J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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samedi 12 novembre 2011

#79: Ry Cooder "My Name Is Buddy"

Curieux - et rassurant - comme certains génies de ce siècle vieillissent bien. On pense à Dylan, bien sûr, tout le temps, mais moins souvent à Ry Cooder. Et c'est dommage. Voilà un type qui a bâti sa carrière sur un jeu de guitare ahurissant, et qui, contrairement à tant d'autres que je ne citerai pas (plus), passe son temps à défricher de nouveaux territoires (du célèbre Buena Vista Social Club à l'album avec les Chieftains, présent chez Jimmy). Et se met à écrire. Alors que sur ses albums de jeunesse, c'était plus par la virtuosité de son jeu de guitare que Ry Cooder nous épatait, le voilà qui nous pond des albums revanchards et remplis de protest-songs comme au bon vieux temps où l'on pensait pouvoir changer le monde avec une chanson. On pense évidemment au petit dernier, Pull Up Some Dust And Sit Down, merveilleux et caustique (No Bankers Left Behind, John Lee Hooker For President...), mais ma préférence va cette fois versle délicieux My Name Is Buddy de 2007.

L'histoire d'un chat, Buddy, traversant l'Amérique du siècle dernier durant la Grande Dépression, ses grèves mémorables, ses catastrophes écologiques avant l'heure (le tristement célèbre Dust Bowl), ses hobos... Il y rencontrera  Reverend Tom, le crapaud (Tom Toad... Tom Joad... capito ?) et la souris Lefty... Bref, un concept album (arrgh ! il a osé) fleurant bon la musique hillbilly des années trente, le blues cradingue des mêmes années, avec des incursions vers la polka mêlée de bluegrass mexicain (?!!) ou le jazz, et revenant vers l'électricité pour de délicieux instants estampillés groove poisseux à tous les étages (Three Chords And The Truth, une merveille, sorte de Tom Waits meets the Rolling Stones...). Le fantôme de Woody Guthrie rode... de même que celui de la Carter Family et des vieux bluesmen. Une sorte de condensé de la musique américaine, en sorte. Et le final, There's A Brightside Somewhere arracherait des larmes d'humanisme à un crocodile fasciste, et réussit la gageure d'être émouvant sans jamais verser dans le ringard.

Et puis surtout, Ry Cooder rend ici hommage à des vieillards comme Pete et Mike Seeger ici présents, icônes d'une époque à jamais révolue, tels à l'époque les Ibrahim Ferrer et Compay Segundo du Buena Vista Social Club... Et les autres invités sont du même gabarit (Paddy Moloney, des Chieftains, au hasard). Et Ry de s'effacer (jusqu'à laisser intelligemment sa place au chant sur le jouissif Sundown Town), humble comme pas deux, devant eux, et, plus important encore, devant la musique en général. Pas de solo de slide si la chanson n'en réclame pas. Less is more, et tant pis pour le fond de commerce (Ry est par contre délicieux au banjo, dans Cardboard Avenue).


Je rajouterai que tout ceci est loin d'être dénué d'humour (One Cat, One Vote, One Beer), ce qui est suffisamment rare de nos jours pour être cité et je crois que j'ai fait le tour d'un album à la limite du merveilleux. Au sens magique du terme.

Stressed out ? Get a cat !

7 commentaires:

  1. Hi Jeepeedee ;-)

    Excellent choice!

    Ry Cooder est un de mes guitaristes préférés, pourquoi ? En voilou une question qu'elle est bonne! Ben, je passe sur le fait qu'il est excellentissime et assurément virtuose de l'instrument à 6 cordes, ce qui m'a toujours attiré chez cet artiste c'est son humilité, sa soif de découverte et sa curiosité pour sortir de l'oubli et promouvoir tout ce qui de près ou de loin a participé à l'élaboration des racines musicales américaines tout en remettant judicieusement en cause le dévoiement permanent des valeurs fondatrices de l'Amérique.

    On le connaît surtout pour ses très nombreuses musiques de films (Paris Texas, entre autres) mais c'est une goutte d'eau dans son oeuvre, ou encore son rôle dans "Buena Vista Social Club" et le "cuban son" revival, mais son album hommage à Manuel Galban (Mambo Sinuendo) est encore meilleur.
    Yes, tous ses albums studio sont sur mon blog, à l'exception du Ry Cooder Jazz, mais je crois qu'il est ressorti cette année, donc il sera bientôt disponible, aussi, mouarf.
    Note: Je vais faire des "liens miroirs" sur filesonic, car je crois qu'ils sont tous uniquement sur easyshare (crocko, aujourd'hui)...

    Lyc

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  2. Ben je crois qu'on est tous d'accord, alors ? Lyc, je vais refaire un tour chez toi, j'ai dû en laisser passer... euh... c'est quoi des liens miroir ? tu fais de la sorcellerie, aussi ?

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  3. Hi Jeepeedee :)

    Des liens miroirs, c'est ce que les zenglish nomment des "mirrors links", c'est à dire la copie des fichiers sur un autre serveur pour permettre aux leechers de "download 2 files in same time".

    Bon samedi soir !

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  4. Voilà c'est pris. Vous avez tout dit. Je ne sais pas si il est humble mais effectivement c'est un musicien comme nous aimons les aimer, "sacrifiant" un succès de star pour continuer à défricher la terre musicale. J'insiste sur mes guillemets. J'avais découvert ses silences sur le "Paris (Texas)" Bouleversant, ensuite il n'a fait que me surprendre le bonhomme...

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  5. @Lyc : je m'en doutais un peu, bonne idée, mais ça doit prendre du temps...

    @devant : t'as tout juste, les "silences" de Paris (Texas), on peut pas mieux dire. Less is more. Bonne écoute.

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  6. Alors celui-ci je l'adore!!!! Depuis "Chavez ravine", c'est un sans faute pour les albums concept de Ry.

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  7. Ah oui j'avais un peu décroché depuis Buena Vista, mais le dernier en date, je l'ai pris dans ma chetron sauvage...
    Du coup, tu me donnes envie de réécouter ceux qui me manquent plutôt que Gérard Mansoif.
    Merci !

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