J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mercredi 22 juin 2016

#189 Van Morrison "It's Too Late To Stop Now" (vol. I, II, III, IV)

Une vraie tête de con. De cochon. De lard. Aussi sexy que l'oncle Maurice qui vote FN juste parce qu'il y en a marre des politiciens tête-de-noeud. Aussi sympa qu'un guichetier de la Poste à 16h59 - on ferme à 17h - et j'en passe et des meilleures. Sachez-le, Van Morrison n'en a rien à foutre de votre joli minois, il emmerde la terre entière, il est le plus grand - born to sing, no plan B envoie-t-il en guise de titre de son dernier (ou avant-dernier ?) album. Donc, si vous n'aimez pas, vous êtes un con, si vous aimez, vous êtes un con aussi, et qui plus est un incapable, car vous n'avez pas son talent et ça le fatigue que vous l'aduliez ainsi, même si entre deux grognements il sera forcé d'admettre que vous ne pouvez pas faire autrement. Simple, à côté de lui, Gérard Manset c'est Patrick Sébastien, il te fait tourner la serviette, c'est l'éclate et le fun total au royaume de Siam. J'exagère à peine.

Le problème étant, bien entendu, qu'on est forcé de l'admettre, Van The Man présente un talent certain. T'a balancé Gloria dans son jeune âge pour vite-fait beugler à qui voulait l'entendre que le rock c'est de la merde, sort le tube de l'été imparable Brown-Eyed Girl juste avant de virer pin-pon sur son ésotérique Astral Weeks au grand dam d'une maison de disque qui ne savait que faire du machin. Pompe sans vergogne Kenny Burrell (et ceci sans grand risque au pays des babos de ce début des années 1970) sur Moondance, et je vous emmerde tous. J'en rajoute ? Domino, Caravan, Listen To The Lion, etc. Tout un tas de chansons incroyables, tellement incroyables qu'on en vient à se demander si, finalement, il n'aurait pas un peu raison, le rock c'est de la daube, tout ici bas est soul, rythm'n'blues, folk, jazz, mais - pitié - pas rock. Laissons les trois accords badiner ailleurs, laissons les crinières de Deep Purple, Yes et Led Zeppelin couiner pour la plèbe, soyons esthètes ou ne soyons pas. Et je ne parle même pas des punks, ces jeunes cons incapables, et Van The Man s'emploiera à donner une leçon personnelle de ce que musique celtique veut dire à Shane Mc Gowan, dans son Irish Heartbeat enregistré - presque caricaturalement - avec les Chieftains. Car l'Irish Soul, ça le connaît, c'est même tout lui. Qui l'eut cru, mélangez trèfles à quatre feuilles, guinness et soul music, et ça fonctionne. Kevin Rowland et Mike Scott l'ont bien compris, merci, leur compte en banque va bien. Come on Eileen, let's do the Fisherman's blues, en gros. Avec pour chacun d'eux un titre de Van Morrison sur l'album, histoire de payer la licence.

Un gros con bourré de talent, donc. En résumé. Qui ne sort que des bulles de pets depuis plus de 20 ans, comme Neil Young d'ailleurs, mais qu'on ne peut définitivement pas ignorer d'un revers de manche. Un gars qui te sauve le concert d'adieu du Band englué dans de la tristesse saurienne et l'ennui parfois profond (mon dieu, Neil Diamond...) avec un Caravan d'anthologie, hop, comme ça, mérite quand même qu'on s'en préoccupe. Et pourtant, un gars aussi démodé que Patrick Hernandez à Ibiza l'été dernier.

Car oui, qui aurait pu imaginer, en 1973, un double-album live (ça oui, là n'est pas le problème) rempli de soul et de rythm'n'blues, avec section de cordes et cuivres et soli de trompette en veux-tu en voilà ? Une pochette aussi flashy qu'un sous-pull jaune canari ?

En y repensant, le rock allait (déjà) bien mal, en 1973. Yes sortait un double-album pharaonique-ta mère avec quatre longs (évidemment) morceaux (quoique, plutôt purée que morceaux) hautement conceptuel sur des histoires d'océans topographiques (avec la bénédiction d'Ahmet Ertegun, faut l'avoir entendu pour le croire !), Led Zeppelin fonçait tout schuss vers la médiocrité avec - pour la première fois - un album moins bien que le précédent, et les Stones entraient définitivement dans le grand cirque du rock'n'roll avec un disque juste à moitié méchant, dans lequel on trouvait le slow de l'été (Angie, ben oui). Dylan jouait au cowboy avec Peckinpah, John Lennon déjà ne sortirait plus de grand disque et les punks lisaient encore Sylvain & Sylvette. J'en rajoute ? J'ai sans doute oublié un double-album de Chicago dans un coin, et l'underground londonien via les Pink Floyd se transformait en consommateurs de chaînes hi-fi avec The Dark Side of the Truc. Alors, finalement, au milieu de cette débandade, le côté rétro-vieillot de Van The Man, qui s'en souciait ? C'est au final un double-album live que je hisserais sans vergogne au rang de disque de l'année, ladies & gentlemen, Van Morrison & The Caledonia Soul Orchestra !

Et, honneur, gloire et beauté, une fois n'est pas coutume, on ne reprochera pas au moribond CD de pouvoir durer plus de 70 minutes. Car à l'origine, il fallait se contenter de deux pauvres galettes de vinyle de 40 minutes chacune, se repasser chaque face en boucle pour vérifier qu'on n'avait pas rêvé, et là... Réédition en grande pompe de ce qui nous préoccupe, It's Too Late To Stop Now, avec un son qui déchire la nuit haletante de mille cuivres acérés (n'importe quoi - il faut que je dorme). Et en plus, oui madame, oui monsieur, encore mieux que Game Of Thrones, trois volumes supplémentaires d'un coup, très originalement titrés volume II, III et IV, issus de la même tournée, même feu au cul, même rage, même soul. Tudieu, c'est Noël. Ceux qui pourraient douter de mon enthousiasme, allez-y, écoutez simplement le grand final, la quatrième face du double album original, Here Comes The Night/Gloria/Caravan/Cypress Avenue et revenez, la queue basse, réclamer le reste. Moi, ce que j'en dis, hein, les galettes font la queue devant le lecteur CD depuis trois jours, et hop que je te les enfourne à tour de rôle, quand c'est fini Annie Annie ça recommence. Mince, ces cordes ! Tudieu, ce batteur, bien plus enthousiasmé par Elvin Jones que par John Bonham, fichtre, ce guitariste, qui jamais trop n'en fait à une époque ou on ne savait plus comment s'emmancher pour épater la frivole donzelle comme le puant métalleux, bref, tout ça tout ça, et Van The Man, qui n'hésite pas à démarrer un concert (le volume IV) par quatre morceaux lents, et pourtant, et pourtant... Roooh et puis cette version live de The Way Young Lovers Do, j'en pleurerais si je me retenais pas. Et le reste à l'avenant, il serait indécent de disséquer tout ça par le menu.

Alors oui, on pouvait pleurer la fin de Ziggy Stardust, en 1973 (je l'avais oublié celui-là). Mais les gens sérieux avaient autre chose à faire.

Vous aussi.

On ne peut plus reculer, premier disque.
On ne peut vraiment plus reculer, et de deux.
Reculer, quelle idée ?
Vous avez dit reculer ?
Le retour du fils d'on ne peut plus reculer.

vendredi 3 juin 2016

#188 : Metallica "Metallica"

Il est parfois grisant d'enfoncer des portes ouvertes. Surtout à grand coup de Panzer en fracassant toute la maisonée juste histoire de rire. Alors donc, un album qui n'a rien à faire ici parce que le monde est divisé en deux camps : ceux qui en sont à leur 7ème copie (on leur en a volé 3, 2 ont disparu dans le crash de la Porsche, et avec toute la bière qu'ils se sont enfilé ils sont incapables de trouver où sont passés les deux autres), et ceux qui ne supportent pas et n'en voudraient pour rien au monde. Eventuellement, chez les Papous et les Aborigènes, on a dénombré quatre-cinq personnes qui s'en foutent parce qu'ils n'ont pas l'électricité pour écouter le truc. Déjà, j'imagine que les 3/4 des lecteurs potentiels de ce blog ont quitté cette page. Le quart restant s'attend à ce que je descende le truc en règle, et j'ai trois sacs Leclerc dans le coffre de la voiture remplis de bonnes raisons de le faire, mais je n'en ferai rien. C'est tout simplement l'album définitif et inégalable de ce que vous voudrez bien appeler hard rock, heavy metal, trash metal, death metal ou quoique ce soit d'autre. On pourrait dire tout simplement rock'n'roll, mais ce serait faire peine à Lemmy, qui, sur ce terrain, a bien des choses à dire.

Incapable de parler aborigène ou papou, j'espère donc que les quatre-cinq personnes que j'évoquai ci-dessus ont quelques notions de français, sinon tant pis.

Je fais une pause, déjà, Nothing Else Matters arrive à tirer des larmes d'un vieux crocodile amer et désabusé comme moi. Vous comprendrez que j'en profite.

Non, sérieux, cet album est une histoire incroyable. Nous sommes en 1991. La nouvelle vague du heavy metal (Iron Maiden, Saxon et les autres) n'a pas atteint la dune, mon pauvre Joe. Il aura fallu Metallica, Slayer et quelques autres pour jouer plus vite, plus fort, pour épater cette nouvelle jeunesse qui vous qualifierait Strange Kind Of Woman de gentille balade irlandaise et Whole Lotta Love de vieille scie pour hippies attardés. Bien bien, c'est leur droit, ils ont sans doute raison. Tout cela demeure pour l'instant dans la sphère très fermée des imbéciles attardés qui jouent de la raquette de tennis devant leur miroir en mangeant des corn-flakes et en buvant du coca. Les gens civilisés, eux, se tournent vers des choses parallèles fort intéressantes : Pixies, Ride, voire pour quelques temps encore U2, avec un Bono singeant le Bowie berlinois dans Zooropa. Ces deux univers parallèles ont toujours cohabité, sauf que, ne voila-t-il pas que de jeunes trublions nommés Guns'n'Roses viennent tranquillement caresser le sens du poil des mélomanes prétendûment avertis, avec une rock'n'roll attitude stonienne et une musique joliment burnée lorgnant évidemment du côté heavy metal des bouffeurs de pop-corn mais avec, à l'époque, s'il vous plaît, une hype sur laquelle ils surfent sans complexe. On pouvait, en 1991, se retrouver à la caisse de la FNAC avec dans ses mains fébriles, Trompe Le Monde des Pixies dans une main et Use Your Illusion dans l'autre (s'agissant de deux CD, le troisième était caché dans l'entrejambe, parce que ça représentait un paquet de fric quand même, cette histoire).

Pendant ce temps, Metallica et Slayer continuaient à jouer à qui rifferait le plus vite, façon Bip-Bip et Will Coyote, pour la plus grande joie des kids - oh la belle bleue - oh la belle rouge !

Tout cela aurait pu continuer un temps (on se lasse vite de Guns'n'Roses, en fait), quand un beau jour Metallica se dit que finalement, sortir l'album définitif de heavy metal, la pierre de Rosette, le Graal devant lequel se prosterneraient - outre les amateurs de raquette de tennis - cette fange inconnue qui écoutait U2 en glosant sur That Petrol Emotion. Pour cela, il fallait de la crédibilité. Lars Ulrich s'en est allé la chercher du côté de chez John Bonham. Il fallait aussi définitivement se débarasser de Slayer. A la course de vitesse, Pierre de Coubertin vous le dirait, on a au mieux une chance sur deux de gagner. S'arrêtant net, regardant Slayer-Will Coyote courir droit vers le ravin, Metallica renforça en intensité ce qu'il lâcha en vitesse. Pas con, comme idée.

Restait le concept. Et là, ils optèrent pour le culot, façon Guns'n'Roses qui nous aviaent fait prendre leurs vessies pour des lanternes Stoniennes. Le black album. Les Damned l'avaient osé en catimini (on s'en fout, des Damned), AC/DC l'avait orné de platine, ben que foutre, ils oseraient. Ils feraient donc comme si Back in Black n'avait jamais existé. Le titre de l'album ? Quel titre ? Un titre, ça sert à classer le machin entre deux. Cet album-là serait inclassable, se définirait par lui-même. Bien vu.

Et la musique ? Rampante plus qu'à son tour, déluge de guitares qu'on a jamais mieux entendu sonner sur un compact-disc, soli bien campés dans la wah-wah sans démonstration pyrotechnique façon Satriani (là encore, bonne idée), et surtout, surtout, surtout, ce son de batterie : la grosse caisse est mixée dans les aigus, pour faire la nique à la guitare, les cymbales sont lourdes, tout ici vous tape directement au niveau du palpitant. Pas même de la poitrine, à fort volume. Le coeur, l'organe vital, directement. Rajoutez-y quelques furieuses accélérations (même s'il faudra attendre le dernier titre pour y retrouver ce speed qui les caractérisait, un peu comme un lot de consolation aux fans de la première heure), LE slow (mais oui, il fallait l'oser, ils l'osent), des riffs imprenables (Enter Sandman, évidemment...) et les voilà prêts à conquérir le monde.

Ajoutez-y un peu de com' (Lars Ulrich, encore lui, se la jouant branchouille dans des magazines qui n'en demandaient pas temps), et l'affaire fut dans le sac. 1991 = Metallica. Qui d'autre ? Quoi ? Sorti en plein mois d'août, l'album niquera tous les disques de la rentrée, y compris les Guns et les Pixies.

Que la suite soit une autre histoire (LoadedRe-Loaded, ben voyons, les Metallica dévalisant Napster avec les flics, le fameux Some Kinda Monsters les montrant, pitoyables, tentant d'enregistrer St Anger, le coup de l'album symphonique, passons...), qu'importe, Metallica - le disque - est toujours là. Rythmique pachydermique éternelle pour neurasthénie passagère,  ça fonctionne encore à plein régime. On en sort vidé, lessivé, mais heureux. Dans le genre pochette noire (hello Keith), il y a le Song Of Love And Hate de Cohen. A la fin du disque, on se dit "je suis une merde". Ici, c'est un fuck off libératoire qu'on exulte.

Parce que, voyez-vous (on y entend rien avec ce boucan), me disais-je en reécoutant Lovedrive des Scorpions, il y a deux types de disques de heavy metal : ceux qu'on écoute en se disant, waah ça joue bien, en concert ça doit (devrait/devait) dépoter, et ceux pour lesquels on ne dit rien. Tout simplement parce que la pauvre galette sonne mieux que nature. Vos pauvres enceintes font cracher la guitare encore mieux qu'un mur de Marshall, vous priez pour vos baffles quand la double grosse-caisse castagne, et point barre. Et des comme ça, il n'y en a pas cinquante. Je ne veux pas m'attirer d'ennemis sur ce terrain houleux, mais Metallica est l'un d'entre eux, sinon le seul d'entre eux. Avec tout le respect que j'ai pour Mötörhead.

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29 Mai 2016 : Dimanche de merde, envie de rien. Alors quoi ? Metallica. Lequel ? Question idiote. Très très fort, sur la chaîne, pas sur un iTruc. Et la journée, faute de s'illuminer, au moins prend l'allure de ma mauvaise humeur. Le voisin n'ose pas taper à la porte, de toute façon je lui en colle une. Le chien fait semblant de dormir, il a raison. Tiens, je le remets, le disque.

Sad But True