J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mardi 10 octobre 2017

# 208 : The Rolling Stones "Their Satanic Majesties Request"

- Disque de l'année ! du siècle ! Carrément !

- Hein ? Quoi ? Cette merde ?

Ben oui. Et les deux commentaires se valent, d'ailleurs. Avec quelques précisions, tout de même.

Tout d'abord, je parle de disque et pas d'album. Ce deuxième terme sous-entend la possibilité d'une existence conceptuelle numérique (mon dieu, on se dirait dans Télérama) qui me paraît impossible. Je meurs de rire en imaginant quelqu'un écouter Gomper avec son casque Beats et son iPhone. Non ? Vous ne trouvez pas cela suffisamment drôle pour côtoyer l'absurdité directement ?

Ensuite, certes de la merde il y en a, mais on trouve sur ce disque des merveilles comme 2000 Light Years From Home - ce qui n'est pas rien et justifie d'ailleurs que ce disque ait été réédité régulièrement, contrairement - disons - au Two Virgins de John et Yoko - histoire de jouer dans la même cour des grands (enfin, je parle pour John, hein). On pourra s'émouvoir également à l'écoute de 2000 Man ou encore de l'OVNI de Wyman - In Another Land. Mais vous savez déjà tous cela, car ce disque, vous le connaissez. Et si vous êtes en train de lire cette chronique, à moins d'être né à Brie-Comte-Robert et/ou d'avoir accepté un CDI de plombier aux Kerguelen à l'âge de six ans, ce n'est ni pour espérer trouver un lien de téléchargement (car le disque, si vous ne l'avez pas c'est que vous ne l'aimez pas) ni pour essayer de vous faire une idée de l'éventuel potentiel de l'album car vous savez déjà tout ce qu'il y a à savoir. Nooon ! C'est par plaisir solitaire et malsain, car ce disque, si vous ne l'aimez pas comme moi, du moins le détestez-vous, mais alors avec une passion qui vous empêche de l'ignorer, contrairement au deuxième album des Gnarls Barkley, au hasard. Ha ! pris la main dans le sac, les gosses, arrêtez de reluquer ce disque qui pue le stupre et la luxure avec ces yeux ! Car oui, quand on est addict, comme moi, comme nous, il arrive même qu'on adore des disques qu'on déteste : Self Portrait, Metal Machine Music, Trout Mask Replica, au hasard et parmi tant d'autres. Il arrive également qu'on déteste des disques qu'on adore. Je sais pas moi, ABBA, Joe Dassin, au hasard. Même s'il est plus commun c'est vrai de détester les disques que l'on déteste, et d'adorer ceux qu'on adore, mais le rock est fait de vices, et donc si vous vous situez uniquement dans les deux derniers profils votre vulgaire cartésianisme et votre absence de démons fait que vous n'êtes pas un VRAI amateur de rock, vous n'êtes au mieux qu'un simple mélomane stupide pour qui la principale différence entre Supertramp et John Coltrane c'est qu'il y a du saxophone.

Donc, vous êtes forcément concerné(e) par ce disque des Stones, mes petits animaux.

Et figurez-vous que les Rolling Stones le savent. C'est d'ailleurs même pour cela (et parce que ce disque a pile 50 ans, aussi, et parce que les Beatles ont fait un tintouin avec Pépère Pepper) qu'il vous le proposent en quatre versions, voire six si je compte bien : mono ou stéréo, CD, SACD ou vinyle - trois fois deux, six. Et de fait à un vil prix. 80 euros le machin, les salauds. Et pas un bonux track, non non, rien de rien. Mais bon, six versions ça fait six album, à 80 euros ça fait 13 euros l'album, ça va non ? Bon, il manque quand même le code de téléchargement en mp3 et en qualité audiophile 24 bits 48 KHz, je trouve. Non pas que j'aurais cliqué sur le mulot, mais dans le genre humour anglais, ils auraient pu compléter le package avec ça, vous ne trouvez pas ? Et de fait, la chose aurait pu (dû) être vendue encore plus chère. Non c'est vrai, on se plait à rêver : rajoutez un 45 tours, un paquet de feuilles à rouler et je file 150 balles ! On aurait été deux fois moins nombreux à l'acheter, certes, mais deux fois plus heureux (l'édition limitée aurait pu être encore plus limitée et ça aurait été encore plus Eco Friendly pour la couche d'ozone dans les forêts d'Amazonie et les puits de pétrole de notre belle Russie). Quelle blague ! Ces maudits Rolling Stones sont arrivés à vous faire acheter Gomper en 4 versions différentes en 2017. Si après ça vous me contredisez quand je dis que le rock est mort, je comprends plus. Y aurait-il façon plus vaine encore de dépenser ses euros ?

Oui, peut-être en achetant le coffret super-deluxe de Sergent Pepper. Parce que là, des bonus tracks t'en veux t'en a. T'as rien demandé c'est pareil. Et t'as droit à la version remixée par le fils de. Paf ! Et pour la version mono, que dalle, sauf sur un vilain CD (pas en vinyle - repaf !). Bon, George et John sont déjà morts, donc ils n'ont plus peur du ridicule, les Beatles, si ? Tandis que là, quel pied de nez ! Les Beatles vous embaument leur soi-disant chef d'oeuvre en se prenant les pieds dans le tapis ? Les vilains Rolling Stones leur montrent - quitte à racketer le public - comment ils auraient pu (dû) s'y prendre : un remastering au lieu d'un remix (par Bob Clearmountain, on va pas prendre de risque non plus, hein) et pas de bonus tracks (ça fait loser des années 1990-2000). Et ça fonctionne. Même avec leur disque le plus raté ou presque de leurs vingt premières années (par la suite hein... Undercover, j'espère être mort avant la réédition Deluxe). Trop drôle.

Ensuite, quand même, fallait oser au niveau marketing. Le livret est à ce titre tordant. Le pauvre Rob Bowman - auteur me semble-t-il inconnu (tu m'étonnes) à qui on a confié (ou plutôt qui a accepté) l'écriture d'un texte de 15 pages sur cette crotte psychédélique - semble souffrir tout du long. L'argumentaire est d'une mauvaise foi que n'oserait pas Mme Le Pen, et je cite :

- "les percussions de la jam session de 8 minutes de Sing This All Together (See What Happens) préfigurent les percussions de Sympathy For The Devil" : ah ? alors c'est aussi bien, c'est ça ?
- "le riff brutal de Citadel préfigure (oui, là encore) Stray Cat Blues" : limite, c'est du thrash metal et t'étais même pas au courant...
- "cet album est une transition qui mène à Beggars' Banquet" : sans lui on aurait jamais eu droit au chef d'oeuvre ? Peut-être que si, on aurait juste évité une bouse, quoi...
- "on retrouve le génie du Zappa de Freak Out" : comprenez tout aussi inécoutable, donc.
etc. etc.

Sauf qu'on nous dit quand même qu'il existe au moins deux versions de plus d'un quart d'heure de Sing This Song All Together. Et pas un bonuxtrak ?!!! Ben moi je dis, merci les Stones. Un quart d'heure de Sing This Chose, j'aurais pas pu. Un Rough Mix de The Lantern non plus. Merci, les mecs. Merci pour ça.

Et ce que j'aime plus que tout, c'est le témoignage des membres du groupe : Bon, Brian Jones est excusé pour cause de décès et Bill Wyman aussi pour cause de jet d'éponge depuis maintenant 25 ans. De même que Ron Wood, d'ailleurs, et que Mick Taylor, pour d'évidentes raisons. Mais quand même, les trois autres : on vous taxe 80 euros pour cette blague, et eux n'ont même pas deux mots à vous dire. Non, il a fallu recopier un extrait de Life pour Keith et un bout d'interviex de 1968 pour Mick !!!! 1968 ! Ca fait 49 ans qu'il s'en tamponne tout ce qu'il peut se tamponner de ce disque. Quant à Charlie Watts - sooo deliciously British - en 2003, carrément il s'excuse de ne pas donner son avis sur le disque parce que - je cite - I can't remember what's on it. OK. Bon en même temps, on l'achète pas pour l'écouter, si ?

Quand j'étais petit, j'étais traumatisé, à l'époque, quand après l'école il nous fallait faire du porte-à-porte pour vendre des timbres qui ne servaient à rien pour une tuberculose qu'on n'attrapait plus. Cela explique sans doute qu'aujourd'hui je sois aussi incompétent et allergique au marketing. Et compatissant envers les VRP et autres commerciaux qui en vivent si difficilement. Alors faites comme moi, pour eux, pour l'enfant malheureux que j'étais, achetez ce coffret. Car une édition limitée en vivnyle, CD et SACD, mono et stéréo de Their Satanic Majesties Request, avouez que c'en est triste à mourir de rire. Les Stones ont BESOIN de vous pour qu'ils puissent eux aussi rigoler - ha ha ha - du succès de leur rigolo projet.

Non sans rire, à l'heure où il n'y aura plus jamais d'artiste unique (parce qu'on en trouve 50 000 pareils sur Youtube), où les musiciens crèvent la faim pour créer leur art (t'imagine, 10 balles l'app pour iPhone, et Gorillaz te sort un disque, oui mais l'iPhone X il coûte plus cher qu'une Stratocaster, ha !), ou le nouveau Carla Bruni n'est même pas sûr de se vendre à dix exemplaires puisque Macron aurait décidé de ne pas le refiler en Conseil des Ministres, les Stones font le pari de te fourguer leur album le plus moisi à 80 balles, et ça marche ! Ca maaarche !!!

Allez, je tente un argument commercial pour la fin, des fois que vous ne seriez pas convaincus ? Le coffret est numéroté à la main ! SIIII !!!!
Bon, la main de qui, me direz-vous, obnubilés que vous êtes par Game Of Thrones. Ben, la main d'un inconnu sans doute chinois et même pas adulte peut-être, et alors ? Le top, je vous dis !
Euh... votre voisin de bureau gribouillerait un numéro de téléphone sur votre édition limitée de l'album blanc des Beatles, c'est un coup à le défenestrer, et là, un pékin moyen vous dégueulasse votre disque des Stones et vous payez pour ça !

OK, raté, mon argument. Alors disons que vous avez la version mono, dans la boîte. Celle-la même que je vous propose dans ce lien. Comme ça, même ça vous l'aurez déjà. Une raison en moins, et un argument supplémentaire pour acheter cette fichue boite de disques !!! Objet de l'année, facile !


6 commentaires:

  1. Non, non, non, j'achète pas ce coffret (je le télécharge même pas) ! J'ai déjà le vinyle, j'ai le CD. Ça suffit putain de bordel de merde. Led Zep nous a déjà fait le même binz avec la réédition de son répertoire en remaster et le p'tit Lemmy est à peine clamsé qu'on nous sert sur un plateau en métal une sélection de chansons qui figurent déjà dans sa discographie. En fouinant sur le net, je viens aussi de croiser un nouveau disque de Mickael Jackson !!!!
    M'en fous de toutes ces rééditions, moi je garde ce que j'ai déjà à la maison, même si c'est pas numéroté, même si c'est pas dédicacé ! Na !!!

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  2. Je me disais, va bien falloir que je me l'écoute ce disque... Ou alors je retourne te lire, au choix!!

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  3. Evidemment, je n'ai pu m'empêcher de le réécouter, mais il n'a pas changé: il y a toujours la toute petite poignée de titres captivants et les longs remplissages qui les accompagnent. Mais le plus important est ailleurs: après ce disque et comme "Between the buttons" n'avait pas si bien vendu, c'est la toute dernière fois ici que les Stones vont proposer un échantillon de pop élisabéthaine - et c'est peut-être ce que je préférais chez eux... On n'en parle pas suffisamment, mais tous les premiers titres écris par Jagger & Richards étaient des ballades: étrange pour de si virils rockeurs!

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    1. C'est vrai que la découverte de l'open-tuning à venir par Keith a son revers... Et la perte de Brian Jones, qui même s'il n'en fichait plus une ramée, avait quand même la magic touch avec son dulcimer, ses fifres et ses flutiaux...

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