Thème du jour : Remember (l'album qui a tout déclenché)
- Elvis Presley ?
- Carl Perkins !
Non, je ne pense pas qu'il s'agisse de ça, d'un dialogue de sourds façon Mystery Train de Jim Jarmusch. Du moins ce thème ne m'évoque-t-il pas cela. Mais plutôt, grâce à quel album (grâce ? quelle grâce ? du tourment, autant et sinon plus, sans aucun doute) avons-nous entamé cette passion dévorante ? J'oserais ajouter, du rock (entendez par rock : rock, jazz, punk, funk... bref, tout ce pour quoi il faut savoir faire un effort afin d'y avoir accès).
Rewind, donc. Vers un fatras immense. Du Joe Dassin de mon enfance au Clash de mon adolescence. Entre deux ? Un gumbo d'allers et retours, de la variété à des choses plus... difficiles ? Etonnantes ? Miraculeuses ? Une liste à la Prévert. A la Perec : je me souviens d'avoir acheté le single Fernando d'Abba, je me souviens d'avoir écouté les Beatles avec ma soeur, je me souviens d'avoir trippé grave sur We Will Rock You de Queen, je me souviens d'avoir continué à aimer Gérard Lenorman, je me souviens que le petit ami de ma soeur m'avait fait acheter Meddle de Pink Floyd (mais ça, c'était déjà plus tard, je crois)... Mais quand, quoi, qui, où s'est passé cette brisure qui a fait que voilà, j'ai franchi à ma façon le rubycon ?
Vous l'aurez voulu, LR Rooster et Jimmy, me v'là encore en train de déblatérer sur Dylan. Transition facile, ma maman m'avait appris à jouer de l'harmonica, et je rêvais de jouer de la guitare. Et un jour ma soeur est revenue d'un cours d'anglais en racontant à table cette histoire, The Ballad Of Hollis Brown, chantée par ce mec, qui jouait de la guitare en s'accompagnant à l'harmonica. C'en était fait de moi.
Emmanuelle avait un grand frère, vache, il connaissait tout. Et il avait des disques de ce Bob Dylan. Alors je lui ai gentiment demandé, à Emmanuelle, avec ma BASF C60 toute neuve dans le fond de ma poche, s'il pouvait m'en faire une cassette. Les C60, m'expliquait mon papa, c'était mieux que les C90, la bande risquait moins de s'emmêler dans le magnétophone. Surtout, éviter les C120. Elle était sympa Emmanuelle, je me rappelle même plus pourquoi dans la cours de récré, en 6ème, j'en étais venu à lui parler de Bob Dylan, et elle de son grand frère. Enfin si, bien sûr, mais on va pas se la jouer Diabolo Menthe, hein ? Le lendemain, j'avais ma cassette.
J'ai tourné autour de la table du salon en écoutant cette cassette, sans pouvoir faire autre chose. Lily Of The West. Incroyable. Mr Bojangles, je m'en rappelle comme si c'était hier. Cette douce claque qui vous donne envie de pleurer comme de rire, sans doute l'amour était-il dans le préau. Et le ver dans le fruit. Puisque mes oreilles étaient décollées, soit, désormais, elles seules me guideraient.
Mais l'amour, sous le préau, n'y était pas. Pas cette fois, pas encore. Ma vie sentimentale, comme ma passion musicale, ont commencé par une méprise. Pas de bisous tendres avec Emmanuelle, et pas la moindre compo de Dylan sur cet album, estampillé daube of the pops. Et pourtant... ben oui, c'est l'album qui a tout déclenché. Je n'ai jamais plus écouté Abba après ça, et la deuxième cassette que j'ai filé à Emmanuelle m'est revenue remplie d'extraits - en vrac - du Tonight's The Night de Neil Young, du premier Camel, du And Then There Were Three de Genesis et... du Just A Story From America d'Elliot Murphy. Choisis ton camp. Oh, et puis zut, pourquoi choisir, tout cela était merveilleux à l'époque. JD Beauvallet devait encore faire dans sa culotte et j'avais un sac d'école en cuir sur lequel il était trop tôt pour écrire des noms de groupe au marqueur (ça se serait même pas vu, il était tout noir).
N'empêche, même si tout cela a commencé avec le plus mauvais album de Dylan, tellement mauvais que passée une première réédition CD, il est parti à la trappe, il me colle à la peau. Trois ans plus tard, quand ma soeur est partie pour un week-end à Paris, je lui ai demandé de me ramener un album de Dylan, si jamais elle en trouvait un aux puces. Devinez lequel m'est revenu ?
Voilà comment tout a commencé. Et à le réécouter ce soir, pour l'occasion, outre l'intérêt de ce post pour les collectionneurs extrémistes, j'y trouve des chansons chouettes, simples et de bon goût. Bien sûr, aucun coup d'éclat, pas de Gates Of Eden, encore moins de Blind Willie Mc Tell. Mais des reprises de Joni Mitchell, Presley et autres, humblement chantées, juste pour le fun. Pour tester le son du studio, paraît-il. Avec ce son un brin daté, ces choeurs ringards, ces musiciens payés à l'heure qui ne risqueront pas une fausse note parce qu'après, y'a une autre séance et on n'a pas que ça à faire.
C'est ainsi qu'en croyant découvrir Dylan, c'est tous ces artistes-là et un brin de chansons traditionnelles en même temps que j'ai pris dans les dents de lait. Je dirais même que le manque d'inspiration dans les interprétations m'a facilité la tâche. Un peu comme s'il me les apprenait doucement, calmement, personnellement, Bob - genre - tu y reviendras plus tard, pour l'instant, apprends ça. Le reste, la quintessence, viendrait après. Il fallait y aller doucement, c'est ce que semblait me chanter ma cassette BASF. Il fallait y aller doucement avec Emmanuelle aussi. Tellement doucement qu'elle ne serait pas mon premier amour, même s'il sera éponyme. Ouh là, j'arrête, je l'ai déjà dit. Pas bon ces chroniques du samedi soir. La faute à Jimmy et LR Rooster, hein !
You never know what you got 'till it's gone.
Purée de virée vertigineuse vers un passé que je croyais englouti. Ca fait remonter plein de choses. Même le nom de famille d'Emmanuelle. Straub. Emmanuelle Straub. Tu habitais à Wihr-Au-Val. Et ton frangin fumait des joints, en fait. C'est pour ça qu'il m'avait coincé du Genesis avec du Neil Young. Si jamais tu lis ça, Emmanuelle, envoie-moi un mail si tu veux, mais s'il te plaît, ne deviens pas mon amie sur Facebook. Je n'ai aucune envie d'avoir un jour à modifier les conditions d'utilisation de ma mémoire.
Can't Help Falling In Love
Huitième chronique sur Bob... cette période est indélébile..j'espère sincérement qu'elle va te contacter.
RépondreSupprimerCe disque est assez rare, je comprends pourquoi maintenant. Jamais vu nulle part.
Maintenant que je t'ai lu... je mesouviens bizarrement qu'à l'époque de Dave à l'Olympia..j'étais amoureux de Nathalie Gaillard..en élémentaire(CM1,CM2). sans dèc...elle s'est barrée, je suis passé à Johnny popur la peine... merde, ça revient aussi... quelle saloperie cet archéologie ....
Ah, quand on ouvre la boîte à madeleines ...
RépondreSupprimerTout le monde se retrouve dans ton texte, au moins sa toile de fond, il suffira juste de changer quelques noms .
Et qui se soucie de savoir si c'est son meilleur disque quand pour soi c'est le premier ?
C'est bien plus important !
EWG
Bravo pour ta chronique et puis il vaut mieux que ce soit la faute à Jimmy et au Rooster qu'à Voltaire et à Rousseau. Bon puisque tu dis que ce n'est pas le meilleur du vieux Bob, je te crois sur parole.
RépondreSupprimerTu m'auras fait écouter le Jerry Jeff Walker..
RépondreSupprimerBon, j'avoue que j'associe Dylan à des chroniques comme la tienne. Avant Forum & Blog, Dylan c'était quelques perles prises à gauche et à droite sans bien cerner le personnage, savoir par quel bout le prendre...
Et puis vous êtes quelques uns à avoir su me convaincre que le monsieur est une exception, un monument consommable par petit bout de chansons.. Alors j'y viens, j'y viens.
En te relisant je me suis mis "Blind Willie MCtell" & "Gates Of Eden" Oui, c'est aussi comme ça que j'écoute de la musique Merci à vous tous, sachant qu'il me faudra le dire un peu partout. Disons que ta chronique se prête bien à ce remerciement
;-)
Et après tout, ce côté "work in progress", ces fausses notes parfois, rendent bien plus humains nos héros. Et on en arrive à ressentir même de la "tendresse" pour eux.
RépondreSupprimerQuand ces souvenirs sont associés à des réminiscences très personnelles, c'est encore plus émouvant et infaillible. Bravo pour la chronique et merci de m'avoir fait découvrir ce Dylan dont je n'avais même jamais entendu parler.
Merci Jeepeedee,
RépondreSupprimerEncore un petit bijou de chronique.
Je prends ce Dylan d'autant plus volontiers que je ne le connais pas; juste un très vague souvenir d'avoir déjà vu la pochette!
Mon premier 33t de Bob a été :"the freewheelin'Bob Dylan" offert par mes parents ( devais avoir 13/14ans et ce n'est que bien des années plus tard que je me suis demandé ou il avaient bien pu le trouver à l'époque)
Sinon, mon premier 33t/déclic fut le "R&B from the Marquee" d'Alexis Korner rapporté de Londres par le grand frére de mon "vieux" copain Pierrot.....Ah on l'a usé jusqu'à la corde celui là.
Pas qu'un peu fier en plus : un vinyle direct from London!
Et surtout,ce fut mon point d'entrée vers tous les groupes du British Blues.
Echiré79
Pas le meilleur de Dylan, et pourtant... beau billet
RépondreSupprimeryouhou Jeepeedee :)
RépondreSupprimerJe suis d'un peu loin le second round des JSFDBMDD, le retour.
Un peu débordé le garçon qu'il est, par le boulot et par la grande lessive du FBI, d'un point de vue bloguistique, ça fait mal...
Je tente de sauver ce qui peut l'être...
L'album qui m'a fait tomber tout petit dans l'univers rock, grave question, j'hésite entre le first Neil Young avec Crazy Horse,le Volunteers de Jefferson Airplane et le premier live du Grateful Dead, sans oublier Who's Next.
@plussssssss, smaacks