J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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mardi 17 mai 2016

Black Star épisode 9

Je vous souhaite la force et la tendresse.

C'était finalement tout ce que j'avais pu leur dire de vrai, avant le déballage des chansons. Mais eux, elles, ils, la foule, gueulaient trop et me regardaient me préparer, prendre la guitare. Et je leur balançais Comme Un Lego, et là enfin, ils s'apaisaient.

En même temps, moi aussi ça m'apaisait. Ces couplets convenus - j'en savais le début et la fin. Je connaissais déjà le rappel. Après, je ne voulais même pas y penser. Le retour dans la loge. Les autres qui iraient boire une bière, fumer un joint. Moi je me retrouverai avec Chloé. On parlerait. De la maladie bien sûr, de la suite du traitement. Mais il n'y avait que le lendemain qui m'intéressait. Dormir dans la voiture, arriver à Clermont-Ferrand. Sentir les lieux.

Je vous souhaite la force et la tendresse.

Et le reste n'est que roupie de sansonnet, mais c'est pour le reste qu'ils étaient là. J'aurais pu leur dire bon jour tout simplement, ou encore Bonsoir Clermont ! C'était pareil. Et puis il y eut les Victoires de la Musique. Que dire, que dire... Bientôt plus rien, alors là ? Chanter, sans doute pour la dernière fois. Tenir les cinq minutes, résident de cette république de carton. J'sais pas... J'sais pas...

Mais toute cette émotion, ces corps qui se lèvent. La foule. Elle vire, comment lui en vouloir ? Comme elle avait - à nouveau - applaudi après Osez Joséphine. La juste dose de mots joueurs, de musique acceptable, retour en terrain connu et labour en profondeur. Mais savait-elle ce que j'éprouvais à séjourner au sein d'un logiciel ?

C'est bien ça ton problème, David. Séjourner au sein d'un logiciel. Je ne m'y plais guère et je ne m'en suis jamais caché. C'est sans doute pour ça qu'il me fout la paix. Et il aura fallu qu'il(s) lise(nt) les notes de pochette des rééditions (les vautours ! on m'a jamais remasterisé de mon vivant, au moins, on m'a juste compilé - putain de logiciel), les articles, les livres, pour deviner que j'étais aussi pénible avec les auteurs. Je n'écrivais pas, car je me donnais trop. J'étais tellement moi-même, qu'il fallait bien que quelqu'un écrive mes histoires, mon histoire. Dans la langue des oiseaux. Ne pas sombrer, quand même dans la facilité, je n'étais pas le simple algorithme fonctionnel, productif et rentable qu'ils voulaient que je sois.

Là, je vois ce pauvre Manset critiquer mes interprétations de Vénus et de Comme Un Lego. Mais c'était mon boulot que d'interpréter, chante-les toi-même si ça ne te plait pas, et voyons si tu fais un disque d'or ! Evidemment, il avait claqué la porte et sorti Lego sur... quel album déjà ? Obok ? Peu importe, il en avait vendu 50 000 à tout casser. Manquaient, donc, le personnage et l'interprète.

Je te souhaite la force et la tendresse, David.

Pour te sortir d'ici. Tu me fais dire ce que je n'ai pas dit, mais au fond, c'est ce que j'ai toujours fait, alors, une fois de plus une fois de moins... Alors que toi tu as toujours été seul. Tu as été ce Major Tom dont on savait tous - poussière tu redeviendras poussière - qu'il était un junkie.

Bien à toi,

Alain.

5 commentaires:

  1. Ton évocation d'Alain (inutile de préciser lequel !) fait chaud au cœur. En plus, je suis sûr qu'il était comme ça : une âme bonne dans un corps tordu.
    C'est pas lui qui aurait laissé une dette de 500 balles derrière lui !!!!!

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  2. Yo !
    Je te lis sans commenter jusqu'ici et je me régale. Manquent juste les dessins de Peellaert...
    Mais ... (tu penses bien qu'il y a un mais !) je me dis qu'on s'approche de la fin, si c'est pas déjà fini, et regrette que Davy n'ait pas croisé le Meilleur d'entre eux, le Philosophe des philosophes, le Rebelle des rebelles, le Sage des sages, le Meilleur quoi. Enfin, le Mellor plutôt.

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  3. Cette évocation d'Alain est.... comment dire... touchante. D'une petite émotion cachée pleine de pudeur, comme l'était le personnage. Vraiment réussie. Merci pour cette parenthèse.

    Ps: Alain était assez grand pour remasteriser lui-même ses chansons. Il y a plusieurs titres dans divers compil' qui l'ont été.

    Ps 2: Je préfère me taire pour la suite pour ne pas perturber ton récit, parce que, même s'il y a du beau monde, j'ai pas envie de finir dans tout ça j'ai encore à faire ici bas... "-"

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Au début surréaliste et même kafkaïen, un peu le château... mais voici que la bouleversante tendresse pointe le bout de son nez... En fait j'aurai dû me contenter d'écrire "émouvant" mais faut toujours que j'en rajoute...
    Émouvant.

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