Thème du jour : There's no future, no future, no future for you - Le disque que vous écoutez quand tout semble sans issues, histoire de se rouler dans le désespoir...
Alors très franchement, dans ce genre de situation, j'aurais plutôt tendance à écouter le glouglou du Jack Daniels qui coule dans mon verre, puis à m'abrutir devant des vidéos débiles sur youtube. Désolé, mais pas de Leonard Cohen afterworld pour moi dans ces moments-là. Pas non plus de Nick Cave ni de Johnny Cash période Rick Rubin. Alors oui, j'aurais pu vous parler de Tonight's The Night de Neil Young, peut-être. Celui-ci prend le taureau par les cornes, mais au bout du sillon, on reste dans le même état. Voire pire. Et l'objectif, c'est de s'en sortir, et de ne pas faire le grand saut, si ? Ce genre de poisons, au contraire, je me le distille quand tout va bien. A petite dose, histoire de garder le contrôle, et d'éviter le mauvais trip.
Non, quand ça va mal, je cherche par tous les moyens à me cisailler la tête, à éviter de penser, hauts les watts ! Alors j'ai ma petite arme secrète. Ce disque, Dig Your Own Hole des Chemical Brothers. Rque le titre, déjà, creuse ton propre trou, ok, on y va. Leur black album, en fait. Sans concessions. Rien que le titre, déjà, creuse ton propre trou, ok, on y va. Rien que le Block Rockin' Beats d'ouverture (qui cartonna très justement à cette époque) me donne la jouissive sensation de pouvoir éclater la tronche à qui j'ai envie, à commencer par la mienne. C'est fort, très très fort, répétitif à l'envie, ici pas de breaks, de temps calme ou quoi que ce soit qui pourrait vous ramener à la surface et - mon dieu - penser. Bidouillages electro concoctés avec vice, cruauté et intelligence malsaine par les deux frangins chimiques, impeccable. Et puis surtout, ces semples de vraie batterie bien loin des TR machin chose un peu mous. Tout cela reste organique, ça sent la sueur, voyez-vous ?
Les salopiaux déconstruisent le rock'n'roll comme on dissèque un poulet, font grincer leurs oscillateurs par dessus, pimentent le tout de distorsion à tous les étages, ne cherchent pas à adoucir le tout d'un quelconque semblant de mélodie. En ripant le CD, on voit bien comment tout cela est compressé à bloc, pour que ça sonne plus fort que les autres. Comme le Led Zep III qui avait été mixé à cet effet : pousser l'électrophone dans ses retranchements.
Ce fut la révélation pour moi, en 1997. Justement, c'était un jour où j'allais pas trop bien, j'étais allé voir mon disquaire (voir ce mot dans tout bon Larousse d'avant 2000), nous partagions une même passion pour Bashung, Manset, Miles Davis et les Beach Boys, et avec son air paternaliste (le monsieur connaissait sa clientèle) m'avait dit, tiens, viens voir, écoute donc ça !
J'ai cru un instant que j'allais être gagné par la fièvre de l'electro, mais la suite, toute la suite, m'a déçu. A commencer par eux, qui ont largement mis de l'eau dans leur vin. Mais il reste cet album courageux, sans issue, pierre angulaire de ce qui aurait pu définitivement renvoyer les rockers dans leurs caves. Comble d'ironie, ils invitent même Noel Gallagher à pousser la chansonnette. Noel Gallagher ! Le roi de la brit-pop tartignolle, le seul à être capable d'enculer une mouche (et au passage tout le Royaume-Uni) avec une Gibson Lespaul ! Warf !
Tout du long, c'est déballage de synthés analogiques grinçants, insupportables, tout cela sans complexe aucun. Dans ta gueule ! Bien armé celui qui tiendra tout l'album sans péter un câble, et c'est tant mieux : quand je vais mal, je déteste également mes voisins. On frôle parfois le ridicule (Don't Stop The Rock, quelle ironie dans le titre), mais on s'y complait. Territoires inconnus, les Chemical Brothers étaient capables de vous emmener n'importe où, n'importe comment, et putain de bois c'est ça qui était bon. Aucune chance en enfournant la galette d'avoir la moindre idée vers où tout ça vous mènerait.
Alors entre deux blip-blip parfois surnage aussi un groove imparable (Lost In The K-Hole), et on se disait, 20 ans après 1977 que cela pouvait nous sauver. Fuck Art Let's Dance, comme disaient les autres.
Les frangins se permettaient tout. Y compris d'inviter Beth Orton, néo-folkeuse, pour la noyer dans la masse, et de terminer tout ça par un after façon Tomorrow Never Knows. The Private Psychedelic Reel, avec son sitar, reste aussi inécoutable que le Within You Without You de George Harrison. Et c'est bien ça le problème, finalement. L'histoire se répète, et le miracle n'aura pas lieu.
Les albums des Chemical Brothers sont aujourd'hui à peu près aussi ennuyeux qu'une compilation de Vangelis, et ciselés pour sonner du feu de dieu dans l'auto-radio de votre BMW.
On devrait pas vieillir, et c'est exactement ce qui, bien souvent, me colle au fond du trou. La boucle est bouclée, au sens propre comme au figuré. On en sort rincé, mais n'était-ce pas le but recherché ?
Epilogue : Toujours est-il qu'aujourd'hui encore, quand je n'écoute pas l'album, je m'amuse dans mon home-studio à bidouiller des machins dans le genre, et ça me calme, si vous saviez, bien mieux qu'à essayer de compléter le puzzle de la Joconde à 10 000 pièces. Je me laisse aller, je m'amuse, j'ose tout, je me régale, je suis tout seul dans mon délire onirique. Tout ça grâce à ce putain de disque, tiens, rien que d'en parler ça me rend heureux.
Get Up On It Like This !
PS : encore une fois, désolé pour le retard. Promis, j'ai pas regardé ce qu'avaient posté les copains...
Il m'a jamais fait ça ce Chemical Brothers (que j'aime beaucoup). Après, présenté comme ça, avec un titre pareil en plus (creuse ton propre trou !), y a pas à redire, bien joué !
RépondreSupprimerJe pense que c'est ce qui fait la richesse de ce disque. Y'a plein d'entrées possibles, peu importe lesquelles, et une fois que tu es dedans, ça fouette !
SupprimerEh eh.. pas mal la "fuite"..je pense que l'on a presque tout communié.. joli aveu.. ceci dit, du Djack avec amour anarchie et un cerveau irrité, c'est une trilogie parfaite.. la trinité de l'apnée.
RépondreSupprimerTrop fort pour moi, je peux plus faire ça... mais tu as raison !
SupprimerJe crois bien qu'à l'époque, encore plus que maintenant, je fuyais tout ce qui venait de ou marchait en Angleterre. Mais on est maintenant et s'il n'y en a qu'un et si c'est celui-là et si l'effet est garanti par la maison (ouais je sais ça fait beaucoup de si...)
RépondreSupprimer'tension c'est du lourd quand même pour des oreilles habituées au rock'n'roll...
SupprimerJe sais, je vais voir en cachette sur YT ...
SupprimerChoix très bien vu !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce disque aussi, et j'avoue apprécier plusieurs autre Chemical Brothers, même si celui-ci surnage en effet.
De même, ce genre de disques sont inspirants pour les soirées "bidouillages électroniques".
N'est-il pas !
SupprimerT'es dur, pour moi les deux frères sont restés très bons, peut-être pas autant que sur ce disque ou le suivant Surrender que j'aime au moins autant mais leur mue électro/psyché/pop sur We Are the Night puis Further vaut son pesant de pépites et Come With Us compte de sacrés titres. La tâche au milieu c'est Push the Button, finalement...
RépondreSupprimerSinon la même année, même claque avec le Fat of the Land de The Prodigy, tout aussi organique, vicieux, sombre et tubesque !
Peut-être... Surrender est déjà un cran en-dessous au niveau "punk" si j'ose dire, le style change... Euh... franchement, We Are The Night et Further faudrait que je re-essaie mais ça m'a pas franchement marqué. Et oui, bien sûr, Prodigy et les regrettés Propellerheads... et Leftfield... et Underworld... mais quand même tout ça un cran en-dessous à mon goût...
SupprimerPropellerheads, miam, dommage que leur carrière ait filé en un éclair. Les autres aussi bien sûr, très bons. Le Prodigy est mon préféré dans ce genre, pas forcément fan de leurs autres disques d'ailleurs, un peu comme toi et les CB.
SupprimerEn fait j'ai jamais vu les Chemical Brothers comme un groupe punk, ça doit être pour ça. J'aime beaucoup Surrender pour son équilibre, des réminiscences de ce disque, les prémices de leurs futures sorties plus psyché/pop voire hip-hop, de beaux restes du gros son dance des débuts et aussi une électronica plus ciselée que nulle part ailleurs chez eux.
J'aime beaucoup ton billet. Et ton choix, évidemment. Mon Chemical Brothers préféré, mais je fais partie, non pas des fans hein, mais de ceux qui ont continué de suivre les travaux des frangins. J'adore également Surrender, Come With Us, Further (sur lequel figure l'addictif Swoon).
RépondreSupprimerMais Dig You Own Hole, une claque qui ne peut que donner la patate, c'est sûr. Après, moi quand je l'ai pas, la patate, j'aime pas entendre ce genre de trucs. L'énergie des autres, face à mon désespoir, ça a tendance à renforcer ce dernier. Mais c'est juste très personnel, et je valide ton choix à 100%.
Ah, le disquaire paternaliste. J'ai l'impression qu'on en a tous eu un....
RépondreSupprimerXavier - blinkinglights
The Chemical Brothers : étant ado au début des 90's, j'ai vécu leur explosion...et je les ai écouté en boucle. Ayant écumé les premières rave party ou free party/teknival (1993-98), combien de fois j'ai entendu leurs first titres remixés par moult dj's !!! Le big-beat au sommet de son art !!!
RépondreSupprimer"Dig Your Own Hole" et surtout "Exit Planet Dust" étaient mes disques de chevet....euh, de "dance-floor" plutôt !!
Merci de ce choix très nostalgique pour moi, me rappelant tant de grands moments, de grandes sensations !!
A +
Trop électro à mon goût
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce groupe, qui ne dégage pas que de la chaleur nucléaire, mais aussi de l'humaine, moins distant que les Prodigy. Sinon, je te rejoins sur le plaisir d'écouter du mélancolique, du sombre quand tout va bien... Dans mes moments de spleen je pencherai davantage sur du rouge en écoutant Angelo Debarre.
RépondreSupprimerA cette époque, un pote me passait les Chemical Brothers chez lui en changeant sans arrêt de piste, je ne captais rien. Devant mon air incrédule il me disait : "forcément toi t'écoutes que du punk". Ah bin ça doit venir de là.
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