Un peu d'amour dans ce monde de brutes... Et quelques choses à rappeler. Non, Eric Clapton n'a pas débuté sa carrière avec son album Unplugged. On peut cracher dans la soupe, mépriser le côté commercial de cette vague d'albums acoustiques pseudo-cools dans notre époque tordue, non, il ne suffisait pas de sortir un album Unplugged pour gagner la confiance des stades. Même si, le Clapton, le Nirvana, OK... Mais demandez donc à Rod Stewart, qui fut de la danse et pour qui cela ne servit à rien. Quand on est ridicule, le fait d'empoigner une mandoline ou une guitare sèche ne change rien à l'affaire.
Bien sûr, pour Clapton, l'effet fut saisissant : depuis lors, il se complait dans des revivals (Cream, Steve Winwood, etc.) ou des effets de style (un album avec Wynton Marsalis vient de paraître, personnellement, peut me chaud) pour repeindre sa villa. Ca à l'air de marcher, tant mieux pour lui.
Toujours est-il qu'il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, ou Eric Clapton fut réellement créatif. D'abord, en atomisant les Yardbirds de son jeu de guitare, ensuite en inventant le hard rock avec Cream. On lui prêta le nom de Dieu, jusqu'à ce qu'un Jimi Hendrix vienne rappeler qu'il n'y a nul Dieu sur terre, tout juste un gourou plus doué que les autres, pendant un temps, mais que tout cela avait toujours une fin.
S'en suivit l'épisode Blind Faith, passionnant d'humilité, gâché par l'incruste d'un Ginger Baker que ni Steve Winwood ni Clapton ne surent éjecter à temps. Résultat, les deux super héros se virent propulsés super-groupe avant même que d'avoir le temps (ou l'envie) de balancer des hits hallucinants (mais quand même propulsés à Hyde Park après King Crimson lors du célèbre (et minable) hommage des Stones à Brian Jones). L'album de Blind Faith reste incroyable. Reprise originale du Well Alright de Buddy Holly, compositions majestueuses (Presence Of The Lord), mais voilà : pas d'éclats. Juste de la belle ouvrage. Gâchée par le buzz d'une presse par trop décidée à les propulser Nouvelles Stars.
Et puis... Jimi Hendrix. La légende veut que lors d'un de ses concert à Londres, il aurait tendu sa guitare à Clapton, "tiens, s'te plaît, tu me l'accorde". Et "God", "Slowhand", en personne, d'obtempérer. Malaise.
Heureusement, The Band sortit son Music From Big Pink, résultat des jams informes avec un Dylan en pleine paranoïa, cherchant à fuir la hype qu'on lui avait définitivement collé sur le dos. Pas un album country, un album campagnard. Et Clapton de s'avouer fan de cette musique simple, directe, sans éclats. Vraiment, Eric ? Toi qui fus le roi du solo brillant et étincelant ? Tu préfères vraiment te la jouer "rythmique" et laidback ? T'es sûr que Jimi t'a pas filé une grosse claque, plutôt ?
Le reste relève de la psychanalyse, et là n'est pas l'objet. Entre-temps, l'héroïne et l'alcool auront fait leur chemin, Clapton tentera un premier album solo et... tombera follement amoureux de la copine à Georges Harrison. Dingue, raide mort. Se sentira largué, nul, juste capable d'écrire des chansons d'amour et juste conscient qu'entre temps, même si Jimi Hendrix avait déjà cassé sa pipe (reprise ici de son Little Wing, un peu trop martiale à mon goût, mais bon..), des gens comme Jimmy Page avec son nouveau groupe, Led Zeppelin, lui barraient définitivement la route d'un avenir de guitar hero qu'il avait laissé filer.
D'où Derek & The Dominos. L'anonymat qu'il avait cherché avec Blind Faith, il se le re-tente. Avec des casse-cous qui finiront rapidement morts (Duan Allmann) ou en tôle. Au fond du trou, le Clapton. Mais qu'est-ce que ça doit être beau, là, tout en-dessous. Le double album initial n'est qu'un florilège de chansons d'amour, de reprises désespérées (Nobody Knows You When You're Down And Out). Et que je te les gueule, les chansons. Finie la timidité façon "euh moi je joue de la guitare, je sais pas chanter" de Blind Faith. Même dans votre ipod, sa voix pue le whisky et fleure mal la cocaïne. Down and out. Et le live à suivre (même sans Duan Allmann, R.I.P) est tout aussi grisant de passion et de désespoir.
Cette réédition Deluxe, plus modeste que le coffret sorti dans les années 1990 (mais du coup, allant direct à l'essentiel), propose quand même, en plus, des moments magiques, témoignant de la fournaise de l'époque (au hasard, la jam sur Got To Get Better In A Little While, tiens donc...) . Et le Matchbox, avec Carl Perkins, enregistré pour le Johnny Cash Show, rappelant discrètement quel bonhomme c'était, ce Johnny Cash ! Mais c'est une autre histoire. Mais j'avoue quand même que j'ai hésité à rajouter ce 2ème CD bonus, ne vous dispersez pas. L'essentiel reste, comme toujours ou presque, dans l'album initial. Ma générosité me perdra...
Après ça, et pendant trop longtemps, Clapton vivra de ces albums ou, au détour d'un couplet, quelques notes de Stratocaster rappelaient quand même que c'était quelqu'un. Pendant plus longtemps encore, il n'y aura plus rien. Que peut-on imaginer créer avec un Phil Collins à la batterie ?
Retour à la case départ, cet Unplugged. Sa version boy-scout de Layla. Le song-book façon Guitare à Dadi de ses reprises de Malted Milk et autres qui occuperont encore un temps notre belle jeunesse sur des guitares, avant qu'ils ne passent au sampler. Ses albums blues, revival, sortis dans la foulée, entre deux merdes originales dont personne n'a cure.
Bien sûr, à l'époque, il a fini par se l'avoir, la Patti Harrison. Bien sûr, ça finira par finir (et je trouve son Wonderful Tonight, sur Slowhand, émouvant rien que pour ça). Alors tout ça pour ça ? Reste ce moment déchirant. Ou Clapton, s'appelait Derek. Mon Nom Est Personne. Mais Personne n'avait jamais sorti un truc pareil...
Why Does Love Got To Be So Sad ?
J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.
Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?
- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -
samedi 1 octobre 2011
#41: Derek & The Dominos "Layla And Other Assorted Love Songs (2CD Deluxe Edition)"
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
@Jimmy : Quand on se risque à dire du ben de Clapton, faut forcément compenser... Comme j'ai jamais été trop fan du Rod, c'était facile... Désolé.
RépondreSupprimerComme Jimmy, Le Rod avec ces Faces, et quelques bon solo. Puis quelques bonnes chanson et puis... Comme Jimmy disais je, je pardonne presque comme je pardonne aux Stones, mais les Stones eux ont beaucoup beaucoup fait ... et aussi beaucoup à se faire pardonner
RépondreSupprimerAu fait, quand même: l'Intro de LAYLA ... quand même quoi. ;-)
@Jimmy : Oui, je connais un peu... Every Picture Tells A Story et tout ça, Maggie May... mais ça m'emballe pas plus que ça. Disons, pas suffisamment pour le considérer comme une Icône... donc j'ai plus de facilités à pas lui pardonner qu'avec les Stones, par exemple. Je suis plus fan de son passage dans le Jeff Beck Group...
RépondreSupprimerTrouve une occasion pour "Gasoline Alley" de Rod Le titre n'est pas mensonger ;-)
RépondreSupprimerYop la boom les amis, je vais réagir à cette chronique.
RépondreSupprimerEric Clapton, c'est presque mon deuxième prénom et j'aimerais émettre des réserves.
Je le reconnais, EC a vu sa carrière faire des montagnes russes, mais c'est ce que j'ai toujours aimé chez lui. Le fait de me dire que ça va être nul, que c'est complètement inutile et en fin de compte, me retrouver scié, unijambiste, court sur pattes voire cul de jatte m'a toujours conféré une connotation mystique à ce personnage,voire religieuse.
Les Yardbirds, c'est déjà fait, tout de suite, la suite:
A mon sens, il obtient sa dimension de guitar héro avec John Mayall, groupe et album injustement oublié dans cette chronique.
C'est là que commence "la vie de Brian", le faux prophète proclamé "Dieu" par les autres n'a pas pu éviter les affres du gonflement de crâne, c'est ainsi qu'il rejoint "Cream" pour une expérience que je qualifie de mitigée. Quant aux légendes de tête mongole et fière qui éclate en ballon de baudruche à l'arrivée de Jimi, je n'y crois que très peu. A part la première apparition fomenté par Chas Chandler pour la promotion de l'indien ou EC s'est retrouvé véxé, il y a toujours eu un grand respect entre ces deux musiciens.
Plus personnellement, sa reprise de "Little Wings" a été l'un des plus gros choc de ma jeunesse, me faisant découvrir deux noms par la même occasion, celui du chanteur et celui du compositeur.
Dans tous les cas, la baudruche a toujours su garder le cap car ses apparitions de l'époque avec Aretha ou Delaney & Bonnie restent remarquables et anonymes.
Pour Blind Faith et Derek..., no comment, à part que j'espérais trouver le live en cliquant sur le lien menant ici même.
Il me reste les année 70, où, en studio, il est vrai, l'ami se dirige vers une musique américaine plus sobre, moins pignole de la guitare (j'adore "there's one in Every Crowd")avec des tendance reggae, aidant, en passant, à populariser l'idole Marley.
Mais comme je l'annonçait au début de ma réaction, ce qui différencie le plus sa carrière des montagnes russes, c'est que l'émotion on la reçoit quand ça monte et non quand ça descend, et ses performances "live" sont des plus significatives pour exprimer son niveau à la guitare. C'est pour ça que je recommande très chaudement le coffret "Crosroad II- Live in the Seventies".
Après un tel "trip", l'analyse est rapide. Si la lumière ne peut apparaitre que dans l'obscurité, c'est dans le préjugé mensonger que l'on peut se rendre compte de la vérité. Eric Clapton est un mec humble, il n'oublie jamais de dire "Thank You" lorsque les applaudissements ne sont que bien peu de choses en retour de ce jeu lumineux, il n'expose pas ses talents en studio, à contrario de la grande mode de l'époque et préfère partager son savoir avec ses fidèles, en somme pour apparaitre quand on ne l'attend plus, telle la (lente) main de dieu qui vient sauver les bonnes âmes dans un monde en ruine.
Un coup qu'il réitèrera en 1991 avec son "Unplugged" venant balayer toutes ces années 80 "branchées" où il fut en proie à sa passion pour Patty, passion effritée par la naissance d'un fils avec une autre femme et mort rapidement dans un accident qui ne peut que rajouter un peu de mysticisme dans cette vie chaotique
Depuis, il s'en fout, à chaque mois d'aout il met les bouts
Sinon, j'étais passé comme ça en toute sympathie, je connais Jimmy et puis il m'a dit que c'était cool ici etc etc. Bon, je visite maintenant mais attention à ce qu'il y d'écrit sur Pink Floyd
Bien à vous