J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mercredi 2 novembre 2011

#70: Bob Dylan "Avignon"

25 juillet 1981, dans la Cité des Papes. Le Nouveau Prophète clôt sa tentative d'évangélisation de l'Europe par un dernier prêche. Mais le Malin ne l'entend pas de cette oreille. Deux personnes, dans l'assistance, mourront ce jour-là...

On dirait le début d'un polar façon Da Vinci Code, et pourtant, c'est à peu près ça qui s'est passé ce jour-là, à Avignon, lors du dernier concert de la tournée européenne de 1981 de Dylan. D'abord un gars meurt en s'électrocutant - d'où la fin abrupte de Slow Train - c'est donc bien un soundboard recording (Note du Bon Dieu : ah c'est Malin comme remarque !) - puis une fille se casse la nuque en tombant d'un mur.

Pour les jeunots, en 1981, Bob Dylan n'était pas en odeur de sainteté auprès de son public. Après deux albums gospel voire carrément catho (Slow Train Coming et Saved), une tournée désastreuse (financièrement) dans de petites salles des Etats-Unis à ne chanter que son nouveau répertoire devant un auditoire médusé et frustré, le Zim a décidé de mettre un peu d'eau dans le sang du Christ avant d'entamer un repentir international, précédant la sortie de Shot Of Love dans lequel le juif errant converti reborn christian daignera chanter quelques chansons laïques mais que les fans hard-core canoniseront par la suite (Lenny Bruce, In The Summertime, l'immense Every Grain Of Sand). Retournement de veste ? Nouveau Judas ? Que nenni : le message ici, est clair : Je ne vous ai jamais dit, chanté autre chose, saurez-vous l'entendre ?

Pour preuve, la lecture ésotérique de la set-list : Ca démarre par un Saved envoyé sur les chapeaux de roues, suivi d'un I Believe In You bien plus martelé que l'originel (oups, pardon, l'original), avec son orgue d'église qui sera proéminent durant tout le set, suivi de Like A Rolling Stone, dans une version à mon goût jamais égalée. Tout ça sans temps mort, ce qui est rare chez Dylan, qui ne s'est jamais gêné de faire semblant d'accorder sa guitare pendant un temps infini entre deux morceaux, le temps de retrouver l'inspiration, la pêche ou je-ne-sais-quoi. I Believe In You raconte l'histoire d'un gars rejeté de tous parce que croyant en... Dieu ? Quelque chose ? Like A Rolling Stone raconte l'histoire d'une fille paumée après avoir goûté au luxe et à la gloire éphémère. Effectivement, le message est clair. Intermède gospel chanté par une de ses choristes ('Till I Get It Right) histoire qu'on pige bien le message, et on repart du début : la Genèse, Adam et Eve chassés du paradis à cause du serpent (Man Gave Names To All The Animals). Condamnés à travailler et à souffrir pour trouver leur nourriture. A travailler ou ? Dans la ferme à...Maggie, bien sûr ! I ain't gonna work on Maggie's farm no more, nous lance-t-il sans transition sur le même ton. S'en suivent quelques exemples de l'errement des hommes face à la futilité d'un amour perdu (Girl From The North Country), d'une société sans espoir (Oh my God am I here all alone ? chante-t-il dans Ballad Of A Thin Man qui commence tel un prêche gospel dans une église noire du Bronx, impressionnant). Plus loin, The Times They Are A-Changin' (do you speak juste un peu english, frenchies ?) est directement suivi d'un Let's Begin sans équivoque. It's time to realise, well I'll try hard again, my new found friend...

J'arrête là, je pense avoir été assez convaincant pour prouver qu'en 1981, Dylan continuait sa route, sans se renier, complexifiant juste un peu plus son oeuvre avec ses nouveaux cantiques. Dylan a toujours cherché à intégrer l'inconscient (musical) collectif dans son travail, depuis ses débuts folkeux directement inspirés de l'Anthology of American Folk Music, en passant par les Basement Tapes largement décrits par Greil Marcus comme une tentative de re-création d'un univers populaire (une République Invisible, chansons destinées à être interprétées par les autres, pas par lui - je est un autre, disait RimbaudI And I chantera Dylan), la country (Nashville Skyline), etc. jusqu'aux chants de Noël récemment. Opportuniste ? Génial ? Sans doute les deux et plus encore.

Arrivons à la conclusion : un Blowin' In The Wind littéralement martelé avec rage, It Ain't Me Babe (genre "t'as toujours pas compris ??!!!") et un Knockin' On Heaven's Door (ben tiens ! Elle est facile celle-là) guilleret comme jamais, comme une Bernadette Soubirou en extase.

Toujours est-il que le voilà obligé d'expliquer, presque de marteler qu'il y a toujours deux façons de voir les choses - c'est la Table d'Emeraude d'Hermès Trismegiste, ce qui est en haut est en bas - et quand Bob Dylan s'énerve, ça le fait. Je dis ça pour le païen moyen que mes commentaires ésotériques et  pompeusement dylanologues emmerdent à juste titre. A celui-ci je dis aussi que voilà un des sets les plus explosifs et passionnés du Zim, et de loin. Les choristes ne gâtent pas l'affaire, loin de là, un Fred Tackett à la guitare, un Tim Drummond à la basse (énorme) et un Jim Keltner à la batterie non plus.

Dieu soit loué (oups, pardon, encore une fois), quelqu'un était là pour capter le concert dans une qualité mirifique pour l'époque, et c'est à peine si nos oreilles chastes (je l'ai fait exprès, celle-là) et éventuellement pucelles du péché bootlegien, habituées au remastering d'aujourd'hui pourraient être gênées par le côté artisanal de la chose. Sinon, la version de Girl From The North Country est à tomber raide, Lenny Bruce est encore plus magnifique que sur l'album à suivre, ce qui n'est pas peu dire, et le reste varie entre l'excellent et le sublime. J'avoue donc mon péché (hi hi...) mignon : c'est le Dylan de 1979-81 que je préfère, en live. Et j'en ai d'autres à vous refiler, si jamais vous adhérez à mon Eglise...

Pour les détails techniques (set-list, pochette...), faites donc un tour chez bobsboots, évidemment. Ceci constituait le 2ème volet de la série Jeepeedee's Bootleg Series. Comme me voilà libéré d'Yves Simon, j'entame un nouveau feuilleton. Qui risque de durer plus longtemps que Dallas... Et j'en profite pour balancer un nouveau sondage moins couillon que le premier (voir à droite).

I'm hanging on to a solid rock !

PS : Encore une fois, si vous cherchez un pirate particulier, il est très probable que je l'aie. Demandez, et vous recevrez...

13 commentaires:

  1. @Jimmy : tu peux aussi participer à l'Evangile selon Bob... Curieux de savoir quel Dylan tu posterais ;o)

    RépondreSupprimer
  2. @Jimmy : Ha ha !! piégé !! toi aussi tu comptes tes disques préférés (voir je ta remarque sur mon post des Waterboys). Perfidie mise à part, j'étais bien content de le trouver chez toi - je tiens à le dire - le "Brandels University" (qui n'égale pas le"Bob Dylan In Concert" jamais sorti de dessous le manteau, mais pourtant prévu en 1963, raison de plus de télécharger). Tu sais, je fais pas mieux que toi, loin de là. Je n'ai pas posté "Blonde On Blonde" non plus, ni mon disque préféré. Je tourne autour du pot, comme un moustique autour de la lampe, au gré de mes errements... Et c'est ça qui est bon. Se rappeler de trucs a priori secondaires, qui remontent en premier quand il s'agit de partir au front...

    Oh, va Mark Chou-fleur n'a pas trop gâté Infidels, je trouve. Y'avait Sly & Robbie pour lui faire la peau s'il venait à trop déconner, et Mick Taylor pour lui apprendre trois accords. Il a dû se faire pipi dessus, plutôt...

    RépondreSupprimer
  3. Un grand MERCI pour ce boots, bien renommé chez les fidèles. Une question pour vous les spécialistes de Bobby: que pensez vous du récent hs du Monde ?
    Question requete, je serai preneur des répétitions de la tournée 78, de mémoire un coffret 4 cds; mais je ne sais pas si le son est satisfaisant ??
    Merci d'avance.

    RépondreSupprimer
  4. Superbe cadeau. Thanks a lot!
    Et histoire de me mêler à votre conversation, je préfère la période psychédélique ("Bringing...", "Highway 61" et "Blonde on Blonde"). J'ai aussi un faible pour "Desire".
    Mais je trouve que ses plus belles chansons sont sur "Blonde...".

    RépondreSupprimer
  5. Hi Jeepeedee :)

    Thanks a lot pour ces 2 petites merveilles de bootlegs dylanissimes et les commentaires qui vont avec.
    Dans le Dylan, tout est bon et hautement recommandable.
    Blonde on Blonde est sans aucun doute une référence incontournable, dans les moins connus, j'aime bien "Blood on the tracks", "Desire" et parmi les plus récents "Oh Mercy".

    Si vous en voulez, y'en a pas mal là:
    http://laspikedelycmusic.bloguez.com/laspikedelycmusic/tags,Bob-Dylan,p,1.html

    Certains liens ont peut-être été victimes de "requests of DMCA", mais je peux réuploader si nécessaire.
    Lyc

    RépondreSupprimer
  6. @Jimmy : je n'ai pas plus envie que ça de poster Blonde On Blonde... je suis supersticieux... que poster après ? Et surtout que dire ? Mais OK, si j'ai le temps de convertir en mp3 en mono, je le balance ce week-end (mais la stéréo est bien aussi : aah ces licks de telecaster acerbes à gauche dans le casque ! à onze ans, on ne se remet pas).

    @Syl : le récent HS du Monde, je le trouve pas mal. Des interviews intéressantes, mais bon... j'ai l'impression que les journaleux passent plus de temps à écrire sur Dylan qu'à l'écouter. Ca, ça m'agace un peu... Sinon, de mémoire, les répètes de la tournée de 1978 sont pas mals, faut que je retrouve ça. C'est bien les Rundown Studio Rehearsals dont tu parles (ma mémoire flanche parfois). Mais ça ne vaut pas les répètes avec le Grateful Dead en 1986-87 (alors que le live officiel est bizarrement à chier, ce qui s'explique par le fait que le Dead avait opposé un refus catégorique à Dylan qui voulait intégrer le groupe, sans doute, d'où le coup de poignard dans le dos)

    @psegpp : y'a encore des trésors à découvrir sur cette période... une version de Vision of Johanna avec le Band (pardon, les Hawks) toujours pas sortie, belle à pleurer...

    @Lyc : Si tu aimes tout ça, re-écoute "Time Out Of Mind", sa dernière vraie merveille crépusculaire, à mon avis, malgré le buzz et la qualité de "Love & Theft"

    Et merci à tous !

    RépondreSupprimer
  7. Ce n'est pas tellement un bootleg que je recherche(quoique les Yardbirds au Fillmore,mais pas la version inaudible qui trainait il y a quelques annees sur le net) mais un titre de Long Chris"le petit soldat de plomb" de l'album "chansons bizarres pour gens etranges"(tous les autres titres de l'album se trouvent sur cd).
    Donc a tout hazard si quelqu'un..

    RépondreSupprimer
  8. Bonjour,
    Magnifique bootleg de dylan, je connais mal cette période de sa carrière, les disques studio des années 80 ne sont pas pas toujours de super niveau mais ce live est superbe. d'autres ?
    Pascal

    RépondreSupprimer
  9. @Anonyme : je ne peux que te conseiller de réécouter "Shot Of Love", produit brut de coffre mais bourré d'émotion...

    RépondreSupprimer
  10. J'y étais, l'ambiance avant concert était bon enfant, l'herbe...le soleil couchant...le mélange des gens . Mais la mort et la panne ont fait redescendre la magie. J'étais venu voir mon idole, mais la rencontre personnelle n'a pas eu lieu.

    RépondreSupprimer
  11. Merci Bernie pour ce témoignage... Il est bizarre, ce concert, ce qui s'est passé... brr...

    RépondreSupprimer
  12. Bonjour , j'avais presque treize ans et mon pére m'avait amené avec lui voir ce concert , Bob dylan passait en boucle à la maison ou alors c'était Brassens .
    Cela reste un grand souvenir pour moi , l'ambiance du concert , le monde ,une jeune fille qui m'avait pris en sympathie et accompagné de prés tout le concert , bref beaucoup d'émotions d'un tout jeune ado , je me souviens également de cette interruption ou tout a été coupé un moment .
    Je faisais des recherches pour me souvenir de la date de ce concert et en tombant sur ce blog je vois qu'il existe un enregistrement,comment se le procurer ou l'écouter ?
    J'aimerais l'offrir à mon pére , lui qui avait tenu à m'amener voir le Grand Bob Dylan comme il disait , et aussi pour mon plaisir personnel à la recherche des souvenirs .
    Merci de vos réponses .

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ce commentaire : pour l'enregistrement, c'est simple, il suffit de cliquer sur le lien dans le texte "I'm Hanging On To The Solid Rock" à la fin de l'article... direction Rapidshare et hop, suivez les instructions...

      Supprimer