J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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vendredi 4 novembre 2011

#72: Elliott Murphy "Aquashow"

S'il s'était appelé Durphy, il aurait trôné juste au-dessus du Blonde On Blonde de Dylan, si l'ordre avait été alphabétique dans mon antre à CD. Mais d'ordre, il n'y a pas. Et heureusement. Pour gagner sa place dans mon rangement quadragénaire, l'album aurait dû s'appeler Bla Bla Show, et de bla-bla il n'y a pas ici. Juste un gars, cherchant en 1973, le fameux thin wild mercury sound en pleine période glam. Ou est l'aiguille ? Ou est la botte de foin ? Nul ne le dira.

Elliott Murphy vit en France, aujourd'hui, et depuis longtemps. Malgré sa politique d'immigration largement discutable, mais la politique m'emmerde, c'est la musique qui me passionne, la France accueille donc Elliott Murphy, qui en toute logique aurait dû et devrait couler des jours heureux sur une île privée des Caraïbes, à boire des jus de fruit avec Eric Clapton, jouer à chat-perché avec Keith Richards sous les palmiers, regarder d'un oeil nostalgique ses disques de platines en rentrant, sans tomber bêtement d'un cocotier en cours de soirée.

Tout le monde était d'accord là-dessus, en 1973, quand parut Aquashow. Tellement d'accord que Columbia le débaucha pour un Just A Story From America tout aussi merveilleux, quelques années plus tard. Que je n'ai pas retrouvé en premier, dans mon fatras, ce qui a facilité mon choix cornélien : voici donc Aquashow.

Aquashow, dans un monde bien fait, aurait dû renvoyer Springsteen dans son garage familial, à passer un CAP de Tôlier-Métallier.  Aquashow aurait dû enterrer tout ce qui a pu se passer cette année-là. Les plus méchants parleront de pétard mouillé, les plus lucides diront que la pyrotechnie aquatique est  difficile, le feu n'aimant pas le contact de l'eau.

Aquashow, c'est au bas mot trois classiques éternels, Last Of The Rock Stars, How's The Family et Marilyn. Et sept autres chansons juste formidables. Et quarante-cinq minutes à rester scotché devant tant de talent, qu'on ne se relève même pas du fauteuil. Qu'on balbutie, fatigué, Marilyyyyyyn Monrooooe, she dieeed for us... quinze, vingt fois, hagard. Sans pouvoir faire autre chose.

Aquashow, c'est l'histoire triste d'Elliott Murphy, qu'on imagine malgré tout heureux, comme aurait dit Camus, limité à répandre son talent dans tellement de concerts acoustiques dans des rades à trois sous de Brie-Comte-Robert, d'où à chaque fois 17 personnes sortent transformées et heureuses, mais où la multiplication par le nombre de communes de France n'atteint même pas le millième de ce que les ventes de cet album auraient dû atteindre en deux mois dans le Minnesota à l'époque.

Aquashow, c'est rappeler aux Inrockuptibles que leurs critiques acerbes de ses albums enregistrés sans moyens au début des années 90 sur un 4-pistes DAT mais recelant des pépites sans pareilles (On Elvis Presley's Birthday) relèvent tout simplement de la vacherie et de la méchanceté. Seuls moments illusoires de gloriole, Springsteen l'a régulièrement invité sur scène lors de ses concerts dans notre pauvre pays. Redevable, sans doute. Certainement. Evidemment.

Aquashow, puisque c'est mon blog, c'est l'histoire d'un pré-ado coincé dans les Vosges passant des après-midi à jouer la rythmique de Last Of The Rock Stars sur sa 12 cordes avec le disque à fond.

Aquashow, c'est sans doute, je l'espère, pour certains d'entre vous, une histoire similaire. Une histoire d'amour presque oubliée, qui fait toujours mal, qui justifie en tout cas un geste désespéré sur un modeste blog, avec juste ce commentaire qui me taraude : MAIS BON DIEU C'EST PAS VRAI !!! ECOUTEZ CA !!! RENDEZ-LUI JUSTICE !!! HE WAS BORN TO BE THE KING, HE WAS BORN TO BE A MAN !!!


Last Of The Rock Stars ???

PS : Faites un tour sur son modeste site bricolé à la pauvre hauteur de ses trop modestes moyens, http://www.elliottmurphy.com, et écoutez-moi sa version désabusée du Last Of The Rock Stars, ici présente si pleine d'espoir et de rage... Ca me donne envie de pleurer...

8 commentaires:

  1. Yessss!

    Elliott Murphy est un très grand bonhomme en plus d'un excellent et prolifique singer songwriter. Et il a continué à faire de magnifiques albums depuis qu'il a choisi de s'exiler à Paris (pas n'importe où non plus, il a vue sur les ponts de l'île de la Cité, il ne dort pas sous les-dits ponts et ne risque pas non plus d'être expulsé en raison de quotas absurdes et scandaleusement inhumains) où il passe des jours heureux et effectivement régale des publics de connaisseurs dans des concerts généreux et interminables.
    Je recommande tout particulièrement les albums avec son complice normand et guitariste privilégié, Olivier Durand.

    Merci pour la piqûre de rappel!

    Lyc

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  2. @Lyc : Merci de ton commentaire ! Si Elliott Murphy est heureux, me voilà sincèrement rassuré, je ne garde donc que la frustration d'un grand homme qui aurait mérité bien plus que le bonheur, à savoir la reconnaissance en plus, et de préférence pas à titre posthume. If you see him, say hello...

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  3. Des sa sortie l'album avait de memoire ete encense par la presse musicale Francaise (en fait 2 revues,Best et Rock&Folk).
    J'avoue ne pas avoir de grand souvenirs de l'album.
    Merci de m'inciter a l'ecouter a nouveau.

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  4. He les gars! Vos blogs ressemblent de plus en plus à des lieux de réhabilitation. Sans parler de la nostalgie (que je suis un des premiers à cultiver, à tous les niveaux).
    Merci en tout cas de ramener Murphy sur le devant de la scène, et tout particulièrement ce disque qui fut un de mes meilleurs souvenirs... de ces années là.

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  5. ##

    Bon, ben pour ma part, je vais devoir reconnaître que je ne connais quasiment rien du bonhomme, hormis l'incontournable titre sur Marylin ...

    Là, c'est le saut dans l'inconnu pour moi, et la chronique de JeePeeDee me (nous) fait saliver !

    Je rejoins l'analyse de Psegpp sur le fait que vos différents blogs ont un goût prononcé pour la réhabilitation (on ne parle pas de "rehab" à la Amy W. !) d'artistes (re-)sortis de derrière vos fagots.

    Mais ça n'est pas pour déplaire, puisque ça permet aux ignares de partager vos lumineuses découvertes musicales.

    Si vous saviez à quel point vous avez, JeePeeDee, JP, Jimmy, Lyc, KM et MaN, contribué à ouvrir nos horizons musicaux (je dis "Nous" car je suis certain de ne pas être le seul dans ce cas !), vous seriez fiers de vous ...

    Chapeau à tous, à partager ! :-))

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  6. Oui, le ELVIS de l'album 12. J'avais suivi les conseils d'un bouquin dans sa section Folk et j'avais effectivement (re)découvert un sacré chansonnier, aucun gros tube mais que des sommets, vraiment.
    Ça ne me choque pas que Paris (Not Texas) ait trouvé le moyen de lui faire une place, elle a le décor qu'il lui faut, ses chansons sont trop peu sèche pour Paris (Texas) ;-)

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  7. Merci à tous pour vos commentaires. Chti73, moi aussi je remercie vivement Jimmy, Lyc et les autres (que je ne connais pas encore, mais je vais aller faire un tour chez eux !)

    @Jimmy : "On Elvis Presley's Birthday", euh, je serais presque tenté de dire que c'est sa plus belle chanson. Faut que retrouve l'album...

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  8. On peut facilement comprendre pourquoi les amateurs de Dylan apprecient les parties vocales d'EM mais le plus sans doute est un jeu de guitare de haut niveau.

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