J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

jeudi 8 septembre 2022

Numéro zéro de chez zéro : Gérard Manvusa "Le Crabe Aux Pinces D'Homme"

Pirate, schizophrène du clic-magique-download, passe ton chemin. Il n'y a pas de musique à télécharger illégalement dans ce billet, cherche ailleurs pour les frissons habituels du dernier truc de machin. Gégé, Mansetlandia ou je ne sais plus comment l'appeler, sort sa nouvelle oeuvre demain. Jusqu'al, ors, j'étais inquiet autant qu'ému, un peu comme la veille de la fête des pères quand tu sais que ton enfant va te ramener un cendrier en coquillage ou un collier en pâte. Le geste sera touchant, mais malheureusement maladroit et sans intérêt aucun (sauf, peut-être, pour Alfred Van Gogh et Ernest Picasso qui auraient étés bien inspirés de garder les gribouillages de leurs gamins). Mais là, un ami très cher m'envoie cet article paru dans Paris-Match : une interview du vieux gâteux à la veille de la sortie de son nouvel effort (je parle ici comme un cardiologue) : Le Crabe Aux Pinces D'Homme. L'allusion facile à Tintin n'aura échappé à personne. Mais Gégé s'en défend : Tintin bof, Asterix c'est nul, c'est moi tout seul qui ai trouvé le jeu de mot. Même pas sûr qu'un tel argumentaire lui assure une place aux Grosses Têtes si d'aventure on est sensé trouver ça drôle. En 1981, Rock & Folk s'inquiétait : peut-on faire du rock après 40 ans ? En couverture, les Stones déguisés toutouyoutou dans leurs premiers stades. Quarante ans plus tard, ils sont toujours là, à tourner sans Charlie Watts. Alors oui, certes, on peut faire du rock après 40 ans, c'est sûr. Mais cela me semble découler d'un postulat bien plus vaste : on peut faire n'importe quoi à tout âge, et tu me le prouve mon Gégé. Une interview dans Paris Match, ça vaut presque une pleine page de Patrick Sébastien dissertant sur Baudelaire dans les Inrockuptibles. Bon, j'avoue ma méprise : une recherche sur Google me renvoie plein d'articles de Gérard Manfaiunchèquepourdelapubmaispourquoipas dans Paris Match. OK, OK... toujours vérifier ses sources. Mais le plus drôle, c'est quand Paris-Match nous explique d'entrée que Gégé Perdumesclésmerdejelesaimisesou a sorti coup sur coup deux albums fabuleux il y a quatre ans, A Bord Du Blossom et Opération Aphrodite, que tout le monde (à part visiblement Paris-Match et Michel Drucker) a boudé. En conséquence de quoi nous, les fans, sommes des cons qu'il méprise. Flashback, rewind. En 1996, quand il était très pertinent de tout réediter en CD pour nous les cons qui en achetions à la pelle, Gégé Pasdethunesencemoment avait consenti à ressortir La Mort D'Orion sur ce vilain support numérique, mais bon, hein, postérité et chef d'oeuvre oblige, c'était là encore confiture aux cochons mais qu'importe. Dans une interview fleuve aux Inrocks, Gérard Manracontédeconneries expliquait que nous ne le méritions pas, persuadé qu'il était que Lumières allait changer le monde, mais que dalle. Enfin, nous les fans qui avions aimé l'album, nous n'étions que dalle. Les fans de Gérard Lenorman n'ont jamais accroché, bande de cons. Et quatre ans plus tard (ce qui est assez court quand on jure-crache qu'on claque la porte et que jamais jamais on ne sortira un autre disque), voici Matrice, et tout le monde de la presse branchée, tous ses fans (et trois adeptes de Gérard Lenorman) crient au génie. Cette stratégie, cher Gérard Manséduibeaucoudemonde, tu nous la ressors avec ton dernier truc. En guise de presse spécialisée, Paris Match. Où l'on apprend que tu te balades de façon anonyme dans des cafés discrets du XVIème. A 8,50 € la tasse, tu risques pas d'être emmerdé par grand monde, je te l'accorde. Surtout pas par tes fans que tu abhorres tant, gauchistes, baba cool et pauvres merdes qui n'ont pas su traverser la route pour s'en mettre plein les fouilles et accessoirement s'asseoir à la table d'à côté. Serai-je assez con pour acheter le CD par habitude, voire le double-vinyle parce que quand même, ça sonne grave mieux (et même Sony et Philips qui nous vendaient Dire Straits en numérique sont d'accord aujourd'hui) ? Autant me flageller avec des orties ! Mais le problème vois-tu c'est qu'il n'y a guère plus d'orties avec tous ces pesticides. Et que le plastique c'est plus fantastique. Un modeste streaming ? Dangereux de vomir en voiture sur l'autoradio Bluetooth ! Et énergivore ! En cette fin d'abondance et cette nécessité de sobriété énergétique, la sortie de ton disque, demain, m'a convaincu. C'est le moment ou jamais de me faire une journée sans wifi.

jeudi 13 janvier 2022

Joe Dassin : la totale (pas l'intégrale)

Inutile de tourner autour du pot. J'ai par le passé déjà posté un peu de Joe, et finalement, quitte à réactiver un peu ce blog, autant me lancer dans une oeuvre de salubrité publique : réhabiliter Joe Dassin, ou du moins essayer. Un projet en plusieurs épisodes, chronologiques essentiellement, des débuts à la fin (voire plus). Me pencher avec amour et respect sur son oeuvre, comme j'ai pu le faire en numérisant les vinyles de Gégé l'Andouille - également connu sous le nom de Manset par le passé. Tout semble les séparer : variétoche verdâtre d'un côté, branchouille casse-couille déprimé de l'autre, et pourtant, en cherchant bien, ce ne sont pas les points communs qui manquent : têtes de con tous les deux, exigents au niveau du son (hats off to Bernard Estardy), icônes des sixties (en mai 68, c'était un peu Animal On Est Mal vs Siffler Sur La Colline, et en 1975, on pouvait dans un même slow se mouvoir sur l'Eté Indien et Il Voyage En Solitaire). Fin de la délicate et dangereuse comparaison.

Joe Dassin, c'est la triste histoire du talent broyé par le show-business, pression à peine supportée par les excès du protagoniste qui le mèneront à un arrêt du coeur en milieu paradisiaque. C'est l'histoire du mauvais goût des programmateurs de RTL qui anéantissent un interprète hors-pair de choses délicieuses issues autant du folk que du rythm'n'blues sans jamais passer par le rock et le yéyé (une sorte de Van Morrison meets Guy Lux, quelque part). Vous avez dit country soul ? C'est ça. Merci JD Beauvallet et Nicolas Ungemuth de me passer l'expression.

C'est l'histoire d'une France trop nombriliste pour regarder ailleurs et qui prenait, à la grande joie des producteurs, pour argent comptant des reprises de standards anglais et américains comme s'ils sortaient de la cuisse d'Eddy Barclay. Mais aussi, à l'inverse, de belles trouvailles mélodiques sitôt phagocytées par des auteurs bien plus musicalement corrects (re-écoutez A Toi, pour entendre comment Gainsbourg va repiquer l'intro au Rhodes pour son Ex-Fan Des Sixties de muse). Johnny piochait dans le vivier rock'n'roll - de Chuck Berry à Bob Seger, Claude François ne jurait que par la Motown. Il fallait quelqu'un pour l'americana. Enters Joe Dassin. Jim Croce, Tony Joe White, Elizabeth Cotten, Lee Hazelwood, Pete Seeger, Tom Paxton, la liste est longue, j'abrège.

C'est l'histoire aussi, fichtrement bien troussée, d'un chef d'orchestre des plus doués, Johnny Arthey, qui mettra tout ça en musique de manière étonnante, même quand le matériel, lorgnant vers la discoîde Italie, sera des plus discutables. On se prélasse dans la finesse de la pop anglaise, un jour peut-être il sera temps de se regarder le nombril et de constater que dans la Phrance pompidolienne et giscardienne, on savait aussi être inventifs. C'était une époque où l'on réinventait la roue à chaque 45 tours. Joe n'était pas seul dans ce cas (un jour, il faudra songer à introniser Eric Charden au Panthéon), mais revisiter sa discographie sous cet angle (et oublier les textes un peu gnan-gnan - mais pas pires qu'un she loves you yeah yeah yeah) me paraît un bon début pour re-goûter à ces sucreries un peu indigestes mais dont on finit le sachet une fois ouvert.

Enfin, contrairement à d'autres chanteurs de variété (Alain Chamfort par exemple), on constate très peu d'efforts de réhabilitation en ce qui concerne Joe Dassin. Et ses deux fistons, malheureusement, détenteurs de l'héritage, le confinent dans des projets écoeurants : duos virtuels avec Hélène Seguara, remix avec les choeurs de l'Armée Rouge, c'est à vomir. Citons l'intégrale de 1995, les tables de la loi joliment emballées, et cette compilation que je vous propose en hors d'oeuvre : intitulée maladroitement Folk and Jazzy (pour être jazzy, on aurait aimé voir inclus Sunday Times ou La Violette Africaine, mais c'est déjà ça), elle a sans doute été confiée à un stagiaire de chez CBS et malheureusement destinée à une de ces collections "économiques" destinées à achalander le Super U de Brie-Comte-Robert plutôt qu'à faire la une des Inrocks. Qui ont, eux, en ces temps déjà loins (1993 par là ?), sortis un hommage à Joe. Depuis, silence radio, Joe est enfermé définitivement dans la case "ménagère de plus de 70 ans". Il est temps de faire bouger les lignes, à mon modeste, très modeste niveau.

Oh, tout cela sera bien sûr plus une histoire rêvée que bien ancrée dans la chronologie, modestement un peu à l'image des biographies d'un François Bon sur les Stones, Dylan ou Led Zep. Faute, notamment, de sources fiables. Mais si la légende est plus belle que la vérité...

...bref, j'imprime. Vous me suivez ?

The guitar don't lie

Edit : j'ouvre le livret de la compilation et... je me rends compte que c'est Jacques Plait lui-même, le producteur (on disait Directeur Artistique à l'époque) de Joe Dassin qui en est l'auteur et non un sbire inconnu. Ca me rend encore plus triste parce que visiblement même lui n'était plus en odeur de sainteté chez CBS et n'a pas pu donner à ce projet -un peu mal fichu - toute son ampleur. Il signe ici quelques notes, que je re-transcris et qui me semblent bien camper la situation :

Souvent on me demande "si Joe Dassin vivait encore, pensez-vous qu'il serait toujours une vedette ?" Et je réponds "Oui, sans aucun doute, car ce que Joe aimait par dessus tout, et où il était particulièrement impressionnant, c'était le Folk et le Jazz. A l'époque, peu de gens y étaient sensibles. Mais, aujourd'hui, le sens musical a évolué, et une grande foule de jeunes adorent ces deux styles. J'ai donc réuni dans ce CD les titres que Joe aimait, et que nous faisions (comme nous le disions) "pour le plaisir". Ce qui ne veut pas dire que nous n'aimions pas les autres... Ecoutez "Les Joies De La Cuisine" (au 2ème degré bien sûr !) et admirez le swing torride et l'humour qui s'en dégagent; l'émotion de "Mon Village Au Bout Du Monde" et le dépouillement de "Katy Cruel". "Folk And Jazzy", c'est le Grand Joe, avec sa voix unique, son swing, son intelligence, son phrasé, sa musicalité et sa diction parfaite.

lundi 13 décembre 2021

#22 : Brian Wilson :-At My Piano

Qu'est-ce qu'on a là ?

Objectivement, un genre de truc "J'apprends le piano, volume 2 : 2ème et 3ème années". Concentré sur les Beach Boys.

Objectivement, rien. Rien qui ne révolutionne la technique pianistique, rien que le révolutionne le milieu musical, quand bien même on peut admettre que Brian Wilson, ça n'est pas rien ni personne.

Mais voilà, Noël approche, Abba nous l'a déjà suggéré : Jurassic Parks chez vous, en streaming ou en CD (ou en vinyle, encore mieux : vendons cher les derniers bouts de plastique des trente glorieuses).

En attendant, je me le repasse, celui-là, et plutôt deux fois qu'une : pas dupe, la vieille taupe que je suis, pour autant. Que peut bien nous apporter Brian Wilson, en 2021 ? Sa résurection commence à dater (les années 2000, Pet Sounds en live puis - miracle (?) - retour et fin de l'épisode Smile, à l'époque plus d'actualité que la deuxième partie de la cinquième saison de la Casa Del Papel), et il faut bien se l'avouer, ses albums solo ben... on était au mieux contents pour lui, au pire... quoi ?

Noël approche : allo maman, comment va Papy ? - oh, en pleine forme, tu n'imagines même pas, il a jardiné et planté des fraises ! Incroyable. Comme cet album de Brian Wilson. J'ai rarement, je l'espère, été prétentieux sur ce blog, mais si - comme Brian l'explique dans les notes de pochettes, et à son image - je n'ai jamais pris de cours de piano moi non plus, je pense qu'en m'y mettant sérieusement, d'ici trois jours ou cinq, je joue You Still Believe In Me comme sur le disque, et je vous envoie un lien youtube vers mes exploits. J'ose espérer 37 vues. Et 3 like. Et lui ?

Abba n'a rien sorti pendant 29 ans, et voilà un nouveau disque, on ne compte pas le coût de l'opération (proportionnel aux recettes). Facile, ils enregistrent dans leur studio, dans lequel même Led Zeppelin est arrivé à sortir de la merde (In Through The Out Door, ou putôt - plutôt sortis par la porte d'entrée, si je peux me permettre), et dès lors facile de comptabiliser quelques millions d'euros pour les coûts de fonctionnement (oui oui dit la maison de disque, bien sûr, hein). Abba nous caresse dans le sens du poil qu'on a perdu depuis longtemps, calvitie musicale oblige.

Pourquoi je remets Abba sur le tapis ? Ben parce qu'on parle ici de song-writing, comme on dit chez les Inrocks. Et qu'à peine sorti de l'adolescence, Rock & Folk eux-mêmes faisaient d'un best-of d'Abba le disque du mois, encouragés par cet imbécile d'Elvis Costello qui leur aurait soufflé le mot. J'en profite pour vous expliquer ici, même si ça n'a rien à voir, pourquoi j'ai toujours détesté Elvis Costello depuis lors.

Et Brian Wilson ? La même chose. A ceci près qu'il ne propose aucune nouvelle chanson pouvant de loin ressembler à une ancienne chanson qui... et rien que ça, dans son cas, c'est tant mieux. Ca évite la gêne devant la chaine stéréo, du genre ah oui sympa mais... Mais aussi, papy (j'ai le droit ?) Brian, ici, nous délivre une sorte de best-of (je vomis derrière le sapin, et vous ?) enregistré en solo derrière son piano. Le son est pourri. Pas meilleur que la vidéo de tata Mireille sur Whatsapp qui filme les progrès de Chloé sur la 28ème Gymnopédie de Satie sur son iphone 13. Il nous évite aussi sa voix chevrotante, que d'aucuns ont pu trouver touchante, mais personnellement, hein, un peu de pudeur parfois... Alors quoi ?

Alors ça, ben voilà, c'est l'anti-Abba. Cet album-là a dû coûté environ 150 euros à enregistrer. Allez, j'exagère à peine et un peu - ça coûte un peu plus cher un pihone, tu sais, Chloé - Même tu le réveille la nuit, Brian, il te les joue tout pareil (c'est d'ailleurs peut-être ce qui s'est passé ?). Je serais jeune et vulgaire, je dirais dans ton cul. A jouer la nostalgie, tonton Brian et sa boite de lexomil y arrivent grave. Enfin, me concernant, je suis happé. Les arrangements sont tellement simples, la technique tellement inexistante, comme dirait le vieux Léo, il n'y a plus rien. Et il y a tout. Ferme les yeux, écoute. A chaque doigt joué sur le clavier tu entends un Beach Boy : et voilà que tout y est. Même Good Vibrations, dont on connaît les affres de l'enregistrement, ici, est balancé en même pas trois minutes : si simple au départ, si compliqué à l'arrivée? De moi à vous, quel combat. Quelle beauté. Je m'enlise, mais c'est Noël.

Ce medley de Smile... trois minutes résumant tant de choses...

Alors dans le genre cadeau inutile, en voilà un beau, mais un cadeau pas embarassant. Pas la lampe en quartz bio sensée vous refiler des bonnes ondes difficile même à fourguer chez Easy Cash Converter (ma soeur m'en avait offerte une, je m'en souviens) et dont même les migrants de Calais ne voudraient pas pour passer la nuit, pas un nouvel album (d'Abba) qu'on rangera peut-être à côté des DVD de Dora l'Exploratrice en attendant que la petite Chloé - 15 ans déjà ! - les revende dans un vide-grenier (et comprenne par là-même la valeur de l'argent, elle qui réclame un iphone 17). Bien sûr, personne ne sera dupe des photos de la pochette : mais qui voudrait de papy en fauteuil dans son cadre numérique ? Il est tellement beau sur les bords de Loire en 1962 avec sa canne et son brochet !

(NDLR : oups, il semblerait que deux versions cohabitent, y compris papy nowadays)

- Alors, dit Yahvé à Brian, c'était donc aussi simple que ça ?
- Oui, répondit Brian, et l'Eternel fut heureux.

C'est comme ça que ça aurait dû se passer. Le miracle de Noël, je veux dire.

God only knows...

dimanche 5 décembre 2021

Abba : Voyage

Abba vient de sortir un nouvel album après 29 ans d'absence. C'est une raison nécessaire et suffisante pour réactiver ce blog, ne serait-ce que jusqu'à leur prochain album, non ? Même si je suis tellement rouillé que je n'arrive même plus à placer correctement cette foutue image. Tout fout le camp.

J'ai eu la flemme de relire les posts précédents, mais il est vrai qu'à priori ils n'ont rien à faire ici, les Abba. A part, peut-être, pour un obscur thème surréaliste des jeux passés de mangeurs de disques avec Jimmy - ça fait si longtemps ça aussi... Aujourd'hui, tout le monde s'en fout de nos trouvailles illégalement mais si amoureusement dispensées en bas de post - y a-t-il encore quelqu'un qui n'ait pas d'abonnement à un quelconque service de streaming ? Je ne me risquerai donc pas à proposer un lien pour le disque cité en objet : le FBI veille. Ce disque est sorti pour le fric, uniquement semble-t-il, vite disparu des circuits traditionnels que nous connaissons tous. Téléchargé chez mes amis russes le jour de sa sortie, jamais vu torrent aspiré aussi vite, il semblerait que la terre entière n'ait eu d'autre objectif ce jour-là que de récupérer cet objet. Qui à la FNAC, qui à Super U, qui sur des réseaux peu scrupuleux de la survie des artistes (rires étouffés, j'imagine les quatre nordiques inquiets de leur situation financière).

Car ils ont survécu, bordel. Si l'on réfléchit bien, ils avaient arrêté les frais par lassitude (divorces, peines de riches, que sais-je) à peu près au même moment où les Stones sont devenus définitivement un produit grand public. Un an ou deux après Start Me Up. Leur dernier classique. Depuis, on revit l'expérience Rolling Stones comme on regarde un documentaire animalier : sympa mais pas méchant, on ne risque rien devant notre télé 4K. Sinon un ennui profond qu'on se force à dissimuler derrière un "j'y étais" (Voodoo Lounge Tour 1995), "j'en suis toujours" (Hyde Park 2000-combien-déjà), "Charlie non mais moi oui" (2021 - exit Brown sugar, #metoo et tout ça).

Et Abba revient. Frais comme des harengs saurs, suédois un jour, suédois toujours. J'hésite presque à acheter le vinyle, rien que pour peser/poser l'objet sur ma platine (mais il faudrait dès lors que je trouve aussi un électrophone pour que le rituel fonctionne, la flemme donc). Et qu'en est-il ? Retour vers le futur. La guerre du golfe, le Covid, et même le SIDA et toutes ces vieilles angoisses post-abbesques effacées. Oh, bien sûr, un peu plus de piano, un peu moins de disco. Mais Bumblebee ressemble à Fernando comme une limande à une sole. Il y a même une chanson de Noël dans laquelle une des deux - Agnetha ? Frida ? J'arrive à reconnaître Paul, John, Georges ou Ringo sur un disque des Beatles, mais elles, non - nous cageole dans le sens des aiguilles du sapin, petits riens, petits cadeaux de Noël, mignon comme tout, ces petits rien. Vu le compte en banque d'Agnetha on imagine que le regard illuminé du petit fils devant un iphone 13 pro lui donne une larme à l'oeil, sans soucis du compte en banque et sans paiement en 4X gratuit via Amazon. Mais c'est la magie de Noël, et Abba c'est un peu le retour du Père Noël, du lapin de Pâques et de ses cloches, si vous voyez ce que je veux dire. On ne peut plus espérer ça à nos âges canoniques, comme on ne peut plus espérer une éradication du Covid, condamnés à nous masquer pour les trente prochaines années. Et contrairement à la problématique cumulée du réchauffement climatique, de la raréfaction des ressources naturelles et des prochaines pandémies plus trash que la gripette qui nous occupe, Abba est toujours là. Dans le grand Titanic de l'extension de la race humaine, Abba jouera "plus près de toi mon Dieu" sur le pont du navire.

Mais pour l'heure, haut les coeurs. L'album est disponible en vinyle, collector, pochette (moche) alternative, disponible à chaque coin de rue. On hésitera bien sûr à l'acheter chez son disquaire préféré. Ca fait tâche, lui qui nous connait plus pour notre passion pour Fontaines D.C. L'écouter en streaming ? Dangereux. Risques de spam pour des blender, voyages au Maroc pour pour seniors et autres méfaits de l'intelligence artificielle. A la FNAC ? Pourquoi payer plus cher ? Reste une option : le Super U de Brie-Comte-Robert. Mélangé à un pack de bière, six tranches de jambon, des Pyrénéens pour Noël, le CD se fera discret. D'après mon expertise, 14,99 € semble être le prix plancher si l'on peut se passer des cartes postales (mais qui voudrait faire savoir qu'il écoute Abba en 2021 ? Un tragique aveu d'échec de notre société - autant qu'une vibrante victoire du consumérisme déchaîné).

Je sais que ça ne vous fait pas rire, et j'en vois déjà se ruer dans la-dite supérette. Parce que ça fait du bien. Parce que rien ne nous est arrivé depuis 29 ans. Une dernière fois, on sortira une bouteille de Malibu pour se souvenir de notre adolescence - juste avant qu'on bifurque du côté de Joy Division. Le Jet27 marche aussi, je suppose.

Gavez-vous du dernier Abba, au risque de la crise de foie. Après ça, il n'y a plus rien.

mardi 30 avril 2019

Bob Dylan : des news

Plus aucun suspense possible. Le prochain Dylan concernera, à nouveau, la Rolling Thunder Review de 1975-76. Ah oui ?

Premier indice sur Netflix : Martin Scorcese a visiblement eu accès aux rushes de Renaldo & Clara, imbuvable film du Bob tourné pendant ces deux années, et te les a remoulinés en un rockumentaire. Bien joué, Martin, y'a pas de petits profits...


Et vas-y, disponible en juin :



Deuxième indice sur Spotify : Un morceau disponible en prime-time : une répète de la-dite tournée, One More Cup Of Coffee. Et un joli visuel :


...qui laisse penser à un gros gros coffret (y'a matière ceci dit).

La suite logique des sessions de Blood On The Tracks, donc, et dont on se demande si - on l'espère - ce coffret sera gargantuesque à prix modique (comme les concerts de 1966) ou en édition ultra-limitée à prix gargantuesque (les sessions studio complètes de 1965-1966). Vu qu'il n'y a pas marqué Bootleg Series sur la vignette de Spotify, on peut espérer s'en tirer à pas trop cher (renouvellement de copyright oblige). Mais vous ratez pas les gars, il nous faut TOUT sur ce coup-là, pas un bête double-CD. Répètes et concerts, tout. 60 CD à 200 balles, genre. Siouplé.

Et puisque semble-t-il c'est la chronologie qui l'emporte, pour la tournée de 1978 je me contenterai du concert à Nuremberg.  Rien que pour la version apocalyptique de Masters Of War, en ces lieux - mon dieu ! Mais on verra ça plus tard, hein ?

Bref, ce soir j'aurai du mal à m'endormir, une fois de plus.

Le single est ici (merci Anonyme !)

Edit : Ca y est, deux jours après le post, la nouvelle tombe : 14 CD, 100 $.

https://bobdylan.shop.musictoday.com/dept/the-rolling-thunder-revue?cp=73047_105296&src=MSGR475847


dimanche 10 mars 2019

La Dizaine De Blogueurs : jour 6

La chanson associée à un voyage inoubliable

Nous avions quitté l'Alsace. Pris l'autoroute en Suisse. Nous avions dormi, nous étions réveillés en Italie. Traversé l'Italie. Dormi. Réveillés la nuit, pour prendre le ferry. Fait les cons, dormi. Arrivés à Igoumenitsa. Les Météores, puis toute la Grèce antique avec un prof gauchiste et ses potes du coin qui avaient résisté au régime des colonels. 16 ans. Destination improbable. Soleil. Emois. Quitter l'Alsace, un jour. Je l'ai fait.



mercredi 6 mars 2019

La Dizaine De Blogueurs : jour 4

La chanson déclic, qui nous a permis de découvrir un nouvel univers musical

Alors là, sans hésiter. Sans même le moindre suspense, sans même argumenter, tiens je m'arrête là : Paul Mc Cartney et ses Wings : Mrs Vanderbilt.



 Non sans déconner, je n'avais pas quinze ans, pas de casque, et Isabelle me trottait dans la tête (voir les épisodes précédents). A l'âge où ma fille a eu son premier Iphone, j'ai eu un transistor (comme on disait) Philips, et je plaquais l'oreille contre l'engin pour écouter le Hit-Parade d'André Torrent sur RTL, assez conforme à l'absence totale de culture dans laquelle je vivais. C. Jérôme, Gérard Lenorman et d'autres belges oubliés étaient mes idoles. Seraient-elles numéro 1 ce soir ? Pour le savoir, fallait se fader les dix premiers.

Dont ce Wings, inconnu au bataillon, perfide anglais venu entacher la franchouillardise de mes nuits. Mais qu'est-ce que c'est ?

 Ho ! Hé ! Ho !

 Comment ça s'appelle ? Michiouanderbeul.

Ah ? Ce truc était devenu une obsession - bizarrement comme le Goodbye Vienna d'un certain Ringo Starr, mais puissance dix. Un jour, à Carrefour, plus tard, je tomberai sur un triple albuim : Wings Over America, Statistiquement, michiouandertruc devait y être, non ? Il me le fallait. J'ai collé une étiquette "3 disques pour le prix d'un - 49,;90 Francs" sur l'étiquette "82 Francs 40" (largement au-delà de mes moyens, mais IL ME FALLAIT CE DISQUE). Ben non. Paulo avait eu beau tourner en Amérique, que dalle. Oh, j'ai bien aimé ces trois disques, mais sans plus. michisouanderchose m'échappait encore.

Leave me alone, Mrs Vanderbilt... 

 Bien sûr, plus tard (mais que signifie "plus tard" quand la pop s'empare d'un gamin de 9 ans, hein ?), j'achèterai le CD. Parce qu'entre temps, d'autres choses m'auraient éloigné de C. Jérôme. J'aurai ma phase air guitar sur l'album de Led Zep (celui-ou-il-y-a-Stairway-to-Heaven), je partirai en vrille avec Zappa et après le Clash je n'écouterai plus jamais Supertramp (enfin si, mais en cachette). Et puis, un John Lennon mort à quatorze ans, on en oublie un Mc Cartney vivant (enfin, presque). Mais n'empêche....Mrs Vanderbilt. Et dire qu'elle ne figure sur aucune compile du gaucher ?!!! Tout comme Monkberry Moon Delight, ma deuxième claque du bassiste. Va savoir, je dois pas être fait comme les autres?.

dimanche 3 mars 2019

La Dizaine De Blogueurs : jour 3

La chanson que l'on écoute seul le soir au casque

Pff... quand je mets le casque, déjà, c'est pas bon. Journée de merde, soirée de merde, je ne mets plus le casque que pour oublier. Alors tant pis pour vous, mais pas (plus) de Leonard Cohen, Bashung ou autres empêcheurs de dormir en rond. Quand je mets le casque, je veux que ça joue. Je veux m'évanouir dans la plénitude des Choses Plus Grandes Que La Vie. Exit le caca-boudin, déjà vécu les heures précédentes, exit la mélancolie, exit tout ça. Un truc qui te secoue à un moment, tu dis - waouh, j'ai rien vu venir. Au casque, je parle, hein, pas... enfin bon.

Et, au casque, j'ai cinquante millions de propositions à vous faire, pour une seule - en fait, deux - et unique(s) chanson(s). Le Grateful Dead envoyant China Cat Sunflower suivi (comme toujours, les Dead Heads savent ça) de I Know You Rider.  Oh cet instant magique où la rythmique change - si peu, si peu - pour acueillir Rider. Change pas de main, gamin, ça vient. Oui oui oui. Oui oui oui, c'est ça, que j'écoute au casque. Il m'en reste encore au moins 523 versions à découvrir, alors je vous laisse, ok ?

Grateful Dead - China Cat Sunflower/I Know You Rider



vendredi 1 mars 2019

La Dizaine De Blogueurs : jour 2

La chanson sortie l'année de nos quinze ans

Foutremou, quels thèmes à la con. Pas facile d'avoir quinze ans en 1981. Je m'étais pris London Calling dans les oreilles l'année de mes treize ans, j'en étais encore à décortiquer Sandinista pour essayer de comprendre pourquoi c'était un grand disque (paraît-il), et ma vie d'adolescent était sexuellement aussi vide qu'une paire de couilles de GI brûlées par le napalm. Que dire de cette année-là ? Kim Wilde ? Ha ! trop grand et trop fier pour m'identifier à un kid de l'Amérique ! Police ? Vendus, Police, vendus. Je suis de ceux qui ont oublié leurs quinze ans. Pas de coucheries obscures au fin fond de l'Alsace. Ma plus grande révélation ? Sans doute les équations du second degré ou le théorème de Pythagore, je ne sais plus trop. J'ai beau chercher sur internet, rien ne me parle. Et d'ailleurs, c'est vrai, je ne parlais pas à grand monde, à quinze ans. J'écoutais des choses de Zappa ici hors sujet, et s'il faut vraiment que je me creuse la tête, je ne vois que Shot Of Love, l'album post-chrétien de Dylan. Acheté le jour où ma sœur s'est payée une chaîne hi-fi.

Alors oui, la chanson de mes quinze ans c'est probablement Lenny Bruce. Pas très funky, hein ? Un Dylan bêlant à souhait, et qui donc était ce Lenny Bruce ? J'ai probablement fait des progrès en anglais en devinant son parcours dans la-dite chanson. He was the brother that you never had. OK, un frangin donc, je prends. J'auras bien aimé avoir un frangin, plutôt qu'une frangine qui achetait une chaîne stéréo pour écouter Fabienne Thibault et America.

Non, vraiment, les copains, pas mes quinze ans, d'accord ? L'année d'avant, il y avait XTC, Talking Heads, celle d'après il y aurait un bon Dylan, mais là...

Bob Dylan - Lenny Bruce