J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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lundi 26 décembre 2011

#103 : Rush "A Farewell To Kings"

Bouboule avait piqué la cassette à son frère aîné et me l'avait passée : une BASF chrome, avec Tea For The Tillerman de Cat Stevens sur un côté et A Farewell To Kings de Rush de l'autre. Son frangin avait l'âge tendre de ma soeur, ils écoutaient Santana en fumant des joints avec leurs autres potes et donc, forcément, savaient des choses qu'on ignorait. Alors on écoutait leurs disques, en espérant percer tous ces mystères par la Voie Musicale. Ma frangine, elle était plutôt du genre à suivre. Alors la moisson n'était guère pléthorique : Harvest, de Neil Young, ce genre de choses. Mais les garçons, c'était autre chose. Ca te draguait les filles sur une face (le Cat Stevens), et ça gardait l'autre pour tripper au fond du lit (le Rush) en faisant attention de ne pas faire grincer le sommier.

Dans ma quête initiatique de découverte de ces grands adolescents et de leurs secrets, j'avais fait le choix d'acheter les deux : le Cat Stevens pour frimer devant la frangine et tenter de me faire accepter dans son monde, et le Rush pour aller plus loin et découvrir vraiment pourquoi ces mecs étaient si cool. Evidemment, le Rush me faisait bien plus frissonner : dangereux, le disque ! Après quelques arpèges de guitare classique (que je vénérais secrètement, mais dont il était de bon ton de se moquer pour mieux prendre la déflagration du riff de A Farewell To Kings dans la figure - taam tadaam tadaam tadadadada taam tadaam tadaam !), ça partait dans des contrées bizarres et majestueuses. Une pause par-ci par-là (Closer To The Heart), histoire de respirer, et on embarquait vers Cygnus X-1. Et bon dieu ça dépotait plus que Pink Floyd, ça gueulait plus que Simon & Garfunkel et ça permettait de lancer un "tu peux pas comprendre" à la frangine, peu encline à ces déversements de métaux lourds, d'un air fier et hautain. Et en plus de ça, Monsieur, ça jouait bien, dru, sec, alambiqué et carré. Autre chose que les simplistes AC/DC gravés au marqueur sur les musettes de l'armée américaine que trimballaient les mecs de 5ème 9 qui arrivaient à rouler des galoches aux filles devant les autos-tamponneuses. Ha ! Bande de crétins ! Je m'imaginais trouver La nana qui savourerait avec moi cette musique d'érudit. Elle serait forcément mieux que Nadia... même si Nadia était tellement mignonne... mais quelle inculte ! Tant pis pour elle, tant mieux pour moi. Quand j'ai commencé à jouer de la guitare, je me suis rendu compte de l'impasse : Cat Stevens, OK (à mon grand dam, je n'ai récolté des regards enamourés que des binoclardes de 4ème 5), mais Rush... euh... comment dire... Une grande partie de ma vie affective et sexuelle tient donc dans ce triste constat. Toujours.

Ma passion pour Rush n'a pas duré. En 1978-79, Police, Clash, XTC ont balayé ces efforts tentaculaires, et mon nouveau pote - le fils du garagiste - m'avait prêté Overkill de Mötörhead. Ah ouais, quand même. Question speed et je te le prends dans la figure, j'en étais tout penaud avec mon Rush. En plus, ma soeur s'était trouvée un copain et écoutait Fabienne Thibault toute la journée. Alors j'ai rangé le disque. Communication Breakdown...

Et je l'ai racheté, il y a des années de ça, par pure nostalgie compulsive. Toujours une histoire de quête, celle de posséder tous les albums essentiels du monde et de la galaxie. J'ai du mal à l'écouter en entier, j'ai même toujours du mal à jouer l'intro de A Farewell To Kings à la guitare classique. Mais le morceau me rappelle toujours tellement de choses que la galette m'est sacrée.

En surfant sur le supermarché des blogs, j'ai téléchargé les coffrets remasterisés (l'intégrale de Rush de 1974 à 1989... est-ce vraiment nécessaire ?), par ennui et curiosité. Ca casse pas trois pattes à Mötörhead (Lemmy leur met la volée quand il veut), mais j'ai été touché par l'honnêteté de la démarche. Ennuyé aussi, mais content (le suivant ressemble au précédent mais en moins bien, de plus en plus FM, et comme les précédents de A Farewell To Kings, je les trouve moins bien, j'ai la sensation d'avoir tapé juste avec cet album, nostalgie et musicologie confondues. Vous me suivez ?).

Alors, je vais quand même vous aguicher un peu. Déjà, la pochette : ce pantin désarticulé sur fond de décombres, ça sent un peu le punk, non ? Et puis ce trio qui joue, purée, même encore aujourd'hui, avec une maestria pas loin d'un King Crimson période Red, en plus consensuel, certes. Pas d'esbroufes, ou si peu, tout dans la technique et le talent. C'est pas rien quand même. Evidemment, c'est pas Heavy Metal du tout, quand on est jeune on ressent les choses plus fort. Une pédale de distortion, une overdrive, et on se refait le monde.

Alors, si par hasard, quelqu'un qui lit cela vient d'offrir un ipod à son gamin pour Noël, ça peut être une bonne idée de lui coller l'album dans le bouzin. On sait jamais.

Et puis je voulais dédicacer ce post à Mister Moods, grand Fan des Trois devant l'éternel (as-tu réussi à draguer avec Rush, Mister Moods, c'est là une question existentielle ?) dont j'attends avec impatience l'ouverture de son nouveau blog. Ne serait-ce que pour ne pas avoir à traîner sur toute la blogosphère pour trouver des John Zorn de qualité décente. Et parce qu'il m'a mis le pied à l'étrier. Alors merci mille fois, Mister Moods.

Voilà, si vous n'avez rien de spécial à faire ce soir, vous pouvez tremper vos oreilles dans le hard rock - progressif version seventies (pléonasme ?) juste histoire de voir si l'eau du bain est assez tiède pour vous y plonger avec délices.


5 commentaires:

  1. Salut Jeepeedee, welcome back...
    Jamais aimé ce groupe. Me suis toujours ennuyé avec eux. Je leur trouvais trop peu d'originalité.

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  2. C'est con ce matin j'ai piscine et cet apre'm j'ai promis d'emmener ma fille au parc. C'est vraiment dommage, la vidéo m'avait donne tellement envie. A un moment j'ai cru que c’était une parodie des nuls, mais non>
    ...
    Je trouve l'image de l'eau tiède très bien trouvée ceci dit.

    Bon en même, temps on a tous nos croix a porter. le truc tordu c'est de le faire devant les copains.
    Bonne continuation.
    Monsieurj

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  3. Rush m'a toujours donné des passions violentes... principalement celle d'étrangler le chanteur.

    Sa voix impossible de passer outre, dommage car pour le reste, j'ai rien à redire des musiciens brillants.

    Mais comme j'ai downlaoder un Genesis, un moment donné dans la semaine folle, je fais de même avec celui-là. Qui sait? L'alignement des planètes parfois.

    Une fois encore, chapeau pour le texte.

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  4. pas trop le temps, dommage car RUSH est un groupe auquel je n'ai jamais accroché... Mais à peine essayé. Je loupe une occasion...
    A+

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  5. J'avais totalement raté ce post. Beaucoup de temps à passé depuis mais ma conviction reste la même : Rush met la volée et sa bande de bikers de supérette quand ils veulent, Na !

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