J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

jeudi 12 mai 2016

Black Star épisode 3

Je pense.

Du moins il me semble que je pense.

J'ai même l'impression qu'on ressent mes pensées. Plein de gens. Je sens de l'interrogation. Je sens, mais je me trompe peut-être, qu'il y a des gens qui rient. D'autres qui s'ennuient. Certains ont peut-être même déjà compris. Compris quoi ?

Je me pose des questions. Je ne maîtrise pas tout ça. Je ne maîtrise plus. Jusqu'à Black Star j'ai tout maîtrisé. Il m'a même semblé Le tenir par le bout du nez, façon de parler. Des gens pensent même que j'ai joué là mon plus beau coup. Risqué ? Sûrement pas. Le moins risqué de ma carrière, en fait. Le plus difficile, aussi. Celui où j'ai eu vraiment; vraiment la trouille. Jusqu'au bout, à ce bout que je ne voulais pas atteindre, mais que - ma foi - s'il le fallait - je devais prendre par les cornes, comme le Minotaure. Comme tout ce que j'ai pu faire dans ma vie. C'était la seule solution. Etait-ce la bonne solution, puisque c'était la seule ?

Qu'est-ce qui m'arrive ? Je me vois pourrir dans une tombe, l'Oeuvre au Noir, en même temps qu'errer ici. Avec toujouts cette putain de musique. Avec ces gens dont je n'ai que faire. Avec ces gens qui lisent ce qu'il me semble je suis en train d'écrire. Mais je n'écris pas. Bien sûr que je n'écris pas.

Il y a eu ce vide, l'autre soir, après mon arrivée. D'un seul coup, plus rien. Mourir, quand on est mort, est-ce possible ? Je n'aimerais pas qu'on me voie qu'on m'imagine comme ça. Mais je ne peux rien y faire. J'aimerais bien que Jerry revienne, je ne vois personne.

Ca y est, ça me reprend. Je sens que ça va s'arrêter à nouveau. Pour combien de temps ? Peut-être faut-il que je m'habitue. Jonesy, il m'appelle. C'est cruel, je trouve. Lui non. Je ne suis même plus David Jones, mais comment pourrais-je encore l'être, je ne suis plus tout court ?

Je ne sais pas quoi penser de Caravan. Je ne comprends pas très bien de quoi parle réellement Golf Girl. Je n'ai jamais réussi à écrire un truc pareil, je les ai d'ailleurs toujours ignoré ces mecs. Ca ne me viendrait pas à l'idée d'écouter ça aujourd'hui. Ce sont les claviers qui ont le plus mal vieilli. La batterie, souple, racée, est toujours aussi impressionnante. Et on imagine bien ces vieux messieurs dodus se promenant sur le cours, quand les cuivres déboulent. Et puis ce mec qui ne trouve rien d'autre à faire que d'acheter trois tasses de thé à cette Golf Girl. Voilà qu'il pleut des balles de golf, maintenant, et c'est une bonne idée, ces flûtes, juste à ce moment-là.

Mais pourquoi je pense à ça ? Je n'arrive pas à me mettre mes propres albums dans la tête ! Même pas Heroes, Ziggy Stardust, rien !

Ca y est. On dirait que tout s'éloigne à nouveau, je le sens venir. L'album de Caravan continue à tourner, même si ce n'est pas ça que j'entends, c'est toujours ces fichus Talking Heads. En fait non, je ne les entendais plus, mais c'est reparti. Comment elle s'appelle déjà la seconde chanson de cet album de Caravan ? Je la trouve un peu moins forte que les autres, plus datée aussi. Des souvenirs qui ne sont pas les miens me viennent en tête. C'est bizarre, je n'ai jamais approché cette scène de Canterbury. Même Robert Wyatt, un mec intéressant pourtant. Trop perché ? Pas assez concerné par les choses terrestres ? Putain il s'est pourtant pris trois étages dans le cul, cul de pierre, après ça. A-t-il compris quelque chose qui m'avait échappé ? Il a un sacré regard, lui aussi. Comme le mien, sans me vanter. Difficile à tenir. Il vallait peut-être mieux que je l'approche pas.

Bon sang, pourquoi je pense à tout ça ?

Non, pas maintenant, pas tout de suite. Pas le vide, là. S'il vous plaît. J'ai besoin qu'on me raconte une histoire, qu'on me tienne la main. J'ai l'impression d'être un gamin qu'on punit. De quoi ? En même temps, je suis rassuré, je sais qu'il y a plein de gens qui pensent à moi, qui écoutent mes disques, qui savent que j'ai été un génie. Mais pourquoi je les sens pas, là, près de moi. Je sais que ça va s'arrêter, encore. Quelqu'un joue avec moi, ça n'est pas Dieu quand même ? On dirait que "ça" veut me parler. "C'est" bienveillant, en même temps. C'est insupportable. Je ne comprends pas.

Ca s'arrête. Il faut que je tienne le coup. Ne m'oublie pas.

3 commentaires:

  1. Et Sid ? T'as des nouvelles de Sid ?

    RépondreSupprimer
  2. Je retrouve ce que j'ai aimé dans le premier chapitre. Nettement moins d'humour ici, même si on sent que tu joue au chat et à la souris avec la personnalité qu'on projette tous sur David et ce qu'il pense.
    Heu... le passage sur Caravan, c'est toi qui l'écoutais en même temps que tu écrivais?

    RépondreSupprimer
  3. Le passage vers Caravan est un peu abrupte, mais le reste est splendide.
    Que fait donc Mick Ronson?

    RépondreSupprimer