J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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jeudi 9 novembre 2017

#214 : Planxty "Between The Jigs And The Reels : A Retrospective"

Il existe entre la harpe celtique et la cornemuse irlandaise des différences fondamentales, mais pourtant les deux instruments se complètent à merveille. D'ou, finalement, ce post de Planxty en guise de bon complément à celui de Clannad.

En effet, contrairement à la harpe celtique (grâce à ses cordes, mais vous aviez compris), la cornemuse irlandaise est très peu adaptée à la fabrication de collets pour lapins de garenne, ce qui peut constituer un élément d'explication de la Grande Famine. Par contre, comme soufflet le soir auprès du feu, il n'y a pas mieux. D'autant qu'assez bavard, les irlandais ont inventé une cornemuse leur permettant de discuter tout en jouant, ce qui leur assure d'avoir généralement le dernier mot sur les écossais. Pour cela, il faut savoir jouer du coude, et les irlandais sont assez forts pour cela. Ainsi dans le genre "pousse-toi là que je m'y mette", nos joyeux drilles de Planxty se poseront comme tels. Vous allez dire que j'exagère, peut-être un peu mais au fond non, pas tant que ça, mais Planxty peut être considéré comme le groupe fondateur du folk irlandais moderne. Entendez par là que même si les reels, jigs et hornpipes dont ils abusent allègrement sont de source traditionnelle, leur musique ne l'est en rien. On la qualifiera de folk parce qu'on a beau chercher, on ne trouve aucun instrument électrique dans tout ça (mis à part les claviers usés par Christy Moore sur la fin, ok...) mais c'est finalement plus des délires progressifs qu'il faudrait l'enfermer.

Car quoi ! Andy Irvine, déjà, est anglais (by Jove !) et s'est amusé à traverser les Carpathes pour en ramener plein de morceaux en 7/4 et demi, mais surtout des instruments qu'on aurait plutôt tendance à trouver dans le sud de l'Europe, à commencer par la mandoline. Ca vous paraîtra peut-être bête mais Dalida n'a jamais songé à faire camper le personnage de Bambino dans la banlieue de Belfast, et, outre des raisons politiques évidentes, il y a des explications rationnelles à cela.

Alors quand l'autre cordeux, Donàl Luny s'entiche d'un bouzouki datant du temps ou les grecs se tapaient des colonels (et cela commençait à la saoûler) comme les irlandais l'oppression anglaise, nous voilà aux prises avec un groupe qui largue gentiment les amarres du folk irlandais classique.

Evidemment, le duo bouzouki/mandoline fait mouche. Ca pétille dans tous les sens, à chaque secondes c'est cinquante idées de morceaux qui fusent. On ne s'étonnera pas entendu cet éclair de génie qu'aujourd'hui on parle du bouzouki irlandais comme de la dette grecque, ça fait partie du paysage.

Rajoutez à ce duo un cornemuse-killer, Liam O'Flaherty, et ma foi l'Irish Stew est cuit. Manque plus que la cerise sur le gâteau, carrément Christy Moore au chant (partagé, il faut être juste, avec Andy Irvine, pour la plus grande joie de nos O'Reilles). C'est même lui qui a réuni, à l'origine, tout ce petit monde, pour enregistrer son deuxième album solo, Propserous dont on ne s'inquiétera guère ici sauf si, après l'écoute de la compilation ici proposée, et après avoir reniflé tout le web pour trouver tout le reste, on reste encore sur sa faim. Ce qui est très très probable.

Or doncques, l'objet du jour, Between The Jigs And The Reels : A Retrospective, est une compilation sortie l'an passé (et on ne m'avait rien dit !), arrivée ce matin même dans ma boite aux lettres et qui tombe à pic puisque voilà peu on parlait ici de Christy Moore et de Clannad. La chose est composée d'un CD et d'un DVD, pourquoi pas.

D'emblée, et finalement tant mieux, le CD n'a rien d'un best-of, puisqu'on pourra hurler comme un damné en constatant l'absence de Raggle Taggle Gypsy, Only Our Rivers, Little Musgrave et beaucoup d'autres. Alors on relira le titre : eh oui, l'accent est mis davantage sur le versant instrumental du groupe. Et lorsqu'il est question de chanter, Andy Irvine a même davantage d'espace que Christy Moore. Passé le moment d'étonnement, on lance la galette (même si les bretons me diront qu'une galette ne se lance pas) et... et ça fontionne plutôt très bien. Si vous cherchiez une introduction à Planxty qui ne fasse pas une part trop belle à Christy Moore, cachant ainsi la forêt que constitue tout le reste, ce disque est pour vous.

Et puis, savez-vous, on trouve ici la plus belle chanson du monde, oeuvre d'Andy Irvine, et qui aurait tendance à reléguer Nick Drake au rayon Shane Mc Gowan un peu timide. J'ai nommé The West Coast Of Clare. Je n'en dirai pas plus. Mais elle est là, prête à être écoutée, re-sortie de son écrin initial comme on balade des Picasso autour du monde, la re-voilà, ne la ratez pas. Moquez-vous du reste si cela vous agrée, mais accordez-vous les cinq minutes qu'elle dure. La plus belle chanson du monde.

Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, reste le DVD, qui lui aussi est un véritable enchantement. Pour le coup, ici, tout y est ou presque (Lakes Of Pontchartrain, comme tu nous manque), et donc plus encore.

Mais vous êtes comme moi, vous détestez les DVD. Et rester devant la télé pendant deux heures et demi à regarder ces quatre loustics jouer du pipeau ne représente pas... comment dire... votre vision de la soirée parfaite ? Devant ne revendra pas son baril de westerns pour cinq minutes de Blacksmith au Late Late Show ? Eh ben vous savez quoi, les trente-six chandelles évidemment inédites que compte la galette, je les ai rippées en splendide mp3 @320 rien que pour vos oreilles.

A partir de là, vous êtes heureux(ses) et vous ne le savez pas encore. Cela ne saurait tarder.

Le CD
Le bout du DVD qui couvre la période 1972-73
Le bout du DVD qui couvre l'année 1980
Le Live au Natiional Stadium de 1982

Slàinte Mhaith !

4 commentaires:

  1. Je n'ai pas encore eu tout le temps d’écouter ta grosse compil que tu nous en resserres une énorme louche. Et pour tout te dire, je n'ai pas encore eu le temps de m'imprégner de cette plus belle chanson du monde... mais je ne vois pas d'obstacle pour qu'elle ne le devienne.

    Par contre, maintenant que je sais qu'il s'y cache du bouzouki, je fais gaffe à ne pas abuser de ce genre de compil'. Au cas où il y ait dépendance, parce que je ne suis pas sûre que cela se soigne bien. Je garde les Dü pas loin au cas où. WHAT'S GOING ON... WHAT'S GOING ON... INSIDE MY HEAD!!! WHAT'S GOING ON... WHAT'S GOING ON... INSIDE MY HEAD!!!

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  2. Merci pour ce beau travail, ta présentation est alléchante, du coup je regrette d'avoir loupé le Christy Moore...

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  3. Eh, je croyais que "January Man" de Christy Moore était la plus belle chanson du monde, tout simplement...

    Jean-Paul

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    1. ben c'est la face B du disque le plus beau du monde alors.

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