C'est une évidence, ce blog manque de blues. Le problème, c'est que la grande majorité des albmus de blues que j'écoute, ceux de vieux de la vieille encore en mesure de compter jusqu'à 12, me rappellent la salle à manger de mes grands-parents : tout est en ordre, propre et lustré, chaque chose à sa place, et tout est prévu à l'avance : le repas du dimanche, le club tricot, etc. Et il fallait rester poli à table, pas un mot plus haut que l'autre. Quand, en plus le majordome Eric Clapton s'occupe du service, on est certain d'avoir des couverts en argent, mais aussi de la soupe de légumes bien fadasse (papy fait un régime sans sel). Alors bien sûr, on peut piocher dans l'album de famille, Robert Johnson, Charley Patton, mais ce sont là des photos qu'on a vues cent fois. Et puis je viens de poster l'album des vacances à Marseille de Mamy en 1937, alors on va pas remettre une couche tout de suite.
Deux choix s'offraient à moi : le trublion de la bande, RL Burnside, que je remets à plus tard, ou le tonton parti voyager sur les mers du sud, les Caraïbes et la Jamaïque : Taj Mahal. Drôle de nom, mais pas plus mystique que Muddy Waters, au hasard...
Taj Mahal, donc, Henry Saint Clair Fredericks de son vrai nom, débuta sa carrière sur la côte ouest des Etats-Unis, dans les années 1964, avec Ry Cooder (un blanc ! mais quel blanc !), dans les mort-nés Rising Sons. Il faudra attendre Love ou Sly & The Family Stone pour que, quelques années plus tard, le public accepte ce mélange presque anticonstitutionnel à l'époque, sinon des genres, du moins des couleurs de peau.
Taj Mahal sera quand même vite repéré et adulé par le public rock blanc (il jouera dans le Rock'n'Roll Circus des Stones dès 1968), et commencera sa carrière par trois-quatre albums de blues bien chiadés. Un dieu de la dobro, toujours prêt à balancer un blues en 4/4 bien binaire, et à reprendre des choses réservés habituellement aux blancs. Dans son album De Old Folks At Home, il poussera même la provoc' jusqu'à n'utiliser pratiquement que le banjo, en solo, et tenter de récupérer l'instrument initialement ramené d'Afrique par les esclaves et confisqués par les rednecks. Il reprendra même des machins comme Cluck Old Hen qu'on entend bien plus fréquemment dans les Appalaches que dans les juke joints de la Louisiane.
Comme dit, sa curiosité l'amènera à intégrer dans sa musique d'autres influences comme le calypso ou le reggae (jusqu'à produire des albums très pénibles, parce que bien léchés et sans âme). Mais au début des années 1970, en 1971 pour être précis, Taj Mahal est au meilleur de sa forme et de sa créativité et propose cet album live, The Real Thing, enregistré au Fillmore East, magnifiquement, et audacieusement entouré.
Tout cela débute par un Fishing Blues acoustique en entrée. Oui, le Fishing Blues qui clôturait l'Anthology of American Folk Music. Genre, on reprend les choses là où Harry Smith, réfractaire au clivage noir/blanc dans la musique traditionnelle américaine les avait laissés. Voilà, c'est fait, le morceau acoustique terminé, on passe aux choses sérieuses. Et déboule le back-up band de Taj Mahal : basse, batterie, piano, guitare électrique mais, et surtout, pas moins de 3 tubas, sax et autres cuivres, pimentant la suite d'une touche New Orleans savoureuse. Ain't Gwine T'Whislte Dixie Any Mo', instrumental de quelques secondes qui ouvrait le merveilleux Giant Steps, s'étale ici sur presque 10 minutes, et la part belle est laissée aux cuivres, dans des soli jazzy complètement émouvants. Et ces tubas qui soutiennent - voire remplacent - la basse électrique - c'est un délice et une audace rarement savourés sur un disque estampillé blues, ou blues-rock ou je-ne-sais-quoi.
La suite groove tranquillement - de l'audace, toujours de l'audace - jusqu'à ce duo banjo/tuba, Tom & Sally Drake, complètement ébouriffant. Qui aurait osé ? Pas les pâlots au Stetson, ni les bronzés de la Nouvelle Orléans. Taj Mahal, oui. Et tout continuer à couler dans un véritable bonheur de musique métissée à souhait, du laid-back (Big Kneed Gal, au hasard) au plus furieux (She Caught The Katy And Left Me A Mule To Ride, oui, le truc dans l'album des Blues Brothers, tous cuivres et harmo en avant, Diving Duck Blues limite bluegrass dans le rythme). Et Taj Mahal de s'éclater tout du long à l'harmonica, et de laisser la part belle au groupe. On est très très très loin du cliché couplet/refrain/solo de guitare de Pappy Blues... Et ce final... You Ain't No Street Mama, But I Like The Way You Strut Your Stuff de 18 minutes ternaires, aéré, mélodique, véritable suite de pleins et de déliés, un truc à rester scotché dans son fauteuil la nuit durant, simple et beau à la fois. Oh, sans éclats majestueux, pas la peine de chercher la tablature, tout est dans le groove, inébranlable. Douze mesures, répétées à l'infini, ou presque. Et, toujours, ces tubas... Un de ces albums live intemporels. Le vrai truc...
...The real thing !
dernier test
RépondreSupprimerTaj Mahal est, comme Ry Cooder, un musicien inné et un mec à l'esprit ouvert. Ca ne peut donc qu'être bon!
@pluche
Youpi!
RépondreSupprimerCa marche enfin, je vais pouvoir flooder, gniark, gniark!
@Jimmy : J'adore Ry Cooder, mais je déteste le buzz autour de Buena Vista Social Club, bordel, on dirait qu'il n'a fait que ça de bien si on en croit les médias !!!
RépondreSupprimer@Lyc : content que ça marche, floode mon gars, floode...
@Jimmy : Elle est en train d'être rapatriée... Je te dirai ça ce soir...
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