J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

samedi 25 février 2012

GSFDBMDD 2 #7: Saturday Night Fever

Thème du jour : Saturday Night Fever, votre top 5 pour le dancefloor

J'aime pas le dancefloor ! Je ne sais même pas ce que c'est. Quand j'étais jeune, on parlait de boums, point barre. J'ai dû aller en boîte deux fois dans ma vie, alors...

Alors, les boums, ça commençait toujours comme ça : t'arrivait et y'avait de la bonne musique (genre Punky Reggae Party par Bob Marley & the Wailers), tu disais bonjour aux potes, et direction le bar. Une bière, deux bières, trois bières... et là, le morceau qui tue, où t'es suffisamment imprégné pour oser gigoter. Hungry Heart, de Bruce Springsteen, ça le faisait bien, dans le genre.

Mais faut pas rigoler, on était tous là pour draguer, quand même. Et venu le moment des slows, fallait pas tergiverser, ça durait pas. Quoi, c'est de la musique, un slow ? C'est pas juste trois-quatre minutes durant lesquelles il est sociologiquement admis que tu peux te coller à une fille ? Un Eté de Porcelaine, de Mort Shuman, Monsieur Mort Shuman, je vois guère mieux.

Après ça, pour moi, c'était systématique. Je ramassais mon râteau, je partais me finir au bar, les filles sont toutes des connes et y'a que la bière et les potes ah que qui valent le coup. Et à ce moment-là de la soirée, pogotter sur un Sally Mc Lennane des Pogues, c'était primordial. Le problème, c'est que ça facilitait le mélange de la vodka, de la bière et autres gin ingurgités pour commencer la soirée et oublier le râteau.

Il n'est donc pas nécessaire de rajouter la bande-son pour le passage "cuvette des toilettes". Après, c'est le néant.

Mais je n'en suis qu'au top 4. Last, but not least, je préfère de loin le dancefloor des années musette. La mélancolie du slow mêlée au groove jazzy de la valse. S'il n'avait fallu qu'un seul morceau (et vous pouvez jeter les autres), c'est la merveilleuse Indifférence de Tony Murena que je garderais. J'ai hésité avec la Flambée Montalbanaise de Gus Viseur, mais depuis que Jimmy m'a appris qu'un bellâtre la souffle à l'harmonica à la belle Madeleine Peyroux, il m'est trop difficile de l'écouter.

En résumé : dancefloor mes fesses, marre des râteaux, vive les guinguettes

Traqueliste :

1. Punky Reggae Party - Bob Marley & The Wailers
2. Hungry Heart - Bruce Springsteen
3. Un Eté de Porcelaine - Mort Shuman
4. Sally Mc Lennane (live) - The Pogues
5. Indifférence - Tony Murena

jeudi 23 février 2012

GSFDBMDD 2 #6: Fermé pour cause de relâche

Thème du jour : La Dernière Séance

Oups, sincèrement désolé. La dernière séance n'aura pas lieu, trop de taff par ailleurs, pas un moment, pas un instant pour poster quoique ce soit. Et pourtant... si j'avais eu quelques minutes, c'est évidemment The Last Waltz que j'aurais posté... Concert dont la tristesse égale à peine la qualité des intervenants (Van Morrison, grandiose, au hasard et que dire de Muddy Waters ?!!!). Bon voilà, dans un monde parfait, ça aurait été ma contribution.

Je ne manquerai pas d'en faire un méga-post, plus tard, genre le film et le coffret pour me rattraper et me débarrasser de la honte qui me pèse... Merdre ! Je me l'étais rêvé ce post. La vie est cruelle, j'ai trouvé le temps de poster un Yes et pas un instant pour celui-là !

J'essaierai de me rattraper samedi pour le Grand Final, c'est promis.

En attendant, juste un amuse-gueule...

La honte.

lundi 20 février 2012

GSFDBMDD 2 #5: Yes "Fragile"

Thème du jour : Fusion Or Not Fusion ?

- Alors voilà, sur le Moog, là, y'a trois oscillateurs, TROIS !!! Les LFO permettent de varier le pitch et pour le gate, évidemment, une enveloppe ADSR, sans parler des filtres et de...

Bill Bruford n'écoutait même plus, tapotait un rythme en 7/9ème sur la table basse du bureau d'Atlantic, regardant à peine les prospectus pour ces synthétiseurs : Oberheim, Prophet, Moog... pendant que Rick Wakeman continuait à radoter sa science. Il pensait à cette offre de Robert Fripp, lui proposant de rejoindre King Crimson.

- OK, et ça coûte combien tes trucs ? lança Steve Howe, un peu excédé par tout ce déballage de technologie. Lui jouait toujours sur sa Gibson, et n'avait pas l'intention d'en changer.

-...

- Putaain... lancèrent de concert Jon Anderson et Chris Squire. Et on paye ça comment ?

- Les gars, y'a ces groupes en Allemagne, il paraît qu'ils en ont déjà. Et si on franchit pas le pas, on va passer pour des has-been, pire encore, des jazzmen !

Bill Bruford passa en 5/8ème, s'employa à vérifier que son annulaire droit jouait bien le rôle du tom basse histoire de ne pas s'énerver. King Crimson...

- Et si on enregistrait un album vite fait, sans se prendre trop le chou ? On a bien deux-trois compos, et puis pour le reste, chacun fait ce qu'il veut ? Ca paierait même la sono... On va pas continuer à faire de la pop avec un orgue Hammond, quand même, si ?

...

Ce qu'il y a d'important, dans un cake, c'est qu'une fois cuit, on ne distingue ni l'oeuf ni la farine, que la pâte soit homogène et bien aérée. Rien de pire que les grumeaux. Réussir un roux, c'est encore plus délicat. On travaille à chaud. Laisser roussir la farine, mais pas trop. Pas qu'elle brûle. Et le bouillon doit être prêt, à la bonne température. Les oignons déglacés avec ce qu'il faut de muscadet, par exemple, pour que les sucs soient dilués de façon homogène. Et là, si ça fonctionne, on remet la viande (lapin, veau...), on fait cuire à petit feu et la fusion se fait. Animal et végétal se mêlent en un plat divin. Prenez, ceci est mon corps. Le Grand Art. Du lapin sauce chasseur à la réalisation de la pierre philosophale des alchimistes, seuls le temps et les ingrédients diffèrent. Il nous reste, dans le monde profane, ce début de recette : faire chauffer le beurre, rajouter les oignons... après, chaque cuisinier cherche la Parole Perdue, à coup d'échalotes, de lardons, de gingembre.

Et souvent, on atteint au sublime un peu par hasard, malgré des recettes éprouvées mais toujours évoquées avec une certaine pifométrie ésotérique  : un brin de laurier, une pincée de sel, etc.

Yes allait bientôt tenter de devenir les Ginette Mathiot du prog' rock. Une fois les synthés arrivés. Car la décision fut prise. OK, on le fait cet album, on récolte un peu de blé et on achète les synthétiseurs qui nous ouvriront la porte du Paradis du Show Business.

Ils y sont arrivés : Close To The Edge, tout le reste. Soyons cartésiens. C'est bien parce que cet album, Fragile, était ma foi bien bon que le bon peuple leur a permis d'acheter l'artillerie lourde qui nous dégommerait les oreilles et balayerait tout sur son passage dans les années à suivre. A grands coups de morceaux de vingt minutes, souvent trop prétentieux et orgueilleux pour qu'on puisse, pauvres profanes, avoir le temps de savourer ne serait-ce que deux minutes de groove dans tout ça. Hop, on passe à autre chose. A toute chose malheur est bon, je reste persuadé qu'on leur doit l'arrivée des Clash ou des Sex Pistols.

Avec cet album néanmoins, Fragile, on reste sur le pas de la porte. Il n'est pas encore tout à fait question de fusion entre les musiciens dans un même magma (Relayer... bâillements...) mais d'une sorte de fusion entre des morceaux portés par chacun des individus, durant lesquels les autres participent mais mettent la pédale douce pour laisser le musicien s'exprimer. Voire, partent boire un café le temps que Steve Howe balance son immortel Mood For A Day, ou encore contractualisent une assurance-vie ou partent racheter du papier toilette, du sel et des pâtes pendant que Rick Wakeman brise les coucougnettes de l'ingénieur du son avec son Cans & Brahms prétentieux et inutile.

Mais quand ils se décident à jouer ensemble, sur des compositions communes, là, on touche au tournedos Rossini. Tenez, le Roundabout d'ouverture, ou encore South Side Of The Sky. Steve Howe comprend bien qu'une fois que le Gandalf Wakeman aura réceptionné ses synthés, il aura moins de place pour balancer la purée. Et de fait, riffe comme un cheval fou qui ne tient pas à perdre sa place dans l'écurie. Et d'un coin de l'oeil, Chris Squire démontre qu'une simple basse Rickenbacker en fait autant que les zinzins onéreux qu'ils s'apprêtent à acheter au prix fort (The Fish). Et les quelques 1'30 que durent le We Are Heaven de Jon Anderson sonnent toujours étonnamment modernes, presque indie-folk.

- Ben vous voyez les gars, c'était marrant, non ? Au fait, j'ai été livré aujourd'hui, on peut commencer le nouvel album, sérieux, hein ce coup-ci !

Bill Bruford s'éclipsa un instant.

- Allo, Robert ? Ouais, c'est ok, je finis un truc et j'arrive.

Steve Howe se dit qu'au moins, il pourrait se faire refaire les dents.

Chris Squire se dit que bon, un bassiste, en restant discret, ça peut éviter tous les naufrages.

Jon Anderson fut tenté de se vexer. Ces Moog, ça grinçait encore plus que sa voix de chapon surexcité.

Votre serviteur, lui, s'essuie le front, épuisé. Se dit que vraiment, ce concours est harassant. Poster un disque de fusion, ça lui semblait impossible. N'ayant vraiment aucun atome crochu avec les Red Hot Chili Peppers et autres Rage Against The Machine, il s'est voulu aussi cruel que le thème du jour. Et s'en va prendre une douche, manger une pomme et se mettre au lit. En se demandant s'il osera, demain dès l'aube, cliquer sur Publier le Message. Mais l'idée vicieuse d'avoir laissé les bonus tracks dans le zip lui confère un maléfique sourire en coin : 9 minutes d'une version insensée d'America, merveille de Simon & Garfunkel déstructurée par des anglais tintinabulés, si c'est pas de la fusion, ça ! Et d'avoir, un instant, une mauvaise pensée pour LR Rooster et Jimmy, vite oubliée. Mais quand même. Alors que le thème aurait pu être : Postez un Dylan.

C'est pas une vie. Not fusion, definitively.

Long Distance Roundabout.

dimanche 19 février 2012

JSFDBMDD2 #4: Bob Dylan "Dylan (A Fool Such As I)"

Thème du jour : Remember (l'album qui a tout déclenché)

- Elvis Presley ?
- Carl Perkins !

Non, je ne pense pas qu'il s'agisse de ça, d'un dialogue de sourds façon Mystery Train de Jim Jarmusch. Du moins ce thème ne m'évoque-t-il pas cela. Mais plutôt, grâce à quel album (grâce ? quelle grâce ? du tourment, autant et sinon plus, sans aucun doute) avons-nous entamé cette passion dévorante ? J'oserais ajouter, du rock (entendez par rock : rock, jazz, punk, funk... bref, tout ce pour quoi il faut savoir faire un effort afin d'y avoir accès).

Rewind, donc. Vers un fatras immense. Du Joe Dassin de mon enfance au Clash de mon adolescence. Entre deux ? Un gumbo d'allers et retours, de la variété à des choses plus... difficiles ? Etonnantes ? Miraculeuses ? Une liste à la Prévert. A la Perec : je me souviens d'avoir acheté le single Fernando d'Abba, je me souviens d'avoir écouté les Beatles avec ma soeur, je me souviens d'avoir trippé grave sur We Will Rock You de Queen, je me souviens d'avoir continué à aimer Gérard Lenorman, je me souviens que le petit ami de ma soeur m'avait fait acheter Meddle de Pink Floyd (mais ça, c'était déjà plus tard, je crois)... Mais quand, quoi, qui, où s'est passé cette brisure qui a fait que voilà, j'ai franchi à ma façon le rubycon ?

Vous l'aurez voulu, LR Rooster et Jimmy, me v'là encore en train de déblatérer sur Dylan. Transition facile, ma maman m'avait appris à jouer de l'harmonica, et je rêvais de jouer de la guitare. Et un jour ma soeur est revenue d'un cours d'anglais en racontant à table cette histoire, The Ballad Of Hollis Brown, chantée par ce mec, qui jouait de la guitare en s'accompagnant à l'harmonica. C'en était fait de moi.

Emmanuelle avait un grand frère, vache, il connaissait tout. Et il avait des disques de ce Bob Dylan. Alors je lui ai gentiment demandé, à Emmanuelle, avec ma BASF C60 toute neuve dans le fond de ma poche, s'il pouvait m'en faire une cassette. Les C60, m'expliquait mon papa, c'était mieux que les C90, la bande risquait moins de s'emmêler dans le magnétophone. Surtout, éviter les C120. Elle était sympa Emmanuelle, je me rappelle même plus pourquoi dans la cours de récré, en 6ème, j'en étais venu à lui parler de Bob Dylan, et elle de son grand frère. Enfin si, bien sûr, mais on va pas se la jouer Diabolo Menthe, hein ? Le lendemain, j'avais ma cassette.

J'ai tourné autour de la table du salon en écoutant cette cassette, sans pouvoir faire autre chose. Lily Of The West. Incroyable. Mr Bojangles, je m'en rappelle comme si c'était hier. Cette douce claque qui vous donne envie de pleurer comme de rire, sans doute l'amour était-il dans le préau. Et le ver dans le fruit. Puisque mes oreilles étaient décollées, soit, désormais, elles seules me guideraient.

Mais l'amour, sous le préau, n'y était pas. Pas cette fois, pas encore. Ma vie sentimentale, comme ma passion musicale, ont commencé par une méprise. Pas de bisous tendres avec Emmanuelle, et pas la moindre compo de Dylan sur cet album, estampillé daube of the pops. Et pourtant... ben oui, c'est l'album qui a tout déclenché. Je n'ai jamais plus écouté Abba après ça, et la deuxième cassette que j'ai filé à Emmanuelle m'est revenue remplie d'extraits - en vrac - du Tonight's The Night de Neil Young, du premier Camel, du And Then There Were Three de Genesis et... du Just A Story From America d'Elliot Murphy. Choisis ton camp. Oh, et puis zut, pourquoi choisir, tout cela était merveilleux à l'époque. JD Beauvallet devait encore faire dans sa culotte et j'avais un sac d'école en cuir sur lequel il était trop tôt pour écrire des noms de groupe au marqueur (ça se serait même pas vu, il était tout noir).

N'empêche, même si tout cela a commencé avec le plus mauvais album de Dylan, tellement mauvais que passée une première réédition CD, il est parti à la trappe, il me colle à la peau. Trois ans plus tard, quand ma soeur est partie pour un week-end à Paris, je lui ai demandé de me ramener un album de Dylan, si jamais elle en trouvait un aux puces. Devinez lequel m'est revenu ?

Voilà comment tout a commencé. Et à le réécouter ce soir, pour l'occasion, outre l'intérêt de ce post pour les collectionneurs extrémistes, j'y trouve des chansons chouettes, simples et de bon goût. Bien sûr, aucun coup d'éclat, pas de Gates Of Eden, encore moins de Blind Willie Mc Tell. Mais des reprises de Joni Mitchell, Presley et autres, humblement chantées, juste pour le fun. Pour tester le son du studio, paraît-il. Avec ce son un brin daté, ces choeurs ringards, ces musiciens payés à l'heure qui ne risqueront pas une fausse note parce qu'après, y'a une autre séance et on n'a pas que ça à faire.

C'est ainsi qu'en croyant découvrir Dylan, c'est tous ces artistes-là et un brin de chansons traditionnelles en même temps que j'ai pris dans les dents de lait. Je dirais même que le manque d'inspiration dans les interprétations m'a facilité la tâche. Un peu comme s'il me les apprenait doucement, calmement, personnellement, Bob - genre - tu y reviendras plus tard, pour l'instant, apprends ça. Le reste, la quintessence, viendrait après. Il fallait y aller doucement, c'est ce que semblait me chanter ma cassette BASF. Il fallait y aller doucement avec Emmanuelle aussi. Tellement doucement qu'elle ne serait pas mon premier amour, même s'il sera éponyme. Ouh là, j'arrête, je l'ai déjà dit. Pas bon ces chroniques du samedi soir. La faute à Jimmy et LR Rooster, hein !

You never know what you got 'till it's gone.

Purée de virée vertigineuse vers un passé que je croyais englouti. Ca fait remonter plein de choses. Même le nom de famille d'Emmanuelle. Straub. Emmanuelle Straub. Tu habitais à Wihr-Au-Val. Et ton frangin fumait des joints, en fait. C'est pour ça qu'il m'avait coincé du Genesis avec du Neil Young. Si jamais tu lis ça, Emmanuelle, envoie-moi un mail si tu veux, mais s'il te plaît, ne deviens pas mon amie sur Facebook. Je n'ai aucune envie d'avoir un jour à modifier les conditions d'utilisation de ma mémoire.

Can't Help Falling In Love

vendredi 17 février 2012

JSFDBMDD2 #3: Gérard Manset "La Mort D'Orion"

Thème du jour : Rockocorico


Entendez par là, la France Rock. C'est ça ? Mais la France est-elle rock, a-t-elle la capacité de l'être ? Existe-t-il même, le rock français ? Au Festival de la Chèvre, à Chef-Boutonne, il y avait un groupe excellent qui dépotait des reprises de Creedence Clearwater Revival, Chuck Berry, et même James Brown (même si ce dernier et ici hors de propos). Non, vraiment. Un batteur excellent, un guitariste hors-pair, un organiste qui faisait baver son orgue Hammond avec délice... Oui, bien sûr, on sait jouer du rock. Si, avec toutes ces écoles de musiques, il n'y avait pas un auvergnat capable de balancer le riff de Smells Like Teen Spirit, y'aurait vraiment de quoi se poser des questions.

Pour autant, Les Chaussettes Noires singeaient - avec talent sans doute - les stars rockabilly d'outre-atlantique de l'époque. Un Ronnie Bird avait complètement assimilé la pop anglaise. Les Variations dépotaient bien, Téléphone assurait, Trust, on écrivait leur nom à côté d'Iron Maiden et AC/DC sur nos musettes américaines, Noir Désir faisait bien son Gun Club et Louise Attaque, quelle Violente Femme ! Et j'en oublie la classe des Dogs, le courage et la persévérance de Little Bob Story. Mais n'avions-nous jamais déjà entendu cela ailleurs ? Euh... si, quand même. Au risque d'en choquer plus un, il est difficile de ne pas noter la british touch d'un Gainsbourg en pleine classe, période Melody Nelson.

Pendant ce temps, nos amis les allemands ont su créer le krautrock. Peur de rien, les Tangerine Dream, Can, Amon Düül, Neu ! et Faust...

Oh bien sûr, on ne doutera pas de la rentabilité de Air, Phoenix, Justice ou Daft Punk. Mais ils n'ont fait (même s'ils l'ont bien fait) qu'apporter une french touch à des genres déjà explorés ailleurs. Où donc se cache le courage, l'audace, l'originalité de nos artistes suffisamment courageux pour ne pas finir par accompagner Julien Clerc ? Bashung ? Oui, Bashung. Mais très tard, à la fin des seventies. Assez daubard à ses débuts, quand même.

Au risque de me faire décaniller et insulter, je ne vois guère que le Gérard Manset de la Mort d'Orion pour avoir proposé quelque chose de neuf. Après quelques tripatouillages osés période mai 68 (Animal On Est Mal), le caractériel a osé une oeuvre bricolée avec génie, dès 1970 (si mes souvenirs sont bons). Concept album, une face entière de bidouilles électroniques mêlées à des arrangements de cordes que ne renierait pas Janaceck, Manset tente le tout pour le tout. Avec une prétention qui force - sinon le respect - du moins la porte d'EMI Pathé Marconi. Oeuvre difficile, pénible parfois, neurasthénique tout du long, ce disque noir a eu le mérite de jeter un pavé dans la mare. De renier la facilité des synthétiseurs et des guitares électriques adulées des babas cools pour se concentrer sur le piano, les cordes, et les bidouillages de studio, avec une prose ambitieuse (nous sommes quand même au pays de Voltaire, Hugo, Baudelaire et Rimbaud) et une touche de génie que les mauvaises langues bien pendues attribueront, cela peut s'entendre, à Bernard Estardy, l'ingé son préféré de Stone & Charden et Joe Dassin réunis, qui a sans doute apprécié cette folle entreprise, entre deux prises glauques et alimentaires, calibrées et surtout, de grâce, conformes au crédo de l'époque.

Ressorti miraculeusement en CD dans les années 1997, l'album tient toujours la route, même si aujourd'hui, personne n'oserait plus clamer des textes aussi lyriques. Critiquables, parfois, par des rimes convenues un peu simplistes au pays des poètes hallucinés. Mais quand même, cette oeuvre, et c'est là que réside toute son importance, personne, dans ce bas-monde, ni même anywhere out of the world, n'aurait pensé à la créer. Alors oui, Rockorico.

Jamais plus Manset n'ira aussi loin, et peut-être tant mieux. Il distillera, de plus en plus au compte-goutte, sa mauvaise humeur et sa prétention dans des albums de plus en plus fades, même si chaque galette apporte toujours son lot d'émotion (de nostalgie ?) aux inconditionnels.

On me dira qu'à balancer des textes puissants et sauvages sur des arrangements de cordes, on pourrait citer le Léo Ferré d'Il N'y A Plus Rien, voire de La Solitude ou Amour Anarchie, avec le groupe Zoo. Et je répondrai, bien entendu, bien sûr. Le monégasque anarchiste déclamait avec même bien plus de talent. Mais connecter Ferré à l'idée même de rock, c'est absurde. Cela me semble l'être un peu moins avec cette hydre incroyable qu'est La Mort d'Orion. Ceci sans le moindre jugement de valeur. Mais c'est le thème du jour qui le veut : rockorico. Et si, en France, comme peut-être en Belgique, on acceptait ma foi qu'il est inutile de tenter de se mesurer au moindre bluesman du dernier des juke joints de Clarksdale, il y aurait un peu plus de place pour des gens comme Daniel Darc, Arthur H, qui, enfin décomplexés, oseraient aller encore plus loin.

Alors ce soir, en me remettant la Mort d'Orion dans les oreilles, étonné une fois encore, j'enfile mes savates, cours à la boulangerie acheter une baguette et m'offre un verre de rouge. Et, comme Boris Vian, Henri Salvador ou Jean Yanne, je vous balance, en guise de provoc' j'aime pas le rock ! Mais bon dieu, Léo, Catherine Ribeiro, Manset, Bashung, Brigitte Fontaine, oui, je vous aime très fort. Autant que le MC5, Led Zeppelin, les Chemical Brothers ou The Kills ou encore Can, les Kinks ou Klaus Schulze ou Chuck Berry. Parce que vous ne leur ressemblez pas.

Vivent les hommes, et c'est tout.

jeudi 16 février 2012

Un nouveau participant !

Youpi, mon pote Gaël semble s'y mettre, merci d'aller faire un tour chez lui, tout fainéant d'extrême gauche qu'il est, son petit widget mettant en relation tous les participants vaut son pesant de motivation. Et un live des Pogues avec Joe Strummer, c'est pas mal, non ?

http://detoutetderiensurtoutderiendailleurs.blogspot.com/2012/02/finding-partner-to-get-drunk-with-grand.html?showComment=1329426995448#c7433876557453333171

mercredi 15 février 2012

JSFDBMDD2 #2: Deep Purple "Made In Japan"

Thème N°2 : Absolutely Live

Ouch, purée de poisse. Absolutely Live. Quoi ? Les Doors et leur album éponyme ? Rod Stewart ? Je ne peux pas m'empêcher de me vautrer dans le concept de l'album Live, de tout le mal et de tout le bien qu'il a fait ces quarante dernières années. Mais de quoi parle-t-on ? OK, d'un concert - ou d'une bribe, gravée dans la cire. Mais Dieu pourquoi faire ça ? Le monde semblait si simple... on nous vendait des disques, et si ça nous plaisait on allait écouter le concert... Non ? Voire l'inverse. Suite à un concert minable de Noir Désir aux Francofolies de la Rochelle en 1989 (si, si, j'assume) j'ai mis des années à accrocher, à leur reconnaître un certain talent. Un talent certain, si vous préférez.

Euh, comment doit-on comprendre ça ? L'album live parfait, ou le live estampillé pur et dur sans retouches studio ? Mais même ça ne veut rien dire. Aujourd'hui, le gratteux n'a même plus la moindre pédale d'effets devant lui. Un technicien appuie sur un bouton et l'artiste passe du chorus à la fuzz, hop, pour le plus grand plaisir du public et la bonne continuation du concert. Live, çà ? Mouais...

Mazette, voilà un thème bien torturé, et bien embarrassant. Je ne vois pas d'autre solution que de vous disserter les différentes sortes d'albums live, leurs tenants et leurs aboutissants. Et c'est une oeuvre bien trapue à laquelle je m'attelle.

Exit les premiers, le live Greatest Hits. Beurk. Aux chiottes Supertramp, Eagles. A la casse, les live "Souvenirs, Souvenirs" systématiques (M, Johnny, Eddy Mitchell, tiens, la carte postale semble être une tradition franchouillarde, non ?). Allez, ne torturons pas inutilement l'exception culturelle, le Paris (opus) de Supertramp logera bien ici aussi. Rendons hommages aux exceptions qui confirment la bonne santé des finances d'Universal. Un Peter Frampton déjà en fin de course a réussi à blouser son monde avec son Comes Alive.

Viennent après les albums live qui peuvent leurrer un temps. Gros succès, donc nécessité de changer de maison de disque pour gratter un meilleur contrat. Ceux-là sont généralement doubles. Pas forcément mauvais, mais puants dans l'esprit. Un exemple ? Bof, il y en a tant... Je suis de bonne humeur, je n'aborderai pas ce côté vénal.

Ensuite, les live insupportables de prétention et d'exhaustivité. Chicago au Carnegie Hall. Quatre vinyles. Oh le bel exploit, mais c'est pas le téléthon, ici, hein ? Yessongs, le triple live de Yes. Prouvant ainsi qu'ils étaient capables d'être aussi virtuoses et insupportables sur scène que sur disque. Allez, les gars, on vous aurait cru sur parole le temps d'un single, pourquoi tant d'effort ?

Après cela, ça devient plus troublant. Viennent ceux qui, par manque d'inspiration momentanée, balancent à la plèbe de quoi survivre jusqu'à une hypothétique suite. On y trouve des chefs d'oeuvre. Tiens, Rock Of Ages du Band, par exemple.

Gloire aux suivants. Ceux qui ne cherchaient pas l'exhaustivité. Osant l'album live en un seul vinyle. Montrer qu'ils étaient capables d'être aussi excitants devant un public d'étudiants binoclards que dans un studio, bien calfeutrés. Le Live At Leeds des Who me vient à l'esprit. Géniale idée (originelle) de Pete Townshend : on ne prend que la fin du concert, quand on est bien chauds, on les assassine en 35 minutes chrono. Frustration à la fin de l'album, mais jouissance proportionnelle à la courte durée de la chose. Cet album à failli constituer mon choix. Mais la flemme de virer tous ces bonus tracks de l'édition remasterisée a calmé mon ardeur. Et pourtant... dans le genre, le No Sleep 'Till Hammersmith de Mötörhead est au même niveau. Waam Baam Thank You Man !

Délices cachés, onanisme assuré en ce qui concerne les bootlegs. Que de promesses sur ces pochettes souvent sibyllines. Raah, à la grande époque, chez Gibert, je sortais avec un CD des Doors, de Dylan, de je-ne-sais-plus-qui, et j'en rêvais dans le train qui me ramenait chez moi. Le rêve était mirifique, l'écoute décevante, tant de fois. Soit un son approximatif, soit un concert bof bof. Oh, y'avait bien le quatrième titre du CD qui dépotait mais... tout ça pour ça ? Live is live, et là, dans mon salon... le relevé de comptes du lendemain m'a fait détester bien des artistes ainsi captés et commercialisés contre la peau de mon cul, excusez la vulgarité.

Alors, diable, que reste-t-il ? Plein de choses. Les Zappa de You Can't Do That On Stage Anymore. les Allman Brothers Band At Fillmore East. Ce genre de choses, tellement parfaites qu'à l'écoute, le terme "live" entre amis de la Haute n'est même pas prononcé. Superbe, point barre.

Et puis...

Et puis, quand on est gosse, en Alsace, vers 1980,  qu'à part la kermesse du village il n'est même pas possible d'imaginer aller écouter Jethro Tull à Colmar (merci, mes parents, sur ce coup-là), il y a un voisin, le grand frère de mon copain, qui me passe Made In Japan sur son électrophone, fenêtre de la chambre de son petit pavillon ouvert. Et bordel, quelle belle claque, simpliste, certes, mais à douze ans on ne se remet pas de ça. Tout y est, le hard rock, la révolte adolescente, tout ça mais, surtout, surtout, un live construit comme une cathédrale. Tout est parfait, bien équilibré.

Allez, je vous refais les titres un par un :


Highway Star, tout le monde ensemble, bon départ. Ca dépote. J'en voudrais encore, des concerts qui envoient une telle purée au démarrage.

Child In Time, honneur au chanteur, jouissif car romantique et brutal à la fois. Raah, Child In Time, merci maman d'avoir lavé les draps...


Smoke On The Water, intemporel. Et, pour le côté live, Ritchie Blackmore oubliant le riff pendant l'intro, ça tue.


The Mule, solo de batterie, réussissant l'exploit de faire taper le public dans ses mains. Chiant, mais bien foutu. Moins pénible que le Moby Dick à John Bonham (out la ! 'tension les commentaires ?). Et puis, que voulez-vous jeunes gens, on aimait ça à l'époque...


Strange Kind Of Woman, duo guitare/voix caricatural mais d'une efficacité sans faille. Putain de bois, Strange Kind Of Woman... Ca laisse des traces partout.


Lazy, honneur à l'organiste, chacun son moment de gloire.

Et Space Truckin'.... 19 minutes de pure sauvagerie avec ses pleins et ses déliés...

A chaque fois un truc dont on ne se remet pas, à douze ans. Oh, allez, on a fait mieux dans tous ces domaines, depuis, mais tout ça sur un seul double album (car le Live se veut double, pour paraître sérieux, qu'il dure 80 minutes en vinyle ou deux fois plus en CD, mais - je l'affirme - il faut toujours deux galettes).

Ce disque m'a bien duré trois ans. A regarder d'un air circonspect les fans de Led Zeppelin. A douze ans, on veut le jus, direct, pas de machins alambiqués. Même quand on a de bonnes notes en 5ème. Raison de plus. On n'a pas deux cent francs à dépenser pour des albums avec des machins acoustiques ou inexploitables dans nos beaux rêves. Deep Purple ruled. Absolutely Live, en plus, dont acte.

PS : non, je n'a pas mis le CD Bonus de la réédition. Découvert à 34 ans, lors de la réédition CD, bien trop tard pour en tirer la substantifique moëlle, comme on dit. Osez à nouveau le vrai truc. Toujours plus, ça veut dire quoi ? Osons la décroissance... Less is more...

Let's Go Space Truckin'

PS2 : Ah quoi ? Tout le monde l'a déjà ? Et alors ? J'ai rencontré un gars dans un bar à Paris tout récemment, la trentaine, qui m'a dit faire découvrir Led Zep à ses copains et copines, comme si c'était le dernier truc hype voire underground. Ca, c'est pas hype, c'est juste jouissif. Aucune étoile Télérama. J'ai horreur des gens qui collent des étoiles aux autres, d'ailleurs.

lundi 13 février 2012

JSFDBMDD 2 #1: The Mamas And The Papas "Complete Anthology (4 CD)"

Thème du jour : Le Lundi Au Soleil

 





















Lundi, lundi... Au risque d'être excommunié par LRRooster et Jimmy, j'enfonce le clou, je confirme : le lundi au soleil, c'est un jour que l'on n'aura jamais. Et pour preuve, la triste histoire des Mamas & The Papas. Déjà, rien que le nom du groupe, pas très psychédélique, hein... Rien à voir avec le Mort Reconnaissant, au hasard.


Triste histoire que celle de ces papas et mamans. Aux trois quart morts de problèmes cardiaques ou d'anévrismes, dans l'indifférence générale. Pauvre Mama Cass... 


Mais enfin voyons, quelle idée, en 1966, que de tenter la chance aux chansons, qui plus est en Californie. Là même où les Beatles atomiseront leur carrière live. La chanson, c'était pourtant une bonne idée. Tin Pan Alley en a chié des milliers, pour le plus grand bonheur de l'Amérique. Et ce qu'il restera de Dylan, c'est quelques chansons, aussi. Qui avec trois accords et une voix nasillarde auront réussi l'exploit d'exploser le fameux building de Tin Pan Alley, justement. Exit, les accords tarabiscotés de septième diminué, bonjour les do/fa/sol ancrés dans le cerveau reptilien des américains et du monde occidental en général. 


The Mamas And The Papas ont pourtant cartonné grave avec leur Monday Monday, toujours en lice pour le grand concours de la chanson pop parfaite, n'en déplaise au Friday On My Mind des Easybeats. Je ne vois guère que leur merveilleux California Dreamin' pour leur damer le pion.Véritable révolution culturelle, largement entamée par les Elvis PresleyBuddy Holly et autres Chuck Berry quelques années auparavant. Là où le rythme ne consistait qu'à mentionner 4/4 ou 3/4 en début de partition, là où l'émotion était mentionnée par des fortemezzo forte, sur les mêmes bouts de papier, le rock'n'roll a tout balayé. One for the money, two for the show


Alors oui, bien sûr, des filous comme Phil Spector ont tenté de prendre le meilleur des deux mondes. Avec succès, momentanément. Quand le monde est divisé, autant prendre la chèvre et le choux. Et ses arrangements ne sont pas tombés dans l'oreille d'une bande de sourds, là-bas, en Californie. Où le soleil est toujours là, où les vagues de l'océan rappellent à chaque instant qu'il y fait bon vivre. Do/fa/sol, yeah... avec des arrangements dans l'air du temps. Pure pop. Mais loin du brouillard de Londres. On peut toujours rêver... California Dreamin'...


Sauf que. Sauf que le monde allait tellement vite que les Mamas & The Papas, tambourinant sur la plage, ne s'en sont pas aperçus. Ont peut-être - sans doute - accueilli le changement les bras ouverts. Sans se rendre compte qu'ils devenaient dinosaures, chaque jour un peu plus, comme leurs copains les Turtles qui rampaient sur la même plage, so happy together. Alors que les Beatles, après leurs adieux, jouaient déjà du mellotron et autres sitars dans leur brumeuse Angleterre, en Californie, le soleil et les tambourins ne suffisaient évidemment déjà plus. Grateful Dead, Quicksilver Messenger Service, Jefferson Airplane, les noms pleuvaient dru sur les flyers de Haight Ashbury. Et la simplicité des chansons acquise de haute lutte par les jeunes ainés était balayée par les vagues du Pacifique. 


Summer of love. Amours lysergiques et solos de guitare d'une demi-heure, c'était bien le moins qu'on pouvait espérer, pour libérer nos corps et nos esprits.

Alors, les chansons de trois minutes de papa et maman...

Et pourtant. Je ne connais personne qui, sous sa douche, fredonne le solo de Jerry Garcia sur Dark Star. Enfin, un des soli, car il y en a eu tant. Ca m'arrive pourtant fréquemment de pousser un California Dreamin' sous la savonnette, quand la vie m'est simple. Terrible injustice. Les Mamas & The Papas seront limite ridicules à Monterey, en 1967. Et pourtant, le vent de l'histoire aidant, leur Monday Monday m'est bien plus essentiel que le Somebody To Love du Jefferson Airplane...

Décidément, le lundi au soleil, c'est un jour que l'on n'aura jamais...

PS : Merci à Lyc, chez qui j'avais téléchargé le coffret, à l'époque. Ce blog a tellement mis le bazar dans ma discothèque que je n'ai pas retrouvé la modeste compilation sur 1 CD que je voulais initialement poster. Mais puisque concours il y a, soyons blitzkrieg. Paf, 700 Mo de chansonnettes direct dans vos écoutilles, ça devrait vous calmer jusqu'à mercredi, non ?

vendredi 10 février 2012

#117: Steve Reich "WTC 9/11"

L'art, c'est la sublimation de la vie et de la mort. L'art, dit-on, c'est le sexe. La même chose. Onirisme à tous les repas. Les plus ancestrales et caricaturales murder ballads, chansons du Barzaz Breizh Breton ou ballades anglo-irlandaises nous rappellent toutes des drames, des histoires d'amour, la simple joie de vivre, la fatalité de la mort. A quoi peuvent bien servir les cantiques, les chansons d'amouuuur (ah que je peeeuse la question),  les chansons bêta de colonies de vacances chez les scouts, le Rehab d'Amy Winehouse, si ce n'est qu'au-delà de l'événement de l'instant, il est essentiel de le sublimer, d'en retenir la substantifique moelle, le digérer pour mieux le communiquer. Les Chants de Lutte de Théodorakis ne chantent rien moins qu'un espoir (ancestral, car basé sur des airs traditionnels - oh le beau terme galvaudé - mis en musique sur des poèmes bien de leur temps) mis en musique faute d'être accomplissement politique. Un jour viendra...

Tiens, Theodorakis, encore lui, au lieu de danser le sirtaki une fois les Colonels évacués, a tenté les Chants de Matthausen. Exorciser, dépasser, pour comprendre et digérer. Mêler l'esprit de la chose - la Bête - à nos pauvres ressentiments. Que les hommes puissent s'approprier et digérer ces horreurs qui les dépassent dans l'actualité du moment. Encore une fois, les sublimer. Prends un pinceau, un maillet, un ciseau, sculpte, décris, rappelle, immortalise. L'art, c'est ça.

Alors bien sûr, quand Simple Minds nous raconte l'histoire de l'Irlande du Nord, ou U2 Martin Luther King on peut rire. Mais pas trop quand même, parce que notre belle jeunesse, entre deux Malibu, apprend à s'en émouvoir.

Quand un artiste comme Steve Reich se permet de composer une oeuvre sur le 11 septembre, et qui plus est, balance une photo significative de l'événement sur la jaquette du CD, on s'offusque, on tousse, on s'indigne. Et l'on entend même pas le Kronos Quartet jouer le truc avec une intensité sans égale. Grands dieux ?!!! Une telle horreur ne saurait être vulgarisée par un artiste, ne saurait être intellectualisée en une musique que même les ascenceurs ne toléreraient pas.

Les mêmes critiques ont déjà oublié Different Trains, du même Steve Reich, qui avait à l'époque tenté, de la même manière de transcender la Shoah. On ne peut pas intellectualiser une telle horreur, dira-t-on.

Qui parle ici d'intellectualiser ? Bordel de merde c'est de la musique ! Certes moins évidente au premier abord qu'une gouaillante du pauvre Bono, mais faut-il que seuls les sourds aient droit à l'acceptation d'un drame sublimé part l'Art ? Au nord, c'était les Corons. Point barre. Et de censurer une pochette trop explicite car on n'a pas le droit de profiter de l'actualité pour créer. Qui oserait admettre que les événements du 11 septembre 2001 aient profité à quiconque ? Les adeptes du complot. Ceux qui prétendent que tout ça n'était que facétie et opportunité indécente pour oser la razzia sur la schnouf, entendez le baril de pétrole brut, là-bas. Il paraît que Georges Bush arrive encore à verser une larme (de Jack Daniels), quand on lui en parle. Oublions donc la guerre d'Irak, c'est indécent.

Oublions la politique.

Qui oserait reprocher à Dylan d'avoir écrit Blowin' In The Wind ? Certainement pas Columbia Records.

Mais là, voyez-vous, Steve Reich, c'est qui ? Un musicien avant-gardiste, osant, alors qu'on l'avait quand même subventionné pour faire de l'art pour l'art (entendez par là, vivre décemment dans un appartement à New-York), mettre les pieds en plein Ground Zero pour tenter d'offrir aux New-Yorkais, à l'Amérique, au monde, une tentative d'éterniser ce sinistre événement grâce à la seule chose qui nous fait humains, conscients, sensibles - l'art.

Ces pisse-froid oersaient-ils critiquer le Guernica de Picasso ?

Ce post, politiquement incorrect, est déjà bien trop long. Je sais qu'ici, je ne m'adresse pas à des imbéciles, et que si je leur promet que le Mallet Quartet à suivre est un rien moins émouvant que l'oeuvre critiquée, ils écouteront. Et que les Dance Patterns méritent, malheureusement via nos blogs méprisables, une plus large audience que celle humblement tentée par Nonesuch Records, qui n'a pas les moyens de promouvoir cette merveille, définitivement non pas interdite, mais nécessairement ignorée par les - euh - mass media pour cause d'indifférence massive.

Car, ce que vous entendrez ici est magnifique autant que terrible. Pas facile, si vous venez de larguer les écouteurs de votre iPod, mais déroutant et essentiel. Pour la petite info, le CD est fourni avec un DVD reprenant tout cela avec une qualité et une promesse de plaisir incroyable. Car, c'est de musique dont on cause ici. Pas de politique.

Une fois n'est pas coutume, voici un lien vers la Fédération Nationale d'Achat des Cadres (FNAC) qui devrait vous permettre de jubiler légalement de la chose, avec un peu de multimédia en 5.1 car finalement, les attentats du 11 septembre, s'ils servent la croissance, c'est plutôt une bonne chose, non ?

Non.

Définitivement non.

Si vous en êtes d'accord, cliquez ici.

mercredi 8 février 2012

#116: Van Morrison "Astral Weeks Live At The Hollywood Bowl"

Banalités. Astral Weeks est un album essentiel, phare, marquant, incontournable, non seulement dans la carrière de Van The Man qui, si elle s'était limitée à cette galette, aurait été déjà bien suffisamment garnie, mais plus généralement incontournable pour qui a une paire d'oreilles un tant soit peu adaptées à frémir à toute émotion artistique, quelle qu'elle soit.

On pourrait gloser des heures là-dessus. Album unique dans son parcours, certes. Album de genre ? Oui parce qu'essentiellement acoustique - folk, diraient les Imbécilorockuptibles trop pressés de boucler le prochain numéro. Pourtant, une fois passés les premiers accords de guitare sèche, on est bien loin d'un Dylan, même atomisé façon Desolation Row. Les canons du genre sont oubliés. Il n'y a plus de repères. Van Morrison avait créé un standard du rock (Gloria), un tube pop parfait (Brow-Eyed Girl), avant de cracher dans la soupe avec un courage qui force encore le respect. Johnny Rotten, petit joueur à côté. Non, Astral Weeks, c'est la quintescence de ce que Van Morrison a dans sa tête. La suite, aussi géniale soit-elle, sera plus convenue : Influence rythm'n'blues marquée, réellement un peu folk parfois (mais les Inrockobéciloruptibles n'ont sans doute pas discerné ça), parfait et jouissif souvent. Un des points communs avec Dylan, c'est que ses albums qualifiés d'albums mineurs à l'époque de leur sortie (Wavelength, au hasard), ont pris de la bouche et du palais et sonnent aujourd'hui ma foi aussi clinquants qu'un Bordeaux 1983. Rêches au palais durant leur jeunesse, les critiques qui les ont décriés à l'époque font aujourd'hui profil bas. On est pas dans le beaujolais nouveau d'un Charlie Winston...

Des albums de genre, il en sortira deux-trois. Son trip avec les Chieftains, Irish Heartbeat, histoire d'en montrer aux Pogues, petits cons sans racines (à ses yeux), un album country pur jus dans les années 2000 (Pay The Devil), et c'est à peu près tout.

Astral Weeks, c'est du Van Morrison séminal, pur, direct, tout est là. Le cauchemar d'un psychanalyste. En 45 minutes, l'homme déballe tout sans tergiverser, sans recracher la moindre influence. Tout son talent, toute sa singularité sont là. Et il n'y a que lui, rien d'autre sur quoi se reposer, rien à comparer à quoi que ce soit. Astral Weeks EST Van Morrison - et réciproquement.

Alors je pose la question, et je n'ai pas la réponse. Trop peur de me tromper. Une telle catharsis pouvait-elle se reproduire sur la scène du Hollywood Bowl ? Ma nostalgie, mon amour immodéré pour l'artiste et son oeuvre m'ont fait sauter sur la galette sans même réfléchir. Couillon. On le sait, depuis Brian Wilson, son Pet Sounds et son Smile, une nouvelle manne s'est ouverte : rejouer son chef d'oeuvre Live. Le Horses de Patti Smith, le Berlin de Lou Reed, tant d'autres. Pour autant, si je crois un Lou Reed vieillissant capable de bouffer à tous les râteliers, y compris en compagnie d'ânes bâtés de trait (Metallica, pour ne pas les citer), une Patti Smith toujours sincère au point de ne pas se rendre compte de l'effet marketing de son geste, il me semble qu'on ne la fait pas à Van Morrison. Et que donc, s'il daigne revenir sur son parcours, c'est pour montrer à quel point Van, c'est toujours The Man, dans tout ce cirque chaud-business. Et il est bien là, Van, bien dans le set.

Mais peut-être que la passion m'égare. Au dernier verre de la bouteille de beaujolais, on lui trouve un goût de banane ou de noisette fort agréable. Berné par l'alcool et l'ivresse, on en viendrait presque à trouver ça bon. Au mieux, cela peut ramener un peu de nostalgie, de souvenirs brumeux de moments passés et perdus à jamais. Au pire, l'abus d'alcool est dangereux pour la santé. Mais il se peut, tout simplement, que le breuvage fut divin. Les notes de pochettes, au verso, semblent écrites sous l'effet de la dive bouteille. I've transcended time, conclut-il. Vraiment ?

Il y a deux bonus tracks à suivre (Listen To The Lion - le message est clair - et Common One). Cognacs millésimés ou Kronenbourg pour se finir ?

Je vous laisse seuls juges de cette dégustation.

A votre santé.

dimanche 5 février 2012

#115: Kevin Ayers "Still Life With Guitar"

La pression monte... on garde les bons morceaux pour le 2ème Concours de qui vous savez... Pour autant le silence radio n'est pas de mise. Il faut donc trouver quelque chose entre les deux... La musique du silence, quelque chose comme ça. Rien d'indispensable, ça serait gâcher car les quinze jours vont être rudes. Quelque chose de tout à fait anecdotique, qui de fait en devient essentiel. Profiter pour combler les trous, refaire l'enduit du blog. Un album passé inaperçu, semblerait-il, même pour son auteur. Lequel auteur y chante le sommeil et les natures mortes pendant la petite demi-heure qu'il nous accorde. Et pour lui c'est déjà beaucoup, beaucoup d'efforts consentis.

Kevin Ayers, puisque c'est de lui qu'il s'agit, tenta mollement (normal) un come-back discret au début des années 1990. Nature Morte avec de la Guitare. Afficionados du pogo, s'abstenir. Inconditionnels du groove, allez frétiller ailleurs. Amateurs de rock progressif jazzyforme, attention à la dépression. Point de choses alambiquées ici. Ca démarre comme du JJ Cale sous lexomil et influence Lou Reed, c'est dire l'emphase, et ça finit avec une berceuse de Leadbelly, Irene Goodnight, dont on craint à chaque couplet que le chanteur ne s'endorme avant le refrain. Ceci dit, il vient de se reposer puisque sur le morceau d'avant, un instrumental, il laisse son groupe jouer le temps d'une petite sieste (Don't Blame Them).

Je regarde par la fenêtre, tout est enneigé dehors, avec le silence conséquent de l'absence d'automobiles sur l'avenue de la Venise Verte. Et ce disque est parfait. Même si complètement mal foutu. Les pépites se mêlent aux chansons plutôt bof bof, vite oubliées, le temps d'un bâillement. Il ne se passera rien aujourd'hui, c'est le doux venin de l'ennui qui plombe ce dimanche, et le disque est la bande son parfaite de ce type de journées inutiles et fades dont on rêve pourtant dès le stress des journées sans fin revenu.

Et puis, comme s'il jugeait opportun de déballer l'atout majeur tout de suite, histoire d'en finir rapidement, cette ballade au piano, Something In Between, dont on se demande comment on a pu vivre sans, dont on se dit que c'est la plus belle chanson du monde, la mélodie parfaite. Comme dans un rêve un peu onirique. Oublié dès le réveil. Oubliée de tous, cette chanson, et pourtant...

Un disque complètement embrumé, un peu folk, un peu rock, un peu n'importe quoi du moment qu'on s'énerve pas... Kevin Ayers en Johnny Cash cajun, même ça, c'est possible (Here Comes Johnny). Absolument pas troublé par une certaine réalité, son passé, sa crédibilité artistique, tout ça, Kevin Ayers nous ballade dans du coton pendant trente cinq minutes éternelles autant que fugaces. Et qu'importe ce qu'on en pense, ce qu'on en dit... A vrai dire, pas grand chose.

I don't Depend On You.

samedi 4 février 2012

#114: Joe Dassin "Elle Etait Oh..."

J'ai reçu un message aujourd'hui à propos de mon post sur Joe Dassin. Un amoureux transi a créé un véritable blog (site), digne de ce nom, pour les extrémistes de l'homme au costume blanc. Rempli de pub inutile, mais quand même, saluons l'effort. C'est ici :

http://discographiejoedassin.blogspot.com/

 Alors évidemment, évidemment, je n'ai pu que repiquer au truc. Constater des petites erreurs manifestes, titiller, savourer, rêver de ce 33 tours canadien reprenant tous les premiers singles, véritable serpent de mer enfin identifié. Et reécouter Joe. Tant de trucs qui reviennent. Ca gratte jusqu'au fond de l'enfance, de Siffler Sur La Colline, en 45 tours, que mon papa m'avait acheté et dont il m'avait fait la surprise. De ces petits riens tellement essentiels que 40 ans plus tard ils vous marquent d'avantage que toute la tristesse du monde et les petits bonheurs à suivre.

Alors évidemment,  évidemment, compulsif que je suis, je poste un deuxième Joe. Un album véritablement superbe, un flop à l'époque (un seul tube : Elle Etait Oh !). Un album plus que courageux après les premières scies (Les Champs Elysées, L'Amérique, etc.) qui l'ont menées à la gloire. Rythm'n'country blues en diable, un Rhodes dégoulinant pratiquement tout du long, des arrangements audacieux pour l'époque et pour toujours.

Où que le train t'emmène
D'aussi loin que tu reviennes
Tu me reviendras il le faudra bien

...Ca attaque grave par cette Ligne De Vie, avec ses choeurs gospel et sa mélodie imparable, un texte un peu simplet mais tellement bien chanté qu'on y croit. Le meilleur titre de Joe, pas moins. Et la suite est tout aussi délicieuse.

Un Miossec ou un Daniel Darc ou encore un Patrick Eudeline nous balanceraient aujourd'hui La Mal Aimée Du Courrier Du Coeur qu'on crierait (à juste titre) au génie. Et ici, très peu de reprises. Un Gordon Lightfoot merveilleux (If You Can Read My Mind - ici Si Tu Peux Lire En Moi, avec ici des cordes qui pleuvent des larmes), repris par Johnny Cash dans son avant-dernier disque sépulcral et oublié par les Papillons Noirs dans leur gigantesque compilation des Originaux de Joe - on ne lui en voudra donc pas.

C'est franchement délicieux. J'entends, ce mélange de cuivres, de guitares sèches, de sitar électrique (oui !). Et le gars chante comme un dieu. Les overdubs de voix sur Bye Bye Louis sont un délice. A peine Le Chanteur Des Rues est-il franchouillard, quoique hippie dans l'âme... Et les chansons légères sont drôles sans être comiques, flirtant avec bon goût (Allez Roulez, let it roll, quoi ! Tudieu ce solo de piano électrique là-dessus !) entre cynisme et second degré (Les Joies De La Cuisine)... Et il y a même une chanson engagée, critiquant vertement - en 1970 - les régimes sud-américains (Le Général A Dit). C'est dire... Bon, il y a bien un peu de daube (Sylvie, Pauvre Pierrot... et encore) mais il se fend quand même, avec l'aide du sinistre Pierre Delanoë d'un vrai/faux morceau country/folk (A La Santé d'Hier) qui aurait mérité d'être repris par Johnny Cash avec bien plus de succès que la daube à Clo-Clo milliardisée en dollars par Sinatra.

Et puis ce tube... Elle Etait Oh !... Je ne m'en suis jamais remis. Enfant, j'adorais, adolescent je respectais, quarantenaire je reste sans voix devant un tel arrangement. Riff imparable et éternel, orgue qui dégouline, basse électrique, voix de basse du bigleux mêlées dans le break, une histoire d'amour dans un train (les plus belles), et la section rythmique qui te fait le RER comme si tu y étais... Et les cuivres qui pètent fièrement, presque (presque, faut pas pousser quand même) comme à Muscle Shoals. Da da di da da da doo dam deh ! Gimmick qui tue. Et la stéréo, grossière, de l'époque, qui enfonce le clou : Cuivres d'un côté, guitare de l'autre. Blaam !!!

Evidemment, l'album fera un four. Le succès du précédent était tel qu'on a dû oser faire confiance au bon goût de Joe, ça ne sera plus le cas par la suite. Obligé de faire le clown ou le crooner en fonction de l'orientation décidée par la maison mère, il en crèvera. Aura juste le temps de se faire un album avec Tony Joe White avant la crise, cardiaque en ce qui le concerne.

Joe Dassin, c'est l'histoire d'un talent gâché, d'un gars plutôt doué, comme il y en a cent mille en Amérique et mille fois moins dans une France cent fois plus petite, qui a cédé aux sirènes de la gloriole du samedi soir avec Maritie et Gilbert Carpentier. La coke en coulisses, le sourire éclatant face à la France de Pompidou. Il y en a plein d'autres. Lui a joué la carte de la démission artistique. Ca n'est ni moins ni plus plus glorieux que celle de l'intégrité. C'est juste le produit, dans l'overdose, qui n'est pas le même.

Bye Bye Louis...