Thème du jour : Fusion Or Not Fusion ?
- Alors voilà, sur le Moog, là, y'a trois oscillateurs, TROIS !!! Les LFO permettent de varier le pitch et pour le gate, évidemment, une enveloppe ADSR, sans parler des filtres et de...
Bill Bruford n'écoutait même plus, tapotait un rythme en 7/9ème sur la table basse du bureau d'Atlantic, regardant à peine les prospectus pour ces synthétiseurs : Oberheim, Prophet, Moog... pendant que Rick Wakeman continuait à radoter sa science. Il pensait à cette offre de Robert Fripp, lui proposant de rejoindre King Crimson.
- OK, et ça coûte combien tes trucs ? lança Steve Howe, un peu excédé par tout ce déballage de technologie. Lui jouait toujours sur sa Gibson, et n'avait pas l'intention d'en changer.
-...
- Putaain... lancèrent de concert Jon Anderson et Chris Squire. Et on paye ça comment ?
- Les gars, y'a ces groupes en Allemagne, il paraît qu'ils en ont déjà. Et si on franchit pas le pas, on va passer pour des has-been, pire encore, des jazzmen !
Bill Bruford passa en 5/8ème, s'employa à vérifier que son annulaire droit jouait bien le rôle du tom basse histoire de ne pas s'énerver. King Crimson...
- Et si on enregistrait un album vite fait, sans se prendre trop le chou ? On a bien deux-trois compos, et puis pour le reste, chacun fait ce qu'il veut ? Ca paierait même la sono... On va pas continuer à faire de la pop avec un orgue Hammond, quand même, si ?
...
Ce qu'il y a d'important, dans un cake, c'est qu'une fois cuit, on ne distingue ni l'oeuf ni la farine, que la pâte soit homogène et bien aérée. Rien de pire que les grumeaux. Réussir un roux, c'est encore plus délicat. On travaille à chaud. Laisser roussir la farine, mais pas trop. Pas qu'elle brûle. Et le bouillon doit être prêt, à la bonne température. Les oignons déglacés avec ce qu'il faut de muscadet, par exemple, pour que les sucs soient dilués de façon homogène. Et là, si ça fonctionne, on remet la viande (lapin, veau...), on fait cuire à petit feu et la fusion se fait. Animal et végétal se mêlent en un plat divin. Prenez, ceci est mon corps. Le Grand Art. Du lapin sauce chasseur à la réalisation de la pierre philosophale des alchimistes, seuls le temps et les ingrédients diffèrent. Il nous reste, dans le monde profane, ce début de recette : faire chauffer le beurre, rajouter les oignons... après, chaque cuisinier cherche la Parole Perdue, à coup d'échalotes, de lardons, de gingembre.
Et souvent, on atteint au sublime un peu par hasard, malgré des recettes éprouvées mais toujours évoquées avec une certaine pifométrie ésotérique : un brin de laurier, une pincée de sel, etc.
Yes allait bientôt tenter de devenir les Ginette Mathiot du prog' rock. Une fois les synthés arrivés. Car la décision fut prise. OK, on le fait cet album, on récolte un peu de blé et on achète les synthétiseurs qui nous ouvriront la porte du Paradis du Show Business.
Ils y sont arrivés : Close To The Edge, tout le reste. Soyons cartésiens. C'est bien parce que cet album, Fragile, était ma foi bien bon que le bon peuple leur a permis d'acheter l'artillerie lourde qui nous dégommerait les oreilles et balayerait tout sur son passage dans les années à suivre. A grands coups de morceaux de vingt minutes, souvent trop prétentieux et orgueilleux pour qu'on puisse, pauvres profanes, avoir le temps de savourer ne serait-ce que deux minutes de groove dans tout ça. Hop, on passe à autre chose. A toute chose malheur est bon, je reste persuadé qu'on leur doit l'arrivée des Clash ou des Sex Pistols.
Avec cet album néanmoins, Fragile, on reste sur le pas de la porte. Il n'est pas encore tout à fait question de fusion entre les musiciens dans un même magma (Relayer... bâillements...) mais d'une sorte de fusion entre des morceaux portés par chacun des individus, durant lesquels les autres participent mais mettent la pédale douce pour laisser le musicien s'exprimer. Voire, partent boire un café le temps que Steve Howe balance son immortel Mood For A Day, ou encore contractualisent une assurance-vie ou partent racheter du papier toilette, du sel et des pâtes pendant que Rick Wakeman brise les coucougnettes de l'ingénieur du son avec son Cans & Brahms prétentieux et inutile.
Mais quand ils se décident à jouer ensemble, sur des compositions communes, là, on touche au tournedos Rossini. Tenez, le Roundabout d'ouverture, ou encore South Side Of The Sky. Steve Howe comprend bien qu'une fois que le Gandalf Wakeman aura réceptionné ses synthés, il aura moins de place pour balancer la purée. Et de fait, riffe comme un cheval fou qui ne tient pas à perdre sa place dans l'écurie. Et d'un coin de l'oeil, Chris Squire démontre qu'une simple basse Rickenbacker en fait autant que les zinzins onéreux qu'ils s'apprêtent à acheter au prix fort (The Fish). Et les quelques 1'30 que durent le We Are Heaven de Jon Anderson sonnent toujours étonnamment modernes, presque indie-folk.
- Ben vous voyez les gars, c'était marrant, non ? Au fait, j'ai été livré aujourd'hui, on peut commencer le nouvel album, sérieux, hein ce coup-ci !
Bill Bruford s'éclipsa un instant.
- Allo, Robert ? Ouais, c'est ok, je finis un truc et j'arrive.
Steve Howe se dit qu'au moins, il pourrait se faire refaire les dents.
Chris Squire se dit que bon, un bassiste, en restant discret, ça peut éviter tous les naufrages.
Jon Anderson fut tenté de se vexer. Ces Moog, ça grinçait encore plus que sa voix de chapon surexcité.
Votre serviteur, lui, s'essuie le front, épuisé. Se dit que vraiment, ce concours est harassant. Poster un disque de fusion, ça lui semblait impossible. N'ayant vraiment aucun atome crochu avec les Red Hot Chili Peppers et autres Rage Against The Machine, il s'est voulu aussi cruel que le thème du jour. Et s'en va prendre une douche, manger une pomme et se mettre au lit. En se demandant s'il osera, demain dès l'aube, cliquer sur Publier le Message. Mais l'idée vicieuse d'avoir laissé les bonus tracks dans le zip lui confère un maléfique sourire en coin : 9 minutes d'une version insensée d'America, merveille de Simon & Garfunkel déstructurée par des anglais tintinabulés, si c'est pas de la fusion, ça ! Et d'avoir, un instant, une mauvaise pensée pour LR Rooster et Jimmy, vite oubliée. Mais quand même. Alors que le thème aurait pu être : Postez un Dylan.
C'est pas une vie. Not fusion, definitively.
Long Distance Roundabout.
Clap Clap Clap ! je me suis bien marré (encore une fois). Bravo pour ta chronique Jeepee.
RépondreSupprimerTa bonus tracks edition est bien alléchante mais sur Rapidshare pour les free users ça rame ... Tu peux re up sur MF, DF ou Zippy.
Un grand merci
Hi Jeepee pas la peine le re up.
SupprimerDylan c'est la fusion entre la guitare et l'harmonica ! Je crois que je l'ai déjà faite chez Charlu.
RépondreSupprimerDylan, c'est devenu du prog', maintenant il joue même du piano sur scène ;o)
SupprimerOh et puis ça me rappelle la blague de Coluche : Danyel Gérard avait le choix entre le chapeau ou le talent de Dylan, il a préféré le chapeau. Y'en a plein qui ont choisi l'harmonica, aussi...
SupprimerTu fait la tournée des blogs avec ta blague? Beau concept :-)
RépondreSupprimerBelle chronique, complètement barrée.
Fallait bien tenter de rire un peu, le sujet ne 'my prêtait pas... Mais j'imagine trop Steve Howe chez le dentiste... bon, on s'invente la légende q'uon peut, hein...
SupprimerBon sang Jeepeedee, j'ai bien rigolé ce matin en me régalant à la lecture de ta chronique!
RépondreSupprimerN'ai jamais bien accroché à Yes, c'est même le moins que je puisse dire, un ou deux morceaux et j'appuie sur le bouton STOP.
Mais je ne peux pas faire autrement que prendre et me le passer tout en reli-dégustant ton post.
Echiré79
Je ne peux que saluer ton courage...
SupprimerLe disque de YES que j'ai découvert en ... 2011. Et je suis prêt à le défendre puisque hors période mode ou antiprog.
RépondreSupprimerDans ce YES pas trop de tunnel, assez d'idée pour dire que 20 minutes pouvaient se transformer en 6 ou 7 chansons...
Quand je dis Tunnel je pense à TALES... (Pour RELAYER... Comme disait Don Quichotte, j'ai usé ce disque)
Je dois revoir la recette habilement cachée dans ta chronique.
FUSION et puis pourquoi pas, puisque que l'époque voulait adopter une autre écriture inspiré des musiques contemporaines.
Tu n'as pas plus tord que nous...
'Lo JPD & All.
RépondreSupprimerNous touchons là aux limites de l'Analyse :
Aussi brillante soit-elle (et brillante elle est !), elle passe parfois à côté d'une vérité plus simple .
Les lascars suscités sont incapables de fomenter un tel complot, ils étaient tout simplement destinés à nous les briser, dès le début .
Et avec quel brio y sont-ils arrivés, je ne vois guère que Genesis pour boxer dans la même catégorie !
Moi aussi il me gonflait ce sujet .
EWG
Méchant que tu es ! La prétention est capable de détruire des montagnes ! Certes, on ne compte plus les roubignolles brisées par leur discographie, mais visiblement, il y a eu des gens prêts payer pour ses les faire briser.
SupprimerOuf, le thème maudit est passé.
By the way, Everett, je the jury sue si. Je ne sais plus où j'ai lu çà, mais cet album branquignolle (et donc moins casse-pied que les autres) a bien été publié pour payer les synthés de Rick Wakeman.
SupprimerImagine les économies d'Universal si Guns'n'Roses cherchait à financer une mandoline...
J'en étais sûr mais je voulais juste dire tout le mal que je pensais d'eux .
SupprimerEt citer Genesis .
G'n'R ... Made in China la mandoline, c'est encore moins cher .
EWG
Bon, je pense qu'il y a nécessité de réhab...ilitation.
RépondreSupprimerJe vous trouve plus que sévère et même injuste. Surtout que YES a effectivement pris la grosse tête et fait moins dans davantage, comme TALES justement...
Mais cet album? Ça non.
Surtout que dans le domaine de la POP, même en explosant le format, il y avait du talent mélodique dans les réussites de YES & GENESIS (et les autres comme VDGG, GENTLE GIANT..)
Il faut toujours voir le bon côté des choses...
SupprimerMême en pleine période Punk, je me souviens à Londres avoir tout de même flashé sur le groupe UK qui continuait bon gré mal gré à exercer leurs talents d'écriture pour atteindre de superbes envolées ... Je ne crois pas que le punk, la new wave ou la cold ou etc.. aient tant que ça ringardiser le genre.
RépondreSupprimerMais d'accord pour admettre que Ambition et Orgueil nécessaires pour bouger les lignes peuvent basculer dans le pontifiant, et généralement cela s'entend dans le peu de diversité des mélodies, ce que je nomme les TUNNELS... C'est le risque.
UK, si mes souvenirs sont bons, c'était avec John Wetton. Ca ne pouvait donc pas être complètement mauvais ?
Supprimer... et Eddie Jobson, Bill Bruford, Allan Holdsworth, Terry Bozzio.
SupprimerPour te dire.
Tu sais quoi? M'étant penché sur le genre via un bouquin récent, je me disais: Ces groupes des années 70 ont connu un GROS SUCCÈS en vente, pense que le THICK ou le PASSION de Jethro Tull s'est classé dans le haut des HIT... Dommage, car l'intention au départ était me semble-t-il musical, mais sans les grosse vente seraient restés les passionnés et je suis certains que l'évolution aurait gagné en qualité plutôt qu'en quantité.
Euh... pour les ambiances qui tournaient autour, je ne me lancerai pas dans ce commerce-là ;o)
RépondreSupprimerBen ouais, désolé Jimmy et LLR Rooster, seule critique sur ce concours, il semblerait que le simple thème de fusion ait paniqué pas mal de monde. Enfin, grand coquin, tu as réussi à me faire poster un disque de Yes. Qui l'eut cru ?
RépondreSupprimerYes aura marqué ma prime adolescence...l'après-midi à regarder émerveillé "Yessongs" dans un cinéma du sud de l'Angleterre, avec mon frèrot qui ne devait pas avoir plus de dix ans. Et puisun jour ont débarqué Dr Feelgood et Eddie & The Hot Rods...
RépondreSupprimerIl me prend parfois la tentation de réessayer..mais jai un peu peur ! Qu'est ce que je risque ? Allez, merci Jeepeedee, on y va