J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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mardi 18 mars 2014

GCDBMDD #5 : Donna Summer "Love To Love You Baby"

Thème du jour : Let's Get It On - Le disque qui donne envie de jouer des hanches... et pas pour danser

Hé les mecs ! La réponse est dans l'intitulé, non ? Evidemment qu'il n'y a pas mieux que le Let's Get It On de Marvin Gaye ! Spécialement étudié pour ça, parfaitement fonctionnel, bref, on fait quoi maintenant ? Non, non, ça m'agace, là !

En plus, je suis dans un hôtel à Dijon pour la semaine, wifi ténébreux, bref, impossible d'envisager le post d'un album, va falloir vous contenter d'un lien youtube, désolé. Mais comme je suis pas le seul, j'ai moins de scrupules. Tout fout l'camp mon bon monsieur.

Bon, ça y est, je suis calmé. Enfin, un peu. D'abord, pour la bagatelle, désolé, la musique n'est pas l'ingrédient premier. Moi je veux bien faire valser Madeleine Peyroux sur des airs tyroliens si ça lui chante, ou écouter des poèmes de Ginsberg avec Patti Smith, ça ne me dérange absolument pas. Mais bon, puisqu'il faut s'y coller, allons-y sans hésitation.

Vous vous rappelez du Club Dial ? 3 disques pour 9,99 Fr chacun, plus les frais de port, plus l'engagement d'un an, etc. etc. ? Ben moi, du haut de mes dix ans, j'avais commandé Oxygène de Jean-Michel Jarre (j'aurais dû garder le vinyle, ça doit être collecter aujourd'hui...), Derrière L'Amour de Johnny et... Love To Love You Baby de Donna Summer. Et mazette, je dois bien dire que la pochette du Johnny servait à cacher celle du Donna Summer quand ma maman faisait irruption dans la chambre, Donna Summer dont je cachais le disque dans la pochette d'Oxygène pendant que je reluquais la pochette. Sulfureux, le truc. Le tout, je veux dire. Ah ces premières démangeaisons étranges, accompagnées par les râles de la Donna, que d'émotions. Certes, la bagatelle fut solitaire autant que surprenante, que voulez-vous, je n'avais jamais vécu tel émoi avec le catalogue Manufrance.

Et puis bien vite, le rock prit le dessus, le disco fut jugé ringardissime le temps que l'on passe de Saturday Night Fever à Grease, et ce fut tout.

Pourtant, quand je re-écoute le morceaux, je me dis qu'il y avait dans le disco des débuts quelque chose de quand même incroyable. Ralentir le tempo, mais ça, Marvin l'avait déjà compris. Non. Mieux que ça. La première vraie rencontre de la musique noire américaine avec la culture blanche européenne. Giorgio meets Donna. Réfléchissez un peu : le blues et la country, du moins ce qui fut commercialisé, se sont ignorés dédaigneusement. Le rock'n'roll et le rythm'n'blues, si l'on excepte l'écurie Stax, aussi, tout pareil. Côté jazz, les blancs-becs, aussi doués furent-ils, n'ont jamais fait qu'apprendre de Coltrane, Ellington et les autres. Le rock ? Combien de Jimi Hendrix ?

Alors pourquoi ? Je n'en sais trop rien. J'imagine que cette nouvelle musique lascive, dans les milieux homo new-yorkais avait trouvé un écho particulier puisqu'à cette époque, on était bien loin d'un mariage pour tous et qu'un pédé blanc ne valait guère mieux qu'un nègre ? Peut-être. On était à deux doigts d'une belle révolution musicale, mais rapidement le soufflé retomba. Le genre fut parodié des deux côtés, car l'évidence même de son efficacité (notamment pour le thème qui nous occupe) le transforma vite en monnaie sonnante et trébuchante. Les noirs reprirent Knock On Wood à la sauce discoïde, les blancs firent de même avec Don't Let Me Be Misunderstood. Tout devint disco. Même Claude François. Même les Bee Gees. Oh, certes, il faudra des dizaines d'années pour que la french touch tire ses marrons (pardon) du feu, mais quand même.

Le disco aurait dû réussir cette révolution que les sixties nous promettait. Aurait pu. Il lui manquait sans doute ce côté foncièrement rebelle qui fit qu'on put le plumer à l'envi, même si rebelle il était, mais pas dans le discours. Re-écoutez Love To Love You Baby, c'est le même message que le flouer power, mais insidieux, underground, ça ne vise pas à changer la société, uniquement à prendre son pied n'importe où, n'importe comment. Oserais-je dire, dans n'importe quel sens. Juste pour le plaisir interdit de l'instant. No future. Pour caricaturer, là où le punk disait non à tout, le disco disait oui. M'étonne qu'on t'ait discoïsé jusqu'à Sheila. Munich meets the Bronx. Une histoire incroyable quand même !

Et puis, hosanna au plus haut des cieux, un Giorgio Moroder, et toute la scène Acid de Chicago à suivre t'a même fait groover des Minimoog ! Dehors, les Yes et Genesis, ENFIN ! Et bon dieu, je reste persuadé que c'est bien plus grâce au disco qu'au punk, sur ce coup-là. Cette vieille loque de Steve Howe a même fini par jouer avec Frankie Goes To Hollywood. Gnarf !

Alors bien sûr, le bon dieu qui n'a aucun sens du groove a puni ce petit peuple avec l'arrivée du SIDA, et Donna Summer s'est repentie. On sait tout ça aussi. On ne fait que vivre des révolutions avortées, mais bons, certains tendent à dire que la baronnie a survécu à la Révolution Française, alors, on va pas faire le couplet du c'était mieux avant, ça a toujours été un peu pareil. A part le club des 27, nous devenons tous gros, assagis et sarcastiques.

Peut-être, un peu, parce que le disco ne nous suffit plus à emballer. Passé un certain âge, c'est moins la musique que le compte en banque ou l'importation de matière fraîche des pays de l'Est qui peut nous permettre encore un peu de bounga bounga.

Alors, ma foi, on en revient, solitaire comme aux premiers jours, à ce disque de Donna Summer, à sa pochette et à son quart d'heure d'intimité luxuriante, dans l'anti-chambre de la mort. No future.

21 commentaires:

  1. Comme une évidence ! Et cette pochette !
    (quoi j'ai mis la même chose chez le Loup ?!)

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  2. Ouais ça doit le faire pour le thème...mais je ne suis pas trop fan!

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  3. ''Pour la bagatelle la musique n'est pas l'élément premier'' : ouf, je ne suis pas le seul à le penser ... Je ne sais pas si la disco émane du milieu homo ou si celui-ci s'en est emparé plus tard mais ça me permet de rappeler que ''ces gens-là ont bon goût'' comme disent certains n'est rien d'autre qu'un cliché homophobe ...

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  4. Le club Dial, c'est grâce à lui que j'ai eu mes premiers disques. Le wifi passable dans les hotels, je connais....et malgré ça et ton déplacement, tu réussi à continuer le jeu, bravo !!
    Super texte.
    A +

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  5. Oh oui le club Dial.. la boite aux lettres comme disquaire.. j'ai dû me faire 3 identités pour pécho la promo de départ.

    Je suis pas très musique non plus pendant le coït.. j'aime trop entendre les flokflokpufff :DD

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  6. Les feulements de la dame avaient tout de mêm une sacré classe que n'approchaient pas la beast sur le 666 des Aphrodites Childs, ou Birkin chez Serge ...et ils doit y en avoir des autres dans le même genre sensosexuel dans l'acceleration du rythme jusqu'à l'explosion. Celui là en plus n'était pas fait pour les ejaculateurs précoces..

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  7. Rhâââ ! Ce petit bout de téton qui pointe sous la robe m'a toujours fait de l'effet !!!
    Absolument imparable !

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  8. Excellent choix ! Je pense qu'on est beaucoup à avoir directement pensé à Donna Summer sur ce thème.
    La réponse dans le titre, c'était pour éviter l'évidence ;)

    Ce que tu dis sur le disco est très intéressant.

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  9. Pas ma came, mais évidemment adapté pour ce thème et bien joli billet.
    Bien d'accord avec EWG sur le cliché homophobe qui consiste à dire que "ces gens-là" aient bon ou mauvais goût. J'ai du mal à saisir le lien entre goût et orientation sexuelle, comme pas mal d'amalgames et de conneries de ce type proférées d'aillers.

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    1. J'ai pas dit ça, si ? Arrêtez, quoi !

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    2. Pas du tout, c'est moi qui utilisais ce biais (bien réel chez certains) tordu (normal pour un biais...) pour dire le ''bien'' que je pensais de la Disco...
      Une connerie de plus quoi, c'est une habitude hein, je vais avoir du mal à arrêter ...

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  10. Donna Summer, forcément !!! Pile poil raccord avec le thème.
    En plus, on peut aussi danser dessus ;-)

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  11. Ouuuuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!

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  12. Décidément, c'est l'édition des doublons...
    Les souvenirs de jeunesse n'excusent pas tout. Si encore tu avais choisi une vraie "slut" du genre Diana, mais cette Donna, faut quand même être sourd pour ne pas se rendre compte qu'elle simule !

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    1. Merde, Jimmy, tu viens de flinguer mes dernières illusions !!!!!

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    2. Le problème n'est pas de savoir si elle simule ! Parce que si c'est le cas, niveau simulation tu peux jeter les 3/4 de ta discothèque ! Tout le mérite, si mérite il y a, c'était déjà d'oser simuler CA, comme dirait Bourvil...

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  13. Mouais. Bien essayé. J'ai une autre vision du disco. Comme le degré ultime de l’abâtardissement des musiques noires par le showbiz (l'avant-dernier en fait, il nous restait encore à subir Michael Jackson). La musique comme simple produit, dépouillée de sa dernière once d'âme. Et un ultime effort pour faire croire au peuple que les trente glorieuses pouvaient tenir jusqu'à 40.

    Je hais le disco. Et je trouve ça aussi peu sexy que Marvin Gaye. Mais merde, en te lisant j'ai faillit y croire.

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    1. Ouais, c'est vrai, on peut voir ça comme ça. Respect. Mais alors, l'abâtardissement des musiques noires date de Tamla Motown et le reste, et tu as peut-être raison. Tout comme l'abâtardissement du rock('n'roll) d'ailleurs par la consommation de masse. Au final, il ne reste peut-être que Charley Patton et la Carter Family ? Sans doute...

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    2. J'ai tendance à analyser (un peu plus) en profondeur ce que j'aime détester. Je suis plus conciliant avec le reste. Je sais, c'est pas beau mais hein... Disons que le Mal c'est le truc qu'on produit UNIQUEMENT pour vendre des singles qui passeront dans les boîtes et feront de bons chiffres (et je classe volontiers le disco dans cette catégorie-là) au contraire de ceux qui font leur musique, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, et qui ont la chance que ça marche. Là c'est tant mieux pour le musicien, tant mieux pour la maison de disques. Dans la première catégorie, le nom sur la pochette est interchangeable, dans la deuxième il y a un peu du musicien dans la musique. Mais la ligne est entre les deux est mince.

      Et puis je ne sais pas, c'est peut-être que des conneries tout ça. Si ça se trouve le disco c'est bien et je suis un vieux con. J'étais ado à l'époque du disco, j'ai même acheté un 45trs de Boney M. Juste parce que c'était ce qu'on entendait partout. J'irai bien le brûler sur la place publique mais les autodafés c'est pas mon truc.

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    3. Très honnêtement, je ne classe pas le disco (des débuts, s'entend) dans le même sac (à merde) que la Lambada ou la Macarena, purs produits marketing. Je pense très honnêtement que c'est né de façon très underground et récupéré, certes vite fait, quand des requins cocainés ont vu le potentiel commercial du truc. Prend, encore une fois, la scène Acid de Chicago à ses débuts (un jour je posterai l'excellente compile parue chez SoulJazz), un mouvement qui a débuté avec les premières boites à rythme, qu'on avait positionnées sur le marché pour les musiciens de rock (!) et qui ont été détournées de leur objet... La suite, l'envolée de la techno, la dance, toutes ces merdes NRJ, on la connait bien sûr. Mais initialement tout ça n'était pas prévu. Un peu la même chose dans le rock : le concept des MC5, des Stooges a été repris à grande échelle avec des "super-groupes" comme Grandfunk Railroad...

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    4. Bah, je ne connais pas la scène Acid de Chicago. Je suis resté trop longtemps enfermé dans une secte punk. J'écouterai cette compile à l'occasion. Enfin, dommage, j'aimais bien ma théorie sociologique des late trente glorieuses. Pour une fois que je peux utiliser mon CAP de Sociologie appliquée...Ceci dit, elle peut aussi s'appliquer au fait, confrontés à une crise économique comme on en n'avait pas connus depuis des décennies, les gens se sont tournés vers des musiques festives et dansantes. Le disco tombait à pic.

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