur la pochette du premier
Atoms For Peace qui n'est en fait, intrinsèquement, que la suite avec groupe, la conséquence naturelle, du premier album solitaire du frontman de
Radiohead,
Thom Yorke.
Et ce n'est que logique quand on sait qu'à la genèse de la formation se trouve un ensemble monté pour jouer
The Eraser justement, live en l'occurrence et que, suite à la tournée, sur une jam de trois courtes journées où
Yorke proposa à "ses hommes" de recréer des pièces électroniques sur lesquelles il travaillait, fut enregistré ce qui constitue le squelette d'
Amok. Squelette parce que les efforts subséquents et combinés de
Yorke et son acolyte de producteur,
Nigel Goldrich, à arranger, triturer, bichonner la source pour la rendre telle qu'aujourd'hui parue.
Au lieu de ça, pour revenir à notre histoire de "sticker" (vous suivez toujours ?), promotionnellement, la présence du bassiste historique des
Red Hot Chili Peppers et maître es-4 cordes incontesté,
Flea, est évidemment mise en avant, c'est un peu excessif et les ficelles sont un peu (trop) grosses (pour fonctionner) mais, bon, rien que de très prévisible...
Sur la musique, on dira qu'
Amok n'est pas loin d'une électronique maladive et concassée qui évoquera des paysages familiers aux auditeurs de
Venetian Snares ou d'
Aphex Twin, sauf qu'elle est ici confrontée à des instruments plus classiquement rock tenus, en l'occurrence par le précité
Flea (basse),
Joey Waronker et le brésilien
Mauro Refresco respectivement batteur et percussionniste, deux professionnels aux "credentials" chargés. Et par
Thom Yorke himself qui y tâte de la six-cordes en plus de la voix et de claviers et "électrotucs" divers et variés. Le résultat, "l'animal" serait-on tenté de dire, ne s'apprivoise pas avec facilité... Même la voix de
Yorke, re-texturée, déformée, superposée, n'y est pas l'habituel élément accrocheur mais un élément d'un panorama sonore attractif si tenant souvent de l'abstraction.
Il y a des moments de pure grâce, bien sûr !, qui vous pètent à la tronche dès la première écoute comme le morceau d'ouverture,
Before Your Very Eyes, où, outre une splendide mélodie de
Yorke, planante à souhait, des "blip-blops" et autres "bzzz-bzzz" electros bienvenus, un côté rythmiquement afro cousin de
Vampire Weekend, on découvre l'extraordinaire (je pèse mes mots) travail de
Flea qui, omniprésent sans jamais être envahissant, dubbant presque, habitant le morceau, l'enracine de sa basse splendeur.
La suite, d'expérimentations très réussies en pièces plus identifiables au format chanson, cherche toujours, trouve souvent sans jamais égaler l'initial tour de force. Attention, pas de méprise, écoute après écoute, tout l'album se bonifie et, in fine, satisfait. Et il y a toujours, pour contrebalancer l'aridité expérimentale d'une musique formellement prospective, ce petit quelque chose de
Radiohead (la patte mélodique de
Yorke, reconnaissable entre mille) pour adoucir le trip, faciliter la montée... Et
Flea, donc, et les deux rythmiciens qu'on n'oublie pas, qui complémentent à merveille le canevas proposé par leur leader.
Evidemment,
Amok ne plaira pas à tous, et ceux qui aiment leur
Yorke en mode "heroic rock" en seront pour leur frais. Parce qu'
Atoms for Peace ne cherche pas tant à séduire qu'à avancer, repousser les limites. Et le fait avec suffisamment de grâce, de talent et d'intelligence pour nous tenir en haleine et, même !, nous laisser rêver à un improbable volume 2...
1. Before Your Very Eyes... 5:47
2. Default 5:15
3. Ingenue 4:30
4. Dropped 4:57
5. Unless 4:40
6. Stuck Together Pieces 5:28
7. Judge, Jury and Executioner 3:28
8. Reverse Running 5:06
9. Amok 5:24
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Thom Yorke: vocals, keyboards, programming, guitars, piano
&
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Nigel Godrich: programming, production
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Flea: bass guitar
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Mauro Refosco: percussion
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Joey Waronker: drums
Manmachine or the Eraser Too