Pour un 31 décembre, quoi de plus adapté qu'un concert d'un 31 décembre ?
A l'Academy Of Music de New York, ce 31 décembre 1971, ce fut une belle soirée. Une soirée grandiose pour The Band. Quelque part, leur dernier éclat. Après trois albums majestueux, inclassables et essentiels, l'ego de Robbie Robberston se mit à croître à la vitesse de proparagtion de la petite vérole sur le bas clergé breton, et l'album suivant, Cahoots, prétentieusement cinématographique, ça l'a pas fait. Oh, il y avait bien quelques titres à sauver dans le lot. Une reprise d'un bon titre (encore inédit) de Dylan, ça reste une bonne chanson quoiqu'on en fasse ou presque (When I Paint My Masterpiece). Mais ça sentait le réchauffé. Heureusement, il y avait Life Is A Carnival. Arrangements de cuivres d'Allen Toussaint. Et là, même une chanson pas formidable, ça le fait aussi.
Et quelques fois, le manque d'inspiration, ça le fait aussi. On sort la carte joker du double live pour honorer le contrat de la maison de disques et payer les traites de la villa à Frisco, et voilà. Les 3/4 du temps, c'est purement anecdotique, mais parfois...
Allen Toussaint, justement. L'idée de Robbie Robbertson de proposer au génie d'arranger les vieilles chansons du Band, ce fut sans doute la meilleure idée qu'il eut durant les années 1970.
Il nous reste de cette soirée le célèbre Rock Of Ages, souvent considéré comme un des albums live les plus brillants, et, j'ai envie de dire, à juste titre. Pervertir ces chansons roots et rurales d'une touche black, funk et New Orleans, ce fut ce qu'il y avait de mieux à faire pour leur donner une nouvelle jeunesse. Et le groupe joue serré, comme un seul homme.
Car il n'était pas dans les habitudes du Band de se lancer dans de grandes improvisations, mais plutôt de recréer les morceaux au plus près de ce qu'ils étaient, gravés sur la cire. C'est un jeu très dangereux. Quand le groupe est en forme, ça vous envoie des torpilles dans les oreilles, ça tape où il faut, au plus juste. Mais il suffit que l'un d'entre eux mollisse (et la passion de Richard Manuel pour le Cointreau rendait ce risque palpable et de plus en plus souvent avéré), pour que tout parte en bouillabaisse. Et là, pas de filet. Impossible de claquer le solo pour faire illusion. On rumine contre le trainard, on passe pour des ventres mous et la soirée est gâchée.
Mais là, quelle soirée ! Etaient-ce (sans doute) les cuivres d'Allen Toussaint qui ont poussé le Band dans leurs retranchement ? Qu'importe. La version du Don't Do It de Marvin Gaye, d'entrée, met tout le monde d'accord. L'intro de The Night They Drove Old Dixie Down, ces quelques notes de trompette, subliment à jamais une chanson qui n'avait pas besoin de cela pour figurer parmi les plus belles jamais écrites. Sauf que la voilà (encore plus) bancale, on dirait un enterrement de 1ère classe dans le French Quarter. Et le reste à l'avenant.
Bien sûr, sur disque, tout a été retravaillé : idée géniale, on commence l'album par le rappel, quand les musiciens sont au plus chaud, histoire de mettre une grosse baffe à l'auditeur d'entrée. Martin Scorcese reprendra l'idée (private joke, sans doute), dans son Last Waltz. En ressort un live parfait, et tant pis pour les encyclopédistes. Comme disait l'autre, si la légende est plus belle que la vérité, imprime la légende.
Les encyclopédistes et complétistes pourront se repaître avec le 2ème CD gorgé de bonus, morceaux non retenus sur l'album initial, et cesser de pleurer l'absence d'Up On Cripple Creek sur le double vinyle d'époque. Les dylanophiles pourront même se faire pipi dessus, puisque sont inclues les quatre chansons que le Maître a daigné jouer avec eux ce soir-là. Qui ne sont pas fantastiques.
Les autres jetteront le CD2 à la corbeille, et se passeront le premier en boucle. D'une grande majesté.
Le reste est trop triste. Le Band ne se relèvera plus. Tout juste aura-t-il un dernier soubresaut de génie avec Northern Lights/Southern Cross juste avant l'euthanasie par leur mentor mégalomane.
C'est une histoire qui finit tristement, mais qui dans sa dernière flambée ici proposée en mettra plein les écoutilles à plein de gens - enfin, je l'espère. Cet album, c'est, de plus, une merveilleuse compilation pour les indécis, les béotiens et les radins de la bande passante, pour découvrir ce qui n'a été qu'accessoirement le groupe à.Dylan. Tout y est.
Et mon petit ego se gargarise et se satisfait à l'idée que quelqu'un, quelque part, pourrait bien commencer l'année 2012 avec The Weight. Ca ne peut être qu'une bonne année qui commence, quand on découvre une chanson pareille...
Vous savez ce qui vous reste à faire. Happy New Yaire.
Rag Mama Rag !
Décidément, c'est encore Noël. Merci pour ce nouveau cadeau. Un joyau de ma jeunesse que j'avais un peu oublié.
RépondreSupprimerAllez! Je vais me déconnecter et me régaler les oreilles...
@psegpp : profite, mon gars, profite ! ton plaisir est le mien !!!
RépondreSupprimerUne fin d'année musicalement exceptionnelle gràce à ton blog.
RépondreSupprimerEncore une pépite qui ne demandait qu'a être redécouverte.
Que pouvons espérer pour 2012 sinon que tes posts ( et les chroniques toujours justes et émouvantes qui vont avec )enchantent chacune de nos journées ( et rendent ainsi plus supportable le monde dans lequel nous devons vivre ).
Meilleurs voeux pour toi et tes proches.
Et bonne soirée!
Echiré79
@Echiré79 : ce que j'aimerais pour 2012, c'est qu'on se retrouve place de la Brèche (oui je sais c'est pas facile de s'y garer) un soir à boire une mousse tous les deux... Une VRAIE rencontre, dingue, non ?
RépondreSupprimerAH LA je crois bien que ça peut le faire.....
RépondreSupprimerA très bientôt en 2012
Echiré79
Hi Jeepeedee
RépondreSupprimerJe te souhaite une très bonne année à toi et tes proches.
Merci pour l'excellent live du Band pour commencer l'année!
Champagne!
Lyc
Un grand merci Jeepeedee. Et une très bonne année.
RépondreSupprimerPS : Sur Cahoots, "The River Hymn" est pas mal non plus, non ?