J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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samedi 17 décembre 2011

#102: Sufjan Stevens "Songs For Christmas"

Le petit Sufjan (rien que le nom) n'a pas dû avoir une enfance facile dans son Michigan natal. Toujours à se castagner avec son frangin, supporter ses deux frangines squattant la salle de bain à chercher leur tube de rouge à lèvres, et des parents... des parents, quoi.

A Noël, papa décidait que toute la famille devait se retrouver. Donc se castagner, s'engueuler, s'emmerder toute la sainte journée. Pendant ce temps, maman décidait que Noël était un moment merveilleux et décorait la maison, achetait des cadeaux, tout ça à crédit, en taxant les voisins, et faisant chauffer une carte bleue sans combustibles. Et papa n'appréciait pas du tout la facture du Wall-Market local, se demandant comment ils allaient s'en sortir. Coups de gueule, portes qui claquent, et maman finissait toujours par prendre un cadeau, au hasard, et le foutre au feu histoire de dire que puisque c'est comme ça...

Toute la carrière de Sufjan Stevens semble s'être jouée une veille de Noël où, décidant de racheter pour son frangin trois paires de chaussettes en acrylique (après avoir découpé le bout de chaque chaussette du-dit frangin un jour de haine), maman refit son cirque et mit le cadeau au feu. Une étrange fumée sortit du fourneau, une odeur âcre et insupportable (l'odeur de la Mort, décida le petit Sufjan), et voilà comment, définitivement, Noël fut catalogué comme un instant d'horreur chez le jeune garçon, qui prit les jambes à son coup pour aller à New York le plus vite possible enregistrer des disques complètement barrés mais géniaux (Come On Feel The Illinoise, au hasard, enfin pas tout à fait, son meilleur), enfin débarrassé de l'encombrante famille.

Sauf qu'un jour de septembre 2001, l'odeur qui régna sur New-York ne fut pas celle de quelques chaussettes en acrylique brûlées dans un fourneau au fin fond du Michigan. Et ce fut la ville, le pays tout entier, le monde sans doute, qui devint complètement déboussolé face à tant de violence absurde et inexplicable.

Alors, Sufjan décida d'enregistrer quelques chansons de Noël, sensées calmer l'esprit du monde, tout du moins le sien, sur son 8 pistes. Mêlant traditionnels et compositions étranges et hum... déroutantes, Sufjan envoya son petit CD-R à ceux qu'il aimait. Et recommença cela quatre années de suite. Silent Night. Jingle Bells. O Come O Come Emmanuel. Amazing Grace. Pour que ces vilaines chaussettes ne détruisent pas le monde.

Evidemment, quand on enregistre des chansons de Noël en ayant peur de chaussettes nucléaires, le résultat ne peut pas être conforme aux desiderata de la paroisse locale. Catalogué folkeux par des Inrockuptibles ayant entendu du banjo sur ses disques (quelles oreilles musicales, quand même, ça c'est de la presse !), mais trop génial pour s'y cantonner, détesté par plein de gens (mais pourquoi y joue du synthé plutôt que du banjo sur son dernier CD ?), Sufjan Stevens, semblerait-il, se retrouve toujours coincé entre ses soeurs, son frère et ses parents, et en plus JD Beauvallet qui ramène sa fraise et Philippe Manoeuvre qui lui offre chaque année la dernière compile des Rolling Stones histoire de paraître toujours djeuns et dans le vent (super ! too much, les kids ! les inédits de Some Girls !). Avec la chaussette de Damoclès au-dessus de sa tête. A mon avis, il devrait en parler à Daniel Johnston, cela pourrait l'aider à mieux vivre sa vie.

Moi, je l'aime, Sufjan Stevens. Même si parfois sa voix trop bien posée a tendance à m'agacer. Mais j'imagine les roustes qu'il a évitées en chantant juste à la messe de Noël. Ce gamin est foutu pour le heavy-metal, c'est sûr.

Alors, si votre soirée de Noël risque de ne pas être franchement placée sous le signe des Rois Mages, de la joie et de la foi en un Christ ressuscité, je vous conseille d'en placer une ou deux, de ces chansons, sur la chaine hi-fi familiale pendant l'ouverture des cadeaux. Si d'aventure la grande soirée familiale tourne à la débâcle (parce que ce crétin de cousin a oublié d'acheter les piles qui vont avec le camion télécommandé du petit neveu qui hurle tel un damné en des temps si bénis), blotissez-vous dans votre fauteuil, regardez les bougies électriques clignoter, et soyez heureux que la Grande Chaussette ne vienne pas détruire le monde - ou tout au moins - la soirée.

Alors qu'en ces temps bibliques je relis l'Evangile, je constate qu'aucun des Rois Mages, malgré l'encens, l'or et les mirifiques cadeaux portés au fils de Dieu enfin venu sur terre sauver les hommes, aucun d'entre eux ne lui a amené de chaussettes, malgré qu'on devait se les peler, en hiver, au fond d'une étable, à Bethlehem, bien longtemps avant le réchauffement climatique. Il vous reste une petite semaine pour télécharger le disque et corriger la donne, si d'aventure l'idée vous avait pris d'en acheter à Papy.

Il va de soi que je vous déconseille de perpétuer la tradition des chaussettes placées devant la cheminée, en attendant le Père Noël. On est déjà assez flippés comme ça avec le calendrier Maya !

Joy To The World !

3 commentaires:

  1. C'est bien parce que je déteste Nowel que je prend! Merci et «joyeuses» Fêtes!

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  2. @La Rouge : c'est pour les mêmes raisons que je le poste... Bonnes fêtes à toi ! O Come o come Emmanueeeeeel !!! Vivement la nouvelle année...

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  3. A force de me le réserver pour ne pas gâcher un talent de mélodiste, je commence à l'oublier le monsieur...
    @Jimmy? Pourquoi Eddy, les chaussettes??

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