J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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mercredi 18 mai 2016

Black Star épisode 10

There must be some way out of here
Said the joker to the thief
There's too much confusion
I can't get no relief

C'est exactement ça, se dit-il. David s'efforçait à fredonner des trucs, pour éviter cette musique, toujours la même. Et ces paroles de Dylan, relayées par Jimi avec toute la force électrique qui lui manquait lui semblaient - horreur - particulièrement adaptées. Dialogue intérieur : bouffon et voleur, il avait joué ces rôles, comme tant d'autres. A moins qu'il ait été l'acteur et le personnage en même temps, ce que lui suggérait Alain ? Et qu'est-ce que cette histoire de logiciel ? Il y a trop de confusion, je ne trouve pas d'apaisement. Ca, sans aucun doute. N'était-il pas sensé trouver ici de l'apaisement, si tel était l'endroit qu'il avait imaginé au début ? Mais était-ce bien cet endroit ? Que venait faire Aleister ici, à toujours cause ésotérisme, alors qu'en toute logique, cela n'aurait plus lieu d'être ? A moins qu'après le 7ème ciel, il y en ait un 8ème, puis un autre encore ? Certes, Aleister avait joué au même jeu que lui, quelque part : à force de persuasion, et qu'importe qu'on se serve des diables ou que l'on endosse soi-même un costume, il avait réussi à fonder une assemblée. A fondre une assemblée, si j'en crois le langage des oiseaux. Masse informe, Golem de fans ébahis, il promenait sa Bête comme on promène un chien.

Je dois me concentrer. Je dois trouver la solution. Mais se peut-il que la solution se trouve dans ces quelques lignes ? Autant imaginer qu'en 1968 Dylan les aurait chantées pour lui, maintenant ? N'importe quoi. Je deviens comme ce Weberman qui fouillait ses poubelles pour touver le Mot d'Ordre, une fois les hippies balayés par Woodstock. Dylan les a chantées parce que ça sonnait bien, c'est tout. Ground Control to Major Tom. Ca lui était venu comme ça, tout pareil, quelques mots, on les met en forme et le truc vous dépasse. Sauf que, ces quinze secondes en 1967 renfermaient - à y repenser - toute sa carrière à venir : Ziggy, Aladin Sane, le Thin White Duke... En aurait-il eu l'idée s'il n'y avait pas eu ce Major Tom ? Sans doute. Il avait un plan. Major Tom était comme cet acteur arrivé par hasard, pour un rôle qui n'avait finalement pas tant d'importance. Ca ne pouvait être autrement. Il doit y avoir une issue. Concentrons-nous. Dylan ne chante pas il se pourrait, il devrait, ça serait bien si... mais utilise bien l'impératif. Alors, cette issue, même si elle n'existe pas et que je suis coincé ici, je dois la trouver, je dois la créer, je peux l'inventer.

Muss es sein ? Ess muss sein, hein ! lui répondit Léo.

- Qu'est-ce que tu viens faire là toi ? Ca devient n'importe quoi, ici !

- Il n'y a plus rien, mon ami. Tu vois, moi aussi je peux faire corps avec mon verbe, m'approprier des mots de tous les jours et les enluminer comme dans vos bibles ! Conneries tout ça ! Tu me rappelles Richard, en fait. C'est sans doute pour ça que je suis là. Quelqu'un a dû demander de mes nouvelles ?

David trouva que ce chanteur français avait toujours eu une tronche de cocker battu, jusqu'alors. On lui avait suggéré C'est Extra, à l'époque où il s'était approprié Brel. Mais rien que de citer cet affreux groupe de prog, les Moody Blues, ça l'avait fait gerber. Il avait congédié le traducteur, ce Bergman, lui disant d'aller se faire foutre.

- Je sais ce que tu penses, mais toi, sais-tu combien je m'en fous ? IL-N'Y-A-PLUS-RIEN, martela-t-il ! Regarde, ou plutôt écoute, je tape contre les murs, là, avec ma canne, tu entends quelque chose ? Rien ! Le silence... même plus la mer. La mer, c'est à la fin, en général, sans doute l'effet de la morphine. Tu l'as pas entendue la mer ? Bon, allez, j'ai rien à faire ici moi. Je n'existe plus, je suis mort, bouffé par les vers, jusqu'à la dernière chair, comme les pendus de Villon. Peinard... comme la charogne à Baudelaire ! Je m'en vais, hop, comme ça, en claquant des doigts ! Ciao, bambino !

David ne put s'empêcher de penser que la démonstration était exemplaire. Léo avait en effet disparu. Il avait trouvé le moyen de sortir d'ici. 

Il se sentit quelque peu désabusé, vexé et honteux : il devenait évident que pour arriver à s'en sortir, il devait écouter ce que les autres lui disaient. Encore heureux, se dit-il, que je n'aie pas retrouvé ici de fan suicidé par amour pour Ziggy, seigneur, ce serait d'un pénible ! Mais quand même, toutes ces divagations approximatives sur la kabale, même Lou qui semblait une caricature de lui-même, était-ce possible que le Paradis (le mot était lâché) fut aussi imparfait ? Etait-il possible que ce Heaven des Talking Heads, simple boutade à l'époque, ait pris une telle importance ? Ca ne colle pas. Donc, reprenons :

1) Je suis mort. Donc, soit je suis au paradis ou en enfer, et cela a un sens
2) Je ne suis pas au paradis, ni même en enfer, même si cela peut paraître mieux ou pire. Donc, cela n'a pas de sens.
3) Si je ne suis pas au paradis, ou peu importe comment on nomme ça, ça n'est pas moi.
4) Si ce n'est pas toi, c'est donc ton frère (qu'est-ce que cette remarque idiote venait faire ici ?)
5) Je suis quelqu'un qui parle de moi (ça, je l'ai toujours fait, je n'avance pas... Je est un autre, toutes ces conneries)
6) En tous cas, ça ne m'amuse plus. Quelque chose m'a échappé à un moment. Je cherche un moyen de sortir d'ici.
7) There must be someway out of here. Suis-je le bouffon ou le voleur ? Et si j'étais les deux, en même temps ?






7 commentaires:

  1. Oh, putain, j'ai la cafetière qui s'enflamme ! Si ça continue je vais commettre un meurtre a l'extincteur !!!!!

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  2. je n'interviens que maintenant parce que j'ai découvert ce feuilleton hier soir et je l'ai lu les 10 épisodes disponibles ce matin.
    Franchement au départ je n'ai pas compris (je suis lent), ensuite j'ai bien aimé, ensuite je me suis dit que c'était à la fois moins "directement drôle" que d'ordinaire mais que l'on gardait un petit sourire en coin bien sympa et que ça tenait bien la route, dans le même temps j'ai eu peur de l'aspect casse gueule (je crois que c'est King qui a écrit une nouvelle sur un paradis pour rock star), un peu anecdotique pour amateurs éclairés... et tu as su vraiment foncer dans ce mur là !
    Et ça fonctionne vraiment bien je trouve. Il faut s'y connaître un minimum, du coup le côté ésotérico-mystiquo-mythique foutraque prise de tête replis de la conscience est bien rendu car sous un angle assez original.
    bref, une bonne idée bien menée.

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    1. Merci mais là, j'ai l'angoisse de la fin... C'est là que ça se gâte, j'ai peur que la fin ne fasse un gros flop aux confins de l'univers...

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  3. Hello Jeepeedee,
    Tu as un vrai talent naturel et je te lis avec plaisir; pourtant, je ne peux m'empêcher de penser qu'en y apportant davantage de travail, de soin et d'implication, cela pourrait être vraiment mieux. L'ensemble est peut-être trop "bordélique" pour mon goût personnel et tu ne sembles pas trop savoir où tu vas toi-même, et ça se ressent un peu trop à la lecture. J'espère ne pas être blessant, ce n'est qu'un avis honnête.

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    1. Hello Jimmy

      Merci pour ton commentaire. Je sais très bien où je vais, que ça soit bordélique, peut-être. Ca ne peut être que comme ça. Je ne suis pas blessé, no problem.

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  4. J'ai toujours du mal à faire coller ton David avec celui que j'ai dans la tête. Je le trouve trop passif, il fait un peu looser, introverti et largué, non? En fait, j'ai toujours du mal à savoir si tu te moques oui ou non de lui...

    Ici, on sait pas trop ce que vient faire Léo, mais bon, on ne se pose plus de question, on lit et on se demande où tu veux en venir avec ce bazar! J'ai toujours l'impression que tu te distrais en route pour nous amener là où tu comptais aller, que ton histoire devait durer 4 ou 5 chapitres et que... nous voilà à 10. D'un autre côté, c'est aussi une grande partie du charme de ce texte que de nous mener on ne sait où. Et bizarrement, quand je vois un nouveau texte, je demande à chaque fois si c'est le dernier et que tu vas enfin nous délivrer le grand message tant attendu. Ici, on sent cependant que les choses se referment et que notre David avance.

    Mais ici, c'est le texte de Dylan qui fait la force de celui-ci. Tu tires très bien parti de ton idée. Et alors, dis-nous tout, tu l'écoutais quand l'idée t'es venu? Et dans chaque chapitre, il y a toujours une belle idée comme celle-là.

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    1. Salut Audrey,

      A te lire, je n'ai pas l'impression que tu aies compris où je veuille en venir (à moins que ça ne soit trivial), mais tes commentaires m'amusent, je t'en reparlerai une fois cette histoire terminée ;o)

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