J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

vendredi 16 novembre 2012

# 147 : Can "Ege Bamyasi"

... où l'on entend les Inrockuptibles hurler "Mais pourquoi pas plutôt Tago Mago, chef-d'oeuvre du groupe et patati et..."

Patata.

Parce que Ege Bamayasi.

C'est une bonne réponse, non, à une telle question aussi absurde ?

Va savoir. Ege Bamyasi, donc.

Parce que cette musique me vrille présentement la tête. Tago Mago aussi, allez-vous me dire, alors pourquoi pas...

STOOOOP !

Parce que j'en ai marre de cette notion de Krautrock, qui induit un courant marginal tentant de se dégager de l'influence blues de l'hégémonie anglo-saxonne et américaine. Parce que, de fait, on réduit cette musique à un plat qui fait péter, plein de saucisses, alors qu'il en est tout autre.

Le premier morceau devrait vous convaincre qu'il est beaucoup plus 5 fruits et légumes par jour que n'importe quel album des Allman Brothers Band. Même si ici, on fume vraisemblablement les légumes autant qu'on les mange. On en ressort le groove tribal avec maestria, bien qu'avec maladresse. Alors que le premier morceau débute, l'impression que le groupe a déjà joué 5 heures avant que d'appuyer sur la touche Rec. s'impose. L'impression que le groupe a joué jusqu'à l'épuisement, et qu'il retient sur bande le moment où les endorphines prennent le dessus, ce fameux moment rejeté sur tous les albums des Rolling Stones. Par exemple.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. J'ai récemment reécouté le Phaedra de Tangerine Dream, groupe que j'avais laissé tomber depuis que la Telecaster a remplacé dans le rêve de mes nuits le Mini-Moog qui fait poulet-pouet à tous les étages. Eh ben quelle claque, Tangerine Dream. Un jour je vous en parlerai. Mais bref.

Coincés dans le même plat de choucroute, de Krautrock donc, autrement dit les autres, Can évolue (?) dans des sphères normalement réservées aux groupes conventionnels. Eh oui, on y distingue clairement, si l'on écoute bien, de la basse, de la guitare et (surtout) de la batterie. Et des bruits de chiottes, des choses bizarres. Ecoutez-moi Soup, à l'image de la pochette, de ces okras putrides. Ca finit aussi mal que lorsque vous digérez ces infectes légumes gluants (désolé, Dr John, c'est l'infectitude du légume qu'on célèbre ici).

Hormis la liquide chanson un peu difficile, tout ici est surprenant, et vous scotche le nez devant les baffles. L'hypnotique One More Night m'en soit témoin. Economie de moyens, prêts à déraper à tout instant, j'ose la comparaison ultime : Ces gens-là avaient le même esprit que le Velvet Underground. Capables de passer du plus mignon (Sing Swan Song) au plus étonnant (Soup), balançant le même contraste que Sunday Morning/European Son sur l'album à la banane, osant malgré l'approximatif l'émotion puissance grande E (Vitamine C), et claquant la porte cinq minutes après quitte à pourrir le-dit morceau avec des bruitages très musique concrète dont je ne doute pas qu'ils furent ravis.

Soup, le Grand Oeuvre, finit véritablement n'importe comment. Et ce ne sont pas des choux frisés qui permettront de suivre le groupe durant sa tragédie de 10 minutes, même si elle commence très rock. Cela finit véritablement en macédoine, dans laquelle on y verse le bébé, l'eau du bain, du pastis, trois-quatre parpaings, un dé à coudre et cinq ratons-laveurs. Vous me suivez ? Menteurs ! Personne ne peut suivre ça. On ne peut que se retrouver éberlués lorsque I'm So Green vous rapatrie rapidement sur terre.

Spoon, le tube, clôture l'album, avec sa boite à rythmes, son synthé bizarre, sa guitare sèche (?), et en quelques trois-quatre minutes, nos amis sans doute atomisés par quelque substance autre que la choucroute dessinent sans le savoir l'electro de nos belles années.

Celle qui fait qu'ils seront si souvent cités comme référence par des artistes si peu inspirés qu'on se demandera s'ils ont jamais réussi à écouter ce disque plus que cinq minutes d'affilée. Mais nous vivons à l'heure des press-books, et il apparaît évident que citer Can offre une belle légitimité, une belle influence. Il faut du courage pour se plonger dans cette boîte de conserve (et de fait conservée). Nul doute que ceux qui s'en réclament ont la voix facile : on les croira sur parole.

Alors vous qui n'êtes pas comme eux, trouvez-vous un décapsuleur et écoutez-moi ça. Moi, je me le remets. Ce soir j'ai besoin de péter un câble et d'aller ailleurs. Je n'ai que deux manières d'y arriver : le Rock Bottom de Robert Wyatt, et Can. Et quand il faut aller vite, le concentré de folie contenu dans Ege Bamayasi remplace allègrement l'overdose de Tago Mago. Ce soir, donc, c'est cool, on reste sérieux, on ne prend qu'une petite dose.

Vous auriez un radis pour allumer ma carotte ?

Oups, pardon, c'est l'effet Soup...

7 commentaires:

  1. Eh! Pourquoi pas TAGOMAGO??!!

    Je déconne, Tago Mago est un chef d'oeuvre, mais c'est l'arbre qui cache la forêt. Il est super ce Ege Bamyasi, tout comme Monster Movie au mon préféré (et oui!) Future Days... que j'ai d'ailleurs chroniqué chez moi. Les 5 ou 6 premiers albums de Can sont tous très bons, avec des grosses variations de styles entre les périodes Mooney et Suzuki.

    C'est vrai que beaucoup d'artistes cite Can, comme LA référence qui donne de la légitimité aux errances peu inspirées. Je ne sais pas si tu as entendu le groupe !!!, mais il y a du Can dedans. Un Can qui aurait digéré 20 ans d'electro et de hip hop. Je te conseille l'album de 2007 "Myth Takes".

    RépondreSupprimer
  2. ça fait un moment qui tu nous faisait le "Teaser" de ce disque...

    RépondreSupprimer
  3. Heureusement que tu postes du Dave et du jenesaisplusquoi, sinon, nous aurions trop de goûts en commun! "Ege Bamyasi" est également mon préféré. Quand je suis d'humeur à péter un câble, j'adore écouter: "I'm so green" en boucle - quasiment jusqu'à l'évanouissement!
    Question technique: est-ce la dernière réédition?
    Question subsidiaire; aurons-nous droit à un lien sur Cadillac Sky?
    Jimmy

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Salut Jimmy, c'est le SACD de 2006
      Pour Cadillac Sky, je suis honteux, je l'écoute sur itunes depuis... pfff... et je viens de me rendre compte que c'est de la petite bitrate.... bientôt, bientôt...

      Supprimer
    2. Très bonne les rééditions sacd de 2006, j'ai aussi "Monster Movie" comme ça et bien "Tago Mago". Quelqu'un a entendu la dernière version avec le bonus disc? Utile?

      Supprimer
  4. Encore une chronique qui tue à propos d'un chef d'oeuvre d'un des groupes majeurs du rock au sens (très) large ! Quant à Tangerine Dream, je n'ai pas encore osez m'y ré-attaquer après m'y être bien adonné lors de mon adolescence...

    RépondreSupprimer
  5. Je vais prendre, je n'ai qu'une très vieille version. Merci.
    J'avais oublié: très bien vue le parallèle avec le Velvet.
    Jimmy

    RépondreSupprimer