J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mardi 31 janvier 2012

#113: Bob Dylan & The Band "A Tree With Roots"

On le sait, Levon Helm a remballé ses toms, rangé sa caisse claire et quitté la célèbre tournée de 1966 de Dylan, parce "que c'est n'importe quoi d'être payé pour se faire insulter tous les soirs par le public". Levon Helm n'en avait rien à faire du buzz et de la hype. Dans le sud des Etats-Unis, on est payé pour un boulot bien fait, après une poignée de main virile et un petit verre de booze pour fêter ça. Pas pour faire le guignol devant des folkeux mal baisés et se faire descendre dans les journaux.

Alors il a hésité quand Robbie Robbertson l'a invité à revenir, en 1967, pour faire de la musique dans la cave d'un Dylan officiellement mourant suite à son pseudo-accident de moto. Loin, à l'époque, de tout le buzz qui a pu entourer Woodstock quelques mois/années plus tard. Et puis il est venu.

- Il est où, Bob, là ?

- T'inquiète Levon, il est remonté chez lui, il écrit une chanson. 'devrait revenir dans un quart d'heure. Bon, les gars, en attendant, on se fait un petit Johnny B. Goode ? Un peu marre de ses reprises de Ian & Sylvia. Oh, t'aurais été là hier, qu'est-ce qu'on a déconné, on s'est bien marrés ! Ca fait plaisir de te voir, en tous cas, tu vas voir, c'est délire ici !

On ne compte pas le nombre de groupes ayant répété dans une cave, mais on en compte peu à avoir ratissé autant de matériel. Reprises incongrues de traditionnels (Banks Of The Royal Canal, au hasard), chansons absurdes (Yeah ! Heavy And A Bottle Of Bread), reprises (Four Strong Winds, au hasard, là encore) et chefs d'oeuvre (I'm Not There, Tears Of Rage, This Wheel's On Fire, etc.). La question, c'est de savoir dans quel but (?) et pourquoi tout cela a été enregistré grossièrement sur un magnéto à bandes 2 pistes.

Les réponses sont sans doute multiples.

D'abord, ça devait être cool. Emotionnellement intense. Garder un souvenir de ces journées débridées et joyeuses, tout simplement.

Ensuite, l'idée de Dylan me paraît aujourd'hui claire, pour moi. Après avoir digéré tout le répertoire traditionnel américain, puis tout Woody Guthrie, pour se faire un nom et - faute d'être Elvis à la place d'Elvis - de devenir le chantre du folk, ce qui convenait mieux à sa tronche d'apoplectique et sa voix, euh... particulière, après avoir utilisé sa renommée pour s'autoproclamer poète rock, et dépasser Elvis, l'étape suivante consistait à s'effacer purement et simplement, et se sublimer au travers de ses chansons reprises avidement par tant de prétendants. Genre, je ne suis plus un homme, je suis tout simplement la musique américaine. Ces sessions avaient donc pour unique but de sortir une démo potable de 10-15 chansons sur laquelle se jetteraient tous les groupes à la mode (ce qui, bien entendu, dépassa son espérance, on ne les compte plus, les reprises de ces sessions, citons simplement le Mighty Quinn de Manfred Mann). Pendant ce temps, le nouveau Voltaire cultiverait son jardin, ferait des gosses et toucherait les chèques en même temps que l'immortalité artistique.

Mais pour cela, il devait comprendre, et donc jouer. digérer. re-écouter. Se re-créer cette République Invisible dont parle si bien Greil Marcus, pour proposer ces chansons définitives. D'où ce mélange de reprises, préalables à leur sublimation dans ses nouvelles chansons. On l'imagine re-écouter tout ça, voir quels accords, quelles phrases font le truc. Et hop, à la machine à écrire.

Son entreprise fut quelque peu galvaudée par la naissance, du coup, des bootlegs. Le premier à paraître fut Little White Wonder, certifié disque d'or sous le manteau. Eh ouais, malgré tout, du Dylan sans Dylan, ça n'a pas satisfait tout le monde. Il y avait un marché à prendre, ou une liberté à revendiquer (selon la police ou les manifestants), de quel droit tout cela resterait-il à la seule disposition des maisons d'édition ? Amis bloggeurs, il me semble cette question reste d'actualité.

Par ailleurs, les premiers à retenir la leçon et à profiter (et faire profiter) largement du concept, ce fut The Band. On a loué à juste titre leur capacité à synthétiser multiples influences pour créer cette musique si géniale sur leurs premiers albums. Tout est là, la genèse du concept, je veux dire.

Les réguliers de ce blog de plus en plus vagabond me diront que je me répète, j'ai déjà dit tout ça à propos de l'édition officielle (et en mieux, je rouille, les gars, je rouille) de ce qui est connu comme les Basement Tapes, qu'ils m'en excusent. Dans ces périodes de trouble, je me recentre sur les bootlegs et celui-là, c'est mon quadruple disque de chevet. Dans lequel il est expliqué par le menu que la virtuosité n'est rien face au sens de la mélodie et du texte. Dans lequel on tient un moment clé de Dylan. Peut-être son plus bel effort. Son plus sincère effort. Son "foutez-moi la paix" le plus audible et le plus compréhensible.

Et c'est la plus belle édition de ces bandes que je vous propose. 4CD, 630 Mo, on peut faire plus exhaustif mais il faut savoir raison garder. A Tree With Roots mérite largement un petit bout de disque dur. Sûr que cela paraîtra un de ces quatre dans le cadre des très officielles Bootleg Series (et je m'engage à virer le lien si Columbia sort une édition décente de tout ça, mais de TOUT ça). Mais en attendant, jetez-vous sur ces sessions. Vous y découvrirez des artistes de génie, complètement loose, dans un work in progress émouvant au possible, bien plus que n'importe quel album officiel, léché, calibré, frustrant autant qu'artificiel.

C'est ici.



dimanche 22 janvier 2012

#112: Ian & Sylvia "The Complete Vanguard Studio Recordings"

Petite pointe d'amertume suite au post de Jimmy ce jour. Ian & Sylvia font donc partie de ces artistes dont on se rappelle des chansons, glorifiées par d'autres, mais pas de l'interprète initial. C'est vrai que Ian & Sylvia, c'est un truc de vieux. Je les ai connus moi-même par cette même chanson présente sur la compile proposée par Jimmy, You Were On My Mind. C'était sur un double album, Greatest Folksingers Of The Sixties, il y a bien 35 ans. Moi, je connaissais Joe Dassin grâce à RTL, et m'intéressais de près à Dylan grâce à la prof d'anglais de ma soeur. Emotion : Ca M'Avance A Quoi, c'était donc une reprise ? Sacré Joe, malgré mon manque de culture dans mon Alsace profonde, la brèche s'ouvrait, et on ne me la ferait plus.

On ne va pas crier au génie. Toutes ces chansons sonnent horriblement datées, teintées de skiffle, de folk et - à la limite - d'opérette. Pas de murder ballads ici, encore moins de blues rugueux et poisseux. Deux voix, une guitare, une contrebasse, un peu d'autoharp, des influences variées et variables (gospel, folk...), mais au début des années 1960, cela suffisait. A l'époque, il y avait le jazz et les chansons. Entendez par-là, presque la même chose : une suite d'accords, une mélodie et vaille que vaille on s'en sortait avec ça, selon ses moyens et ses talents.

En plus de ça, Ian & Sylvia étaient canadiens. Aucune chance, donc, pour que cela nous arrive en métropole. Que cela laisse des traces dans le Landernau de Greenwich Village, oui, peut-être, mais au-delà... Imaginerait-on Téléphone ou Noir Désir cartonner au-delà de la Belgique et du Luxembourg ?

Je les ai redécouverts via les Basement Tapes de Dylan, quelque vingt ans plus tard. Dylan s'acharnait sur cette chanson, The French Girl, et sur Four Strong Winds. Deux merveilles. Neil Young la fera sienne aussi, Four Strong Winds, sur Comes A Time mais surtout lors du concert signant et saignant la séparation du Band (autres Canadiens Errants) en 1978. Dans une version cocaïnée au possible, mais quand même. Et Dylan reviendra à cette French Girl durant ses répètes avec le Grateful Dead, en 1987. Comme s'il lui était impossible de l'oublier, de passer au travers. Une fameuse chanson, magnifique. Gene Clark reprendra The French Girl, aussi, dans les années 60. Et Leonard Cohen reprendra Un Canadien Errant sur son Recent Songs qui commence à dater (1978). Ian & Sylvia, on les retrouve en toile de fond chez tous les ténors, allez, folk-rock, encore reconnus aujourd'hui. Certes, toujours les 3-4 même chansons.

Diamants dans un sac de pierre ?

Oui, un peu. A dire vrai, lorsque le coffret (4CD, plus de 600 Mo, avis aux curieux) de Ian & Sylvia m'est tombé dans les bras, passant les barrières douanières via le défunt cdnow des débuts de l'internet, je m'attendais à prendre le flash de ma vie. J'ai dû me résoudre à cueillir les pépites entre des chansons plus anecdotiques, mais certainement pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Notre Hugues Aufray national vante son amitié avec Dylan, mais c'est bien sur ces deux-là qu'il a bâti sa carrière. Bien plus polis. Et les minables Tri Yann semblent bien s'être inspirés de leurs reprises franchouillardes désuettes (V'là l'Bon Vent, au hasard). Au risque de définitivement vous décourager de cliquer sur le lien, Nana Mouskouri a dû tripper grave là-dessus aussi, entre deux feuilles de vigne. Et si l'on trouve un lien évident entre Simon & Garfunkel et les Everly Brothers, il me paraît tout aussi évident que Ian & Sylvia sont leurs cousins germains.

Et allez et retours il y aura. Ian & Sylvia, ce sont des passeurs. Spanish Is A Loving Tongue, Alberta, autant de trucs que l'on retrouvera chez Dylan, tout au long de sa carrière. Des reprises, bien sûr, mais le vieux canard saura entendre ces harmonies parfaites et la magie des chansons. Inversement, Ian & Sylvia reprendront Tomorrow Is A Long Time bien avant que Dylan ne s'achète sa première guitare électrique, dès 1963, et contribueront à faire passer la pilule et enrichir le petit impertinent. Et seront les premiers à déceler la beauté des chansons d'un Gordon Lightfoot (Early Morning Rain). Etc.

Bien sûr, malgré leur tentative de coller peu ou prou à la mode mouvante (les deux derniers albums du coffret commencent à s'engluer dans une instrumentation plus riche et... plus datée, mais toujours aussi agréable), le temps qui n'attend personne leur passera dessus comme un 38 tonnes sur un hérisson un soir de mai à Brie-Comte-Robert.

Re-écouter tout ça aujourd'hui, c'est comme se souvenir de cette vieille boutique de bonbons, sentant le sucre un peu daté et le temps qui passe. Il y en avait une, quand j'étais petit, à Munster. Tenue par deux vieilles filles, remplie de bêtises de Cambrai et autres calissons d'Aix, tentant vainement de résister à l'empire Haribo. Peine perdue.

Cet hiver, pour Noël, j'ai essayé de faire des marrons glacés. Eh bien j'y suis arrivé. C'est pas si compliqué, il suffit de prendre son temps. Si d'aventure vous voulez tenter de comprendre comment on fait des chansons, sans sampler, et sans Protools, vous devriez trouver plein de recettes chez grand-père Ian et mamie Sylvia. Le goût des biscuits d'autre fois. Nombreux sont ceux qui sont arrivés à faire du beurre avec ça, contentez-vous des gâteaux.

You Were On My Mind (pour les heureux possesseurs d'un compte premium chez Fso, fait ch...)
You Rapidsharewere on My Mind (pour le reste du monde)



samedi 21 janvier 2012

#111: Warren Zevon "Bad Luck Streak In Dancing School"

Bruce Springsteen a eu de la chance. Il le sait. A l'époque de la sortie de son 2ème album, plutôt bancal, Elliot Murphy balança Aquashow. Hmm... Le match paraissait perdu d'avance, et pourtant... Il flippa une deuxième fois quand, juste avant de sortir son Darkness In The Edge Of Town, le même Elliot tenta le tout pour le tout avec l'immense Just A Story From America. Mais non. Allez savoir, le monde avait choisi Bruce Springsteen. Qui, bon prince, n'avait de cesse d'inviter Elliot Murphy sur scène pour lui rendre la monnaie de sa pièce, et tenter d'expliquer à la foule que ce gars-là avait du génie. Mais la foule répondait Bruuuce ! Bruuuce !

Pareil pour Warren Zevon. Un bon pote à Bruce. Un gars capable d'écrire de sacrées chansons. Multi-instrumentiste, touche-à-tout de génie. Qui avait roulé sa bosse durant les années 70 en accompagnant les Everly Brothers, sorti 2-3 disques sans grandes conséquences, avec, quand même, un tube. Werevolves Of London. De quoi laisser la maison de disque parier encore un coup sur le gaillard. Bad Luck Streak In Dancing School profitera d'une production clinquante, de la présence de membres des Eagles (aïe !), tout pour tenter le carton. Alors Bruce est allé jouer de la guitare sur Jeannie Needs A Shooter. Chanson terrible, ou l'amoureux transi se fait dessouder par sa copine et son père. Un coup de feu, il s'écroule, et voit les deux ombres s'enfuir. Fin du morceau. Flop de l'album.

On imagine très bien la scène :

- Alors donc c'est vous, Warren Zoven ?
- Zevon, Warren Zevon, M'sieur
- Oui ben, Neptune Jim ou Saturn Joe, ça vendra mieux, hein !
- Non m'sieur, moi je m'appelle Warren Zevon
- OK, et ça parle de quoi vos chansons
- J'en ai une, là, sur l'ennui des cul-terreux dans la cambrousse et...
- OK, OK, on va essayer, Bruce m'a parlé de vous. Mais attention, hein, je veux que ça sonne moderne !

La pochette est un régal : on y voit le gars un peu flouté (vu sa tête de fonctionnaire du Ministère des Finances, c'est mieux) au milieu de belles donzelles en plein cours de danse. Au verso, un flingue, des douilles au milieu d'une paire de ballerines. On imagine la scène d'ici... Pas net le gars. Pas nettes non plus les chansons. Textes effrayants, cyniques, sans appel, tiens, prenons Play It All Night Long. Un titre comme ça, Tom Petty t'en fait une balade qui grimpe au top ten avant même qu'on ait eu le temps de l'écouter. Ben chez Warren Zevon, ça donne ça : Grandpa pissed his pants again, He don't give a damn. Ce genre de choses. Sweet Home Alabama, play that dead band song... Tout ça pour finir sur un There ain't much in country living, Sweat, piss, jizz and blood. Ca, c'était pour le mythe du retour à la campagne. Et le reste est à l'avenant.

Alors évidemment, dans la bouche d'un Johnny Rotten, ça pouvait passer, à l'époque. Mais allez vendre du classic rock avec des textes pareils... Et c'est tout le problème. On sent qu'on a tout misé pour faire passer la pilule. Grosses guitares, caisse claire conforme à celle qui pourrira les années 80, tendance FM et compagnie. Heureusement, les chansons sont d'un tel calibre qu'on arrive à passer outre. Des mélodies imparables, des idées en-veux-tu-en-voilà, mais pas la belle gueule, des idées de cinglé, un penchant pour l'alcool et la dope, exit Warren Zevon.

...

La suite ne sera qu'une longue traversée du désert (pourtant bien peuplé de génies oubliés), même si des gens comme Dylan pourtant peu porté sur les compliments et la reconnaissance de ses pairs, le reprendront fréquemment en concert, notamment au début des années 2000 quand tout ira mal.

Lorsqu'il apprendra qu'il est atteint d'un cancer des poumons, Warren Zevon se fendra d'un dernier (forcément) album, superbe, The Wind. Toujours avec les potes (Springsteen, Emmylou Harris, T-Bone Burnett, etc.). Définitivement dans l'indifférence. Juste pour vous dire la carrure du Monsieur, il trouve dans la maladie encore la force d'être d'un cynisme difficilement supportable, en reprenant rien moins que Knockin' On Heaven's Door. Du cran, je vous dis.

Toujours est-il que c'est ce Bad Luck Streak In Dancing School que j'ai envie de retenir du bonhomme. L'album où tout semblait encore possible. La suite est trop triste.

It's the Wild Age

vendredi 20 janvier 2012

FEAR !!!

Ce post constitue un hommage, un remerciement à Jimmy, niqué jusqu'à la moëlle par... ? Qui ? Megatruc ? Le monsieur multi-millionnaire ayant bâti sa fortune sur notre envie de partager la musique ? Le FBI ? Au choix.

Vous trouverez donc ci-dessous le dernier post que j'ai téléchargé chez lui, le bien nommé Fear de John Cale.

C'est ici

Ce soir, quelque chose me dit qu'on a dû faire péter le champagne chez Deezer, Spotify et autres sites bien pensants de streaming. Criant sur tous les toits offrir de la musique en se rémunérant sur les pubs et en payant la SACEM. Vous avez raison les gars, vous êtes en passe de gagner. Ca martèle dans tous les sens dans ma tête. J'ai viré tous mes liens il y a quelques jours suite à une petite plainte, prêt à lâcher le morceau, et là, visiblement la guerre est déclarée. Economiquement, c'était le bon moment.

Revenons en 2000. Je m'interrogeais quant à un abonnement ADSL chez Wanadoo - et je vous jure que c'est vrai - la petite commerciale du centre commercial où le fournisseur d'accès avait sa petite boutique m'a vendu le truc en montrant à mes yeux ébahis à quelle vitesse elle téléchargeait Heroes de David Bowie sur Napster.

Il fallait que tout le monde ait internet. Il fallait tolérer cela un moment. Les graveurs de CD se vendaient à 150 euros, les disques durs pesaient quelques petites dizaines de Go, tout allait bien. Cela laissait le temps aux ténors - et pas seulement de la musique - d'installer leurs plateformes de vente sur le net, tout en négociant le prix du hardware grâce au prix démesuré qu'on payait pour s'équiper - le moindre péquenaud investissant des milliers de francs dans un ordinateur, pensant récupérer ses billes sans plus passer chez le disquaire, et même en résiliant son abonnement au vidéo-club du coin.

On a fait croire à Pinpin et Tonton qu'avec Photoshop ou Cubase, on devenait artiste d'un clic de souris. Adobe a longtemps laissé tranquille les vilains pirates de son programme phare : formez-vous, puis, devenus graphistes, exigez Photoshop dans votre entreprise. Bingo. Microsoft propose, encore aujourd'hui, sa suite Office Pro à 6 ou 7 euros pour tous les enseignants. Evidemment persuadés qu'ils seront assez débiles pour la conseiller à leurs petites têtes blondes, et que papa l'achètera. Vive Open Office ? Tu parles ! Des centaines de crétins de geeks se sont ruinés les yeux et la cervelle pour produire une alternative gratuite au grand vilain Krosoft. Et Sun Microsystems, détenteur d'un paquet de brevets dans l'histoire (le soft est basé sur Star Office, produit de la boîte, et intègre la technologie Java, produit de la maison), de rigoler. Ces couillons chevelus ont bossé gratos pour plomber Microsoft sur son terrain de prédilection. Vive le logiciel libre, Microsoft, au moins, paye ses développeurs.

Adobe a ruiné Quark, racheté Macromedia, tout cela grâce à une "certaine tolérance", un moment donné, au "piratage". On ne trouve plus un seul bouquin du type "Photoshop pour les Nuls" au Super U. Plus la peine. Monopole. Agression. Flicage, police, matraquage. Raque !

Alors l'affaire Megaupload, elle arrive au bon moment. Va faire flipper tout le monde. Je vous laisse un instant, je bois une coupe de champ' avec mes potes de chez Deezer.

Car, savez-vous, je suis rémunéré par Deezer. Ayant cramé 40 euros pour mettre mon disque des Cowboys Etanches en vente sur iTunes, Amazon et les autres, non pas pour devenir célèbre mais par pur désir de réaliser un rêve de gosse, sortir un disque, Deezer me rémunère. 0,05 centimes d'euros par clic, et 0,5 centimes d'euros si c'est un abonné Deezer Premium qui clique.

Expliquez moi l'équité du droit d'auteur dans tout ça : mon pote écoute par curiosité, ça me rapporte dix fois moins que si c'est un crétin qui a banqué son abonnement. C'est ça, l'avenir de la musique ? Le respect du droit d'auteur ? N'y a-t-il pas, là aussi, deux poids deux mesures ? Bien sûr, ma modeste maquette n'incitera jamais personne à s'abonner chez eux pour éviter la pub tous les quatre morceaux. Mais quand même. Je contribue à la hype. X millions de titres disponibles. Dont douze à moi.

Voilà pour l'épisode streaming, qui n'intéresse que les sourds, passons.

Toute ces affaires me poussent franchement à résilier mon abonnement internet. Amitiés futiles sur Facebook, culpabilisation sur Megatruc, marketing viral sur ma boîte mail, et en plus je paie pour tout ça.

Vous savez quoi ? Tout ceci me donne envie de couper la connexion, prendre une guitare, un accordéon,  jouer au troquet du coin, qui m'offrira une bière (2 euros 50, pour une demi-heure de bonheur, ça se réfléchit). Laisser crever les maisons de disques, les prétendus artistes (on ne les réédite qu'une fois morts, et encore on vient vous emmerder avec ça), vivre dans mon petit monde et manger des carottes bio (même si je déteste les carottes). Même si pour moi, acheter un disque est aussi merveilleux que la coke pour Keith Richards. Il semblerait qu'il ait arrêté. Je le peux peut-être aussi ? Mais pas pour me contenter de la méthadone mp3...

Je n'ai pas envie de continuer la lutte, il faut trouver autre chose. Tant qu'on emploiera les moyens de l'ennemi (internet, aujourd'hui), que tacitement on acceptera sa suprématie, on n'en sortira jamais. Mais comment ?

Et puis, ce côté écoeurant... par injonction du FBI, donc une affaire de justice Américaine, c'est la planète toute entière qui subit... Ras-le-bol du Village Global.

Combien étions-nous, depuis tant de temps, à proposer du contenu, de la prose, de la réflexion, de l'information, sur internet ? Quel beau rêve ! Laissons donc un instant les libre-penseurs alimenter la machine à fric, et récupérons/censurons le tout une fois l'affaire devenue rentable. Notre seule contribution tolérée consiste à dire "j'ai passé une super journée" sur Twitter. Dire que le dernier album de Céline Dion n'est pas terrible est déjà à la limite de l'illégalité. Du blasphème. Susceptible de réclamer réparations pour préjudices moraux. Ras-le-bol du Village Global, encore.

C'est juste un billet d'humeur. Pour le John Cale, Jimmy l'a très bien décrit, je n'ai rien à rajouter. Si tu es prêt à continuer, Jimmy, pique mon lien. Moi je fatigue. Je fatigue, mais je ne baisse pas les bras, enfin, pas sûr.

mercredi 18 janvier 2012

Pourquoi j'achète des disques ? (et pourquoi je n'ai pas envie d'arrêter)

Petit apparté avant la reprise d'activité. Le stress est passé, j'ai longuement réfléchi et je ne vois pas d'autre solution que de continuer (phrase piquée à Keith Richards discutant avec son dealer, à New-York, un soir de1975).

J'ai grandi nourri au vinyle. Et puis on m'a dit que le vinyle c'était fini, et que le Compact Disc nous promettait l'éternité. Il m'a suffi de me rappeler que mon Blonde On Blonde sautait sur Stuck Inside Of Mobile, au début du 2ème couplet, pour que j'en sois séduit. Le nombre de fois ou, adolescent, je redoutais cet instant signifiant la fin de toutes choses, a suffit pour que j'adhère à la crêpe digitale. On m'a expliqué que le niveau de technicité employé pour promettre le paradis sur terre justifiait l'augmentation du coût. Le jour où j'ai trouvé, EN CD !!! le pirate de Dylan au Royal Albert Hall, ça, ça a sans doute été un des plus beaux jours de ma vie. Les vinyles devenaient tellement maigres qu'on aurait pu, comme aurait dit Woody Guthrie, lire le journal au travers d'eux. Il faut bien différencier dépense et investissement.

Aujourd'hui, le virtuel nous bouffe, et je vous en ai fait bouffer, comme tant d'autres. Je suis sûr qu'un ésotériste de supermarché pourrait nous démontrer que le Nombre de la Bête, 666, se retrouve dans "mp3". Mon disque dur dégueule de choses formidables, et pourtant, quand le hasard et la nécessité me poussent devant chez Gibert, j'en ressors avec une petite poche pleine de ces galettes dont l'éternité est toute relative. Pourquoi, bon dieu, iTunes n'arrive-t-il pas à me convertir ? Dans certains cas, très ponctuels, je m'y perds, je leur laisse quelques euros (pour des Yves Simon introuvables ailleurs, par exemple). Mes étagères explosent de CD, un disque dur externe coûterait moins cher qu'un voyage chez IKEA, et l'on m'avance l'argument écologique de la dématérialisation (format flac, lossless, bla bla bla).

Et l'on oublie une chose. Indépendamment du coût. Merde, passionné de musique que je suis, jusqu'à la mort, ça m'embête quand même que quelqu'un sache, fusse-t-il un serveur, que j'ai craqué pour un Genesis, ou un Patrick Bruel, si l'envie m'en prend. Que je préfère les Stones aux Beatles. A tel point que j'ai accepté de payer tant pour tel album. Les joies de l'informatique et du village global sont telles qu'on est pas loin de pouvoir me cibler, me caractériser assez finement pour me proposer Dalida plutôt que Mötörhead, parce qu'un jour...

Vous l'avez compris, internet m'emmerde. A l'inverse du Prisonnier, je n'y suis pas qu'un numéro, mais bel et bien un individu en pleine possession de ses moyens (de paiement), qui fatalement va influencer la prochaine sortie de chez Universal. Parce qu'ILS sauront que j'achète Dalida et Mötörhead. Je suis donc un biker homosexuel égyptien sans permis, drogué qui plus est. Ou vu comme tel. Alors, sniffer les blogs et télécharger des fichiers du type DSAZE213.zip me va très bien pour découvrir un artiste. Et j'essaie d'y contribuer modestement. Moteurs de recherche, robots, je vous conchie. Vous ne saurez pas qui je suis, qui sont les autres, mes copains. Et si vous lisez cela, mon petit doigt me dit qu'il en est de même pour vous. CMD324, seuls les initiés savent chez qui j'ai découvert cet album. Ma vie privée, qu'on cherche à anéantir via Monéo, ma carte bleue, Deezer et tant d'autres, j'y tiens.

Et puis... acheter un disque... ou deux.... petit provincial, je m'en suis gavé chez Gibert à Paris aujourd'hui. Toujours la même émotion, même si avec l'âge, lire les notes de pochette c'était plus pratique vu la taille du format vinyle. On me dit que le CD c'est fini, je trouve toujours des trucs incroyables, que j'écoute amoureusement et que je classe dans mon étagère avec passion. J'ai peut-être bien plus de disques que mes oreilles pourront ré-entendre avec le temps qui me reste à vivre (rassurez-vous, je suis optimiste). Mais qu'importe et tant mieux.

Et puissiez-vous toujours, dans la mesure de vos moyens, avoir la joie de déballer le CD, que vous aurez préalablement tâté, jaugé, estimé (waouh, le livret a l'air de faire bien 16 pages, c'est du sérieux, etc.). Quitte à l'acheter d'occasion. Un malheureux déçu récupérera trois francs six sous, et vous du bonheur à pas cher.

A l'heure où l'on cherche à dématérialiser même les bouquins pour vous pousser à acheter un ipad, continuez à supporter la galette et le papier. Vous n'y êtes pour rien dans la déforestation de l'Amazonie. La preuve, le vinyle revient en force. Et bon dieu que les Smile Sessions sonnent bien en version plastique.

Puisse simplement ce modeste blog vous aider dans vos choix. Je suis confiant. Apple et Microsoft, réunis dans l'amour et le développement économique, feront tout pour que vos fichiers soient illisibles dans dix ans. On trouve des platines laser à 5 euros dans les vide-greniers. Préparez-vous à en stocker 3-4 chez vous, avant l'Apocalypse. Vous en aviez rêvé à l'époque, Sony l'a fait.

Amen.

lundi 16 janvier 2012

Grand Jeu Sans Frontières Des Bloggeurs Mangeurs De Disques Saison 2 !!!


Sonnez trompettes, résonnez guitares ! L'ami Jimmy et moi-même, nous sommes heureux de vous annoncer que la deuxième édition du Grand Jeu Sans Frontière Des Bloggers Mangeurs De Disques se déroulera du lundi 13 au samedi 25 février 2012.

La première édition dépassa toutes nos espérances et nous en profitons pour remercier une fois encore tous les participants et tous les commentateurs. Nous n'avons reçu que des félicitations pour l'organisation de ce jeu, mais, si tout le monde en a été heureux, nous avons tous fini épuisé, alors, pour y remédier, nous avons décidé que cette deuxième édition se tiendrait sur quinze jours, avec un post tous les deux jours ; cela devrait permettre aux cadences d'être moins infernales.

Les inscriptions sont ouvertes dès aujourd'hui en écrivant à l'adresse du Club : mangeur.de.disques@gmail.com

Vous recevrez les sujets (concoctés cette fois par Jimmy avec l'aide précieuse de LRRooster)  par retour de courrier. Soyez nombreux, soyez fous ! Vous avez un petit mois pour préparer vos splendeurs!

A très vite...

P.S. : Evidemment, nous comptons sur les blogs amis pour nous aider à relayer l'information (Merci d'avance)...

mardi 10 janvier 2012

No Milk Today

Terreur et tristesse, ce matin, voilà un commentaire reçu suite au post #111 directement supprimé :

Thank you for the enthusiasm for this project but please remove the link to download it. 

If everything was free then nothing would be made. Reissues like this don't grow on trees. This one took over 2 years and thousands and thousands of euros to produce and was released by a small, independent label. Give it away for free and you won't see another project like it. Please support the music.

There is already free 4-track sampler for download here:
(gratte-toi pour que je te fasse de la pub - NDLR)
The 4 CD set is already available at a very reasonable price that is not going to break anyone's piggy bank. 


Je ne vous citerai ni le nom de l'artiste, ni le lien vers le sampler à télécharger. Pourquoi ?

Qu'on me remercie pour l'enthousiasme que je lui porte est une chose, que j'apprécie bien sûr. Qu'on me demande d'enlever le lien est une chose que je peux comprendre. J'aurais aimé répondre, m'excuser, mais pas de mail disponible, en plus. Et puis mazette, cette réédition aurait coûté des milliers et des milliers d'euros, et voilà que je fiche tout en l'air en proposant un téléchargement illégal, mais dont on reconnaît l'aspect promotionnel ? En effet, tout était parfait, que je fasse de la pub gratuitement pour faire grossir les revenus du petit label en question, pas de problème. Sauf que l'artiste en question, a quand même chié un tube pour Elvis Presley, ce qui a dû lui permettre (et permettre à ses descendants) de survivre à la cinquantaine de téléchargements que je lui aurais infligé. Et d'une.

Sauf que, et de deux, l'artiste en question est mort depuis 2002. Donc si les labels indépendants se mettent aujourd'hui à parier sur des cadavres - aussi doués fussent-ils de leur vivant - pour faire leur beurre, quand tant de groupes bien vivants crèvent la dalle, c'est que quelque chose va vraiment mal.

If everything was free then nothing would be made, me dit-on. Ca m'énerve. A la louche, 50 000 personnes ont vu mon blog pour environ 4 000 téléchargements chez Rapidshare. Soit à peine 10% de piratage, et 90% de lecture. Et combien sont-ils, êtes-vous, à avoir jeté les mp3 parce que bof, c'est nul ? Je vous aurai donc évité de consommer un produit qui vous tentait mais qui ne vous correspond pas ! Et combien d'entre eux, d'entre vous, ont acheté le disque après avoir écouté ? Si Brand New Moods n'avait pas existé, j'aurais économisé au bas mot quelques centaines d'euros. Je me suis découvert une passion pour Caravan, au hasard, et j'ai tout acheté. Pareil, pour le Club et autres blogs que je consulte avec frénésie. Please support the music, me dit-on...

Le coffret en question, il est superbe. Je suis certain que nombre d'entre vous auraient craqué pour l'avoir sur votre table de nuit. J'ai la prétention de croire que le nombre de ventes aurait au moins égalé le nombre de téléchargements, alors qui est floué ? J'ai la flemme, mais rappelez-vous de ces pubs dans Rock & Folk, dans les années 80. Cette pub pour les cassettes Memorex, au chrome, qui restituaient parfaitement le son de Jimi Hendrix. A ma connaissance, ça n'a gêné personne, et pourtant si ça encourageait pas au piratage ! Idem, pour le Walkman de Sony... Enfin bref, passons. Ce débat me dépasse, je n'ai pas à juger des lois. Je pleure juste amèrement sur le fait que si nos agissements contribuent à la mort de l'industrie musicale, c'est que l'on cherche à éduquer nos bambins à n'écouter que des mp3 de merde, parce que c'est moins cher pour tout le monde et qu'on nous flique/analyse/markète plus facilement.

Tout ça me rappelle cette belle phrase de Dylan, To Live Outside The Law You Must Be Honest. J'ai le sentiment de l'avoir été, peu ou prou. Pour le moment, je me pose des questions, très sérieusement, je ne sais pas si je vais effacer tous les liens de téléchargement, supprimer le blog, ou continuer, sachant que je n'ai pas les reins assez solides pour m'attaquer au business. Et que j'ai une fille à nourrir.

Soit dit en passant, en m'auto-piratant, je pense avoir fait écouter les Cowboys Etanches à bien plus de monde qu'en me fadant un Myspace ou en passant mes soirées sur Facebook. Je suis heureux d'avoir fait découvrir ma musique. Si demain Universal trouvait ça super, et me proposait un contrat faudrait-il que je me colle un procès ? On en est pas là, et je m'en fous. On me rétorquera toujours le fameux manque à gagner. Mais qui a décidé que les Artistes devaient gagner 50 000 euros par mois ou rester dans leur cave à répéter jusqu'à la lassitude ? J'ai beaucoup plus de respect et de gratitude pour l'institutrice de ma fille que pour le batteur de Coldplay. Y'a pas un problème ?

Sans compter le fait, je me répète mais je suis énervé, que le post ne concernait pas "un petit groupe qui débute", ni même "un grand groupe qui ne partage pas". Il concernait un artiste bien mort, qui au mieux s'en fiche s'il est au paradis, et qui au pire se retourne dans sa tombe, devant le luxe de la réédition alors que de son vivant, après ses vieux coups d'éclats, il a connu l'indifférence.

No milk today, my love has gone away.

Motivation, tintin. Pardon, "tintin" est sans doute un mot protégé par un copyright. "Nada" irait bien aussi, mais on me traiterait de communiste, et "tonton" ça fait trop socialiste.

Je ne sais vraiment plus quoi dire.

vendredi 6 janvier 2012

#110 Jelly Roll Morton "The Library Of Congress Recordings by Alan Lomax"

Sans transitions... Je vous propose là une pure bombe, vrai de vrai. Comme ces grenades de 1914-18 que des gosses d'aujourd'hui encore découvrent au hasard d'une cueillette de champignons, et qui leur pète à la figure. L'an dernier, on a réédité (et remasterisé, ha ! ha ! ha !) en grande pompe l'oeuvre de Robert Johnson, bluesman légendaire, génial, qui assure toujours le fond de roulement d'Eric Clapton, c'est dire. Moi, j'en pleure, parce que Charley Patton, plus rien, nada. Les Mississipi Sheiks, idem. Il y a bien sûr les rééditions des fous furieux de chez Yazoo, mais hautement confidentielles, je ne suis même pas sûr que le label existe encore. Et Dieu sait ce que ces gens-là ont apporté à cette musique, et de fait au rock('n'roll). Mais passons. L'influence de Robert Johnson est indéniable sur le rock, donc la pop, le rythm'n'blues, la soul, tout ça tout ce qu'on aime.

Et le jazz ? Quoi le jazz ? Qui donc s'inquiète, se passionne de jazz aujourd'hui ? Les statistiques le prouvent, très peu de gens. Donc le jazz n'a qu'à se faire voir. On vous réédite Miles Davis parce que des chevelus vénèrent sa période électrique, ça vous suffit pas ?

Aucun espoir donc, d'imaginer un hommage parallèle et décent au pianiste qui aura influencé tant de gens dans ce domaine peu porteur. Je vous parle de Jelly Roll Morton. Qu'on qualifie de père du jazz parce que l'animal s'exprimait au piano, mais qui dans le groove, l'inventivité, a apporté autant de choses au blues, et qui dans son style de vie se rapprochait ma foi fort du dieu Robert...

Eh bien si. Un label formidable, Rounder Records (tout est bon dans ce cochon de label, vous pouvez y aller), a réédité ça il y a quelques années : les enregistrements de Jelly Roll Morton pour la célèbre Library Of Congress. Car les américains, quoiqu'on puisse leur reprocher, ont très tôt, très sérieusement et avec amour dédié des moyens à conserver leur patrimoine, musical notamment. Evidemment, l'immense Alan Lomax est dans le coup. Pousse le coquin de pianiste dans ses retranchements : raconte-nous ceci, raconte-nous cela. Tout y est. La légende parlante, l'histoire en direct, et hop, travaux pratiques, le morceau qui suit derrière. Alabama Bound, le premier morceau du CD, est une légende, dans le genre. Tout le CD transpire d'une émotion incroyable. A tous les musicologues, amateurs passionnés de ce génie, qui n'avaient à se mettre dans les oreilles que des rééditions minables, ce CD est là, pour les faire pleurer de bonheur. The Anamule Dance résume tout Dr John. Au hasard. Dans Wolwerine Blues, j'y trouve même l'intonation cynique de Ray Davies dans les meilleurs joyaux des Kinks.

A écouter tout ça, je me mets vraiment à penser que Dieu bénit l'Amérique. Ou plutôt que le pape devrait canoniser Alan Lomax. Ca n'est ici qu'un des nombreux enregistrements qu'il a réalisés. Il a traîné ses guêtres chez les pouilleux couillons des montagnes, chez les bamboulas des Antilles, et jusqu'à Cuba et en Italie. C'est incroyable. Et tout est disponible chez Rounder Records (voir, ou plutôt écouter ses enregistrements de Pete Seeger ou Woody Guthrie) ou chez Folkways. C'est merveilleux. Dieu Bénisse Rounder Records. D'autant que c'est Rounder Records qui a sorti le premier Madeleine Peyroux.

On sait tous, l'histoire des Minstrel Shows. Les blancs singeant les noirs. Le ragtime coincé des fesses d'un Scott Joplin. Ici, Jelly Roll Morton rend tout ça vivant, organique, dérive, essaie, dérape, ose, avance. Et j'en citerais presque Gainsbourg, démontrant du haut de sa superbe à un Guy Béart ridicule la puissance d'un piano face à une pauvre guitare bling-bling. Là, pas question de compétition, de débat entre le blues-rock et le jazz, mais il est clair pour tout le monde que le bonhomme envoyait à l'époque autant qu'un Mötörhead ou qu'un Charles Mingus. Dans les tripes, en passant à peine par les oreilles.

Bien sûr, dans un ipod, pour un non-anglophone, ça peut paraître rébarbatif. C'est plein de leçons de piano par le bon vieux Ferdinand. Les pianistes amateurs en baveront, les autres s'en foutront. Il s'agit ici d'une véritable exploration de l'art du Maître. Ce genre de choses ne se monnaie même pas... Imaginez Robert Johnson expliquant le pourquoi du comment de Come On In My Kitchen ? Cet enregistrement donne la divine impression, en quelques 150 Mo, de stocker les Tables de la Loi, pas moins, de tout ce qui va nous émouvoir musicalement durant la centaine d'année à suivre.

Et j'irai plus loin : nos amis rappeurs, electro, auront ici de quoi sampler le bon vieux Ferdinand, allègrement. Un sacré flow, le bonhomme !

Même Mireille Mathieu tripperait grave sur ce disque, si elle avait des oreilles (sa coupe de cheveux n'a jamais permis de le confirmer, ses disques non plus, un mystère français plus épais que celui de Rennes-le-Château...) puisque The Spanish Tinge démarre sur rien de moins que la mélodie de La Paloma... Oh et puis, Ferdinand Joseph Lamothe est d'origine française ! Une exception culturelle, donc ! Ce coup-ci, à juste titre. Comme ils disent, sur la pochette :

A Document Of The Big Bang Of Jazz !

...ou plutôt du Big Bang de toutes ces musiques syncopées et endiablées qui nous enchantent tous, quelle qu'elle soit ! Si Robert Johnson maîtrisait le vice du riff bluesy, de la blue note qui dérape, gêne et ébahit, lui a tout simplement inventé le groove.

mercredi 4 janvier 2012

#109: Les Cowboys Etanches "Déroute 66"

Mes biens chers frères, en manque d'inspiration et de temps, je vais pécher par orgueil. Vos commentaires sur l'album précédemment posté m'y poussent. Dingue ! voilà Motel Riviera propulsé au 1er rang des albums consultés sur ce blog ! Comme Dave est juste derrière moi (reste tranquille, Dave, s'il te plaît, tu me fais peur, c'est pas mon truc), je ne sais pas si je doit prendre la chose comme un compliment ou si mon blog offre délectation aux amateurs de musique un peu... allez, n'insultons pas Dave. Il Etait Une Fois avait fait un bon score, aussi. Manset pêche toujours les perles de nacre au fond du classement, allez comprendre !

Bref donc, j'ose, je me permets d'y rajouter l'album d'avant, un peu moins con-con que Motel Riviera, à la caricature et au pastiche à l'eau plutôt qu'à l'huile, le très discret Déroute 66. Remanié pour l'occasion (j'ai remplacé un ratage complet par une reprise de Up On Cripple Creek du Band), tel un auteur conceptuel souffrant des affres de la création, le voilà disponible au plus grand nombre. Son flop retentissant auprès de mes amis l'avait cantonné à la discrétion, mais puisque j'ai l'espoir, bientôt, d'avoir une date (une vraie) en acoustique (comme Bob Dylan ! Aïe, mes chevilles !), je relance la machine.

Déroute 66 est axé sur la nostalgie, la révolte et le cynisme. Moins orienté blagues de comptoir que Motel Riviera, moins caricatural, donc. Mais ça reste de la chanson désengagée, mal foutue, mal produite, mais ne m'en voulez pas pour ça, je ne suis pas Supertramp.

Vraiment le temps me manque, alors voilà le menu :

(je te parle de ma) Gênée Génération : Talking 'bout my g-g-g-generation, version Bidochons 70's, voilà mes racines. Du vécu.

Dans Ma DS : Oulipo, ici, j'ai imaginé Charles De Gaulle chantant un pop song avec France Gall. La 1ère Dame de France sort bien des disques, non ? A quand une reprise de "Hé Ho Hé Ho ! On Rentre Du Boulot" avec son Nain ? En 2012, j'espère...

Bye Bye Pompidou : ici dans sa version très influencée par The Night They Drove Old Dixie Down (en toute modestie, exercice de style), critique acerbe du socialisme à la Mitterand, et de notre belle société de consommation.

Il Est Où Le Loup Là : Un constat, ma fille de 3 ans à l'époque n'avait pas peur des loups mais de mon avatar sur World Of Warcraft, et l'on flippait tous sur le téléchargement illégal, et les révoltes des banlieues inquiétaient plus que tout les gens bien pen(s)(ch)ant à droite. Reviens, petit Chaperon Rouge ! A l'image des murder ballads, ces petites leçons de morales me semblent bien plus éducatives que le stress de notre belle société calmé à coup de lexomil.

Thé de Tanzanie : une très vieille chanson. Un jour, après m'être pris un rateau auprès d'une conquête désirée, j'ai passé ma soirée à rouler des joints avec son thé. Pour gâcher la soirée, simplement. Punk's not dead.

Otis : l'histoire d'un fonctionnaire tombé amoureux de l'ascenceur social. No comment.

Délation : Protest song. Vivement les élections.

La Chèvre De Monsieur Seguin : private joke, hommage à Alphonse Daudet (j'ai toujours en projet un pastiche du American Prayer de Jim Morrison avec Fernandel récitant les Lettres de Mon Moulin en lieu et place de l'Icone, mais ça prend du temps, c'est bête et inutile, alors... ça n'avance pas) sur fond de choeurs d'enfants, façon Cabrel émouvant (pastichant à l'époque le Dylan de They Killed Him avec Il Faudra Leur Dire... une chanson nulle qu'il a même pas inventé...). A tourné en boucle sur certaines radios libres de Normandie. Je me dis qu'en Poitou-Charentes, il reste un créneau pour en faire un hit.

La Voix de l'Amérique : Reprise de Up On Cripple Creek (forcément, une reprise), avec un texte adapté, dédié à Johnny (oui, le Hallyday). Y'a des gens qui jouent au loto, je m'étais dit qu'écrire un texte pour Johnny aurait le même effet via les royalties de la SACEM, d'autant que j'avais lu qu'il préparait un album de blues. Je ne lui ai évidemment jamais envoyée.

Stone & Charden : Oulipo. Dylan chantait "Nobody Can Sing The Blues Like Blind Willie Mc Tell", j'ai retranscris en "Tout Le Monde A Oublié L'ambiance De Ces Fêtes Foraines Que Chantaient Si Bien Stone Et Eric Charden", et le reste est venu tout de suite. Celle-là, je l'aime plus que tout. Me la détruisez pas, soyez sympas.

Alors voilà, c'est la faute au commentaire à Gaël, à mon projet de concert, je balance la suite. Rassurez-vous, j'en ai pas 360 autres à vous balancer.

Mais celui-là je le balance.

lundi 2 janvier 2012

#108: Bob Dylan "Chasing A Shadow" (Rothberry Festival, July 5th, 2009)

Une nouvelle année qui démarre, avec la gueule de bois du 1er janvier toujours plus raide au fur et à mesure que le temps passe, à chaque fois on prend un coup de vieux. Ca démarre tout doucement, quand on a vingt ans. Genre, déjà six mois que je suis avec Anne-Bidule, comme le temps passe...

Et puis plus tard, c'est en avant qu'on regarde. Qu'on estime, parie, espère, quant au temps qui nous reste. On lâche la guitare au bout de cinq minutes (mince, je sais plus jouer), on souhaite la bonne année à son papa, atteint d'Alzheimer qui vous répond "ah bon ?". Ca rend triste.

Alors, il faut chercher du réconfortant. Après tout, plus le whiskey vieillit, meilleur il est. Pourquoi pas nous ? Alors quel disque écouter, qui rendrait l'adage valable pour un terrien comme nous ?

Là, rien de tel qu'un bootleg récent de Dylan. Ici, c'est un bonhomme goguenard de 69 ans que vous entendrez. Et qui semble se fendre la poire tout au long du show. Ose des arrangements surréalistes à ses classiques (Tangled Up In Blue, Blowin' In The Wind), s'amuse à les chanter n'importe comment pour voir si elles tiennent la route malgré tout en les tordant dans tous les sens. Quitte à les plomber définitivement d'un solo (?) d'harmonica, démarrer le couplet trop tôt pour emmerder ses musiciens (voir ne pas le démarrer pour vérifier qu'il y en a un qui suit et qui lance un solo pour faire passer la pilule - on va quand même pas les payer à rien faire !). Ca semble même agacer le batteur, qui d'un roulement de caisse claire improbable et maladroit tente désespérément de booster l'orchestre sur All Along The Watchtower, mais Bob en a décidé autrement...

Et parfois, et ici, souvent, le vieux canard oublie d'être facétieux, se lâche et se transforme à nouveau en génie, presque contre son gré (Highwater (for Charley Patton) ici, au hasard). Et autre raison d'espérer, ce sont ses titres les plus récents qui sont les plus gouleyants (quoique même les plus récents vieillissent... déjà 5 ans pour les plus jeunes d'entre elles, dont Jolene, ici magnifiquement présente... allez ! non ! suffit le cafard !!!)... Même s'il est toujours étonnant de constater que les anciens et les nouveaux se mêlent dans une même pâte, impossible à dater. Lequel a été écrit en 1965 ? en 2001 ? Pas de chute de tension, ici.

Alors on se dit que voilà peut-être bien les clés pour bien vieillir : provoquer le destin, ne rien prendre au sérieux, mais avec passion. Ca semble réussir à Dylan, pourquoi pas à nous ? Du coup, on en vient à espérer des grands moments pour l'année à venir qui, l'instant d'avant, s'annonçait comme une chape de plomb supplémentaire, une croix encore plus lourde à porter.

Puissent ces quelques lignes, et surtout le disque qui va avec, vous redonner le moral jusqu'au 1er janvier prochain.

Ceci dit, ça fait bientôt dix ans que les bootlegs récents de Dylan de bonne qualité sont aussi durs à trouver qu'une aiguille dans un botte de foin. Déjà que l'animal nous triture les oreilles par son impertinence, s'il faut de plus se fader un son digne d'un autoradio de R12, ça rend l'exercice difficile, ça relève du sacerdoce que d'y retrouver ses petits. Merci donc à Bobsboots, one more time, en voici un d'une qualité parfaite, conforme à la petite vignette Rated Bob's Best collée à la page de description de l'album. Sans les sulfites qui vous ont vrillé la tête le 1er janvier, donc. Comme d'hab, tous les détails sont ici.

Désolé par contre, ça semble être encodé en 192 kbps maximum. Et j'ai passé l'âge de les traquer en .flac sur les forums. Mais qu'importe. C'est plus léger. Donc ça passe mieux, après ces périodes de fêtes...

Allez, courage, le vieux Bob est avec vous !

dimanche 1 janvier 2012

Bonne année



Voilà, c'est fait, nous sommes en 2012. Mon disque dur externe tire la langue, il ne lui reste que quelques Go avant de rendre l'âme, la faute à Mister MoodsLyc, Jimmy et les autres.

Alors merci à vous tous. L'aventure de ce blog m'a conduit à des rencontres virtuelles mais bien plus charnues que des posts sur facebouc, m'a rappelé que j'étais toujours une tête de con (merci Jimmy pour ta patience), et m'a permis de réaliser un rêve de gosse : écrire des chroniques de disques. C'est énorme. Quand je vois le nombre de visites et, comparativement, le faible nombre de téléchargements, j'en suis d'autant plus ému. Et j'ai de fait pas trop l'impression de contribuer au marasme de l'industrie du disque.

Et puis, cette immense aventure, ce grand concours des bloggeurs mangeurs de disques, j'espère qu'on va sortir la saison 2 bientôt. Quelle prise de tête, quel bonheur.

Alors merci, en vrac, et j'espère n'oublier personnne, à :

Mister Moods : pour m'avoir mis le pied à l'étrier via ta Caverne. Ho ! l'année du dragon a commencé, et je ne vois rien venir ?!!!
Lyc : pour ton blog immense et goulu, auquel je me suis abreuvé avec frénésie avant que de te cotoyer, et content et fier que je suis d'y être maintenant mentionné
Devant : pour tes passions communicatrices
Keith : pour tes sorties trash ou variétoches, mais toujours énormes
La Rouge : pour tes encouragements, et surtout pour la couleur du papier peint. On s'y plait chez toi.
Charlu : pour tes extraordinaires chroniques
Warf : pour trouver chez toi un Brian Wilson entre deux album de metal, bravo
Jimmy : last but not least, pour tout

...Et à tous les fidèles, Chti73, LRRooster, Echiré79, psgepp (euh... c'est ça ?), et les autres que j'ai la faiblesse d'oublier momentanément, mais que je bise avec ardeur quand même... désolé, il est 3h45, et j'ai plus toute ma tête. Oui, je sais, on dirait un peu Johnny remerciant son public alors que tourne en boucle le riff de La Musique Que J'Aime, m'en voulez pas, je suis comme ça... soupe au lait et tout émotionné.

Bonne année, donc, la meilleure possible, à vous tous. Et des bises du fond du coeur (comment on fait ça ?) !

Y'a tellement d'émotion dans tous ces petits mots que je mets même pas de disque au bout.

Les boules ? Oh non, Noël est passé...