J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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mercredi 22 mai 2013

#167 : Iron Maiden "The Final Frontier"

Tiens, ce soir je suis retourné faire un tour du côté de mon blog, revoir mes premiers amours etc. Un bout de temps que j'étais pas venu voir si mon coloc' avait changé la tapisserie. Le bougre est hyper-actif, et disserte mazette sur des sujets brûlants tant la passion les enflamme rapidement. Tenez, si par exemple je vous dis que je n'arrive pas à écouter un Bowie en entier sans m'ennuyer au mieux et sans que ça m'énerve au pire (raah le live at Santa Monica, qu'il est pénible !), je gagne 17 commentaires, je perds 25 abonnés et Jimmy de rage balance l'intégrale du Velvet pendant que le Zornophage va tenter de m'expliquer que si si Bowie c'est génial et que Keith va se fendre la poire parce que du moment que ça se castagne y'a du spectacle et c'est très bien. Rassurez-vous, Bowie, je disais ça comme ça, hein. J'aime bien Ziggy Stardust. Mais moins que Goodbye Yellow Brick Road.

De toute façon, je ne sais pas ce qui m'arrive ces derniers temps. Ma passion pour le brutal ne cesse pas, j'ai même écouté quatre chansons de Slayer samedi dernier. Ca fait énormément de bruit, on a du mal à se raccrocher à quelque chose sinon à la double grosse caisse de la batterie, mais c'est très bien comme ça. Ca m'a rappelé que, quand j'étais petit, je trouvais les groupes de hard dangereux. C'est vrai quoi ! Y'avait cette excitation, en attendant que le sillon vienne percuter la glotte à Robert Plant et que Jimmy Page la lui ferme quelques mesures plus tard dans Black Dog, y'avait dans le Child In Time de Deep Purple cette assurance que ce slow libidineux se terminerait mal, que Gillan se mettrait à brailler et que le reste du groupe se mette enfin au boulot. DAN-GE-REUX ! Et bon dieu que c'était bon ! Tenez, Mötörhead, rien que la tronche à Lemmy, ça ne pouvait pas, ça ne voulait pas et ça n'allait pas finir en post-punk mélodique teinté d'influences dub comme à peu près tout et n'importe quoi au début des années 1980. Non, ils ne sortiraient pas d'album punk produit par Eno. Et ça, quand on boutonne et que face à une telle turgescence on se demande de quoi demain sera fait si maman oublie de passer à la pharmacie, c'est quelque part un peu rassurant. Lemmy ne ressemblerait JAMAIS à votre prof d'histoire géo, et réciproquement.

Alors que Bowie, merde, regardez-moi cette tronche d'agrégé en danse contemporaine, quand même !

Mais quand même, Lemmy ressemblait à quelque chose. Contrairement à la mascotte d'Iron Maiden. La bestiole avait une telle tronche que non, franchement, même à quatorze ans, ça ne faisait pas sérieux.  OK, la pochette de King Crimson, ou le No Mean City de Nazareth, y'avait aussi des sales bêtes dessus, mais le premier c'était même pas du hard et le deuxième c'était nul. Sans déconner, jouer à la poupée à quatorze ans ça le fait pas. Y'a bien eu Run To The Hill, impossible de passer à côté, mais franchement, c'était pas sérieux. Angus Young, déjà, était ridicule mais à côté de la Bestiole il passait pour Bowie, genre. Et puis pour des raisons tout à fait personnelles je détesterai toujours The Number Of The Beast. On devrait interdire aux adolescents canadiens de venir en France et de se mettre à draguer des filles, là, comme ça, alors que d'autres bons citoyens français avaient déjà mis le grappin dessus. Bon, ok, on va me traiter de raciste, alors tout simplement, il faudrait interdire aux jeunes canadiens écoutant Iron Maiden (et notamment The Number Of The Beast) de venir en France. Je serais peut-être pas là aujourd'hui si Mitterand avait su prendre des mesures courageuses !

Je serais peut-être pas là à chroniquer le dernier album d'Iron Maiden.

Ce blog n'aurait jamais existé, je n'aurais pas eu ma petite crise existentielle et je n'aurais jamais emprunté un disque d'Iron Maiden à la médiathèque, car je n'aurais peut-être jamais attendu 47 ans pour tomber dans le hard/metal/machin et ne plus en sortir alors que paraît l'intégrale des musiques de Legrand pour Jacques Demy et que je n'ai même pas encore re-écouté Les Parapluies de Cherbourg.

Et pourtant, l'expérience est fascinante, même si je vous écris dans un silence monacal. Je ne sais pas si le silence qui suit un album d'Iron Maiden est encore d'Iron Maiden, mais, le cas échéant, on aurait vivement envie qu'ils sortent rapidement un nouveau disque car sans quoi cela serait très pénible que d'avoir à subir longtemps leur silence. Je sais, cela verse dans la mécanique quantique, mais je vous assure que l'expérience est saisissante.

Imaginez donc quelqu'un, un gros monstre comme Eddy par exemple, que vous ignorez depuis, allez, trente-cing ans, mais qui semble habiter à côté de chez vous. Vu sa tronche, impossible de le rater, sans pour autant lui adresser la parole. Vas-y donc (puisque vous l'aurez compris, c'est de Maiden que je parle), que je te sorte des Somewhere In Time, Seven Son Of The Seventh Son et autres je-ne-sais quoi, avec la même marionnette grimée en sphinx, en machin, en truc, bref, les années passent et Iron Maiden défendent fièrement le rayon culture du Super U de Brie-Comte-Robert contre vents et marées (même si, les marées, à Brie-Comte-Robert, enfin bref...).

Et puis un jour, vous vous arrêtez et vous prenez le temps de discuter avec l'étranger : Alors, comment ça va depuis tout ce temps, tu as fait quoi toi ? Parce que vous, vous en avez fait, des trucs, vous êtes passé de Motorhead à Bowie, vous avez mis plus de trente ans à ne plus haïr les canadiens, enfin bref, des trucs pas simples qui témoignent de votre évolution et de votre début de sagesse. Et là, le monsieur - ou la dame, hein, qu'importe - vous répond : ben, du heavy metal, pourquoi ?

Euh... ben parce que à 55 ans, on a plus peur des grosses bêtes, on en veut moins aux bourgeois et on supporte moins le bruit, non ?

Alors voilà donc, quelle expérience unique que d'écouter le dernier Iron Maiden qui date malgré tout de 2010 et qui, s'appelant The Final Frontier m'inquiète un peu : serait-ce le dernier des derniers ? Mon voisin de palier déménagerait-il ? Pouvez-vous seulement imaginer la tempête que cela ferait naître dans mon crâne ? Non, non, attendez monsieur, euh... comment déjà ? Allez, racontez-moi tout ça, hein, partez pas !

Bref donc, quid d'Iron Maiden en 2010 ? C'est hallucinant. C'est évidemment bien produit, bien lustré. C'est même charmant comme tout. Comme une location à l'Ile de Ré proposée sur le Bon Coin. Rassurant comme un discours de Philippe Manoeuvre à propos des Rolling Stones. Tenez, si je vous dis que When The Wild Wind Blows commence par trente secondes de "vent" joué au synthé, comme à la belle époque de Tangerine Dream, vous me croyez pas ? Ben si, ils osent. Même qu'il y a aussi du vent au début de Isle Of Avalon, mais pas longtemps. Des fois qu'on leur dise que c'est pas bien de véhiculer l'image de pays celtes brumeux, rapport aux touristes, ils préfèrent continuer comme si c'était un morceau de Cure de 1987, ce qui n'est pas une meilleure idée d'ailleurs. C'est sûr que ça fait peur. Alors comme le climat se veut angoissant et qu'il y a plus de six minutes à tirer, c'est peut-être une pas si mauvaise idée que ça.

Car oui, ce dernier album d'Iron Maiden est paraît-il déroutant. En effet, tiens, sur Avalon machin, ça commence à castagner qu'au bout de 3 minutes. Et encore, mollement. Comme du Toto reprenant Killing Joke, un peu. Et c'est pareil pour le reste : le premier morceau commence - effectivement, comme je l'ai lu dans Rock & Folk - comme un morceau de space rock. Et, c'est étonnant, ça ne l'empêche pas d'être très mauvais. Puisque je dis mauvais, il faut impérativement que je vous précise l'influence progressive majeure sur tout l'album. Entendez par là qu'au lieu de bastonner pendant quatre minutes réglementaires, ce à partir de la plage 6 (allez savoir pourquoi), tous les morceaux démarrent par deux minutes de ballade, un coup celtique, un coup médiévale, et je suis certain que si le scandale des lasagne au cheval s'était déroulé en 2010, ils auraient rajouté un peu de mandoline napolitaine.

Mais le plus drôle, et le plus impressionnant, c'est le titre (et donc, a priori, les thèmes) des chansons : El Dorado, The Alchemist, The Talisman, Mother Of Mercy... Non sans blague, on se demande, avec une telle créativité, comment ils ont fait pour sortir auparavant quatorze autres albums studio avec je pense des chansons qui avaient des titres aussi, sans doute aussi imaginatifs... chapeau, non ?!!

Ecoutant les doux arpèges de The Man Who Would Be King, il est temps de conclure : dans 2 minutes 23 ça va être le barouf à nouveau, et il se fait tard, je voudrais pas réveiller la petite. Ce disque est une merveille. Face à l'angoisse du temps qui passe, c'est un condensé de certitudes qui viennent là vous chanter que non, vous n'avez pas raté votre vie. Vous avez pu passer à côté de trente ans d'Iron Maiden et ne rien rater, ne rien manquer. The Final Frontier vous le prouve. Vous pouvez toujours vous lancer des défis : écrire la chronique la plus longue du blog sur un disque dont vous n'avez que foutre ou même lire la-dite chronique avec pourtant les mêmes sentiments, et surtout, peut-être, surtout, vous dire, après tout ce temps, que oui, les canadiens ont mauvais goût et qu'ils sont sans doute moins beaux que vous.

Ca, après 15 ans de psychanalyse, ça n'a pas de prix.

El Dorado ?

6 commentaires:

  1. Comment je ne suis pas d'accord avec toi !!!
    Sans dec' tu m'as quand même bien fait rire mais je sens que Keith, de retour de congés bientôt, risque de faire un détour pour te réduire les rotules en crumble. ^_^
    Allez, pour la peine je t'impose trois Rotting Christ et un Impaled Nazarene, na ! ;-P

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    1. Pour moi FF est le meilleur depuis Blood Brothers qui était le meilleur depuis 7th Son. Un bon cru.

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  2. Allez, quoi, il est mou du genou, non ? Enfin bon, quitte à faire dans le mou du genou je préfère le dernier Deep Purple...

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    1. Et si tu veux du pas mou du genou, tu vas chez Till et tu prends le Ceramic Dog ! ;-)

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  3. Tujdjou... ça c'est de la chronique qui déménage !!! Et en plus, je suis entièrement d'accord avec toi concernant la qualité de ce disque. Ça fait déjà des années que les "Maidens" teintent leur Metal de sonorités progressives. Ils ne referont plus jamais de "Killers"... l'âge est là (comme on dit, chez moi !). Mais celui-ci est mon bien mon préféré depuis... euh ? ooooummhhff !!!
    Avec l'excellent "Black Ice" de la Young Company, on peut dire que les vieux se tiennent toujours bien !!!
    Hey ! D'Jeep, le prochain Canadien que je croise, j'lui pète les rotules... rien que pour toi !!!

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    1. L'excellent Black Ice ? C'est une blague ? Cet album est une bouse molle !

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