J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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lundi 13 décembre 2021

#22 : Brian Wilson :-At My Piano

Qu'est-ce qu'on a là ?

Objectivement, un genre de truc "J'apprends le piano, volume 2 : 2ème et 3ème années". Concentré sur les Beach Boys.

Objectivement, rien. Rien qui ne révolutionne la technique pianistique, rien que le révolutionne le milieu musical, quand bien même on peut admettre que Brian Wilson, ça n'est pas rien ni personne.

Mais voilà, Noël approche, Abba nous l'a déjà suggéré : Jurassic Parks chez vous, en streaming ou en CD (ou en vinyle, encore mieux : vendons cher les derniers bouts de plastique des trente glorieuses).

En attendant, je me le repasse, celui-là, et plutôt deux fois qu'une : pas dupe, la vieille taupe que je suis, pour autant. Que peut bien nous apporter Brian Wilson, en 2021 ? Sa résurection commence à dater (les années 2000, Pet Sounds en live puis - miracle (?) - retour et fin de l'épisode Smile, à l'époque plus d'actualité que la deuxième partie de la cinquième saison de la Casa Del Papel), et il faut bien se l'avouer, ses albums solo ben... on était au mieux contents pour lui, au pire... quoi ?

Noël approche : allo maman, comment va Papy ? - oh, en pleine forme, tu n'imagines même pas, il a jardiné et planté des fraises ! Incroyable. Comme cet album de Brian Wilson. J'ai rarement, je l'espère, été prétentieux sur ce blog, mais si - comme Brian l'explique dans les notes de pochettes, et à son image - je n'ai jamais pris de cours de piano moi non plus, je pense qu'en m'y mettant sérieusement, d'ici trois jours ou cinq, je joue You Still Believe In Me comme sur le disque, et je vous envoie un lien youtube vers mes exploits. J'ose espérer 37 vues. Et 3 like. Et lui ?

Abba n'a rien sorti pendant 29 ans, et voilà un nouveau disque, on ne compte pas le coût de l'opération (proportionnel aux recettes). Facile, ils enregistrent dans leur studio, dans lequel même Led Zeppelin est arrivé à sortir de la merde (In Through The Out Door, ou putôt - plutôt sortis par la porte d'entrée, si je peux me permettre), et dès lors facile de comptabiliser quelques millions d'euros pour les coûts de fonctionnement (oui oui dit la maison de disque, bien sûr, hein). Abba nous caresse dans le sens du poil qu'on a perdu depuis longtemps, calvitie musicale oblige.

Pourquoi je remets Abba sur le tapis ? Ben parce qu'on parle ici de song-writing, comme on dit chez les Inrocks. Et qu'à peine sorti de l'adolescence, Rock & Folk eux-mêmes faisaient d'un best-of d'Abba le disque du mois, encouragés par cet imbécile d'Elvis Costello qui leur aurait soufflé le mot. J'en profite pour vous expliquer ici, même si ça n'a rien à voir, pourquoi j'ai toujours détesté Elvis Costello depuis lors.

Et Brian Wilson ? La même chose. A ceci près qu'il ne propose aucune nouvelle chanson pouvant de loin ressembler à une ancienne chanson qui... et rien que ça, dans son cas, c'est tant mieux. Ca évite la gêne devant la chaine stéréo, du genre ah oui sympa mais... Mais aussi, papy (j'ai le droit ?) Brian, ici, nous délivre une sorte de best-of (je vomis derrière le sapin, et vous ?) enregistré en solo derrière son piano. Le son est pourri. Pas meilleur que la vidéo de tata Mireille sur Whatsapp qui filme les progrès de Chloé sur la 28ème Gymnopédie de Satie sur son iphone 13. Il nous évite aussi sa voix chevrotante, que d'aucuns ont pu trouver touchante, mais personnellement, hein, un peu de pudeur parfois... Alors quoi ?

Alors ça, ben voilà, c'est l'anti-Abba. Cet album-là a dû coûté environ 150 euros à enregistrer. Allez, j'exagère à peine et un peu - ça coûte un peu plus cher un pihone, tu sais, Chloé - Même tu le réveille la nuit, Brian, il te les joue tout pareil (c'est d'ailleurs peut-être ce qui s'est passé ?). Je serais jeune et vulgaire, je dirais dans ton cul. A jouer la nostalgie, tonton Brian et sa boite de lexomil y arrivent grave. Enfin, me concernant, je suis happé. Les arrangements sont tellement simples, la technique tellement inexistante, comme dirait le vieux Léo, il n'y a plus rien. Et il y a tout. Ferme les yeux, écoute. A chaque doigt joué sur le clavier tu entends un Beach Boy : et voilà que tout y est. Même Good Vibrations, dont on connaît les affres de l'enregistrement, ici, est balancé en même pas trois minutes : si simple au départ, si compliqué à l'arrivée? De moi à vous, quel combat. Quelle beauté. Je m'enlise, mais c'est Noël.

Ce medley de Smile... trois minutes résumant tant de choses...

Alors dans le genre cadeau inutile, en voilà un beau, mais un cadeau pas embarassant. Pas la lampe en quartz bio sensée vous refiler des bonnes ondes difficile même à fourguer chez Easy Cash Converter (ma soeur m'en avait offerte une, je m'en souviens) et dont même les migrants de Calais ne voudraient pas pour passer la nuit, pas un nouvel album (d'Abba) qu'on rangera peut-être à côté des DVD de Dora l'Exploratrice en attendant que la petite Chloé - 15 ans déjà ! - les revende dans un vide-grenier (et comprenne par là-même la valeur de l'argent, elle qui réclame un iphone 17). Bien sûr, personne ne sera dupe des photos de la pochette : mais qui voudrait de papy en fauteuil dans son cadre numérique ? Il est tellement beau sur les bords de Loire en 1962 avec sa canne et son brochet !

(NDLR : oups, il semblerait que deux versions cohabitent, y compris papy nowadays)

- Alors, dit Yahvé à Brian, c'était donc aussi simple que ça ?
- Oui, répondit Brian, et l'Eternel fut heureux.

C'est comme ça que ça aurait dû se passer. Le miracle de Noël, je veux dire.

God only knows...

8 commentaires:

  1. Je l'avais pris mais c'est ton papier qui m'a poussé à une écoute... pleine de tendresse. En fait de ton papier je pensais réagir sur Elvis Costello (qui m'a presque sauvé la vie) mais j'ai préféré écouter Monsieur Wilson en alternance avec le dernier Monsieur Young. Les compositions de Brian Wilson je les ai souvent opposé à celles des Beatles, parce que j'y ressentais une fragilité qui m'a toujours touché, parfois bien caché, rien que la reprise de David Thomas (Pere Ubu https://www.youtube.com/watch?v=aGEvVYD5Cp8) pour faire sortir ces brisures. Du coup ces mélodies jouées au Piano avec tout ce que tu en expliques techniquement apporte cette même impression. Du coup j'en suis à ma troisième écoute. Ça tombe bien je n'ai pas de piano à la maison et je ne veux pas apprendre à en jouer. Un jeu qui remplit les vides comme du Satie (Friends). Ha oui le Costello... lui aussi je pense qu'il rêve d'écrire au moins un titre à la "Warmth Of The Sun" (ou "Yesterday" ;-) )

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    1. Merci. Elvis Costello peut sauver la vie de quelqu'un ? Quel disque ? Ceci n'est pas du cynisme, juste une demande : les quelques disques que j'ai entendus, je l'ai toujours trouvé faux et superficiel - rendez-vous raté pour moi et j'aime pas les rendez-vous ratés...

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    2. Tout est une façon de parler, mais ado j'avais un peu sa tronche et son arrivée sur la scène musicale m'a permis de m'identifier un peu avant de ne plus en avoir besoin. A l'époque, avant Costello, mes potes me comparer aux boutonneux de "American Graffiti". Voilà pour mon histoire, ensuite j'ai toujours suivi le monsieur et encore maintenant. "Faux et Superficiel"? Peut-être que nous avons à faire à un artiste qui n'a pas de patte particulière - sauf sa voix qui me transporte. Il est ce genre de compositeur musicien curieux de tout, touche à tout. ouvert à un éclectisme qui n'a rien d'une posture. Il m'a entraîné vers la Country avec son "Almost Blues", la Soul, pop rock, et il continue: Quartet de cordes, Opéra, big band... une encyclopédie musicale qui est passé à la création. Comme le pense certains, l'artiste qui enchante surtout les critiques de rock. Peut-être. Plus simplement, j'aime beaucoup ce qu'il fait. Et je pardonne du coup beaucoup.

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    3. J'avais bien aimé son "Accidents Will Happen", et mettre un dessin d'éléphants sur une pochette de disque m'avait surpris/interrogé. Je me suis toujours borné à m'identifier à Dylan, pour cause d'harmonica et de bling-bling jouable même sans talent à la guitare. Alors du coup, je me pose la question : lequel des deux est le plus honnête ?

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    4. Une question que tu poses et qui trottais dans ma tête. Déjà décider de comprendre la question du moins choisir un sens qui convient pour la réponse que j'ai maintenant. Je dirais que Dylan & Costello ont au moins en commun d'attacher davantage d'importance à la musique qu'ils créaient qu'au succès public. Même si pour Dylan c'est bien au delà du succès public et pour Costello en deça.

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  2. Pour ma part, je rappellerai juste que ce disque a déjà été enregistré par Daniel Johnson il y a 4O ans... mais avec des originaux, lui. ^-^

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  3. Plus sérieusement, je sais que sa version seul au piano dans les sessions de Smile m'avait bouleversé. Francis avait d'ailleurs fait un article dessus sur notre blog.
    Concernant ses albums solo, j'ai essayé de réecouter certains il y a quelques mois. Mais je n'arrive à être emportée qu'avec ses morceaux des Beach Boys. Pourtant, j'ai l'impression que cela vient de moi dans certains cas, parce que je ne peux m'empêcher de réclamer le son d'époque. On est pas au niveau de Leonard Cohen question production, mais je me dis qu'il lui faut du monde bienveillant comme ce fut le cas pour son nouveau Smile pour nous combler.
    Mais seul au piano, peut-être... mais je crains d'être déçue avec sa voix. Dans le genre brut, piano-voix, je préfère effectivement Daniel Johnson.

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    1. Au moins pour ta crainte, il ne chante pas, il joue "seulement" de son piano. Je ne retrouve pas une émission où un musicien expliquait la particularité de ses compositions, comment un léger décalage rapport à ce qui se fait d'habitude constituait un son particulier... C'était bien mieux expliqué.

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