J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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mardi 26 novembre 2013

GCDBMDD # 5 : Johnny Thunders "Hurt Me"

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Thème du jour : SUGAR SUGAR - Le type de drogue n'a pas d'importance

En avant-propos, j'espère que Jimmy m'excusera de commettre une redite par rapport à son blog, mais le post datant de 2011, d'avant la chute de Megaupload donc, voici cette sinistrose magnifique à nouveau disponible (avec les bonus tracks, chacun en fera ce qu'il voudra). Bon, ça c'est fait.

Le type de drogue n'a pas d'importance. OK, ça tombe bien, je pense que pour Johnny, c'était le cas. Avant (la jeunesse, les espoirs des New York Dolls, les Heartbreakers, le 1er album solo), la drogue avait dû montrer son petit côté sympa, vas-y défonce-toi tu peux devenir le roi du monde. Et Johnny aurait pu. Et je persiste à penser que s'il n'y est pas arrivé, ça n'est pas à cause de la drogue. Que Keith Richards me dise le contraire un instant, et c'est mon poing dans la gueule. Pourquoi tant de violence ?

Parce que, dans le monde de Voltaire, le meilleur, donc, ça aurait dû se passer comme ça. Tout était raccord. Born To Loose, You Can't Put Your Arms Around A Memory, c'est deux chansons éternelles, soit une de plus que pour Keith Richards (Happy, et après ? OK OK la contribution légendaire dans l'open tuning de sol avec une guitare à cinq cordes, idée géniale mais l'idée ne suffit pas toujours, hein, le riff un peu beaucoup mais pour le reste, faut assurer avec Mick, désolé, Keith). On ne parle pas ici d'un gimmick largement rentabilisé jusqu'à ressortir des fonds de tiroir (Start Me Up) pour amortir encore un peu l'affaire.

Amortir l'affaire.

En 1984, tout est amorti pour Johnny Thunders. La débâcle est bien entamée, les chefs-d'oeuvre gravés dans le vinyle. Reste la réputation et, déjà, les paris. Tiendra combien de temps ? Has-been pour certains, on en rit comme on rit actuellement de Pete Doherty. Saura-t-il tenir le choc comme Keith Richards ? Oui ? Non ? Paris débile. Keith Richards a un groupe, multi-millionnaire, un carnet d'adresse en mesure de le sortir de la pire des crasses (remember l'affaire du Canada en 1976 ?) et de pouvoir se faire changer le sang en Suisse aussi souvent que de besoin. Johnny Thunders, autour des corbeaux qui commencent à voler trop près de lui, a juste quelques fans. Des adeptes. Des addicts.

Alors quand il débarque à Paris, il n'a même pas un appartement avec baignoire dans laquelle rejouer l'histoire de Jim Morrison. Pas d'Agnès Varda autour de lui. Même pas de fin glorieuse à sa portée. Juste les gens de New Rose, pas très riches, qui lui proposent de sortir un disque. Mais pour sortir un disque il faut des musiciens (et clairement nos Gérard Blanchard ne font pas l'affaire) et des chansons. Alors bon, deux micros et un studio on peut trouver, et Johnny a une guitare. Enfin, il faut faire vite parce qu'elle pourrait disparaître d'un jour à l'autre en échange d'un peu de dope. Des chansons ? Niet. Enfin, pas des nouvelles. Mais bon, pourquoi pas refaire les vieilles à la guitare en bois, c'est déjà ça ?...

C'est largement ça, ça le fait carrément. Je ne m'interdis pas de penser que Hurt Me, dans les oreilles de Rick Rubin, ne sera pas étranger quant à sa manigance merveilleuse pour remettre Johnny Cash au devant de la scène, des millénaires plus tard. Et de se prendre un four avec Neil Diamond parce qu'il ne faut quand même pas exagérer, la prod' ne fait pas tout.

Too much too soon.

Bien trop en avance aussi par rapport aux Unplugged de MTV, reprenant Bob Dylan (aïe, faute de goût à cette époque, même si les citations sont brèves), l'album aura un arrière-goût de bout du rouleau, qui plus est sorti par un label frenchy (avant Air, Daft Punk et les autres, aujourd'hui ça t'aurait peut-être une autre gueule ?...). Too much too soon, encore et toujours. Saleté de vie.

La musique ?

De celle qui t'inciterait à monter un commando pour fracasser toutes les guitares sèches de Francis Cabrel, car ici la vieille boîte en bois sonne comme jamais, enfin, comme au temps où Leadbelly et consorts s'en servaient. Spirit high. You Can't Put Your Arms Around A Memory sonne toujours aussi bien, voire mieux, évidemment. Pas besoin de gueuler comme au CBGB, une chanson tient la route ou pas. Et c'est tout, c'est simple.

Et puis un courage monstrueux. Celui d'émettre l'hypothèse, et de la confirmer, comme quoi le punk et toutes ces conneries ne sont pas nés d'une seule et simple révolte. Que les classiques avaient été tellement bien digérés que les excréments (la reprise de Dylan des Clash, The Man In Me, sortira 25 ans après dans une version Deluxe de London Calling), y'avait pas besoin de les mettre en avant. Sauf quand on n'a peur de rien, que si je dis ça je casse pas mon image. Je ne suis ni punk, ni new wave, ni post wave ou je-ne-sais-quoi. Je suis juste un musicien au bord du gouffre parce que j'ai mis tout mon coeur et toute mon âme à balancer des merveilles et que le monde, allez savoir pourquoi, n'a rien vu, et pire, rien entendu. Je ne suis déjà qu'un vieux cheval sur lequel on ne parie plus quant à sa prochaine victoire mais quant à la date de son envoi à l'abattoir.

Quand on en est là, le type de drogue n'a plus d'importance.

13 commentaires:

  1. Ah j'adore ton texte, mais vraiment!
    Peur de rien? Les New York Dolls n'avaient peur de rien comme PERSONNE avant ou après eux. Si j'osais je dirais que Johnny Tonnerre est immortel et que ce n'est pas donné à tout le monde.

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  2. Waow... papier très touchant. Je vais me le passer ce disque. Surtout que j'aime beaucoup ce que je connais du bonhomme.
    Merci pour ce post. J'ai volontairement choisi aussi un exemple de came qui crame, parce que la plupart du temps ça se passe ainsi, on connait malheureusement tous des exemples, et pas seulement dans la nécro rock, mais aussi chez nos proches.

    Et parfois il est bon de remettre un peu les choses en place, tout cela ça n'est pas qu'une histoire de voir de jolies couleurs le samedi soir, y'a des vies en jeu.

    A part ça, quelqu'un qui cite Leadbelly dans un article a ma gratitude éternelle ;)

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  3. Pas une oeuvre mais un artiste narcotique. Bien joué !

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  4. Ah la vache !
    Plein dans le mil et quel billet !.
    Sans détour - tu sais y faire...
    Merci pour la lucidité, le recul, la réalité et tant d'autres évidences que tu décris formidablement et avec cette amertume qui nous vient, d'emblée...
    Loin de Keith, proche des étoiles...
    Merci

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  5. M'étonne pas de ce choix. Un choix que je qualifierais de JeePeeDesque !!!!!
    C'est vrai qu'on devient vite accro à ce son de guitare et à cette voix pointue.
    Beau disque. Merci JeeP !

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  6. Un très bel hommage à Johnny Thunders... pour le sugar, on repassera (sauf s'il est brown). Un disque émouvant. Nous sommes quand même assez nombreux à toujours t'écouter Johnny (et à te lire Jeepeedee).

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  7. Je ne sais ce que j'aime le plus, ton texte , ou ce disque sublime. Oui en égaré de la dope, en looser magnifique, il nous la fait grave de nudité le Johnny. Je me disais qui chez nous peut rivaliser en camé incapable de rédemption, à en crever, Léotard ? ou d'actu Depardieu fils ? Darc est presque trop sage ...

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  8. Beau texte, ça donne envie ! Même par les New York Dolls je ne suis passé qu'en coup de vent, ça m'apprendra tiens.

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  9. Bravo et merci. Pas envie d'en dire plus. Thunders quoi...

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  10. Johnny Thunders, oui, ça, c'est de la bonne !

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  11. Belle chronique pour un beau disque... Jamais trop accroché à Thunders peut-être parce que je me suis jamais assez approché de sa discographie, à tort, visiblement, celui ci semble addictif... Le son New Rose... que de souvenirs...

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  12. Parfait. Chronique et vinyl à la pochette gaufrée façon simili cuir…

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