J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mercredi 8 février 2012

#116: Van Morrison "Astral Weeks Live At The Hollywood Bowl"

Banalités. Astral Weeks est un album essentiel, phare, marquant, incontournable, non seulement dans la carrière de Van The Man qui, si elle s'était limitée à cette galette, aurait été déjà bien suffisamment garnie, mais plus généralement incontournable pour qui a une paire d'oreilles un tant soit peu adaptées à frémir à toute émotion artistique, quelle qu'elle soit.

On pourrait gloser des heures là-dessus. Album unique dans son parcours, certes. Album de genre ? Oui parce qu'essentiellement acoustique - folk, diraient les Imbécilorockuptibles trop pressés de boucler le prochain numéro. Pourtant, une fois passés les premiers accords de guitare sèche, on est bien loin d'un Dylan, même atomisé façon Desolation Row. Les canons du genre sont oubliés. Il n'y a plus de repères. Van Morrison avait créé un standard du rock (Gloria), un tube pop parfait (Brow-Eyed Girl), avant de cracher dans la soupe avec un courage qui force encore le respect. Johnny Rotten, petit joueur à côté. Non, Astral Weeks, c'est la quintescence de ce que Van Morrison a dans sa tête. La suite, aussi géniale soit-elle, sera plus convenue : Influence rythm'n'blues marquée, réellement un peu folk parfois (mais les Inrockobéciloruptibles n'ont sans doute pas discerné ça), parfait et jouissif souvent. Un des points communs avec Dylan, c'est que ses albums qualifiés d'albums mineurs à l'époque de leur sortie (Wavelength, au hasard), ont pris de la bouche et du palais et sonnent aujourd'hui ma foi aussi clinquants qu'un Bordeaux 1983. Rêches au palais durant leur jeunesse, les critiques qui les ont décriés à l'époque font aujourd'hui profil bas. On est pas dans le beaujolais nouveau d'un Charlie Winston...

Des albums de genre, il en sortira deux-trois. Son trip avec les Chieftains, Irish Heartbeat, histoire d'en montrer aux Pogues, petits cons sans racines (à ses yeux), un album country pur jus dans les années 2000 (Pay The Devil), et c'est à peu près tout.

Astral Weeks, c'est du Van Morrison séminal, pur, direct, tout est là. Le cauchemar d'un psychanalyste. En 45 minutes, l'homme déballe tout sans tergiverser, sans recracher la moindre influence. Tout son talent, toute sa singularité sont là. Et il n'y a que lui, rien d'autre sur quoi se reposer, rien à comparer à quoi que ce soit. Astral Weeks EST Van Morrison - et réciproquement.

Alors je pose la question, et je n'ai pas la réponse. Trop peur de me tromper. Une telle catharsis pouvait-elle se reproduire sur la scène du Hollywood Bowl ? Ma nostalgie, mon amour immodéré pour l'artiste et son oeuvre m'ont fait sauter sur la galette sans même réfléchir. Couillon. On le sait, depuis Brian Wilson, son Pet Sounds et son Smile, une nouvelle manne s'est ouverte : rejouer son chef d'oeuvre Live. Le Horses de Patti Smith, le Berlin de Lou Reed, tant d'autres. Pour autant, si je crois un Lou Reed vieillissant capable de bouffer à tous les râteliers, y compris en compagnie d'ânes bâtés de trait (Metallica, pour ne pas les citer), une Patti Smith toujours sincère au point de ne pas se rendre compte de l'effet marketing de son geste, il me semble qu'on ne la fait pas à Van Morrison. Et que donc, s'il daigne revenir sur son parcours, c'est pour montrer à quel point Van, c'est toujours The Man, dans tout ce cirque chaud-business. Et il est bien là, Van, bien dans le set.

Mais peut-être que la passion m'égare. Au dernier verre de la bouteille de beaujolais, on lui trouve un goût de banane ou de noisette fort agréable. Berné par l'alcool et l'ivresse, on en viendrait presque à trouver ça bon. Au mieux, cela peut ramener un peu de nostalgie, de souvenirs brumeux de moments passés et perdus à jamais. Au pire, l'abus d'alcool est dangereux pour la santé. Mais il se peut, tout simplement, que le breuvage fut divin. Les notes de pochettes, au verso, semblent écrites sous l'effet de la dive bouteille. I've transcended time, conclut-il. Vraiment ?

Il y a deux bonus tracks à suivre (Listen To The Lion - le message est clair - et Common One). Cognacs millésimés ou Kronenbourg pour se finir ?

Je vous laisse seuls juges de cette dégustation.

A votre santé.

9 commentaires:

  1. ...Et mérité ! Avec les efforts que tu déploies, ça n'est guère étonnant que tu aies eu la chance de tomber sur un des (rares) artistes pas bornés ! Je suis content pour toi !

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  2. Salut,
    Encore une fois, je suis pleinement d'accord avec ton message, pourtant je te trouve quand même un petit peu dur quand tu déclares que seuls son disque avec les Chieftains et le country Pay the Devil sont les seuls autres bons albums qu'il ai produit.

    Chacun a ses préférences mais regarde encore une fois sa discographie (je pense à Veedon Fleece, Common one, Into the Music et j'en oublie) qui tiennent vraiment la distance.
    Pour ma part, je le trouve beaucoup moins inspiré depuis une quinzaine d'années.

    Merci
    Alex

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  3. Salut Jeepeedee,
    Comme souvent ta chronique m'a donnée envie d'en savoir plus, écouter plus devrais-je dire! mais j'ai vraiment chargé ce live avec une certaine appréhension, Astral Weeks faisant partie de mes quelques disques à emporter sur l'île déserte.
    Alors pour reprendre tes comparaisons oenologiques, si ce n'est pas le millesime exceptionnel de l'ASTAL 1968, je trouve que cette reprise live tient la route sans probléme, l'homme et l'oeuvre vieillissent bien et je n'ai éprouvé aucune amertume à la dégustation ( c'est tout ce qu'on voudrait souhaiter au Beaujolais.....et à d'autres artistes...)
    Echiré79

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  4. Même commentaire. "Astral Weeks" fait partie de mes références absolues, et je ne connais pas cette version. Que vais-je en penser?
    Réponse un peu plus tard.
    Merci pour le partage et cette chronique toujours aussi attachante. Je dirais que tes écrits commencent à m'être essentiels (le mot n'est pas trop fort).

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  5. @Alex : j'ai dû mal m'exprimer, loin de moi l'idée que l'album avec les Chieftains + l'album country soient les deux seules choses de bien qu'il ait fait après... bien au contraire, à la limite ! Et tu en as oublié dans ta liste (No Guru No Method No Teacher, Tupelo Honey, Moondance,etc.)

    @Echiré79 : je ne me suis pas trop trompé alors, c'est pas de la piquette cette version live ?!!!

    @psegpp : ben... merci... je suis profondément touché...

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  6. "Astral Week" en public? Peut-être une manière de laisser approcher la chose d'un autre univers? Ou du moins pour Van sa façon de dire que c'est de la musique. A force cet album nous, j'en fais parti, nous en avons fait un mythe hors du temps, de tout les temps.
    Comme tu le dis, il n'a pas fait trop de petit, ni chez lui ni chez d'autres. A force le mythe se discutait de bouche à oreille mais était il très écouté par les nouvelles oreilles?
    Du coup, le jouer c'est lui redonner une dimension humaine: ce sont des chansons, elle peuvent se rejouer. Il faut les sortir de sous cloche. Elles ne sont pas sacrées ...
    Maintenant que cela charge je reviendrai te dire le degré (d'alcool) de plaisir obtenu.
    A+

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  7. Effectivement, nous avions fait de ce disque un mythe. Et c'est bien (parfois) de dynamiter les mythes. Et c'est vrai aussi qu'il faut se réapproprier les œuvres d'art, qu'il est bon d'en diversifier les publics, etc... N'empêche. Cette version est surement intéressante et agréable à écouter pour des oreilles novices. Mais personnellement, quelle déception. VM est avant tout humain. J'ai néanmoins été estomaqué par le manque de puissance de sa voix maintenant. Au risque de paraitre odieux, j'ai trouvé pitoyable cette interprétation. Il a fallu que je me remette l'original en boucle pendant trois heures pour faire passer cette déconvenue. Et cela s'est terminé en méditation sur le temps qui passe, la misérable condition humaine, des considérations très philosophiques et lourdes pour cette fin de nuit. Loin d'un beaujolais... ou d'une piquette.

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  8. ... et moi qui arrive pour dire toute l'émotion INTACTE à l'écoute de ce titre qui me met à genou (Et ho pas de vulgarité...) sur Mm GEORGE... et comme psegpp, par jeu, j'ai approché les deux versions... Ce mec est grand et JIM n'est pas son prénom!!

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  9. l'égout et les coups, leurre, ne se ressemblent pas...

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