J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mardi 6 décembre 2011

#96: King Crimson "Red"

On continue la semaine dans le lourd. Avec l'album le plus courageux des années 1970. Un groupe se sabordant en direct. Arrivé au bout du chemin : celui de la sophistication extrême (Bill Bruford, John Wetton et Robert Fripp ne sont pas des manchots) mêlée à la brutalité délibérée. En témoigne le potard qui orne le verso de l'album : tout est dans le rouge.

Tout le monde vous le dira, la musique est faite d'un savant mélange de sons non périodiques (le bruit : l'attaque d'une corde de guitare par un médiator, la frappe sur un tambour) et de sons harmoniques procurant à nos chastes oreilles l'impression d'une mélodie. Combien de Bach, de Mozart ont cherché à transcender le deuxième aspect ? Combien de Debussy, de Satie, de Bartok ont cherchés à le sublimer ? Pendant ce temps, des peuplades incultes tapaient sur des tambours pour atteindre une même transe. A San Francsico, en 1967, par exemple. Mais aussi tout le mouvement techno & co, qu'on peut mépriser négligemment mais sur lequel on reviendra, un jour, tous autant qu'on est.

King Crimson, ici, a mêlé dans sa maîtrise instrumentale les deux extrêmes. Préfigurateurs de tellement de choses qu'il serait vain de les nommer ici (je choque quelqu'un si je parle d'Hüsker Dü ? Pour ne pas nommer les Ride et autres My Bloody Valentine noisy pop ? Tant pis).

Et puis Robert Fripp a décidé que ce genre de groupes dinosaures était ridicule, en 1974. Et s'en est allé vers d'autres horizons. Laissant les Marshall fumer dans le studio, Bill Bruford en pleurs (il avait quitté Yes pensant trouver ici chaussure plus rentable à son pied) et toute une bande de hippie désolée de ne pas trouver des elfes sur la pochette ni même de ballade symphonique réconfortant leurs soirées peace & love. Bien sûr, Starless démarre comme ça, mais finit en jus de boudin après trois minutes de solo à une note (Virtuose, moi ? j'vous en foutrais, semblait dire Robert Fripp). Et même quand se calme la Lespaul, les rythmiques barrées ne laissent aucune place au repos. One More Red Nightmare. Ca finit toujours mal (Fallen Angel)

Ce post, court, car il n'y a pas à gloser sur un tel album, est dédié à celui qui, par hasard, n'aurait jamais pris ce disque dans la figure. On ne sait jamais. Prend-le celui-là, inconnu qui passe ici. Si tu devais n'en prendre qu'un...

J'ajouterai à la brièveté du post la cruauté de n'avoir pas posté la dernière édition. Pas de bonus tracks, donc, l'histoire n'est pas d'aguicher le chaland. L'édition de 2004 va très bien. Elle pète du feu de dieu. Les cinq morceaux sont là, on les prend dans la figure, et tout le monde au lit.

A commencer par moi, je suis crevé.

Jimmy a semble-t-il posté son album fétiche pendant le concours, le fameux Velvet à la Banane, je vous propose donc le mien, le Crimson à la grenaille. Sans comparaison possible. Si ce n'est qu'on adore (mais on peut préférer le J. Geils Band et en dire du bien quand même quand on discute dans un salon avec une dame ;o)) ou qu'on jette.

J'attends vos commentaires pour rugir, défendre, argumenter, mordre s'il le faut, si je n'ai pas été assez convaincant. Emmener cet album sur une île déserte vous aidera à devenir paranoïaque plus rapidement, à ré-inventer l'électricité pour vous fabriquer une platine CD, à faire fuir d'éventuels figurants de Kôh-Lanta et peut-être à recréer une nouvelle civilisation qui, partant de ça, créerait une race de surhommes aux oreilles plus larges que celles de Gainsbourg, et dix fois plus fonctionnelles encore, faute d'avachir tout le monde devant des mondes en 3D à la noix qui ne laissent plus aucune place au rêve.

Providence ?

16 commentaires:

  1. Oh jeepee, quel bonheur de voir un tel monument !! Fripp à cette époque a jeté Peter Sinfield..et sa musique est devenue encore plus mathématique, géométrique même. Un tournant chez les Crimson... réduit à trois, ce disc assez dur est une excellente entrée en la matière pour la suite de leur carrière.
    "Red" exercice intransigeant pour les guitaristes et "Starless" pour la peau des romantiques.
    C'est un groupe fascinant, à géométrie variable avec des phases bien découpées.
    "Starless", "Discipline" et "Islands" viennent de sortir en Deluxe....
    C'est assez puissant, dans la tronche comme tu dis....

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  2. point culminant des vertues cérébrales de Fripp ???? de la grande nourriture en tout cas . J'écoute Starless à "cause" de toi !!! final dantesque en saturation épique..merci Jeep pour ce rappel.

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  3. Oh de rien Charlu, de rien... Les Deluxe, j'ai aussi (sauf Discipline...), mais je voulais mettre l'essentiel, le brut, l'originel. Starless est incroyable. Le restera. Ca remue toujours autant les entrailles...

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  4. Oui, à tel point qu'au début j'écoutais que cette chanson là..noyant tout le reste..il m'a fallu qq 10éne d'écoute pour reculer sur les 4 autres.
    Pas non plus Discipline..j'aime moins les dik rouge, bleu et jaune !!! 80's est un obstacle pour moi. Mais j'y viens doucement.

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  5. Un conseil : vas direct vers Thrak, l'album de 1995. C'est pas mal non plus, et moins difficile que la période 80.

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  6. Oui..Thrak impec..même vrooom ... j'ai joué à saute mouton avec eux .. je vais revenir sur les 3 couleurs primaires !!! via tousles réédits de leurs concerts historiques tout age.

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  7. Ah! Les Crimsons... j'adore. J'avais en cassette (oui, je sais ça fait un bail) mais pas racheter en CD... un moment donné, on s'éparpille. Donc je prends avec joie et bonheur. Merci.

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  8. Ub classique mon cher, un classique. Pour les inconditionnels j'ai la 8 tracks special edition. Red en trio, Fallen angel en instru et une full version de Providence ( + 10 mn)
    Première baffe en 81 avec l'album Discipline. Après j'ai remonté le cours jusqu'à la source.

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  9. Je l'ai presque usé mon vinyle. En fait ce que j’aimais bien dans cette période d'hésitation chez Crimson, c'était ce mélange de mélodie POP - après tout l'air de STarless se chantonne sans difficulté - et cette tentative de rock d'avant garde limite trash et mur du son.
    marrant que Charlu en fasse un album charnière avec la suite. Moi qui ait stoppé sur RED en sentant que la suite était moins "chaude". Je voyais RED comme la fin d'une trilogie avec "Larks.." & "Starless". Marrant cette différence de perception.
    Merci pour ces souvenirs
    (Note: un peu à voir mais sur AVAX je me suis pris le RHINO consacré au prog, 5cd avec une sélection sympa et surprenante en partie et pas un CRIMSON dedans je crois.... dommage pour le Rhino)

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  10. "Red", c'est la torture cérébrale de Fripp, complètement ravagé par la noirceur morbide. Il ejecte tout le passé des King en imposant un trio jamais réalisé par le groupe, et aura le punk industriel de Vroom et Thrak plus tard.. partis Ian mcdonald, Cross et Mel collins (ils sont juste cité en invité.. malgré leur forte collaboration sur le morceau "Starless" uniquement). Déjà le départ de Sinfield en 71 avait enlevé la touche poétique des King. Une période s'arrète ici, et tu as raison Dev sur la prolongation de lark et bible.. mais avec sa dictature de format et de concept. Première fois trio avec un grand écart sur les albums suivant qui rappeleront la dureté et la grande froideur de Red...
    Perso, j'ai un gros faible pour les 4 premiers albums, quand tout le monde apportait sa touche, surtout la poésie de Peter Sinfield.
    C'est hyper bond Red pour morfler et les inédits deluxe sont à tomber.
    Rhino n'a pas les droits sur Crimson je crois... lache rien Fripp;
    Qu'est ce que c'est bon..nos vinyls morflent aussi.

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  11. Et voila comment je me suis refait tous les KC de 69 à 74 au boulot...
    Comme Charlu, j'ai tendance à préférer la période Sinfield. Mais la mutation est impressionnante au milieu des seventies et c'est vrai que la nouvelle formation en a inspiré un paquet...

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  12. l'album ""Still de Peter Sinfield n'est pas mal non plus.

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  13. B'soir Jimmy et Jeepeedee,

    Contre les petites contrarietés , il m'arrive de prendre le soir au coucher un peu de West Road Blues Band , "Hymn to freedom" sur le live at Kyoto par ex....ou autre, au choix de chacun.
    Surtout, surtout continuez à nous faire partager encore longtemps vos coups de coeur et(ou) de colére
    Good night
    Echiré79

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  14. @Jimmy : ben ça. Tout était pourtant sur le ton de la plaisanterie, de la private joke, même. Je ne me suis offusqué de rien, j'ai ri en lisant ton mail et j'ai répondu "sérieusement" pensant que le ton n'en serait que plus drôle. Ma référence à notre petite discussion privée était même marquée du très teenage ;o) qui me semblait sans ambiguité. Si je t'ai vexé, ça me rend triste, non pas de l'avoir fait (parce que c'était involontaire), mais parce que tu l'es, et que c'est très pénible d'être peiné. Je ne supprime pas ton message, j'y réponds, je sais à quoi tu fais allusion, et c'est la seule fois où j'ai usé de mon droit de censure. Tu avoueras que ma connerie, sur ce coup-là, ne méritait pas l'étalage sur la place publique.

    Que tu le veuilles ou non, je consulte ton blog tous les jours, je continue à l'apprécier ainsi qu'à t'apprécier. Je peux simplement rajouter qu'il y a clairement méprise sur ce coup-là. Encore une fois, private joke, rien de plus, rien de moins.

    Avec toute mon amitié.

    JP

    PS : je me permets de copier/coller ce message sur ton blog (tu peux le supprimer aussi), ça fera de la pub pour King Crimson, Red, disponible ici (http://jeepeedee.blogspot.com/2011/12/96-king-crimson-red.html), et si vraiment ta vexation perdure - ce qui me peinerait grandement - au point que tu ne passes plus dans le coin, je serai au moins sûr que tu auras lu ce que je tenais à te dire. Je suis une tête de con, mais pas 24h/24. Je suis sans doute maladroit (à y réfléchir, j'ai dû écouter le Velvet bien plus souvent que le J. Geils Band, mais avec l'âge, certaines choses trop puissamment émotives sont mauvaises pour le palpitant, d'où ma consommation modérée).

    Tu es un passeur, un meneur, Jimmy. Un gars bien. Sans ton blog et nos premiers échanges, je me serais sans doute arrêté très vite. Si j'affiche ce 95ème post, c'est grâce à toi. Le seul reproche que j'ai à te faire, c'est que tu as sans doute plus de disques que moi.

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  15. Marre du copier/coller, mais je me répète : tu ne me dois rien, trop content que je suis qu'on se soit compris. La seule chose qui me déprime encore ce soir, c'est quand je vois comment Dave grimpe dans ma liste des messages les plus consultés (il est au-dessus de Del Shannon et d'Yves Simon, là, maintenant...)

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  16. Merdouille, vous nous avez foutu les pétoches ... moi la chanson de Schmol "hier encore j'avais deux amis", m'a fait flippé.
    On a besoin de vous les p'tits gars !!!

    Eh Jeep..moi c'est Johnny ma gueule qui est le plus consulté.. c'te honte..en haut de liste ...
    Ceci dit, un truc bizarre et très rassurant, le plus consulté en règle général, c'est Ummagumma !!! ça ça fait du bien..

    Bizz à vous deux

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