J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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mardi 15 novembre 2011

#83: Pink Floyd "The Complete ConcertGebouw 1969"

Deux écoles, deux chiens de faïence s'affrontent : Le premier adule Syd Barrett, admet quelques élans du Floyd après son départ, et vomit tout ce qui a pu se passer après, disons, More ou Atom Heart Mother. Le deuxième admet que Meddle préfigure The Dark Side Of The Moon, glapit d'aise sur Wish You Were Here et trouve même des arguments pour considérer The Wall comme un album grandiose. Et comme les chiens n'aiment pas les chats, ils sont prêts, tous deux et de concert, à égorger les sales bestioles qui ont un souvenir ému du concert à Versailles, et du Floyd sans Waters. Mais voilà chats et chiens réunis devant la dernière opération marketing, un nouveau petit bout de carton pour emballer des galettes réchauffées, avec quelques maigres bonus tracks que les plus riches chériront en toisant les autres de haut. J'ai moi-même récemment apprécié les bonus live de Wish You Were Here, forts intéressants historiquement parlant : en 1974, le Floyd avait encore une longueur d'avance et proposait en live des morceaux qui ne sortiraient que trois ans après. Ce qu'on pourrait aujourd'hui appeler un suicide commercial, ou un coup de marketing génial ?

Il faut ici que je vous avoue que je suis ingénieur agronome, et qu'en tant que tel, j'ai de bonnes raisons de penser que l'herbe était bonne au début des années 1970, et comme la Politique Agricole Commune poussait les jardiniers à produire toujours plus, le peuple heureux d'être bien nourri était prêt à avaler beaucoup de choses, notamment du rock planant bien moins lysergique qu'à l'époque de Syd Barrett, y compris, comme ici, à contempler Pink Floyd en train de prendre le thé durant son nouveau concept de 1969 (ici rendu superbement, sans aucun intérêt musical, mais qu'importe l'intérêt musical aujourd'hui ?), carrément l'équivalent d'un double album inédit présenté en concert. Incluant des bruits de petits oiseaux et autres choses incroyables. Je rigole, mais voilà un Floyd en pleine transition, entre avant-gardisme sans plus trop d'inspiration et grandiloquences pas encore maîtrisées ni calibrées. Un pan entier du Floyd passé à la trappe de cette nouvelle édition définitive qu'on vous propose, et que je vous offre histoire de compenser votre frustration devant le rayon P de la FNAC.

Deux parties, The Man et The Journey, concept déjà bien barré (le travail c'est mal, libérons notre esprit), mais pas encore paranoïaque et casse-couille (saviez-vous que le papa de Roger Waters est mort à la guerre et que cela l'a tout traumatisé et qu'il voudrait qu'on le sache ?), deux parties, deux disques, potentiellement, vite abandonnés. Le Floyd gazouillera, chacun de son côté pour recycler les ambiances ici ébauchées (plus quelques extraits live, il est vrai, issues du back catalogue, déjà...) pendant le pénible Ummagumma sorti à la place de l'ambitieux projet ici présenté (et qu'on achètera tous à cause de la superbe pochette), et les "vrais" morceaux seront recyclés dans la superbe BO de More, où un traitement acoustique et austère (Green Is The Colour, Cymbaline)), leur donnera paradoxalement tout leur panache. Bref, un business plan, déjà, tentera de rentabiliser un effort par trop ambitieux et difficilement vendable en tant que tel. Et pour les bruitages, Waters, encore humble, acceptera d'arrêter d'imiter les phacochères par la suite, après son douloureux (pour nous) effort sur Ummagumma - le bien nommé Several Species of Small Fury Animals Gathered Together In A Cave And Grooving With A Pict, mais ils forment néanmoins déjà les germes du projet avorté Household Project, dont on retrouvera des bribes sur Dark Side Of The Moon, et dans les maigres bonus tracks des rééditions de cette année, mais qu'on aurait pu imaginer permettre de produire quelque chose de plus osé ET franchement musical, si quelques millions d'albums vendus n'étaient pas venus changer le cours des choses après 1973. On s'en fout, les geeks de la techno et de l'electro sauront envoyer la chose bien plus loin, même s'il a fallu attendre des années, et que c'est finalement le fiston qui s'éclatera avec ça.

Bref, dans la chaîne alimentaire, nous voici ici entre le cochon et le lard, entre deux eaux de boudin. Qui ne méritent peut-être pas la postérité. Mais qui méritent de figurer sur ce blog pour une simple raison : EMI, ne vous foutez pas de nous avec vos rééditions à trois balle. Il existe des choses qui certes n'auraient pas fait cracher les dollars au public fan des chaines hi-fi et de Another Brick In The Wall, mais qu'il aurait été honnête de proposer aux fans des espaces verts, d'un Pink Floyd encore intègre et inséparable, aux fans de l'histoire du groupe, qui se fabriquent des ulcères pour trois remix de The Wall à 110 euros en prix nouveauté chez Virgin ou Super U.

Je n'argumenterai pas sur le fait que ce qu'on trouve ici est essentiel. Non, c'est l'histoire d'un groupe imaginatif (même si Roger Waters imitant la mouette ou le macaque sur The Pink Jungle peut laisser indifférent) capté en concert en Hollande et diffusé sur la radio VPRO (donc, excellente qualité, si vous voulez je le remasterise, un coup d'EQ et de compresseur vintage et c'est parti pour la Deluxe Edition, et je prends moins cher que James Guthrie ou Alan Parsons) à l'époque.

J'avais moi-même longtemps fantasmé sur ce projet demeuré inédit, puis je l'ai oublié, comme j'ai oublié le Floyd pendant des années. Je suis tombé dessus par hasard, Google aidant, dans l'idée de voir si vraiment ce que nous proposent ces récentes rééditions pouvaient constituer quelque chose de fantastique, comme je l'ai dit, là encore, pour le Wish You Were Here. Et le voilà donc sur mon disque dur, oh, pas en mp3 320 kbps (hé ho ! c'est un bootleg, who cares ?), entorse à la règle (double entorse : downloadé sur le site d'un dingue qui en propose quinze mille, mais c'est le seul écoutable que j'ai pu en tirer après une soirée passée sur son site déjà oublié, dites-moi merci pour votre bande passante), mais basta, et j'en tire deux constats :

1) impossible de trouver du matos bootleg correct après Dark Side of The Moon voire Meddle - donc, j'ai pas bêtement cramé mes vingt euros pour le Wish You Were Here (les bootlegs existants sont tellement pitoyables qu'on en viendrait lancer un mandat d'arrêt contre les raclures qui ont osé proposer ces trucs en CD)

2) là, ce truc, ce concert, vraiment magnifiquement repiqué, presque qualité vinyl de l'époque, dont EMI se fiche comme de son premier million de Dark Side Of The Moon vendu en 1973. Peut-être parce qu'on entend plus Rick Wright que Waters ? Affaire d'avocats ?

Alors, s'il existe sur ce blog des fans du Floyd cherchant de l'inédit, du vrai, du neuf, de l'intéressant (parce qu'encore vraiment d'avant-garde, même chiant), en voici.

Bien sûr, il faut aimer les cris du chimpanzé, les bruits de vagues lancés par le magnéto Revox pendant que le Floyd fait une pause et tout ça. Mais historiquement, ces premières versions de Cymbaline, Green Is The Colour, Grandchester Meadows, Careful With That Axe, Eugene, et d'autres trucs d'Ummagumma ou d'ailleurs déjà dispensables et qui le sont restés, ces reprises cachées de Biding My Time, A Saucerful Of Secrets, tout enchevêtrées dans une tentative de proposer un ensemble cohérent et conceptuel, c'est une petite lumière pour moi ce soir. Et je l'espère aussi, pour vous. Et puis ça n'est pas pire que 5CD de sessions de Smile (que j'ai écoutés d'affilée aujourd'hui, et on se lasse aussi de la flûte à coulisse reprise 25 fois parce que Brian Wilson n'en était pas satisfait).

Rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans les bootlegs du Floyd, mais celui-là me paraissait un contrepied intéressant à la politique dégoûtante des majors et du packaging d'aujourd'hui. Hé, les gars, on a plus besoin de vous !

En bref : c'est génial par instant (Afternoon... ah oui... euh... Biding My Time, envoyé avec classe, Gilmour qui sort là son premier solo mémorable, bluesy en diable, et à bien d'autres moments, quand même...), inventif souvent, supportable globalement (on va chercher une bière pendant qu'ils se prennent pour des chimpanzés, on revient et c'est passé, hop), pénible et dépassé certainement, mais puisque c'est un pan du groupe qu'on s'accorde à passer sous silence dans le business plan du "Floyd Remastering Project 2011", je me fais fort de rappeler que le Floyd, c'était ça aussi. Et ça avait le mérite d'être peut-être courageux. On était curieux, ouverts, à l'époque. On l'est moins aujourd'hui. La faute à qui ? à EMI ?

Careful With That Disc, Eugene...

7 commentaires:

  1. Déjà que les grosses maisons de disques ont du mal à trouver ce qui leur tend les bras, tu voudrais en plus qu'ils aillent salir leur costard mal coupé dans des endroits plein de poussière!
    Jimmy
    P.S. : élément non négligeable, tu as mal collé ton lien & on ne peut y accéder!

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  2. En tout cas ça vaut le détour, surtout avec un lien qui (maintenant) devrait fonctionner...

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  3. Inconnu! Je vais aller goûter ce que tu nous conseilles.
    Au fait, y a un "R" de trop dans le nom de la salle... ;-)

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  4. @psegpp : exract, meci. En fait, je pale tès mal le hollandais et "gebrouw" sonnait mieux que gebouw...

    encoe meci donc

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  5. Après une (très) rapide première écoute, y a l'air d'y avoir des choses effectivement très intéressantes. Thanks for the gift.

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  6. Vraiment l'impression de work in progress. Pas habitué non plus à autant de spontanéité de la part des Floyd. Un son pur, brut, des arrangements simples. J'aime. Cela me rappelle un autre bootleg, celui des Zabriskie Point Sessions.

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