J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

jeudi 22 janvier 2015

R.I.P Letha Rodman Melchior

... Je vous avoue que je ne la connaissais pas il n'y a pas plus tard qu'il y a cinq minutes. Le temps d'être happé par ce disque posthume et posté  sur exystence.net.

Va savoir pourquoi cette mort me touche, va savoir pourquoi ce disque me touche. Va savoir pourquoi cette histoire me touche. Des bidouillages incongrus comme je les aime et comme je rêverais d'oser en fabriquer. Glauques, hermétiques, certes et à souhait. Mais pas pédants, pas vautrés dans la hype d'un nouveau son susceptible de faire bander les fans d'Aphex Twin et/ou de la scène electro de je-ne-sais-pas-ou. Loin des tribulations masturbatoires d'une scène prog passée présente et à venir bien trop grand-guignol pour être honnête.

Paul Simon a été le premier à déposer la marque du son du silence. Letha a été la deuxième à le mettre en musique puis, crabe oblige, à le mettre en pratique.

Voilà, l'émotion m'étreint, faites un tour sur le lien ci-dessus. Osez. Je suis enflammé, peut-être trop, peut-être que moi-même, demain, considérerai que cela ne vaut pas tripette. Mais qui serais-je pour considérer qu'aucune musique ne vaut rien. Peut-être son génie, sa réputation, m'ont-elles échappé (je ne lis plus les Inrocks depuis bien longtemps), aussi ce post pourra-t-il vous paraître fat, benêt et incongru. Je m'en fous. Ca me touche. Elle est morte. C'était beau.


lundi 5 janvier 2015

#178 : The Orb (featuring David Gilmour) "Metallic Spheres"


Il faut toujours se méfier des fausses bonnes idées. En voici un exemple frappant, l'histoire de jeunes vieux cons trop vieux pour être jeunes mais trop jeunes pour paraître cons, rencontrant un con trop vieux pour être jeune mais trop con pour se rencontre compte que ces jeunes étaient déjà vieux. Vous me suivez ? Non ?

Allez, je détaille. Au début des années 1990, va-t-en savoir pourquoi, le mouvement techno commence à gagner une certaine crédibilité dans le milieu rock. Chose logique, il fallait bien que ça arrive, et puisque le-dit rock s'était déjà fourvoyé dans le prof-rock et le jazz-rock, il n'y avait aucune raison pour que l'inévitable soit évité. Arrivèrent les Chemical Brothers, Leftfield, Propellerheads, Prodigy et les autres. Underworld, un très mauvais groupe de pop, réussit même à décrocher la timbale en virant carrément techno. Remember Born Slippy et Trainspotting ? Voilà.

Alors que les disques de Tangerine Dream repassèrent la barre des trois francs six sous chez les disquaires d'occase, que le has-been Steve Hillage redevenait hype et que les Happy Mondays arrivaient à vendre plus de disques que de pilules d'Ecstasy dans tout Manchester, un groupe, The Orb, sortit un double album au nom improbable mais très psychédélique, pas mal fichu, suffisamment pour tester les chaines stéréo aussi bien que Dark Side Of The Moon. La pochette reprenait même les célèbres usines de la pochette d'Animals. Sans le cochon, certes, mais quand même.

Carrément gonflés ! Alors que l'époque était aux Maxis, ces jeunes-là osèrent l'improbable : le double-CD (soit l'équivalent du quadruple album) forcément conceptuel. Pendant ce temps, Pink Floyd ramait dans des eaux troubles et peinait à rendre crédible son Division Bell.

Evidemment, dans le milieu techno plus encore que dans le rock, les héros d'hier sont les has-been du lendemain, ne serait-ce que pour un pour tchack de travers, un son de synthé pas assez vintage, ou peut-être tout simplement parce que voyez-vous le monde n'est plus ce qu'il était ma pauvre dame. The Orb est donc considéré aujourd'hui par les milieux concernés comme une vieille savate dont plus personne n'oserait se chausser : on est bien dedans, mais on ne sort pas avec.

Le même adage semblant coller au défunt Floyd, qui ma foi s'était fait à cette idée, puisque son public préférait désormais le 5.1 aux virées dans les clubs enfumés, la rencontre se fit, sous la houlette tout aussi improbable du fondateur de Killing Joke (je vous assure).

Ne me demandez pas comment je suis tombé sur cet objet, toujours est-il que la rencontre du vieux con recherchant la crédibilité auprès de jeunes cons déjà vieux recherchant un regain de popularité fonctionne. Même plutôt bien, dès lors qu'on ne s'attend pas à grand chose, et qu'une ambience à la Wish You Were Here (l'album) réactualisée a de quoi faire verser une larme au crocodile qu'il vous faudra camper pour apprécier cette rencontre.

Je ne m'aventurerai pas dans les qualificatifs extrêmes, je n'encenserai pas l'album, je ne le descendrai pas non plus. Dire qu'il s'agit du meilleur album du Floyd depuis Animals serait à peu près aussi crétin que de hurler à la trahison. Pourtant, les deux attitudes s'entendent. D'aucuns ont écrit que cela ressemblait aussi à Tangerine Dream (vous voilà prévenus), mais je ne me permettrais pas de confirmer ou d'infirmer cela : j'avoue que le rêve de la mandarine me laisse perplexe autant que le dubstep ou le drum'n'bass. Juste un truc, donc, qui si l'on s'amuse à peler (oups !) tout le poids de l'histoire et des passions qui l'entourent, me semble plutôt plaisant et cotonneux, pour les nostalgiques, les béotiens et les DJ en herbe. C'est déjà pas si mal.

Metallic Side or Spheres Side ?

jeudi 1 janvier 2015

#177: Beep "Too Physical"

Il y a des disques dont on ne se séparerait pas pour tout l'or du monde. Non pas qu'on les écoute tous les jours, peut-être même les a-t-on seulement écouté une ou deux fois dans sa vie, et encore, jamais d'un bout à l'autre. Et pourtant il s'y passe quelque chose d'incroyable. Une sorte d'aura subliminale qui s'en dégage, incompréhensible, on reste là le nez devant la pochette, à moitié perplexe, à moitié conquis, mais totalement fatigué par une écoute qui n'a laissé que des questions, de l'agacement peut-être, mais surtout une incompréhension avec un savant goût de reviens-y. Trouve donc l'énigme caché dans cet amas sonore. Tu sais qu'il est là, devant toi, cherche encore. Pour ce qui me concerne, je citerai volontiers A Wizard's A True Star de Todd Rundgren ou encore le Trout Mask Replica de Captain Beefheart. Trop raides pour mes écoutilles, mais je n'échangerai pas mon vinyle du Captain contre douze CD de Gorillaz...

Bien sûr, ces disques-là sont capables de briser des vies. Certains partent en jihad pour convertir leurs voisins, d'autres - voisins - en viendraient aux mains pour en finir avec ces trucs prétentieux et nuls à chier dont on n'a que foutre. Et, souvent, gagnent la partie avec une phrase terrible du type "tu vas pas me dire que tu l'écoute souvent ton truc ?!!!".

Euh... non... c'est vrai.

Car souvent, dans ces disques-là, on y décèle le sentiment le plus difficile à cautionner, et à supporter musicalement : l'humour, qu'il soit au premier ou au treizième degré. Et qui se moque souvent, défi suprême, de l'auditeur. Par exemple de ceux qui aiment bien les chansons de Zappa dans lesquelles il y a un riff plaisant de plus de deux mesures.

Voici qu'arrive Beep.

Et autant d'innombrables groupuscules dont la dénomination se termine par ...Blues Band vous garantissent une pure daube en lieu et place du blues annoncé, autant Beep tient ses promesses. Le joyeux trio nous gratifie de plein de beeps, dzong, wouuiitch, ceci pendant treize morceaux tous plus absurdes les uns que les autres. Aux titres délicieux (The Shit In The Sky Is Stars, au hasard). Non contents de ridiculiser l'intelligentsia vintage-électro pendant trois quart d'heures, les cruels auteurs de cette sottise s'en prennent également au jazz, un peu comme des cancres pugnaces vous jetteraient un accord de septème diminué accompagné d'un long pet humide, au rock lo-fi, ceci au hasard de courtes ritournelles pliées en 3 minutes maximum - et c'est tant mieux.

Et parfois c'est beau, comme ce To Us presque anachronique dans ce fatras de blagues potaches. Ou pas. On ne sait plus. Il suffit qu'un morceau se termine - de gré ou de force, le zapping n'est pas interdit - pour que le suivant vous tienne en haleine quelques secondes. Pour qu'on se souvienne avoir téléchargé ce truc de ouf, qu'on y revienne.

Tout ici bringuebale (Public Art), groove parfois penaudement (Shit Pony Rides Again), un peu comme si Soft Machine avait composé la musique de Chapi-Chapo.

Le machin n'est évidemment pas disponible chez Universal, mais sur un petit label, uniquement en téléchargement ou... sous forme d'une carte de téléchargement que l'on peut après usage planter dans son jardin pour voir pousser des fleurs (je ne rigole pas - enfin si - allez voir vous-même). Une sorte de manifestation de la continuité conceptuelle chère à l'oncle Frank Zappa.

Un disque génial à rendre dingue les puritains pour qui la vie s'est arrêté après le Kind Of Blue de Miles Davis, un coussin péteur à planquer sous la chaise de l'ingé-son des Daft Punk, un truc à passer aux enseignants qui vous parlent de musique sérielle et dodécaphonique pendant le repas de Noël, un disque à écouter faute de pouvoir raisonnablement mater un épisode de South Park en conduisant, bref, un truc essentiel finalement.

Classic Beep Melody