J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

dimanche 28 août 2011

#6 : Ange "Tome 87"


Je lisais l'autre jour les notes de pochette de la réédition de BBH 75 de Jacques Higelin. On y apprend qu'Higelin a - carrément - inventé le rock français. Avant lui, le néant, hormis quelques yéyés sans intérêt et déjà dépassés. Ok, Higelin a apporté beaucoup, au rock comme à la chanson, en décomplexant un peu la scène française, jusque-là coincée dans la dualité "chanson à textes (?)/variétés".

Mais en 1975, Ange avait déjà sorti Le Cimetière Des Arlequins et Au-Delà Du Délire (sans parler de Caricatures, un peu... brouillon) et s'apprétait à balancer son chef d'oeuvre, Emile Jacotey. Et question charisme, Christian Descamps valait largement Higelin. Capable d'envoyer une reprise de Brel (Ces Gens-Là), c'est-à-dire d'oser le faire et de faire oublier l'original, ceci vingt cinq ans avant que Noir Désir ne s'y essaie (et repompe l'arrangement d'Ange, au passage...).

Malheureusement, Ange donnait dans le rock progressif, et se prit, comme ses copains d'outre-manche, une volée de bois vert des 1977 à l'arrivée des punks (enfin, disons... de Téléphone et Starshooter...). Et les années 1980 n'arrangèrent rien : détour vers le hard rock (Vu d'Un Chien), manque d'inspiration et changement de personnels... jusqu'à 1987, et cette reformation d'Ange dans sa version originelle. J'ai eu la chance, grâce à une gueule de bois de Richard Bohringer qu'ils remplacèrent au pied levé, de les voir en 1989 aux Francofolies de la Rochelle, et cela reste un des plus beaux concerts auxquels j'ai assisté.

Capté le 25 octobre 1987 lors d'un regroupement de has-been au Zénith (Martin Circus était de la partie aussi...), ne reste ici que la musique. Plus du tout hype, loins des modes, un peu vieux déjà, ils balancent un set mémorable. Et rappellent que si, le rock français a existé dans les années 1970, avant Higelin et après Les Chaussettes Noires.

A cette époque, nous étions sur la trace des fées...

vendredi 19 août 2011

#5 : Stephan Micus "Ocean"


Pour être tout à fait franc, je suis loin d'être fan de ce qu'on peut appeler World Music, New Jazz ou je ne sais pas quoi encore, et qui, à mon humble avis, consiste simplement à masquer trop souvent un manque de talent par quelques instruments bizarres, garants d'une ouverture d'esprit et d'une aventure musicale sans précédent. Et dans le genre, le label ECM se pose là. Rajoutez au projet une photo géniaaaale, genre celle qu'on trouve en poster dans Géo, et l'ennui est assuré. Voilà exactement ce qui semble attendre l'auditeur avec cet album, Ocean (quel titre, fallait oser), de Stephan Micus, qui chante sur un titre et nous joue de la cithare bavaroise, du dulcimer, du sho et du nay (baillements).

Sauf que, cet album je l'ai entendu un jour chez des amis, je suis resté sous le coup de l'émotion, et je l'écoute depuis plus de vingt ans. Si je l'avais vu chez un disquaire, dans un bac à solde, dans une poubelle, sans l'avoir écouté avant, j'aurais au mieux récupéré le boitier et jeté la galette. Grave erreur. Comme quoi faut pas avoir de préjugés. Deux morceaux dépassent la quinzaine de minutes, avec la quincaillerie annoncée plus haut, et je ne connais rien de mieux quand j'ai envie de me retrouver, tout seul, le casque sur les oreilles, pour m'évader un peu. Remarquez que je n'emploie pas de gros mots genre méditation, recueillement ou autre, mais si c'est votre tasse de thé, cet album est pour vous. Et si vous préférez le café, ça fonctionne aussi. Pourquoi ? Parce que tout ici est mélodie, progression, talent.

Alors j'en ai écouté d'autres, du-dit Stephan Micus, et je me suis retrouvé avec des albums conformes à la critique évoquée ci-dessus. Celui-ci semble être un OVNI, du moins par rapport à mes critères personnels. Parce qu'ici, on dépasse l'art pour l'art, on touche à la sensibilité simple et directe. Stephan Micus n'est pas Coltrane, et donc je préfère Coltrane s'il s'agit de se faire un trip un peu barré. Et le Stephan Micus que j'ai entendu sur d'autres albums n'est pas non plus Steve Reich ni Philip Glass, ni Brian Eno ni Terry Riley s'il s'agit de lorgner vers la musique répétitive savamment réfléchie et rendue avec émotion. Bref, cet album tient sans doute du miracle.

Mais bon, moi ce que j'en dis...



lundi 15 août 2011

#4 : Higelin "A Mogador"


En ce 31 décembre 1980, Higelin a tutoyé les Dieux. Comme Springsteen en 1978 au Winterland (il faudra que je le poste, ce pirate, un jour). Concert marathon, inspiré, superbe line-up derrière lui (grâce au succès de Champagne, il se paie le luxe d'une section de cuivre et de DEUX batteurs - mon dieu quelle galère à gérer...).

Et sort ce triple album live, incroyable, grandiose, démesuré. Rien que la reprise de Hold Tight qui ouvre le bal va montrer à tous les jeunots ce que c'est que d'assurer un concert. De donner autre chose que la (forcément) pâle copie du dernier album. Les morceaux s'étirent et délirent (17 minutes chrono pour Je Veux Cette Fille - 17 minutes légendaires - et plus de 20 minutes pour un Paris New York, New York Paris qui n'a rien à envier aux explorations de Gov't Mule, au hasard). Et de la poésie à revendre, avec la folie en prime. Et l'extase du public en plus.

L'extase, c'était pas gagné quand, chanteur rive-gauche/baba cool ésotérique, il s'était pointé avec son accordéon face au public de Sly & The Family Stone en... 1973 ? 74 ? peu importe. L'Artiste naît. C'est ça que vous voulez ? Je peux le faire aussi. Dont acte, changement de peau (BBH 75 sera plus funky que rock'n'roll, quoiqu'on n'en dise) et la suite l'amènera à côtoyer les diables et les dieux (qui en viendront à douter d'eux mêmes). Et là...

Là ? Le premier Live officiel d'Higelin. Qui veut montrer, surtout après ses premiers succès commerciaux (Pars, Champagne - qu'il ne mettra pas sur ce live, pour ne pas faire de la retape), que Pathé Marconi n'a pas pu/su canaliser son délire. Jamais remasterisé (heureusement, sans doute, on imagine l'édition 5CD avec les moments peut-être faiblards du concert, cassez pas l'image, les gars), malgré la vague de 2007 (BBH 75, Irradié, No Man's Land et Champagne) mais peut-être ne faut-il pas rappeler à notre belle jeunesse que des concerts pouvaient durer 4 heures, qu'on pouvait se permettre de ne pas jouer le tube comme sur le disque, et autant d'autres leçons de base que j'imagine édictées d'emblée aux BB Brunes lors de la signature du deal avec Universal.

Bien sûr, avec un tel talent le jackpot finira par tomber pour de bon (Tombé du Ciel - le bien nommé), mais jamais la flamme ne vacillera. J'ai vu Higelin en concert seulement vers 1993-94. Le flan commercial était retombé. L'homme était toujours debout. Set d'enfer. Il semblerait que ça continue. Il semblerait qu'il y ait une autre voie que celle du "Club des 27" rappelée récemment par la pauvre Amie. J'espère sincèrement qu'il inaugurera le "Club des 100".

Hold Tight, Jacques !



#3 : Planxty "Live 2004"


J'ai longtemps hésité entre leur premier album, éponyme, et celui-là, le live de leur reformation en 2004 et comme je suis tombé dessus en premier (je fais partie de ces gens qui ont horreur des CD gravés et qui les achètent et les collectionnent jusqu'à faire crouler les étagères, tant mieux pour vous), le voilà donc. Trouvé dans un bac à soldes dans notre beau pays de France, c'est faire bien peu de cas du talent de ces gars-là :

- Christy Moore, le barde, le chanteur immense (presque tout est bon dans ce cochon)

- Andy Irvine qui a popularisé le bouzouki en Irlande, et a de fait complètement atomisé le "folk" de ce pays (exit les chansons à boire façon Dubliners, bonjour la finesse et les apports des autres cultures - notamment slaves)

- Donal Lunny qui s'en est vite emparé (du bouzouki, pas d'Andy Irvine), et est devenue une des figures de proue de la scène irlandaise des années 80, avant de bouffer - c'est vrai - à tous les rateliers celtiques (Gilles Servat, Sinead O'Connor...)

- Liam O'Flynn, immense piper qui a convaincu la planète entière que la cornemuse était bien un instrument de musique (enfin, les uileann pipes - les cornemuses irlandaises - les écossais ont encore des choses à prouver...)

...Voilà donc la bande des quatre qui à l'orée des années 70 ont inventé quelque chose comme le folk progressif. Folk, parce qu'exclusivement acoustique (ou presque), mais progressif parce qu'explorant des arrangements complètement inédits jusqu'alors (et les quelques 10 minutes de Little Musgrave ici vous envoient dans les airs...). Et sans céder à la muse électrique façon Tri Yann (une chanson con-con, même traditionnelle, restera toujours une daube même avec de la guitare électrique, les gars) ou Fairport Convention (eh ouais, une chanson con-con peut devenir géniale quand on a du talent, les gars).

Alors voilà, un bref aperçu de la beauté de leur Queste. Même vieillissants - et ici l'âge semble aider, contrairement aux Rolling Stones (au hasard, et pour pas toujours parler de Tri Yann) - voilà un set impressionnant de reels, jigs et ballades, enregistré au Vicar Street de Dublin, qui devrait dans un monde parfait ravir même les allergiques du biniou. On ne parle plus de musique trad. ici, même pas de folk irlandais. On parle de quatre gars au sommet de leur art.

Et puis... et puis... pour les happy few qui connaissent... écoutez leur version live de The West Coast of Clare.... aussi belle et poignante que l'originale. Oh, une simple histoire toute conne d'amour brisé. Christophe nous a chanté Aline. Andy Irvine, ça. Des questions ?



samedi 13 août 2011

#2 : Rodolphe Burger "Meteor Show"


Rodolphe Burger est un passeur. Comme Brian Eno. Rodolphe Burger teste sur lui ce qui pourrait faire avancer les autres (voir les deux albums récemment produits pour Higelin, se rappeler de son influence sur Bashung, etc.) et jette le truc au hasard. Alors, parfois, l'intelligentsia s'émeut - et ça a été tout l'épisode Kat Onoma - et souvent ça fait flop. Alors Rodolphe Burger sample le bruit du flop, et recommence.

Catalogué guitariste d'un groupe rock français (arrgh !) qui plus est déprimant (-> direction bac à soldes), Rodolphe Burger largue les amarres en 1998 avec Meteor Show, et de bien belle manière. Se permet de reprendre des vieux machins (Play With Fire des Stones, Moonshiner de Dylan) avec des machines, horreur de l'époque - c'était à peine en même temps que les Chemical Brothers fassent danser les Inrocks - c'est vous dire.

Si aujourd'hui tout cela vous parait convenu - et convenable - c'est grâce à lui. Envisager l'avenir sans renier le passé ("good job" - lui ont dit les roadies de Neil Young pour lequel il avait assuré la 1ère partie, en 2008, dans son fief à Colmar), aller de l'avant avant ceux qui prétendent y aller (Des Visages Des Figures de Noir Désir ne sortira que quatre ans plus tard), cela semble être son crédo.

Mais c'est bien connu, les dinosaures craignent les météorites.

Celle-là, écoutez-là passer...



#1 : Caravan "In The Land Of The Grey And Pink"


A tout seigneur tout honneur. Ce disque est très symbolique pour moi car Caravan fait partie de ces groupes que j'ai découverts et écoutés et aimés grâce aux blogs. By the way, thanks Mister Moods. J'ai mangé du prog quand j'étais jeune, et comme tout le monde en vieillissant les gâteries de ma jeunesse ont perdu de leur saveur et sont devenues un peu écoeurantes. J'avais 14 ans quand London Calling des Clash est sorti, et pendant longtemps il ne fallait plus me parler de Yes, Genesis et des autres.

Attiré par la pochette et le vague souvenir d'un copain qui aimait bien, j'ai téléchargé cette vieillerie d'il y a quarante ans, et je ne m'en suis pas remis : les synthés qui avaient un temps vieilli sont devenus vintage grâce à l'electro, la rythmique élastique est phénoménale et les mélodies imparables, surtout sur cet album, même si je vous recommande vivement de pister les autres, on y trouve de bien belles choses aussi.

Emblématiques de la scène dite de Canterbury, les Caravan étaient certes pataphysiques (les paroles de Golf Girl ! le morceau titre - le passage "meumeuhmé" bien avant Shrek !) mais bien moins barrés que - au hasard - Soft Machine. A l'inverse de leurs compères, Caravan ne sacrifie jamais la mélodie, et c'est directement dans les oreilles qu'ont prend sans crier gare ces morceaux machiavéliquement géniaux. Même la longue suite de la face B du vinyl originel passe bien. Ca t'a un petit côté improvisation à la Doors (Light My Fire n'est pas loin...), mais jamais pénible, et sans en mettre plein la vue façon surdoués du manche à la tête vide.

L'album vient de ressortir en version Deluxe, avec notamment un mix 5.1 absolument à tomber parterre. Ici, ce n'est donc qu'un avant-goût de ce qui peut vous attendre si vous êtes prêts à fermer les yeux devant votre home-cinema en poussant les potards à fond. Ca peut vous mener plus loin qu'Avatar. Ca fait appel à votre imagination. Dingue, non, comme concept ?

Vivement recommandé.

Voilà, ceci est le premier article de ce nouveau blog, j'espère vous revoir ici. Dès qu'il sera sorti, je vous parlerai de Black Star, le dernier Bowie.