J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

dimanche 29 novembre 2015

#168: Underworld "Second Toughest In The Infants"

On est un con.

Je dis ça parce qu' "on" regardait ça de loin, quand même. Nos amis Brittanniques semblaient n'en plus pouvoir de s'enfiler des pilules de toutes les couleurs et de s'aimer dans tous les sens à l'Hacienda. La Perfide Albion, qui plus est, se trémoussait au son d'un frenchie, Laurent Garnier, faisant pouet pouet avec ses boites à rythme...

Remarquez, on avait déjà pris Jean-Michel Jarre en pleine face, alors celui-là, s'ils voulaient bien se le garder c'était très bien comme ça. Pendant ce temps, on re-découvrait le punk-rock avec les Pixies et Nirvana, enfin un peu de guitare ! C'était pas maintenant qu'on allait se mettre à la techno ! Nous avaient déjà fait le coup des synthés, les British, merci.

Ceci dit, quand même, Joy Division, puis New Order, ça n'avait pas laissé tout le monde indifférent... Alors on écoutait timidement les Happy Mondays, parce qu'un peu pop quand même, mais sans franchir le pas. Avec le sentiment étrange de passer à côté d'un truc, quand même. Finalement, Brian Eno avait réussi la transition entre la musique planante du grand frère et la branchouille arty, via les Talking Heads, par exemple. Mais bon, voilà.

Et parfois, il suffit d'un truc. Le coup de la pédale fuzz sur Satisfaction, encore et toujours elle. Des Pixies qui, quoiqu'on en dise, ne décollent pas, et un Kurt Cobain qui rafle la mise derrière parce que, je sais pas, un meilleur batteur ? Une belle gueule ? Un truc sur lequel rêver. Et franchement, des boites à rythme ça te fait pas rêver. Pouet Pouet.

Et puis sort ce film de fou, Trainspotting, immense, drôle et macabre à la fois, sentant autant la pisse que la bière (ce qui est proche du pléonasme, non ?), dans lequel la musique déglinguée de l'Iguane en période Berlinoise, Lust For Life, quel programme, cotoie ces improbables, Underworld, avec leur Born Slippy. La belle évidence ! Ô le beau cas ! Pas la même soupe, mais le même poison.

Et puis après, l'album. Le deuxième album, Second Toughest In The Infants, Le premier, on l'a tous oublié, Paraît même qu'avant, Underworld était un groupe pop de seconde zone, le cul entre deux chaises, mais là, ils enlèvent carrément les chaises. Bouge, asshole !

Tout ça commence sur les chapeaux de roue, et ces gens-là savaient te faire groover une boite à rythme sans ressembler à des VRP informatiques façn Daft Punk. Quelques voix monochordes là-dessus, c'est pas que ça t'en fait une chanson, mais il se passe quelque chose, on est pas chez les Derrick de la french touch. Ca sent bon le bricolage, ça bouge, c'est neuf, et ça n'est pas du rock'n'roll.

Et la suite à l'avenant, ma bonne dame. On sent dans tout ça l'influence du Floyd, la douce mélancolie des faubourgs chatoyants de Manchester, c'est l'Angleterre de Dickens, celle des petites gens du peuple qui en chient toute la journée, Enfin, après, Joy Division, encore eux, en voilà qui passent le pas, ont le courage de définitivement larguer le schéma rock complètement éculé, et qui laissait trop souvent le goût amer de rester au milieu du gué. Non, ici on danse, mais on a l'ecstasy triste, on sait que le chômage, le SIDA et l'alcoolisme rythment la piste. On achève même les chevaux, comme disait l'autre.

Malheureusement, dès l'album suivant, la messe sera dite, la soupe froide et le réveil brutal. Le boum-boum n'aura plus la même saveur. Et ils seront légion, à tout donner le temps d'un disque, de Leftfield à Propellerheads, ces derniers ayant l'intelligence de jeter l'éponge avant de se planter dans le virage. Un peu comme si, ces nouveaux joujous, moins on savait s'en servir, mieux c'était.

Voilà, des albums techno, j'en poste tous les cinq ans, vous êtes tranquilles pour la suite. Mais celui-ci vaut largement le détour. Les Prodigy et autres Chemical Brothers en feront leurs choux gras, trouvant ici une raison de survivre à la fin morose du vingtième siècle. Pour une fois, ce sont les anglais qui ont entendu des voix...

Confusing The Waitress...

lundi 16 novembre 2015

#167: Dexy's Midnight Runners "Searching For The Young Soul Rebels"

Il est des nuits, quand je ne dors pas, durant lesquelles je m'interroge. Comment se fait-il que depuis le fier Guillaume, nous, français, n'ayons jamais réussi à mettre à mal l'Angleterre. De Jeanne d'Arc à Napoléon, notre fière nation s'est montrée pleutre et incapable de destituer ce royaume de mécrants.

Pourtant, les anglais mangent salement, des choses grasses et nauséabondes, et font preuve de peu de goût dès qu'on en vient à parler d'architecture, de peinture ou même de littérature. A part Shakespeare, dont certains viennent à douter de l'existence (et je pencherais à en être), ce n'est que misère et désolation. Tout juste parviennent-ils à innonder le monde de mauvais romans de gare, et pourtant, ce peuple résiste.

Ne parlons même pas de leur langue, dont la syntaxe est d'une pauvreté sans nom, comparée au français ou même à l'allemand. Et pourtant, les Américains, une fois dégagés du joug de leurs piteux ancêtres, conservèrent ces borborygmes comme moyen de communication, alors même que nous leur tendions une main amicale.

Je sais qu'actuellement, nous avons d'autres chats à fouetter que de régler ce détail historique, mais il ne prendrait pourtant que quelques mois, et remettrait du baume au coeur de notre belle nation.

Car depuis que nous avons perdu cette légitime habitude que de guerroyer avec la Perfide Albion, les choses ont changé. Les anglais son toujours aussi stupides, davantage même oserais-je dire. Tout le monde ou presque a compris l'enjeu des Big Datas, ces données que l'on distille au travers des réseaux sociaux et autres applications en ligne, et qui font aujourd'hui d'un Google ou d'un Facebook les maîtres du monde : comment donc savaient-ils que je manquais de shampooing à l'Aloe Vera ?

Face à cet enjeu géopolitique majeur, la bêtise des anglais, qui, fiers de leur tradition, semblent l'entretenir avec force et dévouement, demeure à la hauteur de leur basse réputation. Nous pouvons lire aujourd'hui dans l'étroit esprit des anglais comme dans un livre ouvert. Et reconstituer, maillon par maillon, pièce par pièce, leur modèle sociologique. Partant de là, nous pourrions être prompts, en nous attaquant à leur talon d'Achille, malgré son odeur nécessairement repoussante, pour les asservir une bonne fois pour toute. Je pense qu'un embargo sur l'huile de friture les mettrait déjà bienà plat, mais personne ne semble vouloir m'écouter.

Prenons un exemple simple, la musique rythmée. Avec laquelle, au passage, en pleine guerre froide, ils réussirent à pervertir le bon goût de notre jeunesse avec des groupuscules aux sobriquets aussi puérils que grotesques comme Yes, Genesis ou encore Emerson, Lake & Palmer (ce dernier détenant la palme de l'outrecuidance : à trois soldats, ils nous mirent à genou ! ô les vils !). Et bien grâce à l'ouverture des frontières couplée à leur piètre ouverture d'esprit, nous pouvons aujourd'hui, comme hier déjà, mais allons de l'avant, nous faire une belle idée de ce dont ils sont le plus fiers.

Tenez, ce premier album de Dexy's Midnight Runners. Un bijou de Northern Soul, qu'ils semblent avoir voulu garder pour eux, pendant qu'ils nous bombardaient de Duran Duran, Visage et autres Orchestral Manoeuvres In The Dark (dont le nom des plus belliqueux aurait dû nous alerter). Nous fîmes à l'époque pouet pouet avec leurs synthétiseurs, pendant que dans leurs tavernes les Dexy's envoyaient - comme on dit - une purée des plus efficaces. Bien sûr largement orientés vers leur glorieux passé, le disque n'en demeure pas moins d'une beauté terrifiante, et d'une efficacité extrême. Rien de poisseux ici, uniquement des cuivres d'une rutilance sans pareil, une guitare qui sait se tenir rythmique, une rythmique qui sait ce que rigueur et souplesse peuvent apporter à l'artillerie, et la voix de Kevin Rowland, pour couronner le tout. On n'avait pas entendu cela depuis Traffalgar,, une telle mise en pièce de la concurrence en quelques trnte_huit minutes et des secondes qui appartiennent aujourd'hui à l'Histoire.

Alors que nous allions tous nous vautrer dans une décennie des plus déprimantes, les anglais, eux, eurent la bonne idée de partir en guerre avec de belles munitions, De quoi vivre en autarcie pendant que le monde musical s'engouffrait dans une débacle infecte dont certains esprits chagrins aiment à penser qu'il n'en est jamais vraiment sorti. Ce fichu premier album des Dexy's, aujourd'hui encore, brille de mille feux, s'écoute comme s'il était apparu la semaine dernière ou il y a mille ans. Et pourtant, rien de bien audacieux dans tout cela si ce n'est l'évidence des mélodies, l'urgence d'en découdre et la simplicité même de la recette : Do it yourself, chantera Ian Dury, c'est bien cela dont il s'agit ici.

Trois ans après l'éclat d'obus punk, jailli miraculeusement de cette île hostile, les anglais comprirent aussitôt le message le plus important : inutile de se cramponner aux crêtes iroquoises des ladres des premiers jours, une fois la claque balancée, ce qui est important, c'est de se réveiller et d'avancer. Ici, sans honte et sans vergogne on osera témoigner de son amour pour la soul, ailleurs Dire Straits osera vénérer JJ Cale, Nous resterons sur le quai, continuant à essayer d'apprendre à mal jouer de la guitare comme si c'était là la principale chose à retenir des Sex Pistols.

Bien évidemment, fière et jalose de ce trésor, l'Angleterre pressera Kevin Rowland de donner dans le youkaïdi celto-discoïde pour la deuxième salve, celle destinée au monde. Nous n'en pourrons plus de cette Eileen dans sa jolie robe, toora-loora-laye ! La faisande mixture s'abattra sur le monde comme la vérole sur le bas-clergé breton.

Pendant que, dans quelque hameau des faubourgs de Londres, on continuera d'écouter en boucle ce chef-d'oeuvre inespéré.

Je vous le dis, face à tant d'égoïsme, et dans l'espoir de découvrir d'autres de ces pépites, il est urgent d'asservir l'Angleterre. Sans quoi M et Pascal Obispo s'imagineront pouvoir rivaliser avec le Général De Gaulle.. Aux armes !

Keep it.

samedi 7 novembre 2015

#166 : La Souris Déglinguée "Banzaï"


Le rock français.

Atchoum !

Quand j'y pense, je ne peux pas m'empêcher de revoir cette image de José Bové brandissant ses Roquefort AOC frondement pour dénoncer l'impérialisme américain. Se vouloir défenseur d'un rock français, c'est quelque part, avec la même fougue, faire semblant d'affirmer crânement que les "ze" à la place des "the" pour nos fringants gladiateurs anglophiles fôte d'être anglophones, ça t'a autant de panache que la moutarde à la place du ketchup dans les hot-dog. Il en faut, de la témérité et de la bravoure, je vous le dis.

Non, ce qui nous manque, c'est le drame shakespearien, c'est la noirceur de Faulkner. Quand un Jim Morrison nous refait le mythe d'Oedipe, chez nous un Christian Descamps nous refait le coup du "vite chéri, cache-toi dans l'armoire" de Feydeau ou Labiche (j'en perds mes références) et, désolé, ça n'a pas le même panache.

Quand un Kurt Cobain plie les gaules en s'enfournant une bastos dans la cervelle, qui plus est à l'âge mythique de 27 ans, ou quand un Jeff Buckley finit englouti dans le Mississippi, chez nous un Kent, ex-sale méchant petit trou-du-cul punk, finit par vanter les mérites de la campaaaaagne chez Drucker.

J'ai vu l'autre jour un docu sur Renaud (j'adore les documentaires animaliers, ça me repose après une semaine de boulot), dans lequel Jean-Louis Aubert, la grenouille à grande bouche, la larme à l'oeil, chantait Mistral Gagnant avec Coeur de Pirate. Et malgré ça, la vente de couches pour adultes à triplé cet été d'après l'INSEE suite à l'annonce d'une reformation de Téléphone. A l'heure de l'internet, avouez que c'est troublant. Comme quoi l'incontenance de nos vieilles biques semble forcer l'incontinence de leur public.

Vous me rétorquerez qu'un Sting, après avoir presque réussi le temps de deux albums à fusionner magistralement l'insolence du punk avec les infra_basses du dub de Lee Perry finit par nous chanter des niaiseries moyen-âgeuses sur Deutsche Gramophon, le constat n'est guère plus reluisant outre-manche.

Je vous répondrai sournoisement que c'est bien là le problème. A pert Dave et Jeane Manson, que je n'ai retrouvé dans aucune compile estampillée rock français parue chez Jimmy, personne ici n'a tenté le grand saut vers la musique lyrique. Et que, de fait, on ne comprendra jamais les anglais. Ni les américains d'ailleurs, parce que lorsqu'on brandit un roquefort pour alerter la planète sur les enjeux du lait cru face à un peuple qui, au même moment, s'amuse à torturer des bougnoules à Guantanamo ou à faire griller des nègres à coup de 380 volts au Texas, il me semble y percevoir un petit décalage, oh certes léger, mais quand même.

Et pourtant, face à un tel constat qui me pousserait aisément à demander l'asile politique au Groënland, il y a quelques exceptions - qui bien sûr, pour nos esprits cartésiens - ne font que confirmer la règle (dictée par Pascal Nègre ?). Tenez, en attendant que Kent et Jean-Louis Aubert nous sortent un album Tribute To Ringo, après quoi je resterai muet jusqu'à la fin des temps, je regarde avec nostalgie la pochette de cet album de La Souris Déglinguée : Taï-Luc nouant son bandeau de kamikaze pour illustrer ce Banzaï qui mérite largement son nom. Nous sommes en 1991, et les carottes du punk français sont en train de cuire à la mode de Vichy (une vieille habitude de chez nous). Dix ans très exactement sont passés depuis que Clash s'est atomisé dans un Combat Rock perdu d'avance, cédant aux sirènes du rock FM (choudaille steillore choudaille gaux, comme on chante chez nous). La France a peur, pour reprendre Roger Guicquel. La nouvelle garde reniflant les fesses putrides d'un Rage Against The Machine naissant (No One Is Innocent, Mass Hysteria) n'a pas encore réussi à pomper toute la merde nécessaire à carburer dans les charts, et Pigalle prend le relais des Garçons Bouchers, gardant précieusement le côté chiant de ces derniers et se débarassant du côté fun. Le rap français (autre sujet de dissertation) fait son entrée timide, mais côté comique (Je danse le Mia), un peu comme Fernandel à l'époque (qui ne reprendra d'ailleurs jamais Les Chaussettes Noires).

Et là, banzaï.

Un flot ininterrompu de groove, de guitares saignantes, de flow (comme on dit maintenant) sort des amplis de la Souris, qui accouche ici d'un éléphant de décibels, qui a tout compris et qui ne s'en remettra pas.

Le peuple de France a, un instant, failli tenir l'équivalent du Clash à sa grande époque, disons entre London Calling et Sandinista. De passer les titres en revue ne servirait à rien. On assiste tout simplement à l'explosion sublime d'un kamikaze sur le vieux paquebot du rock français. Ne m'appelez plus jamais France, comme disait l'autre. On tenait là un mètre-étalon pour la décennie à venir, mais le vieux navire déjà moribond ne fit qu'un flop en coulant, un prout à peine audible et inodore face à la sulfureuse concurrence qui l'ésgourdit au gaz moutarde.

Incroyable mais vrai, comme disait Jacques Martin, en 2015, ce disque est encore écoutable, la tête haute, les couilles en avant et les watts de la chaîne poussés au maximum. Qu'il sonne éventuellement comme un canard diabétique sur votre iTruc n'étonnera personne, à commencer par moi. Ce n'est pas la musique qu'il faut changer, c'est l'appareil bon dieu ! Enfin passons. A peine distingue-t-on quelques notes d'un sampler préhistorique un peu dépassées par les événements, mais sinon... Quelle riche idée, cette vraie batterie ! Qui a dit que les batteurs ne sauraient pas jouer du funk ou du hip-hop ? Qui a dit qu'il serait malveillant de balancer un riff bien senti quand un groove chaloupe vers les sirènes de Jamaïque ? Personne à ma connaissance, ni à celle de La Souris Déglinguée qui ici, au-delà de toute prouesse technique et de tout ambition commerciale commet la plus belle des choses qu'un groupe de rock, qu'il vienne de Millau ou de Detroit, USA, ait pu nous apporter : OSER.

Oui, oser.

Et là, les frontières disparaissent, et l'on se met à se rappeler de ceux qui ont osé : Keith Richards avec sa pédale fuzz sur Satisfaction, le MC5 ou Steppenwolf dans leurs élans militants submergés par le bruit, un Bowie flinguant son pantin glam pour mieux revenir, le nez dans la poudre berlinoise des années art-déco murales, un Dylan électrique devant des péquenots rétrogrades, les versets sataniques d'un Rimbaud face à l'académisme sclérosé d'un Victor Hugo, j'en passe, pas tant de meilleures parce qu'elles sont finalement assez rares, les meilleures, de nos jours évidemment comme déjà, en 1991, qui plus est en France.

Bien sûr, pour reprendre les termes de Marcel Proust, ce fut tout.

Dites-moi, est-ce que ça a vraiment existé, comme dirait Johnny ?

Cliquez sur lr lien, vous entendrez.