J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

jeudi 1 janvier 2015

#177: Beep "Too Physical"

Il y a des disques dont on ne se séparerait pas pour tout l'or du monde. Non pas qu'on les écoute tous les jours, peut-être même les a-t-on seulement écouté une ou deux fois dans sa vie, et encore, jamais d'un bout à l'autre. Et pourtant il s'y passe quelque chose d'incroyable. Une sorte d'aura subliminale qui s'en dégage, incompréhensible, on reste là le nez devant la pochette, à moitié perplexe, à moitié conquis, mais totalement fatigué par une écoute qui n'a laissé que des questions, de l'agacement peut-être, mais surtout une incompréhension avec un savant goût de reviens-y. Trouve donc l'énigme caché dans cet amas sonore. Tu sais qu'il est là, devant toi, cherche encore. Pour ce qui me concerne, je citerai volontiers A Wizard's A True Star de Todd Rundgren ou encore le Trout Mask Replica de Captain Beefheart. Trop raides pour mes écoutilles, mais je n'échangerai pas mon vinyle du Captain contre douze CD de Gorillaz...

Bien sûr, ces disques-là sont capables de briser des vies. Certains partent en jihad pour convertir leurs voisins, d'autres - voisins - en viendraient aux mains pour en finir avec ces trucs prétentieux et nuls à chier dont on n'a que foutre. Et, souvent, gagnent la partie avec une phrase terrible du type "tu vas pas me dire que tu l'écoute souvent ton truc ?!!!".

Euh... non... c'est vrai.

Car souvent, dans ces disques-là, on y décèle le sentiment le plus difficile à cautionner, et à supporter musicalement : l'humour, qu'il soit au premier ou au treizième degré. Et qui se moque souvent, défi suprême, de l'auditeur. Par exemple de ceux qui aiment bien les chansons de Zappa dans lesquelles il y a un riff plaisant de plus de deux mesures.

Voici qu'arrive Beep.

Et autant d'innombrables groupuscules dont la dénomination se termine par ...Blues Band vous garantissent une pure daube en lieu et place du blues annoncé, autant Beep tient ses promesses. Le joyeux trio nous gratifie de plein de beeps, dzong, wouuiitch, ceci pendant treize morceaux tous plus absurdes les uns que les autres. Aux titres délicieux (The Shit In The Sky Is Stars, au hasard). Non contents de ridiculiser l'intelligentsia vintage-électro pendant trois quart d'heures, les cruels auteurs de cette sottise s'en prennent également au jazz, un peu comme des cancres pugnaces vous jetteraient un accord de septème diminué accompagné d'un long pet humide, au rock lo-fi, ceci au hasard de courtes ritournelles pliées en 3 minutes maximum - et c'est tant mieux.

Et parfois c'est beau, comme ce To Us presque anachronique dans ce fatras de blagues potaches. Ou pas. On ne sait plus. Il suffit qu'un morceau se termine - de gré ou de force, le zapping n'est pas interdit - pour que le suivant vous tienne en haleine quelques secondes. Pour qu'on se souvienne avoir téléchargé ce truc de ouf, qu'on y revienne.

Tout ici bringuebale (Public Art), groove parfois penaudement (Shit Pony Rides Again), un peu comme si Soft Machine avait composé la musique de Chapi-Chapo.

Le machin n'est évidemment pas disponible chez Universal, mais sur un petit label, uniquement en téléchargement ou... sous forme d'une carte de téléchargement que l'on peut après usage planter dans son jardin pour voir pousser des fleurs (je ne rigole pas - enfin si - allez voir vous-même). Une sorte de manifestation de la continuité conceptuelle chère à l'oncle Frank Zappa.

Un disque génial à rendre dingue les puritains pour qui la vie s'est arrêté après le Kind Of Blue de Miles Davis, un coussin péteur à planquer sous la chaise de l'ingé-son des Daft Punk, un truc à passer aux enseignants qui vous parlent de musique sérielle et dodécaphonique pendant le repas de Noël, un disque à écouter faute de pouvoir raisonnablement mater un épisode de South Park en conduisant, bref, un truc essentiel finalement.

Classic Beep Melody

2 commentaires:

  1. Impossible de résister!
    P.S. : pourrais-tu avoir la gentillesse de remplacer le CMD par Les Bruits Magiques dans "Ma liste de blogs"? Merci d'avance.

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  2. C'est fait ! heureux d'avoir de tes nouvelles...

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