J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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lundi 16 mai 2016

Black Star épisode 8

Lone Jone avait fini par s'habituer à la situation. Là n'était pas le problème, ou plutôt si. Voilà quelque chose qu'il n'avait jamais accepté : s'habituer, s'adapter. Disons qu'il naviguait maintenant entre les personnages de ce théâtre avec suffisamment d'aisance pour qu'il puisse juger la situation acceptable.

Il avait rencontré pas mal d'ectoplasmes maintenant : John, John, George, John (ils étaient nombreux !), Janis, Ian, Jim... cela lui semblait même banal, du moins il n'y prêtait plus attention. Parfois il tombait nez-à-nez avec quelqu'un qu'il avait sinon suivi (quelle horreur, ce terme), du moins apprécié et qu'il avait, comme tant d'autres, vampirisés. Sa discussion avec Kurt et Bertold lui avait par contre laissé un goût amer : les deux compères semblaient plus intéressés de savoir à quoi servait une pédale wah-wah (le terme, entendu de la bouche de Jimi, les faisait énormément rire) plutôt que de raconter la genèse de l'Opéra des Quat' Sous.

Ce qui lui posait question, c'était plutôt le fait que chaque visage rencontré était celui d'une célébrité. Aucune nouvelle de sa tante, du postier en Suisse mort accidentellement en faisant de l'alpinisme et de tant d'autres anonymes qui, avant, avaient fait dont (du moins c'est ainsi qu'il l'entendait) de leur âme pour nourrir son Personnage Conceptuel du moment.

Et pourtant, j'aurais sans doute plus de choses à leur dire qu'à ce Carlos ou même ce Kurt qui avait selon lui toujours beaucoup trop manqué de discernement.

Autre source d'interrogation : Otis, Sandy, Nico et tou(te)s les autres, disparus par accident, ne semblaient pas en souffrir désespérément, alors pourtant qu'il s'était, lui, de son temps, plusieurs fois réveillé en sueur, suite à ce même rêve : il traversait la rue pour mettre la touche finale au mixage de son dernier album, une voiture le renversait et il mourrait sur le coup. Bêtement, sans même souftir, sans même s'en rendre compte.

Il se rappelait du coup de sa discussion de la veille avec Jeff. Cela faisait une éternité (normal, se disait-il) qu'il était là, et c'était la première fois qu'il le croisait. Comment se faisait-il qu'il croise essentiellement des musiciens ? Très peu de cinéastes, par exemple. Qui ? Impossible, là, dans l'instant, d'en citer un seul. Des écrivains ? Oui, à y penser, pas mal. Victor, Arthur, Emile, Cyrille, même des vieux, des philosophes grecs. Toujours ensemble, toujours à applaudir de manière convenue à chaque événement, impossibles à approcher. D'une indifférence crasse.

- Ah si, avait-il dit. J'ai rencontré Umberto, tu sais, celui qui a écrit Il Pendolo Di Foucault. Une vieille manie que de citer le titre du bouquin dans sa langue originelle. Il avait bien sûr lu la traduction anglaise, mais il n'avait que mépris pour les traducteurs. Au mieux ils étaient transparents, au pire ils dénaturaient l'Oeuvre. Et puis il y a ceux qui veulent se l'approprier. Regarde ce que Charles a fait d'Edgar en France ! Ceux-là, c'étaient les pires. Des concurrents directs à son propre Plan.

Jeff lui avait répondu gentiment, comme d'habitude. Qu'il était content qu'on sorte Sketches For My Sweetheart The Drunk, même si, bon, c'est sûr, il l'aurait fait différemment. Qu'il ne souffrait pas de tout ce qu'on a pu raconter sur lui, ni même d'être parti si vite. Les rives du Mississippi l'avaient emporté doucement, comme une mère berce son enfant. Et puis tout cela a-t-il de l'importance ?

Lone Jone n'était pas d'accord. Ne pas comprendre, être impuissant face à cette situation (même si les évoations dont avait parlé Jerry fonctionnaient bien, il faisait du ski plusieurs fois par jour et faisait faire à Mick des choses aussi peu communes qu'agréables).

- Mais tu sais, tu peux partir d'ici. J'ai failli y arriver, personnellement. Je me demande même pourquoi je suis là, enfin, non, je sais, c'est de ta faute, mais je t'en veux pas.

Evidemment, Lone Jone lui avait demandé comment faire. Evidemment, Jeff ne put que lui opposer un sourire bienveillant.

- Tu n'es pas malheureux ici. D'autres, oui. Toi non. Tu sais très bien que tu fais plutôt des efforts pour rester, en fait.

Lone Jone resta muet. Jeff le toisa bizarrement, et puis il dit :

- Au fait, t'as des nouvelles de Sid ?

Il eut envie de répondre que non, mais que Gainsbarre lui devait toujours 500 balles. Il garda sa réflexion pour lui. Il allait s'en sortir. Il voulait s'en sortir.

4 commentaires:

  1. Merd'alors, même là-haut, c'est l'apartheid ! On ne se mélange pas, le star system reste entre soi. Je suis sûr que Léo doit gueuler : « Thank you, Satan ! »
    C'est décidé : j'arrête de mourir !!!

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  2. C'est qu'on fini pas s'habituer à ces brèves de comptoirs de star... Et ce côté ludique, le prénom, bon, mais c'est qui? J'ai été collé quand même. Et puis les dialogues aident pas, pas tellement d'indices. Quoi? Ce n'est pas le but. OK mais c'est en +. La notion de taulier fou un peu les jetons. Pauvre David

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  3. Si je te dis que je ne pige pkus grand chose, tu me crois?

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    1. C'est sans doute dû au fait que j'hésite quant à la suite. Ou plutôt quant à la fin. Pas grave.

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