J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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lundi 10 octobre 2011

#53: Jean-Michel Caradec "Portsall"

...En écho au Jack Treese, précédemment posté (et qui envoie quelques notes de banjo ici), et en écho à Mr Anonyme qui a (néanmoins) eu le courage de rappeler l'existence du bonhomme à la blogosphère. Hommage à Jean-Michel Caradec, donc. Et pas un best of. Pas de Colline Aux Coralines ou de Petite Fille De Rêve. Son grand oeuvre, à mon humble avis. Ce Portsall qui doit dater à la louche de 1978, par là. Son album le plus "breton" s'il en est, bien qu'il n'ait jamais tâté du biniou. Portsall, la ballade magnifique (guitare et accordéon), fait bien entendu référence au naufrage de l'Amoco Cadiz, mais Sous La Mer D'Iroise, sous-titre de l'album (et single de l'époque, osé), est tout simplement poétique. Avec ses arrangements à deux temps, genre reprise instrumentale et les cuivres qui déboulent... Bon bien sûr, on n'est (malheureusement) pas chez Muscle Schoals, et ça reste franchouillard, mais quand même...

Un post rageur, même si la musique ne l'est pas. Caradec a toujours fréquenté les ténors du genre, et a même fait un bout de route (celui de la galère) avec eux (Le Forestier, par exemple), et n'a jamais que récolté les miettes. Et pourtant, quel gratteux, trop humble pour se la péter acoustique trop longtemps, quel amateur éclairé du folk US (Elle M'a Dit Non, C'est Râpé...), quel... poète ? Ben ouais. Ici, les textes sont parfois rageurs (Au Ciel De Mai, Je N'Ai Pas Demandé A Naître), toujours un peu fleur-bleue (Le Petit Ramoneur, Isabeille), mais moi je lui pardonne tout. Tout, ne serait-ce que pour cette Marie d'ouverture, trop ringard pour être idiot, trop sincère pour être calculé. Le problème de Caradec, c'est que d'être fou de Dylan et d'Elton John en même temps, il ne peut que se passer des choses étranges, pas forcément évidentes ni acceptables d'emblée, comme ça.

Du coup, le gars a toujours trimé. Fait le larbin chez RCA pour finir les fins de mois (d'où son job de producteur, et il n'a rien trouvé de mieux que Jack Treese pour renflouer la maison mère, c'est vous dire s'il a dû bouffer des pâtes plus qu'à son tour). Largué un temps (cet album était sorti sous je ne sais plus quel label confidentiel). Cachetonné dans des galas minables en province (jusqu'à finir écrabouillé sous un camion en 1981, un soir de fatigue, sans doute).

On m'objectera des paroles gnan-gnan, parfois. Je réponds non. Maladroites, parfois, dans sa volonté, sa quête de faire du surréalisme à la Dylan 65, mais pour le reste... Caradec avait fait le choix de raconter les petites choses de la vie, les belles amours, voire les envie de culbuter de la chair fraîche, telles quelles. Avec gentillesse, humour, et second degré.

J'attends vos posts. Venez me dire que tout cela vaut moins que Florent Pagny et les autres. Que c'est bêta. Je n'y répondrai pas. Je n'ai pas de réponse. Juste une émotion qui m'étreint quand j'écoute ses chansons, et plus particulièrement cet album. Bourré de Fender Rhodes (on m'a facilement à ce jeu-là). D'arrangements charmants. D'un peu de tristesse pour lui (bien sûr, c'est moins maîtrisé, charpenté et calibré que ses compères "nouvelle chanson française" de l'époque). Plein de maladresses, aussi. Mais de cette maladresse qui vient du coeur parce qu'on n'a pas les moyens, ni les réflexes des requins de la prod' pour sortir un truc calibré au quart de poil.

Ce jour de 1993, quand j'ai trouvé cette réédition en CD, ça a été un des plus beaux jours de ma vie. Mon vinyl grinçait désespérément, j'avais 27 ans et j'ai cru tenir l'éternité de l'oeuvre dans un CD. Là, je le rippe de peur qu'il me lâche, traces de doigts, de larmes, du temps qui passe. Je pense pas qu'il en existe une édition collector, un jour. Et je vous colle même l'image du vinyl d'origine tellement le visuel de la réédition était moche, que j'en ai trop honte pour lui.

Oh, je suis bien conscient que les statistiques de fréquentation de mon blog baissent, à poster des trucs pareils. M'en fous. Il existe un rond-point Jean Michel Caradec, à Morlaix. C'est tout. Moi je l'envoie sur la blogosphère, peut-être que ça tourne en rond aussi, mais peut-être que j'agripperai un ou deux bloggeurs ? En plus d'Anonyme ?

Ecoutez Marie. C'est pas de la Petite Marie. C'est du pur beurre. Ca n'est peut-être que le Aline Breton ? Je deviens peut-être gâteux ou nostalgique ? Ou magnaco-dépressif ? No Se. Quand tu dis "je t'aime" au soleil il se lève tôt. Vous avez là le plus bel album de Jean-Michel Caradec sous votre truffe.

7 commentaires:

  1. Merci de faire ''revivre'' un peu Caradec par cet article et ce partage musical.
    Presque tombé dans l'oubli maintenant, 30 ans après sa mort, il reste néanmoins quelques personnes qui se souviennent encore de lui, Jean Musy (son arrangeur sur certains de ses albums), sa fille Madeline Caradec, Alan Simon, Fred Elian, Pascal Dumay (qui gère le site web qui lui rend hommage).

    http://www.jeanmichelcaradec.com/

    Et des anonymes comme moi.
    Je suis en accord avec beaucoup de choses dites dans votre article, la dent est dure mais réaliste, chacun des ses albums contient son lot de pépites, tout n'est pas audible actuellement mais bon, il est parti depuis un bail aussi.
    Caradec se rêvait baladin, allant de château en château, courtisant la fille du châtelain au passage, une vie de bohème, bien loin des obligations de la vie d'artiste dans tout ce qu'elle contient d'obligations (budget, compta, finances, programmation...).
    Il a tenté l'autoproduction, il a été l'un des premiers en France à le faire en fondant sa propre maison de disques (Madeline songs). Pas génial pour
    Une belle musique, des mots simples, auteur-compositeur-interprète de ses chansons, il mérite mieux que le silence des allées du cimetière de Recouvrance à Brest, où il est enterré.
    Ps ; un petit lien pour en savoir plus sur lui

    http://www.ina.fr/art-et-culture/gastronomie/video/RXC00000904/jean-michel-caradec.fr.html

    Laurent

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  2. désolé il manquait un bout

    Il a tenté l'autoproduction, il a été l'un des premiers en France à le faire en fondant sa propre maison de disques (Madeline songs). Pas génial pour voir ses albums ré édités ensuite…

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  3. ##

    Salut JeePeeDee !

    Après quelques recherches, je confirme: cet album date de 1978; il a été produit à la suite de la catastrophe de l'Amoco Cadiz.

    Ce qui explique nettement ses paroles fortement engagées.

    Faites-vous plaisir: je ne connaissais que de nom, et cet album est vraiment extra !

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  4. @Chti73 : Merci sincèrement de ton soutien. Pas facile quand on tente des trucs pareils. Et puis surtout, ravi de t'avoir fait découvrir cet album...

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  5. @anonyme : un convaincu ? super. Merci de rappeler que c'est lui, et non les petits rockers des années 80 qui ont lancé l'idée du label indépendant. Ca clarifie certaines choses...

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  6. Hello,
    J'ai son nom en mémoire mais n'ai plus le son.
    Merci pour la redécouverte.

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  7. J'ai eu l'occasion d'entendre quelques chansons de l'album, et, effectivement, il m'a l'air d'être l'un des meilleurs de caradec. Malheureusement, en trouver un exemplaire CD est aujourd'hui quasi impossible (comme pour les 3 autres albums réédités). C'est vraiment dommage qu'il ne soit plus disponible.

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