J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mardi 31 octobre 2017

#210 Hüsker Dü "Zen Arcade"

NOTO BENETS : Je jure, crache, promets que ce post, rédigé avant-hier et gardé au chaud le temps de laisser chanter Christy n'a rien à voir avec une éventuelle tentative de piraterie du blog de Jimmy, ou je retrouve ce disque posté hier (enfin, aujourd'hui , quand je lis ça quoi, mais demain quand vous lirez ça...). Du coup je le sors du four avant l'heure... Les grands esprits... Dingue quand même cette affaire

Parce que vu le pavé envoyé il y a quelques jours, il ne faudrait quand même pas imaginer que je noie mon chagrin dans le spleen gaélique à toute la journée. Et puis mes amis russes sont pleins de resssources :

- Dimitri il aime bocou Houskair Dou quand il attaque la deuziome bouteille de vodka, pour discouter avec ses amis tchétchènes, alors pouisque tou aimes le soung braiting (mes amis russes lisent très peu les Inrockuptibles, NDLR), ça debré te plaire. La guitare est joulie sur troisième chanson.

 Avec des arguments pareils, impossible de refuser l'intégrale du , si ? J'ai donc téléchargé avec un sourire poli (les russkofs ont quand même mon adresse IP, merde), peu certain qu'après toutes ces années, du punk rock du beau milieu de terribles années 1980 puisse encore m'émouvoir. Et puis la crainte de revenir sur de beaux souvenirs, aussi. Avant Nirvana, bien avant, ces gars-là tenaient la dragée haute à pas mal de monde, et semblaient même intouchables. Quid, aujourd'hui, alors qu'on a tous oublié Sugar (ouf, plus besoin d'être polis) et que bientôt on osera dire que Sonic Youth c'est casse-pied la moitié du temps (Que c'est d'ailleurs pour ça, au passage, que l'album culte de Sonic Yourh, Daydream Nation, est un double-album) ?

Ben disons que, Dimitri, tu vois, t'aurais même pas besoin de vodka avec ça. Enfin si, je sais, ça te calme, la vodka. Mais mazette, quoi, plus de trente ans après, le truc n'a pas pris une ride ni une once de gras. N'a pas ralenti dans les virages. Pride est toujours aussi jouissive. Et c'est pourtant un double-album - les petits gars tiennent la cadence sur 70 minutes.

Alors il est où le miracle ? La recette ? Le pourquoi du comment ?

Du pourquoi de comment y'a pas. Ce truc est construit comme un OVNI, donc de ce côté-là l'affaire est réglée. Quand bien même le jeune Bob (pas l'incontinent qui dans son Alzheimer se prend pour Jacques Martin, Bob le Mould) se fend d'un concept album (ha ! la tronche des gars de Yes ! matez le concept album les endives ! Ca gratte hein !) qui consiste en gros à faire passer le message ô combien voltairien quoique vous en pensiez, y'a toujours pire ailleurs, chouette époque on vous dit.

La recette ? Non mais David Geffen sors de ce corps ! T'amenais une calculatrice au studio, Grant Hart il faisait une crise d'épilepsie. What's going on inside my head ? On se pose toujours la question, en tapant du pied. Ce que bien d'autres auraient caché/censuré/évité, les le mettaient en avant. Pains, jams, premières prises, dans ta face connard. Paf.

Le miracle ? Sans effets. Ecoutez l'intro à la batterie de Something I Learned Today qui ouvre le disque et vous aurez tout compris. Pas un pet de reverb, pas un reflet kitsch sur la caisse claire. Non, direct le truc. Et pareil pour la basse. Et la guitare, à fond la guitare, évidemment qu'il y a de la disto, y'a même que ça  mais c'est tout. P-U-N-K. Alors évidemment, quand on supprime tout ce qui - une fois la mode passée - sera démodé, on travaille pour l'avenir mes amis. Même si dans cette bouse de vie, l'avenir ça fait peur. Alors on planque tout. Les mélodies imparables (Standing By The Sea, Somewhere, oh et puis Pink Turns To Blue, incroyable, et puis... toutes les chansons, en fait) quelqu'un finira peut-être par les trouver ? En tout cas on risquera pas de marcher dessus par hasard même si elles deviennent un peu plus faciles sur la fin, comme si le masque brutal de la timidité tombait petit à petit, comme si... on était entre nous, ayant découragé les curieux une fois les premiers brûlots expédiés.

Alors évidemment, ils en vendront 400, des albums, dont un à Kurt Cobain. Enfin, au moins un. Je serais pas étonné qu'il l'ait usé jusqu'à la corde. Et on comprend mieux son problème quand on a grandi avec ça, qu'on veut faire le même à son tour sauf qu'on devient la coqueluche de millions d'abrutis pour qui Zen Arcade ça doit être sorti chez Nintendo à l'époque, non ?

23 chansons. Qui, ralenties, travaillées, auraient pu lancer 23 carrrières, en plus de celle de Nirvana. Cachées sous une pochette moche, grimées par la vitesse, salies par une production boueuse qui - ne riez pas - rend aujourd'hui la remasterisation du catalogue problématique (je n'invente rien, je l'ai lu). Un peu comme ce dessin que le gosse planque du revers de son bras. Regarde pas, l'adulte, tu comprendrais pas, tu sais même pas rêver. The Toothfairy And The Princess, tu peux même pas l'imaginer.

- Vladimir a dit moi Krouchtchev lui aimait bocou Housker Dou, il disait ça être bon pour tracasser Reagan me confie Dimitri pendant que déjà mes autres amis russes pogotent sur Turn On The News. Ca sent la fin, déjà, avant les 14 minutes (!) du kasatchok final complètement schizophrène de Reoccuring Dreams. Ce qui, au passage, nous rappelle que cela ne laisse que 56 minutes pour les 22 autres morceaux (quand je vous disais qu'il n'y avait pas de graisse)... Merci donc les copains, j'avais été tenté par celui-là, initialement par simple curiosité nostalgique, mais je vais de ce pas me remettre Candy Apple Grey et tous les autres dans les mirettes.

Ah et puis cette chronique est dédiée à l'ami Keith Michards. Premier à avoir commenté le post sur Christy Moore, je ne pouvais que chercher quelque chose d'assez délicat à ses papilles.

A bon entendeur...

Edith, encore merci d'avoir lu malgré la redite. Tiens, c'est pour toi - je sais que tu aimes les surprises. Les bonbons, les pommes, tout ça...

dimanche 29 octobre 2017

Christy Moore (five down, five to go...)

Dans la série "les 10 bonhommes qui ont le plus tourneboulé votre serviteur", nous voilà déjà au 5ème. Monsieur Christy Moore. Je dis Monsieur et ça n'est pas souvent, remarquez-le bien. Depuis 1969 que le bibendum irlandais se sort de tous les faux pas, au point, en 2016, de sortir un Lily des plus honorables. A part Dylan jusqu'à ses pertes de mémoire (pour ne pas user de métaphore physiologique) qui commencent déjà à dater (Shadows In The Night et autres jazz d'eau) je ne vois guère de monde à le concurrencer, si ce n'est peut-être son compatriote Van the Man, qui semble vouloir se remettre à faire des disques écoutables ? Parce que bon, si les Stones ont rattrapé le coup des Satanic Majesties en 1967, il faut bien dire que Emotional Rescue (1979... purée) leur fut fatal ou presque.

Christy Moore lui, s'est amusé à tutoyer des sommets - et pas de simples collines irlandaises - avec Planxty ou tout seul comme un grand et à nous faire sentir le mauvais goût de ses gueules de bois en direct (fin des années 80, comme tout le monde ou presque) mais s'est à ce jour toujours sorti de ses faux pas, et dieu sait s'il y 'en a eu, et puis si les irlandais avaient toujours goût, ça se saurait et c'est eux qui auraient inventé le camembert, ce qui n'est pas le cas, CQFD.

Plus sérieusement, avec son physique presque caricatural, s'il fallait quelqu'un pour incarner la ballade irlandaise, bien mieux que Bourvil, le Christy est votre homme. Capable de tirer des larmes à des crocodiles bourrés à la Guinness, y'en a pas deux comme lui. Alors bien sûr, il est parfois un tantinet pénible quand il veut sauver l'Irlande, la veuve, l'argent de la veuve et l'orphelin, à un point que même Victor Jara aurait préféré qu'on lui coupe les oreilles plutôt que d'entendre tout ça, mais heureusement pour vous, le Jeepee a tout compilé. Tout retrouvé (avec l'aide de quelques amis russes que je remercie au passage), tout pesé, tout ré-estimé. Et parce que le bonhomme le mérite, ce sont là 70 chansons plus une en bonus, pour quelque 730 Mo quand même, qui vont vous fendre votre petit cœur d'artichaut (la celte Bretagne n'étant jamais loin, si l'on en croit le Trip To Roscoff ici présent) faute de vous faire taper du pied. Au moins un titre par album (pas toujours facile quand certains sont vraiment TRES mauvais - genre Voyage), parfois quatre ou cinq ou plus (The Time Has Come) parce que ça n'était pas possible de trancher dans le lard, le Christy ayant la couenne trop épaisse, escapades Moving Hearts et Planxty incluses (enfin, uniquement celles chantées par notre ladre, on s'occupera d'Andy Irvine un autre jour voulez-vous ?), tout ça classé par ordre chronologique, du skiffle rigolo de Paddy On The Road de 1969 à l'émouvante Lily de 2016.

Alors bien sûr cela reste une compilation, même s'il vous faudrait bien fallu quatre ou cinq CD pour caler tout ça dans une autre vie, mais je pense que tout ou presque y est. Certaines choses apparaissent tardivement, dans des versions live (Metropolitan Avenue, par exemple, qui gagne en sobriété - ce qui suffisamment est rare chez les irlandais pour être cité ici), d'autre y sont carrément deux fois (Only Our Rivers, par exemple, dans sa version planxtiesque et en solo en 1983, car symboliquement à cette époque notre homme voulait montrer à tout le monde qui c'était le chef), l'homme ayant en commun avec Manset d'aimer revenir sur ses faits (qui a dit par manque d'inspiration ou par intérêt commercial ?), et oui il manque peut-être quelques facéties, cette compilation étant plus tournée vers la ballade qui vous tire des pintes de larmes que vers la gigue.

Il y a même des choses très mauvaises : un Dark End Of The Street histoire de justifier l'arrêt immédiat de Moving Hearts ainsi qu'un featuring de U2, vite rattrapé par la même chanson sans les andouilles de Dublin (le but pervers de votre serviteur étant évidemment de... enfin vous m'avez compris quoi, Vire vaut bien Dublin, surtout question andouilles). Et ceux qui croient connaître, à ceux-là je dirai : sais-tu que tu y trouveras la version 45 tours de On The Blanket avec - justement - Moving Hearts ? Ainsi que They Never Came Home, censuré par WEA à l'époque de Ordinary Man ? Et le 1er 45 tours de Planxty ? Tout ça tagué par année, ça va de soi. Bon, alors, camembert.

Et pour les curieux, non, Shine On You Crazy Diamond en version folkeuse n'a rien de ridicule même si faut avoir les épaules larges pour s'attaquer à celle-là, et le bougre est peut-être même le seul à s'y être osé. Pour les esthètes, Christy Moore a toujours été pote avec Shane Mc Gowan, contrairement à Van Morrisson, et l'a fait savoir très vite (A Pair Of Brown Eyes), à la même époque ou l'autre a fait son caca nerveux (Irish Heartbeat, enregistré au musée avec les Chieftains). Enfin, non content de rendre hommage à Syd Barrett, Christy s'est aussi fendu d'une ballade pour le pote Rory Gallagher. Un bon gars, je vous dis.

Alors pour finir, les fans branchouilles sur le retour qui font semblant de se faire pipi dessus en écoutant Nick Drake, John Martyn et les autres, qu'ils reviennent me voir après s'être enfilés January Man (la plus belle chanson du monde, tout simplement), The Boys Of Barr Na Sraide, Little Musgrave, Tyrone Boys et Folk Tale. On en discutera devant un lexomil.

Vous savez donc quoi écouter pendant les cinq prochaines heures. Elles devraient être bien douces. Je vous envie, ceux, là, vous, qui allez découvrir tout ça.

Vite, ça dure que huit jours ce truc.

Et pour ceux qui hésiteraient ou qui ne croiraient pas au père Noël, la set-list est ici (Planxty est vert et Moving Hearts est orange) :

Paddy On The Road (1969 – The Box Set 1964-2004)
The Curraghs Of Kildare (1969 – Paddy On The Road)
Spancill Hill (1972 – Prosperous)
The Cliffs Of Dooneen (1972 – Prosperous)
Three Drunken Maidens (1972 – single A-Side)
The Raggle Taggle Gypsy (1973 – Planxty)
Only Our Rivers (1973 – Planxty)
As I Roved Out (1973 – The Well Below The Valley)
The Well Below The Valley (1973 – The Well Below The Valley)
The Lakes Of Pontchartrain (1974 – Cold Blow And Rainy Nights)
One Last Cold Kiss ( 1975 – Whatever Tickles Your Fancy)
The Moving On Song (Go ! Move ! Shift !) (1975 – Whatever Tickles Your Fancy)
January Man (1975 – Whatever Tickles Your Fancy)
Johnny Jump Up (1976 – The Box Set 1964-2004)
Nancy Spain (1976 – Black Album)
Ninety Mile From Dublin Town (1978 – H-Blocks)
Black Is The Color (1978 – Live In Dublin)
The Boys Of Barr Nà Stràide (1978 – Live In Dublin)
Bogey’s Bonnie Banks (1978 – Live In Dublin)
Trip To Jerusalem (1978 – The Iron Behind The Velvet)
Dunlavin Green (1978 – The Iron Behind The Velvet)
The Good Ship Kangaroo (1979 – After The Break)
True Love Knows No Season (1980 – The Woman I Loved So Well)
Hiroshima Nagasaki Russian Roulette (1981 – Moving Hearts)
Irish Ways & Irish Laws (1981 – Moving Hearts)
No Time For Love (1981 – Moving Hearts)
Dark End Of The Street (1982 – Moving Hearts)
All I Remember (1983 – The Time Has Come)
Faithfull Departed (1983 – The Time Has Come)
Nancy Spain (1983 – The Time Has Come)
The Time Has Come (1983 – The Time Has Come)
The Wicklow Boy (1983 – The Time Has Come)
Only Our Rivers Run Free (1983 – The Time Has Come)
Lord Baker (1983 – Words & Music)
I Pity The Poor Immigrant (1983 – Words & Music)
Ride On (1984 – Ride On)
Back Home In Derry (1984 – Ride On)
On The Blanket (1984 – single A-Side)
Ordinary Man (1985 – Ordinary Man)
Sweet Music Roll On (1985 – Ordinary Man)
St Brendan’s Voyage (1985 – Ordinary Man)
Quiet Desperation (1985 – Ordinary Man)
They Never Came Home (1985 – Ordinary Man outtake)
Deportee (1986 – Spirit Of Freedom)
The Other Side (1987 – Unfinished Revolution)
Natives (1987 – Unfinished Revolution)
A Pair Of Brown Eyes (1987 – Unfinished Revolution)
The First Time Ever I Saw Your Face (1989 – Voyage)
Smoke & Strong Whiskey (1991 – Smoke & Strong Whiskey)
Easter Snow (The Collection 81-91)
Before The Deluge (1993 - King Puck)
Welcome To The Cabaret (1994 - Live At The Point)
The Knock Song (1994 - Live At The Point)
North & South Of The River (1995 - w/ U2)
North & South Of The River (1996 – Graffitti Tongue)
Rory Is Gone (1996 – Graffitti Tongue)
Tell It Unto Me (1999 – Traveller)
So Do I (2001 – This Is The Day)
Wandering Aongus (2002 – Live At Vicar Street)
Metropolitan Avenue (2002 – Live At Vicar Street)
Little Musgrave (2004 – Planxty Live 2004)
Changes (2005 – Burning Times)
Sacco & Vanzetti (2006 – Live At The Point)
Sonny’s Dream (2006 – Live At The Point)
Barrowland (2009 – Listen)
Shine On You Crazy Diamond (2009 – Listen)
Listen (2009 – Listen)
Tyrone Boys (2011 – Folk Tale)
Farmer Michael Hayes (2011 – Folk Tale)
Folk Tale (2011 – Folk Tale)
Lily (2016 – Lily)
BONUS : Where I Come From (live - Late Late Show 2014)

Enfin, pour ceux qui lisent jusqu'au bout, un lien alternatif au kazoo :

zip, zip, re-zip et encore zip !

vendredi 20 octobre 2017

#209 : Castelhémis "Armes Inégales"

Imaginez. Enfin si vous y arrivez. Si Léo Ferré, en lieu et place de sa légendaire crinière de fauve anarchiste avait eu le physique de - au hasard - Fernandel ou Bourvil. Imaginez-le maintenant déclamer Le Chien avec ce nouveau minois. Avouez que ça manque cruellement de superbe. A la place du regard fuyant et torve de Lou Reed, calez la tronche de Patrick Sébatien et imaginez l'hydre ainsi créée interpréter Heroin. Vous me direz que si Marianne Faithfull avait eu le physique de Maité, elle ne serait jamais sortie avec Mick Jagger et qu'il serait vain de l'imaginer fredonner la ballade de Lucy Jordan. OK sans doute.

Castelhémis lui, avait le physique de Roland Magdane. La vie est parfois cruelle. Surtout que Castelroland s'était mis en tête de cracher les textes les plus violemment anti-militaristes que l'année 1977 ait comptés.  Ce qui n'était pas bien difficile, en pleine période punk il n'y avait plus grand monde - surtout dans les Landes, honorable bastion accueillant avec bienveillance Police, Damned, Clash et les autres - à brandir les valeurs baba cool avec - en plus, ce gars-là cumulait ! - une guitare 12 cordes acoustique en guise d'étendard.

C'est donc tout à fait normal si vous n'avez jamais entendu parler de Casteltruc (non, ça n'est pas une marque de pinard 5 étoiles des différents pays de la Communauté Européenne). C'est tout aussi normal si la musique de ce gars dont j'ai déjà oublié le nom vous apparaît risible voire carrément insupportable. En fait, vous pouvez tout à fait passer votre chemin, on ressort plein de gâteries pour Noël, un coffret de Zappa, La Reine Morte des Smiths en version deluxe (évidemment), et plein d'autres à venir sans doute.

Inutile donc de perdre votre temps avec ce rip vinyle (le truc de Castelvin n'est jamais sorti en  CD) sur lequel j'ai passé ma soirée. Avec émotion, nostalgie, tristesse, amour. Parce que comme tous ceux qui ont croisé la route de Castelhémis pendant leurs tendres années, comme tous ceux qui ont chanté Les Soldats devant un feu de camp à la Saint-Jean, comme tous les disciples qui l'ont vu en concert dans les années 80-85, je ne m'en suis pas remis. Génie des mélodies ? Sens du verbe ? N'exagérons rien, il faut malheureusement raison garder quand on a mon âge. Juste ce pincement au coeur, ce sentiment que ces vertes et juteuses années n'auraient pas pu être plus tendres, et cela grâce à lui.

Amusez-vous (?) à traîner sur Youtube - seul endroit du web où l'on peut écouter Castelhémis - et lisez les commentaires. Nous sommes une petite tripotée à se remémorer des instants partagés avec cet homme-là. D'Aurillac en Bretagne, d'Alsace en Occitanie. Tous pareils. J'avais 15 ans... etc. Sous-entendu, le reste ne vous regarde pas. Tellement beau que ça ne se partage pas.

Castelhémis est mort à 64 ans, le 8 avril 2013, dans une indifférence crasse (j'apprends ça moi-même aujourd'hui, d'où ce post en urgence) qu'il avait bien cherchée. Sa discographie n'est qu'une longue descente aux enfers en six albums, trop triste pour évoquer cela ici. Je suis preneur de l'intégrale, ceci dit, si quelqu'un a ça, mais encore une fois, ça n'a rien de rationnel. Faut dire que quand on commence avec un album tordu et direct comme celui-ci, pas facile de virer bossa-variétoche. Pas facile d'arrêter de dire que la guerre c'est pas bien. Pas simple de perdre la folie qui infuse ici à chaque sillon. C'est nous le rock dégénéré, non mais qu'est-ce que vous croyez !

En fait de rock, c'est certes rythmé, mais plutôt acoustique, limite Cat Stevens quand même - s'il n'était cette voix haut perchée, qui disait quand même joliment ce que la jeunesse giscardienne n'osait rêver - ces paillettes de lumière dont on manque cruellement aujourd'hui.

Adieu donc le Petit Landais...où est donc passé mon béret, il paraît qu'avant ça m'allait ?

EDIT : Pour ceusses qui ne liraient pas les commentaires, l'album suivant, tout aussi (voire plus ? non, allez, autant - quoique - il faut avoir entendu Grenoble une fois dans sa vie) recommandable est disponible chez Tonton. Merci Tonton.

EDIT2 : Malheureusement pour ceusses qui découvriraient l'artiste, la suite se gâte dangereusement, je préfère vous prévenir. Ecouter sans transition Coucou ou Castelhémis 88 après ça peut nuire gravement à la santé. J'ai même connu des prêtres qui en ont perdu la foi.

mardi 10 octobre 2017

# 208 : The Rolling Stones "Their Satanic Majesties Request"

- Disque de l'année ! du siècle ! Carrément !

- Hein ? Quoi ? Cette merde ?

Ben oui. Et les deux commentaires se valent, d'ailleurs. Avec quelques précisions, tout de même.

Tout d'abord, je parle de disque et pas d'album. Ce deuxième terme sous-entend la possibilité d'une existence conceptuelle numérique (mon dieu, on se dirait dans Télérama) qui me paraît impossible. Je meurs de rire en imaginant quelqu'un écouter Gomper avec son casque Beats et son iPhone. Non ? Vous ne trouvez pas cela suffisamment drôle pour côtoyer l'absurdité directement ?

Ensuite, certes de la merde il y en a, mais on trouve sur ce disque des merveilles comme 2000 Light Years From Home - ce qui n'est pas rien et justifie d'ailleurs que ce disque ait été réédité régulièrement, contrairement - disons - au Two Virgins de John et Yoko - histoire de jouer dans la même cour des grands (enfin, je parle pour John, hein). On pourra s'émouvoir également à l'écoute de 2000 Man ou encore de l'OVNI de Wyman - In Another Land. Mais vous savez déjà tous cela, car ce disque, vous le connaissez. Et si vous êtes en train de lire cette chronique, à moins d'être né à Brie-Comte-Robert et/ou d'avoir accepté un CDI de plombier aux Kerguelen à l'âge de six ans, ce n'est ni pour espérer trouver un lien de téléchargement (car le disque, si vous ne l'avez pas c'est que vous ne l'aimez pas) ni pour essayer de vous faire une idée de l'éventuel potentiel de l'album car vous savez déjà tout ce qu'il y a à savoir. Nooon ! C'est par plaisir solitaire et malsain, car ce disque, si vous ne l'aimez pas comme moi, du moins le détestez-vous, mais alors avec une passion qui vous empêche de l'ignorer, contrairement au deuxième album des Gnarls Barkley, au hasard. Ha ! pris la main dans le sac, les gosses, arrêtez de reluquer ce disque qui pue le stupre et la luxure avec ces yeux ! Car oui, quand on est addict, comme moi, comme nous, il arrive même qu'on adore des disques qu'on déteste : Self Portrait, Metal Machine Music, Trout Mask Replica, au hasard et parmi tant d'autres. Il arrive également qu'on déteste des disques qu'on adore. Je sais pas moi, ABBA, Joe Dassin, au hasard. Même s'il est plus commun c'est vrai de détester les disques que l'on déteste, et d'adorer ceux qu'on adore, mais le rock est fait de vices, et donc si vous vous situez uniquement dans les deux derniers profils votre vulgaire cartésianisme et votre absence de démons fait que vous n'êtes pas un VRAI amateur de rock, vous n'êtes au mieux qu'un simple mélomane stupide pour qui la principale différence entre Supertramp et John Coltrane c'est qu'il y a du saxophone.

Donc, vous êtes forcément concerné(e) par ce disque des Stones, mes petits animaux.

Et figurez-vous que les Rolling Stones le savent. C'est d'ailleurs même pour cela (et parce que ce disque a pile 50 ans, aussi, et parce que les Beatles ont fait un tintouin avec Pépère Pepper) qu'il vous le proposent en quatre versions, voire six si je compte bien : mono ou stéréo, CD, SACD ou vinyle - trois fois deux, six. Et de fait à un vil prix. 80 euros le machin, les salauds. Et pas un bonux track, non non, rien de rien. Mais bon, six versions ça fait six album, à 80 euros ça fait 13 euros l'album, ça va non ? Bon, il manque quand même le code de téléchargement en mp3 et en qualité audiophile 24 bits 48 KHz, je trouve. Non pas que j'aurais cliqué sur le mulot, mais dans le genre humour anglais, ils auraient pu compléter le package avec ça, vous ne trouvez pas ? Et de fait, la chose aurait pu (dû) être vendue encore plus chère. Non c'est vrai, on se plait à rêver : rajoutez un 45 tours, un paquet de feuilles à rouler et je file 150 balles ! On aurait été deux fois moins nombreux à l'acheter, certes, mais deux fois plus heureux (l'édition limitée aurait pu être encore plus limitée et ça aurait été encore plus Eco Friendly pour la couche d'ozone dans les forêts d'Amazonie et les puits de pétrole de notre belle Russie). Quelle blague ! Ces maudits Rolling Stones sont arrivés à vous faire acheter Gomper en 4 versions différentes en 2017. Si après ça vous me contredisez quand je dis que le rock est mort, je comprends plus. Y aurait-il façon plus vaine encore de dépenser ses euros ?

Oui, peut-être en achetant le coffret super-deluxe de Sergent Pepper. Parce que là, des bonus tracks t'en veux t'en a. T'as rien demandé c'est pareil. Et t'as droit à la version remixée par le fils de. Paf ! Et pour la version mono, que dalle, sauf sur un vilain CD (pas en vinyle - repaf !). Bon, George et John sont déjà morts, donc ils n'ont plus peur du ridicule, les Beatles, si ? Tandis que là, quel pied de nez ! Les Beatles vous embaument leur soi-disant chef d'oeuvre en se prenant les pieds dans le tapis ? Les vilains Rolling Stones leur montrent - quitte à racketer le public - comment ils auraient pu (dû) s'y prendre : un remastering au lieu d'un remix (par Bob Clearmountain, on va pas prendre de risque non plus, hein) et pas de bonus tracks (ça fait loser des années 1990-2000). Et ça fonctionne. Même avec leur disque le plus raté ou presque de leurs vingt premières années (par la suite hein... Undercover, j'espère être mort avant la réédition Deluxe). Trop drôle.

Ensuite, quand même, fallait oser au niveau marketing. Le livret est à ce titre tordant. Le pauvre Rob Bowman - auteur me semble-t-il inconnu (tu m'étonnes) à qui on a confié (ou plutôt qui a accepté) l'écriture d'un texte de 15 pages sur cette crotte psychédélique - semble souffrir tout du long. L'argumentaire est d'une mauvaise foi que n'oserait pas Mme Le Pen, et je cite :

- "les percussions de la jam session de 8 minutes de Sing This All Together (See What Happens) préfigurent les percussions de Sympathy For The Devil" : ah ? alors c'est aussi bien, c'est ça ?
- "le riff brutal de Citadel préfigure (oui, là encore) Stray Cat Blues" : limite, c'est du thrash metal et t'étais même pas au courant...
- "cet album est une transition qui mène à Beggars' Banquet" : sans lui on aurait jamais eu droit au chef d'oeuvre ? Peut-être que si, on aurait juste évité une bouse, quoi...
- "on retrouve le génie du Zappa de Freak Out" : comprenez tout aussi inécoutable, donc.
etc. etc.

Sauf qu'on nous dit quand même qu'il existe au moins deux versions de plus d'un quart d'heure de Sing This Song All Together. Et pas un bonuxtrak ?!!! Ben moi je dis, merci les Stones. Un quart d'heure de Sing This Chose, j'aurais pas pu. Un Rough Mix de The Lantern non plus. Merci, les mecs. Merci pour ça.

Et ce que j'aime plus que tout, c'est le témoignage des membres du groupe : Bon, Brian Jones est excusé pour cause de décès et Bill Wyman aussi pour cause de jet d'éponge depuis maintenant 25 ans. De même que Ron Wood, d'ailleurs, et que Mick Taylor, pour d'évidentes raisons. Mais quand même, les trois autres : on vous taxe 80 euros pour cette blague, et eux n'ont même pas deux mots à vous dire. Non, il a fallu recopier un extrait de Life pour Keith et un bout d'interviex de 1968 pour Mick !!!! 1968 ! Ca fait 49 ans qu'il s'en tamponne tout ce qu'il peut se tamponner de ce disque. Quant à Charlie Watts - sooo deliciously British - en 2003, carrément il s'excuse de ne pas donner son avis sur le disque parce que - je cite - I can't remember what's on it. OK. Bon en même temps, on l'achète pas pour l'écouter, si ?

Quand j'étais petit, j'étais traumatisé, à l'époque, quand après l'école il nous fallait faire du porte-à-porte pour vendre des timbres qui ne servaient à rien pour une tuberculose qu'on n'attrapait plus. Cela explique sans doute qu'aujourd'hui je sois aussi incompétent et allergique au marketing. Et compatissant envers les VRP et autres commerciaux qui en vivent si difficilement. Alors faites comme moi, pour eux, pour l'enfant malheureux que j'étais, achetez ce coffret. Car une édition limitée en vivnyle, CD et SACD, mono et stéréo de Their Satanic Majesties Request, avouez que c'en est triste à mourir de rire. Les Stones ont BESOIN de vous pour qu'ils puissent eux aussi rigoler - ha ha ha - du succès de leur rigolo projet.

Non sans rire, à l'heure où il n'y aura plus jamais d'artiste unique (parce qu'on en trouve 50 000 pareils sur Youtube), où les musiciens crèvent la faim pour créer leur art (t'imagine, 10 balles l'app pour iPhone, et Gorillaz te sort un disque, oui mais l'iPhone X il coûte plus cher qu'une Stratocaster, ha !), ou le nouveau Carla Bruni n'est même pas sûr de se vendre à dix exemplaires puisque Macron aurait décidé de ne pas le refiler en Conseil des Ministres, les Stones font le pari de te fourguer leur album le plus moisi à 80 balles, et ça marche ! Ca maaarche !!!

Allez, je tente un argument commercial pour la fin, des fois que vous ne seriez pas convaincus ? Le coffret est numéroté à la main ! SIIII !!!!
Bon, la main de qui, me direz-vous, obnubilés que vous êtes par Game Of Thrones. Ben, la main d'un inconnu sans doute chinois et même pas adulte peut-être, et alors ? Le top, je vous dis !
Euh... votre voisin de bureau gribouillerait un numéro de téléphone sur votre édition limitée de l'album blanc des Beatles, c'est un coup à le défenestrer, et là, un pékin moyen vous dégueulasse votre disque des Stones et vous payez pour ça !

OK, raté, mon argument. Alors disons que vous avez la version mono, dans la boîte. Celle-la même que je vous propose dans ce lien. Comme ça, même ça vous l'aurez déjà. Une raison en moins, et un argument supplémentaire pour acheter cette fichue boite de disques !!! Objet de l'année, facile !


mercredi 4 octobre 2017

#207 : Flotation Toy Warning "The Machine That Made Us"

Les images n'engagent que ceux qui les voient. Quand on s'appelle Flotation Toy Warning plutôt que- disons - The Machin Blues Band - c'est déjà qu'on a pas trop envie d'expliquer par le menu ce qui va se passer pendant les quarante minutes qui vont (ou qui peuvent, dans cette époque pressée) suivre. Quand on sort un album avec un mammouth mécanique en guise de pochette, sauf à vanter les Machines de l'Ile de Nantes, c'est qu'on est sacrément barré quand même un peu. The Machine That Made Us est un album finalement pas si perché que ça. Simplement très beau. Vraiment très beau. Certains évoquent Mercury Rev; ça n'est pas idiot, sauf que c'est moins pénible et que la magie semble tenir la durée. Est-ce donc de la magie ? Serions-nous dans la réalité ?

Les images - disais-je - n'engagent que ceux qui les voient. Alors imaginez David Bowie retournant à Berlin avec The Band enregistrer des chansons de Noël et vous avez une vague idée de la chose. Même si, c'est vrai, ça a un peu le même goût que les chansons du déserteur du groupe pré-cité.

Un disque bourré de mélancolie, d'accords tellement simples que même joué à la guitare par le cousin d'Yves Duteil ces chansons arracheraient des larmes à un crocodile sourd. Ou à Roger Waters, ce qui revient à peu près au même, vous en conviendrez.

Bon, évidemment se pose la question de savoir ce qu'on en fera demain, d'autant qu'il est difficile de caler une table bancale avec un fichier numérique, ce qui constitue un des indices les plus frappants de la vanité de notre ère nouvelle. Surtout qu'on ne risque pas trop d'être nombreux à se poser la question. Et si on se le gardait chacun pour soi, hein ? Comme un Rock Bottom moins définitif, comme un Radiohead dans lequel Thom Yorke se sentirait plus concerné par son chant que par la hauteur de ses flatulences. Comme si, à Canterbury, il se passait encore des choses.

A vous de voir si vous y croyez ?