#86: Jimmy Page & The Black Crowes "Live At The Greek - Excess All Areas"

Quand un has-been rencontre d'autres has-been, qu'est-ce qui racontent ? Des histoires de has-been. Mais nom de Dieu comme le dialogue est fructueux ! Résumé de la situation, en 2000, Jimmy Page était au fond du trou, l'aventure Page & Plant aux oubliettes, et les Black Crowes propulsés futurs du rock'n'roll à juste titre, pour le bol d'air qu'ils apportèrent pendant cette satanée période grunge des années 1993-95, avec des trucs sales et méchants, groovy en diable (The Southern Harmony And Musical Companion, Amorica et sa pochette hard, au hasard), mordaient la poussière. Histoires de drogues, d'engueulades, d'auto-suffisance, on connaît le truc.

Et l'idée de ces concert ensemble au Greek Theatre, fut prodigieuse. Bien sûr, ça s'entend sur chacun de leurs albums, que les Black Crowes connaissaient le songbook Led Zeppelin sur le bout des doigts. Et bien sûr qu'il manquait à Jimmy Page un putain de bon groupe pour le pousser à faire hurler sa Gibson Lespaul. Double avantage : le vieux sorcier était en confiance, et les Black Crowes remettaient leurs egos dans leur culotte pendant quelques heures. Je ne sais par quelle incantation tirée sans doute d'un vieux grimoire d'Aleister Crowley la fusion se fit, mais voilà nos gugusses proches de retrouver la Pierre Philosophale du rock'n'roll.

S'en s'emmerder avec des Stairway To Heaven trop convenus, la joyeuse bande dépèce le répertoire le plus délicieux du Zep : Beaucoup de Physical Graffiti (Custard Pie, Ten Years Gone, Sick Again...), un peu de Led Zep III (pas les passages acoustiques, hein, le mordant de l'affaire, Celebration Day), un Nobody's Fault But Mine ravageur, des obscurités (Hey Hey What Can I Do), bref, le côté le plus vicelard et tortueux du dirigeable, et finissent même le set par quelques hauts-lieux de la période Yardbirds (Shape Of Things To Come) et même du Fleetwood Mac de Peter Green (Oh Well). Et mon dieu qu'est-ce que ça joue ! In My Time Of Dying, réglé au quart de poil, un bonheur...

Si l'on a pu reprocher aux Black Crowes de tirer leur fond de commerce du répertoire classic rock, ici, en backing-band, ils sont parfaits. Steve Gorman a assimilé son petit Bonham Illustré, et Chris Robinson est... presque meilleur que Robert Plant, parce que moins porté sur la couinade systématique.

Ces quelques 90 minutes de déluge sonique blues-rock démoniaque ont illuminé, en ce qui me concerne, ce douloureux passage au XXIème siècle. Comme une somme, un rappel, un résumé de ce que la fin du siècle dernier avait pu apporter en terme de furie et de génie à haute portée voltaïque et émotionnelle.

Dix ans plus tard, le miracle opérera à nouveau quand John Paul Jones jouera avec les p'tits jeunes de Queens Of The Stone Age et Nirvana dans Them Crooked Vultures, déjà posté ici.

Alors désolé, c'est l'édition originale, à l'époque uniquement disponible sur le net, que je vous propose ici. Vu le succès, l'objet a été réédité vite fait pour les grandes enseignes avec des trucs en plus. Soit.

J'en tire une leçon essentielle : il faut toujours aider les petits vieux à traverser la route, il peut se passer des choses incroyables durant le passage.

Franchement, les gars, you shook me !


Jimmy Page &The Black crowes Live at the greek par ivanof55