J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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jeudi 5 mai 2016

#183 : Slade "Slade Alive !"

En guise d'introduction, mon ami Keith, j'ai franchement hésité à poster un Marcel Amont, suite à ta remarque sur le Snoop Dogg précédent (as-tu déjà consulté ? as-tu déjà parlé à quelqu'un de tes associations d'idées étonnantes ?) car voilà un chanteur français dont on parle trop peu. Un de ceux qui avait la rime au coeur, l'amitié de Brassens en cadeau (eh oui, Le Chapeau de Mireille, c'était lui !). Une chanson comme Bleu Blanc Rouge Et Des Frites, comme slogan, ça vous dézingue tout le côté so rebel d'un Sex and Drugs and Rock'n'Roll, non ? J'ai même lu dans le numéro spécial des Inrockuptibles consacré à Marcel que c'est en écoutant L'Amour Ca Fait Passer Le Temps que Stevie Wonder aurait eu l'idée de son Part-Time Lover.

Mais bon, je me suis ravisé au dernier moment. J'ai encore un arrière-goût amer de panse de brebis farcie en repensant à ma rigolade sur les anglais qui n'avait fait rire personne, voire même avait froissé certains, alors que, bien évidemment, si Marcel Amont a un talent certain, on trouve outre-manche des artistes qui peuvent aisément rivaliser avec sa prose.

Eh oui, toujours cette vieille querelle franco-britannique, haine viscérale de longue date qui pourrit le tunnel sous la manche et contribue à la sauvegarde des grenouilles outre-Rhin. Car, au fait, savez-vous ce qui me fait dire que cette querelle est ancienne ? Non pas les livres d'histoire, dont on peut douter du contenu, leur propre étant de manquer de témoins pour corroborer les faits. Non, en fait, ce qui me fait dire que cette querelle dure depuis de nombreuses générations, c'est que, pour en découdre avec le Briton, le Franc use de l'arme blanche. Faut-il évoquer le brouillard londonien ? Il est considéré chez nous comme à couper au couteau. Et non à trancher à la mitrailleuse lourde. CQFD.

Pas convaincu ?

Parlons alors de l'accent britannique. Je vous le donne en mille, à couper au couteau également. Même lorsque l'anglais parle anglais, la vache espagnole n'a aucune hésitation quant à l'origine de l'ennemi. L'américain parle anglais, tout simplement. Comme le chinois ou le belge. L'anglais, lui, parle anglais avec un accent à couper au couteau.

Et savez-vous quoi ? Coupez-le au couteau et servez-vous une tranche, c'est savoureux. Un peu dur à couper, comme la vache folle, mais savoureux malgré tout. Vous voulez essayer ? Commencez par écouter Born To Be Wild par Steppenwolf. Vous n'en tirerez rien d'autre que la vague sensation d'écouter un groupe de rock plutôt dru chantant en anglais, sans même vous apercevoir qu'ils étaient à moitié canadiens. Maintenant, posez vos oreilles délicatement sur la présente galette de Slade, et passez directement au septième ciel et morceau : voilà notre Born To Be Wild aussi ralongé qu'une sauce à la menthe, avec un accent so terrific qu'il n'est pas impossible que vous doutiez un instant de la suprématie britannique sur son ancienne colonie des Nouvelles-Indes.

Et finalement, nous voilà assez proche de ce qu'aurait pu être un Marcel Amont d'outre-manche. Troquez l'assent méridional-euh pour la déglutition britannique, adaptez le physique peu olympien de notre poète Sétois aux gros nez vilains des anglais (ce qui n'a pas empêché Pete Townshend d'avoir du talent, ceci dit) et vous avez là une idée de ce que Marcel Amont fut à Brassens : Slade le fut à Steppenwolf, voire à plein d'autres loustics des seventies. Ce n'est pas peu dire : face à eux, les Status Quo passaient pour des intellectuels inspirés.

Slade avait absolument tout pour ne pas réussir : je parlais l'autre jour de pets de mammouths, je vous conseille là encore Born To Be Wild, qui dure, dure... sur 8 minutes. Vous en entendrez plein, à moins qu'il ne s'agisse de cornes de brume ou encore d'une tentative New Age avant l'heure d'imitation de chant des baleines. Oui, really, l'écoute de cette reprise est un moment étonnant à vivre, Slade donc, en gros, ils étaient moches, ils chantaient mal et jouaient fort des fausses notes qu'on aurait bien du mal à théoriser par une approche modale du folklore gallois. Même maquillés comme Kiss on les aurait reconnus à leurs oreilles décollées.

Et pourtant, quand j'étais petit, Slade, on ne parlait que d'eux. Un peu de Suzie Quatro aussi (non, ce n'était pas une marque de voiture). Ils disparurent pourtant dans les limbes plus rapidement encore que les Osmonds (ah ! les Osmonds, leur concept-album mormon, The Plan, faudra que je vous le sorte, un jour).

J'avoue manquer un peu d'arguments pour tenter de vous charmer. Disons que, le plus objectivement possible, j'ai passé un bon quart d'heure à uploader (comme on dit chez eux) la galette (ce qu'on ne fait pas en Bretagne), une bonne heure à écrire cette chronique alors que j'aurais pu écouter les trois John Zorn sortis hier à la place.

Mais je me serais moins marré. Et rire, c'est important.

Quand j'entends malgré mes efforts à changer de pièce les grumeaux progressifs de Yes, Uriah Heep et autres nauséux de l'époque, car la chose dont je vous parle est sortie en 1972, quand de nombreux vaillants guerriers hirsutes chevauchaient des Moog et autres VCS3 à la quête d'un nouveau Graal dans la forêt mythique de Brocéliande où des soucoupes volantes en forme de triple-albums les encourageaient à manger des champignons bizarres, je me dis que le succès de Slade n'était pas tout à fait un hasard. Merdre, ces joyeux ladres beaux comme des poux débroussaillaient à grand coups de hard-rock des plus basiques, non pas une highway to hell squattée par Iron Maiden et bien prévisible à venir (Deep Purple et Led Zep s'y faisaient déjà des rails), mais carrément le punk le plus brutal. No way ! On est moches, on est cons, mais on a une bonne sono et on va cracher les watts !!! A côté d'eux, l'autobiographie de Dee Dee Ramone c'est du Shakespeare !

Non, sans déconner, voilà des gens bien sympathiques qui jouaient et chantaient comme vous et moi. Un peu comme Marcel Amont, finalement, vous voyez, on y revient. Terriblement simple et efficace, comme une bière de chez Leader Price qu'on est bien content de trouver en fin de soirée après avoir vomi les Heineken de l'apéro. Soyons plus clairs : imaginons un monde ou la Heineken (remplacez par Leffe, 1664, Guinness ou tout ce que vous voudrez) n'existerait pas encore, et ou le seul choix qui vous serait offert consisterait à ingurgiter du Bailey's ou ce breuvage. Votre bon goût et/ou votre estomac vous pousserait naturellement vers le mauvais houblon, faute de grive. Mais vous auriez comme cette... hmm... intuition qu'un monde meilleur, loin de celui de Rick Wakeman, naitrait un jour. C'est tout ça, Slade. C'est toute la bêtise du glam sans le glamour, avec des fuck partout, for every kind of people.

Avec en plus, même si c'est involontaire, tout l'humour britannique d'un album live-waah-délire enregistré devant 50 personnes (ces idiots ont même mixé le public peu nombreux trop fort), qui pourtant leur offrira quelques brefs instants l'accès à Top Of The Pop. Et puis cette pochette rouge-sang, bloody hell, pas un truc de gonzesses !

Alors évidemment, même si l'on prend conscience de toute l'importance historique de ce disque, de tous les enjeux qu'il contient, se pose à un moment ou à un autre la question de savoir s'il est - sinon conseillé  du moins - possible de l'écouter aujourd'hui, là, en mai 2016. Ben oui. Pour plein de raisons.

D'abord, il est court. Un Live même pas double, juste sept morceaux. Un exploit pour l'époque. A peine plus long qu'un solo de Steve Howe. Certainement moins chiant qu'un morceau de Genesis. Tenez, je suis tombé par hasard sur les Peel Sessions des White Stripes. Mon dieu comme ce groupe si adulé a mal vieilli ! Toute cette brutalité pour si peu ?!!! Comment avons-nous pu, Christ ! (oulala je commence à prendre des tics british, moi, je sens qu'il va falloir conclure).

Ensuite, on ne peut pas écouter Live At Leeds toute la journée, tous les jours. Ca n'est pas raisonnable. De même qu'il n'y a que la Citrate de Bétaïne qui puisse suivre la bière de chez Leader Price, il n'y a que Slade Alive ! qui puisse soigner cette rage de vivre. On se sent même capable d'écouter Marcel Amont après. Une excellente introduction à l'oeuvre de Coltrane donc, si j'en crois mon ami Keith Michards, donc.

Et puis je finirai par un coup de gueule. J'ai fait le ménage dans mon disque dur hier, et j'ai viré pas moins de 8 Go de soi-disant nouveautés aussi chiantes les unes que les autres, même pas retenu le nom des groupes. Vas-y que je te la joue psychédélique, vas-y que je te la tente Americana, et que ceci et que cela. Très bien fait, la plupart du temps. Aussi joli qu'une tapisserie de chez Saint-Maclou. Mais, putain de bordel de merde, les tripes, le fun, tout ça, c'est où ? Qui pensez-vous berner ? Vendre votre pseudo-came sous pseudo-influence de je-sais-trop-qui (le Velvet, Hawkwind, tout ça, mais en version light voir zero comme le Coca d'aujourd'hui). Décidément Slade me plaît encore. Me rappelle un peu ce que les Faces étaient aux Stones, une copie mal fichue mais tellement sincère et touchante.

Know Where You Are And Know Where You're Going To

5 commentaires:

  1. j'ai adoré cet album, vraiment... pré-ado dirons-nous, je l'ai découvert par hasard (entre deux Mike Brant maternels) et je l'ai écouté en boucle (avec le premier supertramp, que j'avais proposé chez JJ y' quelques temps). Forcément, avec le temps (va tout s'en va) j'ai découvert plus de musique, plus de qualité, et j'ai cru qu'avoir du goût c'était être "contre les autres" donc être contre soi, j'ai rejeté cette bouse aux orties et je suis parti brouté des pâturages plus verdoyants.
    Et puis, comme j'ai tout lu Wilde j'ai compris que mon expérience n'était que la somme de mes erreurs et comme je suis lâche et que je ne les assume pas, tout en préférant rester naïf plutôt que de finir blasé, je suis retourné écouter ce live (avec un énorme rot du chanteur ^^), ce groupe improbable, ses reprises (y'a pas que born to be wild), sa sirène... et j'y retrouve ce dont tu parles une énergie sincère et touchante... pas même un côté madeleine (parce que bon, ça reste difficile à écouter, voire un peu pénible) mais ça reste effectivement plus "brut" que pas mal de productions actuelles, qui sont souvent bien meilleures (plus de production, de moyen, d'harmonie, de savoir faire...) mais qui donne l'impression d'acheter une bougie parfumée bio hors de prix dans son emballage recyclable et de croire que ça va nous amener à la satori... je suis zen j'allume une bougie bio... j'écoute de l'americana c'est noté sur la pochette...

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    1. Merci pour ton commentaire ! Je ne mettrais pas le 1er Supertramp dans la même case, quoique... des maladresses qui, si elles peuvent gâcher le truc, ne le rendent que plus authentique.

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  2. Ha ha ha je te jure, je te ferai bien le couplet défense de tout ceux que tu as bien éreintés ici.
    J'avouerai qu'il m'en faudra davantage pour écouter Marcel Amont (J'ai été long pour Brassens, jusqu'au jour de "Les Passantes") ... Il reste "ton" SLADE, un de ces albums qui arrivent à rappeler ce que pouvait être un moment de concert, pas évident en disque. Quand je dis "un moment" il faut préciser que même en concert ces moments ont été rares pour moi, je ne sais pas pour toi, mais mes meilleurs souvenirs étaient des concerts dans de petites salles (Marquee par exemple, mais le Palace aussi) avec des groupes qui devaient OBLIGATOIREMENT nous faire passer un grand moment et si ils y arrivaient nous pouvions leur rendre car nous étions assez près et en pleine lumière et du coup c'était le coup de fouet qu'attendait le groupe pour se donner à fond en pleine confiance (et défonce?)
    Note: Je retiens le buuurp sur "Darling Be Home Soon" merde cette petite perle pop (je me repasse les Lovin pour nettoyer mes oreilles) vraiment ces garnements ne respectent rien.

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  3. Oui, ce rot ! Ah mais milladiou voilà au moins un peu d'impertinence dans ce monde pop trop lisse ! Punk, je te dis !

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  4. J'ai bien fait de rentrer à la maison après un weekend de 6 jours !
    Pour un retraité, je te trouve très actif ces derniers temps. J'ai donc savouré tes deux dernières chroniques avec délectation.
    Et puisque nous en sommes à l'analyse psychologique poussée, je voudrais émettre une nouvelle théorie, toute personnelle et improbable que d'habitude. Deux points, ouvrez les guillemets, et si les Slade c'était les André Rieu du rock. C'est à dire des vulgarisateurs en matière de musique. Là où Rieu impose la musique classique jusqu'au plus profond de la Beauce agricole, Slade a essaimé le rock dans les banlieues ouvrières les plus reculées d'Alsace/Lorraine !
    Après ça, c'est promis, je vais consulter !!!

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