L'heure est grave. Jimmy et Mister Moods ont dévoilé leur secret de polichinelle : poster des albums incroyables pour devenir maîtres du monde. Et ils n'en sont pas loin. Je me demande parfois si Mister Moods ne détient pas John Zorn dans sa cave, qu'il le fouette chaque jour pour qu'il sorte un album qu'il puisse chroniquer. Je me demande parfois si Jimmy ne lit pas dans mes pensées ou - informatiquement et plus prosaïquement - dans mon disque dur, parce qu'il tape juste à tous les coups. Parfois, heureusement, il balance du jazz qui ne m'intéresse guère. Ca me permet de dire bonjour à ma fille, de demander des nouvelles à mon épouse : Alors, chérie, ça c'est bien passé ton boulot depuis le mois dernier ? Ah, tu en as changé il y a trois mois, c'est super, ça !
Moi, c'est différent... Je défends bec et ongles le nouveau Dylan, qu'ont déjà défendu Rolling Stone, le Times et autres mais contre un bakchich sonnant et trébuchant. Certains d'entre vous me répondent qu'ils ont aimé alors qu'ils ne l'auraient pas écouté, et peut-être un ou deux d'entre eux vont-ils même l'acheter... et je n'attends même pas les remerciements de Sony Music. Je défends Alexis HK contre vents et marées, au risque d'ennuyer la blogosphère hermétique par mon radotage, j'ai même posté un album de Saez et Murat. Mon post le plus lu, ou presque, c'est celui sur Dave. Ou Les Cowboys Etanches, à égalité. Mes propres chansons attirent donc le public de Dave. Si je craignais pas les avances pédophiles, j'en viendrais presque à monter un fan-club de Chantal Goya.
Mais bon, la blogosphère est cruelle, et je suis résistant. La pitance, ici, est parfois maigre, et le clic passionné et rageur très rare. Et c'est pas ce soir que ça va changer.
En pleine période punk, François Béranger sortait un double-album en public aux relents jazz-rock imbuvables pour l'époque, et peut-être même pour ses adeptes lorgnant plus sur la cancoillotte que sur les amphétamines. Eh ben j'y peux rien, non seulement j'aime François Béranger, mais en plus c'est mon disque préféré. Mon seul regret, c'est qu'il n'y reprenne pas Département 26, une des plus belles chansons du monde.
François Béranger avait tout pour plaire, à la base. Il chantait comme un fonctionnaire des impôts, partait bille en tête dans des textes rebelles et malheureusement datés, mais bon sang, il y avait une petite lumière qui brillait en lui. Celle de la foi en ce qu'il faisait, incorruptible face au succès qu'il aurait pu capitaliser (Chanson à Danser ici présent, balancé d'entrée comme ça c'est fait, Mamadou M'a Dit, Canal 17, Natacha ici un peu bâclée par un synthé affreux, etc.). Parce que oui, dans ma prime jeunesse transistorisée sur le hit-parade d'André Torrent, il y a eu trois trucs qui m'ont autant impressionné que Gérard Lenorman et Stone & Charden : le Mc Cartney de Mrs Vanderbilt, le Dylan de Hurricane, et la Chanson à Danser de Béranger. Mais je m'égare, la foi, disais-je donc, de Béranger.
Oh, y'en aura bien un qui saura récolter les fruits de tout ça. Renaud. Avec une telle voracité qu'on a aujourd'hui oublié qu'il n'était pas le premier à balancer des chansons sociales rigolotes façon Laisse Béton ou Hexagone. La Tranche De Vie de Béranger est bien mieux troussée. Et sa voix de Poulbot, dans l'esprit, c'est la même que celle de Béranger. Mais Béranger y croyait vraiment. Tellement, que ça fait peine (Magouille Blues... hmm...). Prêt à gueuler sa rage dans n'importe quelle MJC. Comme un Glenmor que j'ai vu à la fin de sa vie jouer sur une camionnette aménagée en plein Centre Bretagne avec une bande son déplorable. Remarquez, j'ai aussi vu Michel Delpech faire ça sur un stand du Crédit Agricole. Ca compense.
Ici, tout n'est qu'honnêteté, foi, passion, et la guitare de Jean-Pierre Alarcen (remember ?) derrière a dû vriller les oreilles des représentants du Parti Communiste plus prompts à couiner Potemkine ! Potemkine ! des barbus éleveurs de chèvres et joueurs de dulcimer ainsi que des membres de l'association "Le Breton à l'Ecole" ayant son siège social à Roubaix-Tourcoing. Un peu, un tout petit peu comme Dylan à Newport avec sa guitare électrique. Sa Tranche De Vie initialement folkeuse/bluegrass est ici jouée carrément électrique, downtempo comme diraient mes amis des Inrockuptibles (présents au concert à l'âge de 3 ans avec leurs parents vivant alors en communauté dans le Larzac et pleurant parce qu'ils n'avaient pas eu droit à un Orangina à l'entr'acte) et ma foi gagne en intensité.
Et puis, il y a Le Monument Aux Oiseaux. Béranger, quand il se faisait poète, comme Dylan, était touché par la grâce. Ici inondée de Rhodes ou de Wurlitzer, jamais je ne m'en remettrai de celle-là. J'en ai encore des frissons au moment même ou j'écris. Sais pas pourquoi, c'est comme ça. Et pourtant, à des heures tardives et arrosées, quand il me prend l'idée de la brailler à la guitare, j'en prends plein la gueule. Aah Jeepee, ton côté fleur bleue ouarf ouarf !!!
Peut-être, sans doute, c'est sûr. J'assume.
J'assume le côté ringard de cette tripotée de franchouillards qui jouent sur le disque, maladroitement, cet accompagnement jazz-pop normalement imbuvable, j'assume tout, même quand ça dérappe comme dans une réunion Tupperware pour vendre des pendules à des quarantenaires en mal d'ésotérisme à trois balle (...Peut-être en y croyant encore / Vais-je m'envoler très loin de mon corps...). Merde, flûte, et encore une fois, ces choses étaient possibles, et le public applaudissait. Et une major sortait le truc. Et Harmonia Mundi a osé rééditer tout ça, oh, bien discrètement, il y a quelques années. Bien sûr que la moitié, voire les 3/4 de l'album prêtent aujourd'hui à sourire. Trop d'honnêteté, ça interdit le panthéon. On oublie Willie Dixon, on retient Led Zeppelin. Mais Renaud, entre deux pastis, a dû se les faire livrer discrètement. Et pleurer dans son verre sur son soi-disant talent volé sans vergogne à un François Béranger mort dans une indifférence crasse, comme d'ailleurs Michel Corringe dont il va falloir que j'ose vous parler un de ces quatre, n'ayant plus peur de rien.
Je ne serai pas le Maître du Monde, mais je tirerais bien beaucoup de fierté si parmi les 134 000 pages consultées sur ce blog, il y avait un humain attisé par la curiosité qui découvrirait tout ça ici. Quitte à ce que, même les robots de Google se fendent la gueule face à tant de ringardise.
J'assume tout.
Je suis le Napoléon de la blogosphère.
Manifeste ?
T'es un fou Djeed... suis fana de Beranger...et plus encore du lyonnais MICHEL CORRINGE!!! si Manset swinguait "Y'a une route".. Corringe lui la revendiquait... LA ROUTE 1970..puis plein de d'autre disk... t'en as encore beaucoup des commes ça ???
RépondreSupprimerFaut qu'on parle... faut que je te dise JACQUES BERTIN ???? JEAN VASCA.... ??? des mecs qu'on la gueule de Ferré, ou du moins la vénère, et qui se sont noyé..ou se noient. J'écouté Escudero 71 ("west malone") et un vieux Mouloudji ce soir... j'embraye CORRINGE et BERANGER;
Je confirme que le baistophe de Corringe est proche de la perfection ! Avis aux amateurs... Pour ce qui est de Bertin, si quelqu'un a des liens, je suis preneur... Je n'ai qu'un vinyle qui est quasi-inécoutable mais qui promet pourtant de bien beaux moments...
SupprimerHi Jeepee,
SupprimerSuite ton message, je pense avoir tous les Bertin ( vinyles,cassettes,CD, fichiers MP3) pas tous encore sur mon DD et certains pas de première fraicheur!
Trés difficile de trouver des liens sur la toile mais si tu as Dropbox ce sera avec plaisir que je partagerai avec toi. (ou d'autres, bien entendu!)
Je viens de penser qu'étant presque voisins, je peux aussi de te les passer puisque tu es un pro de l'encodage de qualité ( en suis toujours pas revenu de ton travail superbe sur les Manset!)
Ps : Ai 3 Corringe : "A suivre" " Phoenix" "Laissez nous vivre"
Bon WE
merdeuuuuuu "venez à moi les paumés".... tu m'as niqué ma nuit..je vais tout passer en boucle.
RépondreSupprimerCorringe...tu m'as tué là :DD
Je me souviens très bien avoir vu François Béranger en 77 dans le petit gymnase du cec de la bonne ville de Yerres. Il étais très apprécier par beaucoup de jeunes de cette époque. Pour ma part j'ai tout c'est vinyle, et j'ai pas honte!
RépondreSupprimerA+
Lyoko
Assume Jeepeedee, assume et enchante nous encore avec tes chroniques lumineuses : encore du Beranger, du Corringe, du David McNeil, du JP Verdier et aussi Abrial, Zacha, Ribeiro & Alpes, Bea Tristan....et tant d'autres oubliés ou presque.
RépondreSupprimerJe partage aussi avec Charlu une passion pour Jacques Bertin...et ses potes: Vasca, Elbaz, Brua et Juvin ( la bande des cinq, comme ils se nommaient! enterrés vivants par le show-biz)
Bertin et Vasca continuent, vaille que vaille, à sortir des disques autoproduits et à tourner dans de petites structures. Les autres nous ont malheureusement quittés.
Echiré79
Et puis tu es et restera celui qui m'a offert tous les Yves Simon pour reconstituer ma discographie.....Chapeau bas!
Sacré souvenir ravivé: une discussion à la sortie d'un concert avec François Béranger (jeune, avec sa queue de cheval) et les autres, de tout et de rien, de lui, de nous, du monde tel qu'il était et du monde tel qu'on le désirait, la bière devait être bonne, sans doute, salut, même pas pensé à un autographe, je m'en fichais.
RépondreSupprimerEncore merci pour ton texte de présentation.
La gueule de bois mes amis ... j'ai révé d'éternelles chutes de feuilles, de Rachel !!!! ou peut être je dormais pas ?? :D
RépondreSupprimerMerci à tous ! un florilège d'encouragements ! Oui, Jimmy, il m'en manque, des Béranger, je dois en avoir deux autres que j'avais réussi à trouver lors de la salve de rééditions, mais c'est tout...
RépondreSupprimertu veux du Corringe ??
RépondreSupprimerOuiii ! (voir le post suivant ;o) )
SupprimerMerci enfin mon mari sorgual prend en compte mes goûts musicaux puisque ses copains du net s'y interressent . C'est difficile de ne pas être touché par François Béranger ;pour moi , c'est un peu comme une photo de Depardon ,qui sait si bien raconter la vie des gens simples .
RépondreSupprimerA quand Julos Beaucarne, Henri Tachan ?
Véronique
.... vraiment ce billet Beranger déclanche des noms terribles// j'ai tout ressorti, et justement du Beaucarne... "de mémoire de rose" !! :DD.. et gros fan de Tachan aussi... autre que la ptite à pépé avant qu'il ne la casse !!
RépondreSupprimerrholàlàlà Corringe et Bérangber ! un week-end de pluie automnal ! merci :)
RépondreSupprimerFormidable chronique...
RépondreSupprimerBeranger, mon père écoutait ses disques qu'il avait enregistré à l'époque sur un magnétophone à bandes phillips.
Il mettait en route l'appareil et on en avait pour des heures.
Lui en véritable soixante huitard des manifs des rues s'accrochait aux paroles, moi en ado à volonté rebelle rock j'étais à fond dans ce mec car pour une fois, derrière les paroles il y avait... de la musique !
Merci du post toujours au texte qui accroche ton lecteur.
A +
Ces soirs là, à Saint Denis, ils (c'était Béranger & Alarcen) jouaient aussi "Prisons" et "Paris Lumière" et ces versions étaient ENORMES. François savait pourquoi il ne fallait pas les éditer.
RépondreSupprimerAprès une autre série de concerts, quelques mois plus tard à l'Elysée Montmartre, Jean-Pierre Alarcen a prit ses guitares et synthés...
Jean-Paul