J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

jeudi 6 octobre 2011

#49: King Crimson "USA"

Putain quelle claque... Je le dis sans honte à l'écoute du CD, mais j'imagine qu'ils étaient des centaines à le penser ces soir-là à Asbury Park et Providence, USA, ces derniers soirs de juin 1974. King Crimson at full force. Le milleur line-up de la première période : Bill Bruford, batteur immense, roi des 3/4 de 16èmes de temps, John Wetton, bassiste faramineux et chanteur puissant, David Cross au violon et au mellotron, et Robert Fripp aux guitares... violentes, merveilleuses, déjà pensées vers l'avenir (Fracture), vers la version 2.0 comme on dit aujourd'hui.

Parce que tout ça tournait trop rond, devenait vraiment trop pachydermique, Robert Fripp décréta peu après qu'il "ne devrait plus exister de dinosaures comme King Crimson". End of the game. A vous les punks. Après un ultime Red, que je vous invite à acheter, ou à chercher ailleurs, majestueux et éternel, Fripp se lancera dans des trucs plus absconds, avec Brian Eno, laissant de côté pour un moment le super-groupe (au grand dam de Bill Bruford qui avait quand même quitté un job en or chez Yes pour suivre l'aventure... pas très sympa pour lui, ni d'ailleurs pour l'immense John Wetton, mais bon, soit on est sympa, soit on fait ce qu'on veut, et Robert Fripp a eu l'intelligence, le culot et la force de choisir).

Voici donc ce live, USA, plaquette argentée brandie comme un étendard sur la pochette : oui, nous avons troué le cul des amerloques. Nous, King Crimson, malgré notre musique exigeante et barrée.

Musique hyper-violente ici, loin des concessions de l'époque (le pauvre et minable Greg Lake, ami des débuts, avait déjà nuit depuis longtemps avec Emerson, Lake & Palmer dans des albums prétentieux et inutiles de vantardise et virtuosité inutiles). Lâchant malgré tout une version éternelle du 21st Century Schizoid Man qui ouvrit le premier album, genre je ne renie rien du passé, j'ai amassé des briques, construit mon temple, le reste du disque est sans concessions et tout aussi brutal que ce premier brûlot. Quoique... Starless est un moment inoubliable pour qui ne l'a pas vécu : chansonnette émouvante au début, partant en vrille dans un solo de guitare à une note (salut, Emerson, Prout et Casse-Burne, votre vantardise est inutile, et je le prouve !), jamais vécu plus d'émotion de ce côté du rock dit progressif...

Je ne peux pas m'empêcher, quand j'écoute un disque, qui plus est quand j'écoute un album live, que d'imaginer ce qui se passe dans la tête des musiciens. Et là, je capte Robert Fripp, prêt à tout larguer, assis sur son tabouret, toisant le public en jouissant de la force de la musique qu'il a réussi à développer, malgré toutes ces galères de changements de musiciens (c'est moi le leader, c'est moi qui sais où aller, si ça vous plaît pas, la porte est là, en gros...), un petit sourire aux lèvres : voilà, je suis arrivé au bout du chemin, c'est terminé. Je n'irai pas plus loin dans cette voie, mais voyez - et écoutez jusqu'où je suis allé... D'où les 3 minutes d'applaudissements à la fin de l'album, sans espoir. No way. C'est fini. Ca a été dur, je l'ai fait, qui d'autre ? Fichez-moi la paix maintenant. Fin de l'album brutale. Stoppez-moi ces gueulards.

5 commentaires:

  1. Un seul bémol à cette galette. Le son n'est pas toujours à la hauteur (par ex., dans "21st", il y a parfois une saturation bizarre des aigus qui étouffe complètement voire éteint les basses).
    Je trouve la critique de Lake un peu dure: le premier Crimson, tout en nuances, avait aussi son charme. Quant aux élucubrations d'ELP, c'est une autre histoire (mais j'aime encore écouter "Tarkus" ou "The endless enigma" de temps en temps, même si cela fait très daté et kitsch).

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  2. @Jimmy : content de te l'avoir fait découvert. Effectivement, il a été réédité une seule fois en CD, plutôt discret, cet album... C'est pour ça que je l'ai posté !

    @psegpp : La critique de Greg Lake, c'est, quand on connaît l'histoire de King Crimson, du au fait qu'il ait largué Fripp en pleine tournée US du 1er album, sans vergogne, profitant du buzz (il est talentueux, c'est vrai) pour monter son truc. Pas sympa. Et puis, ELP, j'aime pas et puis voilà. Et j'aime bien mettre un peu de piment et titiller dans mes posts. La preuve, tu réponds...

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  3. J'étais plutôt "Lizard" et "Islands". Mais ces dernières années, je suis revenu à Crimson par le coffret "Great Deceiver" des live des années 74-75. Et dernièrement, j'ai pris une claque avec le Crimson Jazz Trio et leurs interprétations (surtout le 1er songbook). Et ça m'a ramené à mes premières amours. Du coup, je n'ai découvert "USA" qu'il y a quelques mois. Et je prends plaisir à découvrir tout ce que Fripp a fait, en dehors de KC.
    Quant à ELP, mis à part le côté nostalgie, il ne m'en reste pas grand chose.
    Merci de ta réponse.

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  4. Haaaa ce King Crimson, tiens, pour mon plaisir, je me refais "Asbury Park" ce démarrage qui me tient en haleine, qui nous vient de ces tréfonds indescriptibles, désolé de te le dire, et je sais que tu as probablement raison mais ce n'en est pas une de raison, j'arrive, je m'explique: Je rage que King Crimson ait stoppé ce genre là, rien à foutre de leur envie d'innover, ils étaient les maitres de cérémonies et auraient guidé tout ceux talentueux qui auraient pu ne pas s'arrêter seulement à Black Sabbath Nom de dieu. King Crimson était puissant, merde pourquoi avoir arrêté... Merde, c'est vrai quoi.

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  5. @devant : Je te conseille Thrak, du King Crimson version 1998, ils étaient revenus à plus de rage que dans les années 80. J'ai même un live de l'époque où ils rejouent Red... Je le posterai un de ces quatre.

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