J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

jeudi 31 mars 2016

#178: Rubin Steiner "Weird Hits, Two Covers & A Love Song"

Ouf. Les tracas du nouveau Gégé digérés, la bile vomie une bonne fois pour toute, il est temps de parler d'un bon disque. Non pas d'une oeuvre conceptuelle à portée indélébile et définitive, non, juste d'un bon disque.

Aussi étrange que cela puisse paraître, ça n'est audiblement pas chose facile que de se lancer dans une telle aventure. L'Artiste, sitôt médiatisé, a tendance à vouloir, après un premier effort, ou une fois sa réputation acquise, transmettre le Grand Oeuvre à l'humanité toute entière. Gégé a essayé, mais force est d'avouer qu'il n'a produit qu'un pet secondaire sans portée inter-galactique. Je ne peux pas lui en vouloir, au final, c'est une démarche qui, quand elle est menée avec honnêteté est casse-gueule, et il faut du courage pour refuser de se répéter.

Lorsque l'Artiste a par contre les chevilles aussi enflées que l'index gauche de Raphael après avoir tenté de jouer un barré sur sa guitare, on sombre dans le trou noir du ridicule, et souvent on en ressort amer et fâché. Gégé once again.

Alors, dans de rares cas, on applaudit des deux mains. Je pense, au hasard, au Low de Bowie. Rien que la tête des ados épris de glam-rock en entendant la chose. Savoir que cela va être la curée pendant quelques années, avant que quelqu'un avant tout le monde ne s'aperçoive de la portée de l'oeuvre, faut en avoir dans le pantalon. Brian Wilson s'en est cramé les neurones. Certains ont réussi. Je n'aurai pas assez d'une vie pour applaudir The Magnificent Seven des Clash, ayant osé ce qu'on appelait encore maladroitement le disco à l'époque, un an à peine après London Calling et leur accès au Trône du Rock'n'roll. Mais le périple n'aura pas été une promenade des anglais sur une route pavée de bonnes intentions. Sandinista témoigne des errements, des erreurs, des tentatives avortées - courageusement toutes rapportées en vrac dans ce véritable carnet de voyage que constitue le triple album - qu'il leur aura fallu braver pour que le dancefloor succombe au flow de Strummer sur ladite chanson.

Dans de rares cas, l'immobilisme est une grande qualité et une preuve de courage. Prenez Mötörhead, le vieux Lemmy avait bien compris qu'on ne lui demandait que d'envoyer la purée, et le gars avait des sacs de patate d'avance.

Alors oui, le bon disque, sans prétentions, et sans qu'on lui reproche l'absence de prétention, est plutôt rare. Car l'auditeur, dès lors que 3-4 mesures viennent à l'ennuyer, sera prompt à reprocher à l'Artiste ce qu'il n'a pas tenté de faire : trop aventureux ? pas assez ? en avance sur son temps ? en retard d'un train ? en pilotage automatique ? trop commercial ? trop underground ?

Déjà, là, rien que le titre de l'album annonce la couleur, détaillant la galette par le menu. La chronique pourrait se résumer à cela : des machins bizarres qui envoient la purée, deux reprises et une chanson d'amour. Qui connait Rubin Steiner ? Sous ce pseudo se cache un Tourangeau peinard, branché electro mais trop excité par trop de choses pour se planquer derrière un premier succès - Drum Major en 2006 - et jouer au Daft Punk local. Le gars, à l'époque, a refusé d'aller aux Victoires de la Musique, faire allégeance au business et rentrer dans la case bon chien-chien à Universal.

Alors, dans l'album suivant, Rubin se lâche. Le petit monde de l'eletro french touch l'a déjà oublié, et lui semble s'en tamponner le moog. Et se fait plaisir. Et nous (enfin, au moins me, mais j'en connais d'autres) fait plaisir. Un bon disque. Avec toujours une prise USB dans le nez, mais aussi de la vraie guitare, de la basse, ce genre de choses. Et des chansons, simples, apétissantes, osant des jeux de mot à la limite de la niaiserie (I wanna kiss Richard and ride Charlie, ce genre de choses), mais on s'en fiche, on est pas là pour se rejouer La Mort d'Orion.

Ca fait maintenant sept ans déjà que la chose ne me lâche plus, m'a suivi sous les tropiques et revien régulièrement tournicoter dans la platine quand le temps se fait gris (une métaphore, ici) et que - tiens, par exemple - Gégé vient m'emm... avec ses élans de vanité. Et pourtant, tout ici a déjà été entendu 100 fois sinon plus. Les références sont évidentes, rien ne fera date dans le temple de l'originalité. Un peu comme le gratin dauphinois, que personne n'a jamais plus égalé depuis Ginette Mathiot, mais que tout le monde s'accordera à préférer - même mal assaisonné - à de la cuisine New Age après huit heures d'usine. Un disque pour le repos du guerrier, pour taper du pied et chanter avec le monsieur, se vider la tête, les nerfs et tout le reste. En poussant des aaah, des oooh, des waaah comme pendant le feu d'artifice du 14 juillet : ni plus, ni moins.

Dans le désordre, on pensera évidemment à la clique Chemical Brothers/Fat Boy Slim pour le côté électro, avec une touche de LCD Soundsystem qui va bien, mais aussi - en vrac et en même temps, et c'est ça qui est bien - à Can, Cure, Joy Division,.. voire même à Taxi Girl, si, si ! Les autres, je vous laisse les nommer, je ne suis ni Robert ni Larousse. It's not gonna be a hit, c'est lui qui le chante - maladroitement, avec un accent soo frenchie à couper au couteau comme un Brie de Melun - mais qui s'en soucie ? Pas lui en tout cas.

Bon, je me dois (?) d'être honnête autant qu'enthousiaste, parfois c'est vrai Rubin rame tellement vite dans la marmite des pré-cités qu'il attaque les falaises d'Etretat, ce qui fait une trotte depuis sa Touraine natale. On pourra donc doucement glousser, trouver ça maladroit. Voire pas terrible. Mais c'est ça le destin des bons disques. Ils ne le sont souvent que pour vous. Telle la fleur sauvage dans laquelle William Blake et Nick Drake voyaient un paradis, on ne peut y voir qu'un pissenlit, avec raison peut-être. On peut aussi ne pas en faire un fromage, si le ferment ne prend pas. Mais moi, personnellement, les arpèges au synthé vulgaires et trop trop trop (le garçon serait-il moqueur ? oui sans doute) de Kiss Richard, je craque. Et je me la repasse très fort, celle-là. Tout comme Another Record Story.

Un bon disque, ça vous dit ?

Hope to see you at Total heaven...

4 commentaires:

  1. Je n'ose pas te dire ce que je t'interromps pour me passer au moins les deux titres que tu proposes.
    Il faut dire que: Un jour tu as mis en avant UNE chanson des Madness, "don't you know your name" un truc comme ça, tu te souviens, ce titre ne me quitte plus. Donc nous frisons la confiance aveugle mais pas sourde.
    Bon, ce commentaire ne dit pas grand chose d'autres en fait, ha mais si... dans le titre "Another Record Story" à 1mn30, un indice simple de ce que j'écoute autour. La même note, mais le son de cette note... décelable de suite. Voilà pour la devinette.

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    1. Bien sûr que je me souviens de la chanson de Madness ! Mais là p our ta devantinette je sèche... Oui, sûr, ça me rappelle quelque chose mais quoi ? C'est un peu récurrent sur ce disque, mais c'est fait avec tellement d'humilité que c'est sympa plutôt que gonflé...

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    3. Avec le recul, ma devinette est un peu débile. Au moment de lire ton article, je m'étais fabriqué une compilation de Vangelis comme il n'y en avait pas, et j'y baignais tellement que les notes dont je te parle ont de suite fait écho. Voilà, c'est juste ça. Les oreilles fraîches, je vais voir si ça tient...2mn plus tard ... oui, bon, pauvre Vangelis, on aime ou pas, mais le réduire à un son, une note. Bon Lundi à toi.

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