J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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samedi 21 janvier 2012

#111: Warren Zevon "Bad Luck Streak In Dancing School"

Bruce Springsteen a eu de la chance. Il le sait. A l'époque de la sortie de son 2ème album, plutôt bancal, Elliot Murphy balança Aquashow. Hmm... Le match paraissait perdu d'avance, et pourtant... Il flippa une deuxième fois quand, juste avant de sortir son Darkness In The Edge Of Town, le même Elliot tenta le tout pour le tout avec l'immense Just A Story From America. Mais non. Allez savoir, le monde avait choisi Bruce Springsteen. Qui, bon prince, n'avait de cesse d'inviter Elliot Murphy sur scène pour lui rendre la monnaie de sa pièce, et tenter d'expliquer à la foule que ce gars-là avait du génie. Mais la foule répondait Bruuuce ! Bruuuce !

Pareil pour Warren Zevon. Un bon pote à Bruce. Un gars capable d'écrire de sacrées chansons. Multi-instrumentiste, touche-à-tout de génie. Qui avait roulé sa bosse durant les années 70 en accompagnant les Everly Brothers, sorti 2-3 disques sans grandes conséquences, avec, quand même, un tube. Werevolves Of London. De quoi laisser la maison de disque parier encore un coup sur le gaillard. Bad Luck Streak In Dancing School profitera d'une production clinquante, de la présence de membres des Eagles (aïe !), tout pour tenter le carton. Alors Bruce est allé jouer de la guitare sur Jeannie Needs A Shooter. Chanson terrible, ou l'amoureux transi se fait dessouder par sa copine et son père. Un coup de feu, il s'écroule, et voit les deux ombres s'enfuir. Fin du morceau. Flop de l'album.

On imagine très bien la scène :

- Alors donc c'est vous, Warren Zoven ?
- Zevon, Warren Zevon, M'sieur
- Oui ben, Neptune Jim ou Saturn Joe, ça vendra mieux, hein !
- Non m'sieur, moi je m'appelle Warren Zevon
- OK, et ça parle de quoi vos chansons
- J'en ai une, là, sur l'ennui des cul-terreux dans la cambrousse et...
- OK, OK, on va essayer, Bruce m'a parlé de vous. Mais attention, hein, je veux que ça sonne moderne !

La pochette est un régal : on y voit le gars un peu flouté (vu sa tête de fonctionnaire du Ministère des Finances, c'est mieux) au milieu de belles donzelles en plein cours de danse. Au verso, un flingue, des douilles au milieu d'une paire de ballerines. On imagine la scène d'ici... Pas net le gars. Pas nettes non plus les chansons. Textes effrayants, cyniques, sans appel, tiens, prenons Play It All Night Long. Un titre comme ça, Tom Petty t'en fait une balade qui grimpe au top ten avant même qu'on ait eu le temps de l'écouter. Ben chez Warren Zevon, ça donne ça : Grandpa pissed his pants again, He don't give a damn. Ce genre de choses. Sweet Home Alabama, play that dead band song... Tout ça pour finir sur un There ain't much in country living, Sweat, piss, jizz and blood. Ca, c'était pour le mythe du retour à la campagne. Et le reste est à l'avenant.

Alors évidemment, dans la bouche d'un Johnny Rotten, ça pouvait passer, à l'époque. Mais allez vendre du classic rock avec des textes pareils... Et c'est tout le problème. On sent qu'on a tout misé pour faire passer la pilule. Grosses guitares, caisse claire conforme à celle qui pourrira les années 80, tendance FM et compagnie. Heureusement, les chansons sont d'un tel calibre qu'on arrive à passer outre. Des mélodies imparables, des idées en-veux-tu-en-voilà, mais pas la belle gueule, des idées de cinglé, un penchant pour l'alcool et la dope, exit Warren Zevon.

...

La suite ne sera qu'une longue traversée du désert (pourtant bien peuplé de génies oubliés), même si des gens comme Dylan pourtant peu porté sur les compliments et la reconnaissance de ses pairs, le reprendront fréquemment en concert, notamment au début des années 2000 quand tout ira mal.

Lorsqu'il apprendra qu'il est atteint d'un cancer des poumons, Warren Zevon se fendra d'un dernier (forcément) album, superbe, The Wind. Toujours avec les potes (Springsteen, Emmylou Harris, T-Bone Burnett, etc.). Définitivement dans l'indifférence. Juste pour vous dire la carrure du Monsieur, il trouve dans la maladie encore la force d'être d'un cynisme difficilement supportable, en reprenant rien moins que Knockin' On Heaven's Door. Du cran, je vous dis.

Toujours est-il que c'est ce Bad Luck Streak In Dancing School que j'ai envie de retenir du bonhomme. L'album où tout semblait encore possible. La suite est trop triste.

It's the Wild Age

7 commentaires:

  1. Hi Jeepeedee,

    Il y avait déjà une bonne raison à ce que tu n'arrêtes pas : la qualité et l'originalité de tes chroniques. Unanimité sur le sujet!

    En voilà une autre tout aussi excellente : nous faire (re)découvrir des artistes et des albums injustement sous-estimés ou pire encore totalement oubliés.

    Et le Waren Zevon, on peut dire que je suis passé à côté ( tout juste ai-je le souvenir ancien d'une pochette avec un gros plan sur son visage , lunettes et boucles blondes.....)

    merci pour la découverte
    Bien à toi
    Echiré79

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  2. Hi Jeepeedee :)

    Thanks, good choice!
    Warren Zevon est un singer-songwriter totalement sous-estimé. Il faut dire aussi qu'il ne s'était pas fait que des amis dans le monde du show-bizz, qu'il avait en horreur, et pour qui il ne manquait pas une occasion de se moquer avec son humour noir et son cynisme habituels.
    Pour ceux qui veulent approfondir le sujet, je me permets de conseiller une excellente compil, disponible ici:
    http://laspikedelycmusic.bloguez.com/laspikedelycmusic/930566/Warren-Zevon-I-39-ll-Sleep-When-I-39-m-Dead-An-Anthology-1996-320

    hihihi

    Lyc

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  3. Excellent choix pour un retour gagnant, le gars était presque aussi cynique que le chanteur des Cowboys Etanches!
    Jimmy

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  4. @Echiré : merci. on reprend le taff.
    @Lyc : il me semblait pourtant avoir fouillé ton blog de fond en comble. Comment j'ai pu raté ça ? J'ai longtemps hésité avec ma compile Rhino (1CD, petit joueur), ton lien est donc bien vu et bienvenu !
    @Jimmy : Vilain flatteur, va !

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  5. Tiens en te relisant et en croisant avec d'autres lectures, je constate que ton album me fait bien envie... Si tu as l'occasion de refaire le lien.. Je repasserai.
    Ma médiathèque de la KAPITAL a pas grand chose de lui en fait.
    Bon en attendant, je me fais plaisir tout de même: "Excitable Boy" un classique mais tellement sympa A+

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  6. Belle chronique, je vais fouiner sur le net pour me dégoter le vinyle ou le cd. Merci

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  7. trouvé sur le net en 256k

    http://www.filefactory.com/file/af05984/n/Warren_Zevon_-_Bad_Luck_Streak_In_Dancing_School_1980_.rar

    cap

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