J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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samedi 1 avril 2017

# 202 : Michel Sardou "La Maladie D'Amour"

En 1973, Michel Sardou fait déjà partie des valeurs sûres de la nouvelle chanson française, celle qui ose, malgré et peut-être grâce à la politique rétrograde de Pompidou, se mêler d'accords rock, pour mieux faire comprendre à ce vieux pays que Mai 68 a laissé des traces.

Usant, voire abusant, de la satire (Les Bals Populaires), posant les vraies questions (Les Ricains), Sardou dérange et c'est tant mieux. A la manière d'un Zappa, l'artiste prend son public à contre-pied. Fils d'un grand homme du théâtre, Michel a bien retenu la leçon paternelle. Il joue tous les rôles, évoque la pédophilie (Le Sureillant Général), l'homosexualité dans une France encore puritaine (Le Rire Du Sergent), le divorce dans un pays encore sclérosé par l'Eglise (Petit).

Et là, en 1973, il signe le Grand Oeuvre. Jamais les arrangements n'auront été aussi riches. Les Villes De Solitude aurait pu être écrite aujourd'hui, à l'heure où les banlieues flambent. Une rythmique ingénieusement basée sur un riff de guitare sèche, des cordes que ne renieraient ni un Jean-Claude Vannier, ni un John Paul Jones en plein Kashmir.

Sardou, ici, semble avoir tout digéré. La pop anglaise teintée de prog de Procol Harum (La Maladie D'Amour), l'humour vachard façon Kinks (Zombie Dupont), le folk psychédélique de Traffic (Je Deviens Fou) et surtout, toujours, cette verve qui - avec sa façon de ne pas y toucher - évoque les problèmes cruciaux de l'époque, comme le célibat des prêtres et les fadaises de l'Eglise, encore et toujours (Le Curé, Tu Es Pierre). Là ou un Brel ou un Ferré se sont cassé les dents avec leur instrumentation vieillote, Sardou reprend la flamme. Exit La Vie d'Artiste ou la Complainte des Vieux Amants, voici Les Vieux Mariés. Jamais les petits bonheurs des petites gens n'ont été mieux évoquées que sur cette chanson véritablement intemporelle.

Il faut bien sûr rendre ici hommage à Jacques Revaux, l'orchestrateur de ces symphonies de poche - pour reprendre l'expression de Brian Wilson - véritable alchimiste de studio, n'hésitant pas à associer le Moog, les guitares les plus écorchées aux choeurs dignes d'un Gabriel Fauré.

Bien sûr, on voudra diaboliser Sardou, c'est évident qu'il dérange. On lui fait dire ce qu'il n'a pas dit : on se borne à le cantonner aux personnages multiples qu'il incarne. C'est à cela que l'on reconnaît les génies : aux vains efforts que l'on tente pour les faire taire. Sardou est, définitivement, de cette trempe. Et la photo de l'artiste, micro à la main (riche symbole !), ne vient que confirmer la place que, jamais plus, on n'osera lui prendre.

Jouez-moi La Marche En Avant !

6 commentaires:

  1. Etant enfant, Michel Dardou, avec Joe Dassin, faisait partie de mes chanteurs préférés. Bon, à l'époque, je connaissais rien, et encore moins la musique anglo-saxonne (à part un 33T de Chuck Berry que mon père avait pour je ne sais quelle raison).
    Je dois dire qu'après les Lacs du Connemara, je l'ai trouvé insupportable. La chanson où il dit "à faire rougir le marquis de Sade" est d'une prétention sans nom...

    Mais effectivement, en y repensant, il y avait dans ces textes, ce je ne sais quoi d'insolence (dont je n'avais pas conscience à l'époque) et que j'ai redécouvert beaucoup plus tard. Mais, bon, de là à me dire qu'il fallait réviser son oeuvre...
    Mais pour la peine, je vais écouter ça.

    PS: tu pourrais ressortir un lien pour le Joe Dassin dont tu avais tant vanté les mérites il y a fort longtemps?.

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  2. Bon, j'ai écouté... J'ai eu un peu de mal avec les premiers morceaux. Mais j'ai trouvé le dernier tiers vraiment mieux. Effectivement, il y a des arrangements qui sonnent toujours bien. Le style a parfois un peu vieilli. Je trouve que le texte devait effectivement sonner provocateur à l'époque, mais aujourd'hui, ça ne fait plus toujours mouche (mais même Léo Ferré n'a pas écrit des choses qui ont parfaitement vieilli en matière de pertinence).
    Sans être une immense découverte, on dira que c'était une surprise qui méritait l'écoute. Je ne promets pas de le faire en boucle.

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  3. Euh... Audrey, je suis un peu confus... comment dire... regarde la date du post... C'était un poisson d'avril !

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  4. Poisson ou pas, je prends, juste pour Les Villes de Solitude qui restent quand même une chanson efficace !

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  5. Michel Sardou et Joe Dassin...formidable!!!!

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