J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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dimanche 5 décembre 2021

Abba : Voyage

Abba vient de sortir un nouvel album après 29 ans d'absence. C'est une raison nécessaire et suffisante pour réactiver ce blog, ne serait-ce que jusqu'à leur prochain album, non ? Même si je suis tellement rouillé que je n'arrive même plus à placer correctement cette foutue image. Tout fout le camp.

J'ai eu la flemme de relire les posts précédents, mais il est vrai qu'à priori ils n'ont rien à faire ici, les Abba. A part, peut-être, pour un obscur thème surréaliste des jeux passés de mangeurs de disques avec Jimmy - ça fait si longtemps ça aussi... Aujourd'hui, tout le monde s'en fout de nos trouvailles illégalement mais si amoureusement dispensées en bas de post - y a-t-il encore quelqu'un qui n'ait pas d'abonnement à un quelconque service de streaming ? Je ne me risquerai donc pas à proposer un lien pour le disque cité en objet : le FBI veille. Ce disque est sorti pour le fric, uniquement semble-t-il, vite disparu des circuits traditionnels que nous connaissons tous. Téléchargé chez mes amis russes le jour de sa sortie, jamais vu torrent aspiré aussi vite, il semblerait que la terre entière n'ait eu d'autre objectif ce jour-là que de récupérer cet objet. Qui à la FNAC, qui à Super U, qui sur des réseaux peu scrupuleux de la survie des artistes (rires étouffés, j'imagine les quatre nordiques inquiets de leur situation financière).

Car ils ont survécu, bordel. Si l'on réfléchit bien, ils avaient arrêté les frais par lassitude (divorces, peines de riches, que sais-je) à peu près au même moment où les Stones sont devenus définitivement un produit grand public. Un an ou deux après Start Me Up. Leur dernier classique. Depuis, on revit l'expérience Rolling Stones comme on regarde un documentaire animalier : sympa mais pas méchant, on ne risque rien devant notre télé 4K. Sinon un ennui profond qu'on se force à dissimuler derrière un "j'y étais" (Voodoo Lounge Tour 1995), "j'en suis toujours" (Hyde Park 2000-combien-déjà), "Charlie non mais moi oui" (2021 - exit Brown sugar, #metoo et tout ça).

Et Abba revient. Frais comme des harengs saurs, suédois un jour, suédois toujours. J'hésite presque à acheter le vinyle, rien que pour peser/poser l'objet sur ma platine (mais il faudrait dès lors que je trouve aussi un électrophone pour que le rituel fonctionne, la flemme donc). Et qu'en est-il ? Retour vers le futur. La guerre du golfe, le Covid, et même le SIDA et toutes ces vieilles angoisses post-abbesques effacées. Oh, bien sûr, un peu plus de piano, un peu moins de disco. Mais Bumblebee ressemble à Fernando comme une limande à une sole. Il y a même une chanson de Noël dans laquelle une des deux - Agnetha ? Frida ? J'arrive à reconnaître Paul, John, Georges ou Ringo sur un disque des Beatles, mais elles, non - nous cageole dans le sens des aiguilles du sapin, petits riens, petits cadeaux de Noël, mignon comme tout, ces petits rien. Vu le compte en banque d'Agnetha on imagine que le regard illuminé du petit fils devant un iphone 13 pro lui donne une larme à l'oeil, sans soucis du compte en banque et sans paiement en 4X gratuit via Amazon. Mais c'est la magie de Noël, et Abba c'est un peu le retour du Père Noël, du lapin de Pâques et de ses cloches, si vous voyez ce que je veux dire. On ne peut plus espérer ça à nos âges canoniques, comme on ne peut plus espérer une éradication du Covid, condamnés à nous masquer pour les trente prochaines années. Et contrairement à la problématique cumulée du réchauffement climatique, de la raréfaction des ressources naturelles et des prochaines pandémies plus trash que la gripette qui nous occupe, Abba est toujours là. Dans le grand Titanic de l'extension de la race humaine, Abba jouera "plus près de toi mon Dieu" sur le pont du navire.

Mais pour l'heure, haut les coeurs. L'album est disponible en vinyle, collector, pochette (moche) alternative, disponible à chaque coin de rue. On hésitera bien sûr à l'acheter chez son disquaire préféré. Ca fait tâche, lui qui nous connait plus pour notre passion pour Fontaines D.C. L'écouter en streaming ? Dangereux. Risques de spam pour des blender, voyages au Maroc pour pour seniors et autres méfaits de l'intelligence artificielle. A la FNAC ? Pourquoi payer plus cher ? Reste une option : le Super U de Brie-Comte-Robert. Mélangé à un pack de bière, six tranches de jambon, des Pyrénéens pour Noël, le CD se fera discret. D'après mon expertise, 14,99 € semble être le prix plancher si l'on peut se passer des cartes postales (mais qui voudrait faire savoir qu'il écoute Abba en 2021 ? Un tragique aveu d'échec de notre société - autant qu'une vibrante victoire du consumérisme déchaîné).

Je sais que ça ne vous fait pas rire, et j'en vois déjà se ruer dans la-dite supérette. Parce que ça fait du bien. Parce que rien ne nous est arrivé depuis 29 ans. Une dernière fois, on sortira une bouteille de Malibu pour se souvenir de notre adolescence - juste avant qu'on bifurque du côté de Joy Division. Le Jet27 marche aussi, je suppose.

Gavez-vous du dernier Abba, au risque de la crise de foie. Après ça, il n'y a plus rien.

9 commentaires:

  1. Hey ! Retour en (petite ?) forme. La bonne nouvelle de ce billet c'est qu'il n'y a pas de lien ce qui m'évitera de cliquer dessus accidentellement et je dis bien accidentellement, aucune chance de m'orienter vers un acte manqué dans le cas présent.
    Concernant ce come-back surprenant - en tout cas surprenant pour moi, peu au fait de l'actualité de la variété suédoise, surprenant mais pas émouvant pour deux couronnes - le cynique malpensant qui sommeille en moi me souffle que ça sent le besoin de renflouer un compte en banque mal géré et l'amour du public. A moins que ce ne soit le besoin vital d'illuminer la vie de l'humanité en ces temps troublés.
    Côté porte-monnaie, ils vont maintenant pouvoir se concentrer sur l'écriture du scénario de Mamma Mia 3 opportunément renommé "Voyage (au bout de l'enfer)"

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    1. Désolé pour le lien, pas envie d'aller en prison pour Abba (pour d'autres, oui, mais là non !). Je ne sais pas si c'est une histoire de fric (ou alors, on en a vraiment jamais assez). Mais oui, ça va financer leurs futurs concerts holographiques, dans 10 000 ans encore on pourra les voir sur scène. Plantés, les Stones, trop tard pour modéliser Charlie Watts en 3D !

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    2. Hey mais faut pas être désolé, j'en voulais pas de ce lien !

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  2. C'est émouvant le retour d'un blog, ben oui. Joli papier peu acide, davantage envie de savoir ce que tu deviens qu'ajouter du commentaire.
    Juste moi fier de mon montage sonore d'avoir rapprocher un bout de chanson du dernier ABBA avec un FELICITA d'une autre pop, comme quoi je disais que ABBA fait de la pop Italienne depuis le début?
    https://www.youtube.com/watch?v=t8W0fiykZ7k
    Comme je demandais alors quoi de neuf docteur, seulement le ABBA pour revenir faire un tour côté Blog? dans ces cas là, je t'espère une lassitude web plutôt qu'une lassitude musicale générale. Bonne suite. Antoine

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    1. Haa zut au participe passé!!

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    2. Ca fait bien plaisir de te lire. Lassitude web, oui, définitivement. Lassitude musicale, non je crois pas, quoique. La preuve, l'actualité pour moi c'est Abba. Désolé pour les petits nouveaux, m'intéressent pas trop. Bon je vais essayer de reprendre, visiblement y'a encore un peu de monde qui passe pas sa vie sur Instagram...

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  3. Tu devais être déprimé pour te lancer sur ABBA de la sorte... Contente de te lire. Tu as réusi à ne pas donner envie d'écouter le disque (faut dire qu'il ne fallait pas trop me forcer). Abba à petite dose, même si certains titres sont imparables. Tant qu'à faire, je préfère les Bee Gees...

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    1. Je l'ai trouvé triste - l'événement (ou le non événement) comme le disque : cette désespérante envie d'exister encore un peu - ou à l'inverse se refaire encore quelques millions de dollar pour s'acheter un nouveau déambulateur. Triste, et vicieux : ça marche, en fait. Et ça rend triste d'entendre ça. Ou nostalgique, bref. Bien dans l'esprit d'une planète qui crève...
      Content de te lire, aussi !

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  4. Au fait, j'ai ouvert un blog musical avec un ami:https://wordpress.com/view/lesrubriquesenvracdurock.wordpress.com

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