Thème du jour : Au Hasard, Balthazar !
Un album choisi au hasard dans votre collection, sans tricher SVP !
J'avoue, j'ai triché par préméditation. Me suis éloigné des C et D, histoire d'éviter Cohen et Dylan, ainsi que les R et/ou S, histoire d'éviter un Stones plan-plan. J'en ai tellement, des CD, que ça m'a fait crapahuter. Mais bon, j'avais cru comprendre dans le thème du jour qu'un disque improbable serait le bienvenu, histoire de mettre à nu le bloggueur qui passe son temps à tenter de vous charmer avec ses verreries, ses bijous et ses chefs-d'oeuvre. Y aurait-il là-dessous une once de mauvais goût non dévoilée ? Ha ! Moi, môssieur, j'ai posté du Dave et du Il Etait Une Fois. Je suis donc tranquille quant à mon intégrité musicale. J'en ai pas.
Mais quand même, y'avait des risques : une double compile de Mike Brant, du Johnny Hallyday, l'intégrale de Joe Dassin, bref, de quoi frémir quand on n'a posté que des choses politiquement correctes. Etant capable de justifier tout ça sans la moindre once d'inquiétude, le hasard ne me fit pas peur.
C'était oublier la loi des séries. Voyez-vous, je vis en ce moment des instants désagréables qui s'accumulent comme si un dieu quelconque cherchait à me faire croire que la théorie des probabilités n'était que foutaises et compagnie, et qu'il dirigeait mes pas, mes faits et gestes avec un humour grinçant dont ce soir, en formation à Dijon, je me lasse ("Aaah ben non monsieur, vje ne trouve pas votre réservation de chambre, je suis désolé" - je vous passe la suite, je suis sorti de mes gonds même sans avoir de porte à ouvrir, etc. etc.).
Donc, hop. J'ouvre l'oeil, regarde le CD.
Kiss "Alive".
Saloperie de loi des séries. Le diable m'en veut-il d'avoir défleuré la recette du gumbo à la blogosphère entière ? Robbie Robertson a-t-il lu mon post ? Et puis surtout, un instant d'inquiétude : j'ai ce truc-là chez moi ? Quelqu'un me l'a prêté ?
Une voix intérieure me répondit : rappelle-toi, JP, tu l'as acheté à l'automne 2009 chez Machin Cash à 1 euro et ton épouse s'est fichue de toi : "t'achètes vraiment n'importe quoi !".
OK, OK, je me rappelle de la brimade. Je me rappelle de tout.
Je me rappelle de mes quatorze ans. Je passais mon temps à dévorer Rock'n'Folk, j'avais le Guide Akaï du Disque, et j'allais tous les quinze jours à la ville, emprunter des vinyles à la bibliothèque. J'essayais de tenir une face entière du Coltrane Live At The Village Vanguard, je me cramponnais aux baffles en tentant de tenir les quatres faces d'Uncle Meat de Zappa, je ne jurais que par Led Zeppelin, seul péché avouable pour le boucan à en croire Philippe Manoeuvre et cherchais à comprendre pourquoi And Then There Were Three de Genesis était si méprisable... Heureusement, la mort de Lennon m'a permis d'écouter Imagine sans passer pour une andouille. Il me fallut apprendre à détester Barclay James Harvest, aussi. Bref, un boulot à plein temps quand le printemps fleurit, que l'élue de votre coeur vous demande si vous aimez Supertramp...
Choisis ton camp, camarade. Imbécile, j'ai dû lui parler des Talking Heads. Je m'en mords encore les doigts.
Le pire de tout ça, c'est que le voisin d'en face qui m'apprit à fumer des Camel (merci, alors là, merci !) ne se gênait pas, lui. Je n'avais qu'un électrophone, il avait une chaine. J'avais beau lui dire que Jimmy Page était le plus grand guitariste du monde, au bout de cinq minutes de Dazed & Confused version The Song Remains The Same (double album qui m'avait coûté une fortune, et que je devais rentabiliser jusqu'à mon anniversaire), il me proposait d'aller fumer une clope. C'est nul ton truc, on se fait chier.
Et le pire du pire : il écoutait Kiss. I Was Made For Loving You, à fond les ballons, et sans aucun complexe. Ses fenêtres grandes ouvertes, j'en profitais honteusement. Avoir la force d'être dédaigneux, lui expliquer que c'était de la soupe mais... quelle soupe ! De lui dire avec mépris que 2000 Man, c'était une reprise des Stones (j'avais vu Jagger/Richards dans les crédits) et que l'original était bien meilleur. Garder mon cap, quoi.
La semaine suivante, je trouvais l'album des Stones avec 2000 Man à la bibliothèque. Sans filet et fier de moi je déboulai chez lui : Tu vas voir la claque, mon gars, les Stones c'est autre chose.
Vous connaissez tous Their Satanic Majesties Request... A 14 ans ça ne pardonne pas. Il me rit au nez durant The Lantern, et je suis parti la queue basse... Je le perdis de vue lorsqu'il ramena Back To Black d'AC/DC. Je tentais toujours de trouver super chouette In Through The Out Door de Led Zep, la haine.
Voilà pourquoi je déteste Kiss. Voilà pourquoi, à 43 ans, j'ai péché d'1 euro pour m'acheter le Kiss Alive ! l'album détonnateur, sans hit singles connus, histoire de rattraper mon passé.
Il me paraît inutile de chroniquer le disque. Ca bastonne du début à la fin (enfin, je crois), ça n'est plus de mon âge, mais quand même. Quand j'analyse, après coup, le ridicule d'un Jimmy Page avec son archet et ses effets pyrotechniques, quand je constate que dès 1973, les Stones ont continué à jouer un rôle plus pour des raisons marketing qu'autre chose, je me dis que Kiss avait raison. Kiss était franc du collier : tout cela, ce n'est que de l'esbrouffe. Bien sûr que Gene Simmons n'est pas un vampire dans la vraie vie. Bien sûr que E.T. ne débarquera jamais dans mon jardin. Mais quel panard pendant 1h 1/2 ! Quand je me rappelle de ce concert pitoyable des Stranglers, je me dis qu'au final, les plus honnêtes, c'étaient eux. Ils vendirent, selon Wikipedia, 9 millions d'albums de ce truc. Et ça ne m'étonne plus. What you pay is what you get. Ou l'inverse. Quand on voit ces gros méchants de Metallica, dans leur documentaire, s'écharper la gueule avec un psy comme médiateur pour finir un album, et qu'entre deux Death, Riot et je ne sais quoi ils sont les premiers à gueuler contre le téléchargement, on finit de toute façon par ne plus y croire. Avec Kiss, au moins, personne n'était berné. Et ma foi, basse/guitare/batterie ça le fait. Ma fille a huit ans et elle ne croit déjà plus au Père Noël. Et je me marre à écouter Mika avec elle.
Qu'est-ce que j'étais nouille à quatorze ans...
Hotter Than Hell ?
Tellement réaliste ta chronique...
RépondreSupprimerJe me suis régalé, après tout, tu as raison sur toute la ligne...
J'ai dû tenter de faire pareil, souvent et quel flop !
Mais je persiste, on s'refait pas et parfois... ça marche quand même.
Ceci dit, un bon gros rock qui tue avec un son gros comme ça, qui prend la tripaille là où ça vibre...
Avec mon fils de 10 ans guitariste électrique biberonné à la sauce Purple/Zep, quand on se fait AC/CD, en bagnole, y'a plus de génération qui compte. C'est le trip total.
Bon, je vais lui faire découvrir Kiss dès ce midi...
Pochette à l'appui, tant qu'à faire, quel andouille, j'y avais même pas pensé...
Peur qu'il me tire la langue à longueur de journée, peut être ?
Super billet... vraiment.
Bon, t'as dormi sous les ponts , dans le hall, ou ça s'est arrangé ?...
Bravo, j'entends Lester Bangs... Les kids, les kids et encore les Kids. J'ai et j'aimais bien, pas de honte à placer par terre avec du Zep, du Doors, du BOC ... C'était live et ça gueulait bien... Pas si éloigné d el'esprit Ramones, Punk & Déconnade ou Dictators.
RépondreSupprimerIl est baisers que l'on redoute, celui là me refait penser à la vielle tante qui piquait ... mais tout est parfois bon à prendre au second dégré, cette musique là certainement aussi même si la "facture" est des plus classique pour le genre. Pas mon kiff le kiss. En tout cas je garde ton texte, un grand plaisir de lecture au premier degré.
RépondreSupprimerMazette, quelle chronique ! Le sourire aux lèvres du début à la fin ! Et pas loin d'avoir raison en plus... merci pour ce très bon moment ! Quant à Kiss, j'ai beau faire le mariolle avec mon Fausto Romitelli ou mon Soviet New Jazz, j'ai écouté çà aussi !
RépondreSupprimerSuperbe la chronique!
RépondreSupprimerDu plaisir de la première à la dernière ligne.
Bon! pour Kiss, je passe mon tour........même si j'ai bien du écouter dans une autre vie.
Espère qu'un "heureux" hasard t'a enfin conduit jusqu'à ta chambre Dijonnaise?
Echiré79
Ha ha. Coming out : j'ai aussi écouté I was made... et j'avais même acheté cette...daube. Parce qu'en plus je pense que c'était un mauvais Kiss, c'est dire. Mais ça m'avait fait découvrir 2000 man, c'est toujours ça.
RépondreSupprimerGrand plaisir à lire mais ça va s'arrêter là, je ne prends le Kiss. Le hasard parfois...
PS : c'était quand ton pitoyable concert des Stranglers ?
J'adore ta chronique, un truc si énorme qu'il ferait presque aimer le disque, presque...
RépondreSupprimerJe me joint au concert de louanges quant à ta chronique.
RépondreSupprimerUn petit village drôlement chouette que je disais, je maintiens !
Hello.
RépondreSupprimerPfou, moi en plus j'arrivais pas à supporter LedZep alors que ç'aurait pu m'aider à la socialisation musicale...
Super-Chronique, Super-Mauvais-Disque!!
EWG
Salut JeepeeDee !
RépondreSupprimerJe lorgne un peu le concours, mais j'ai vraiment pas de temps pour suivre ...
Je voulais d'abord te remercier pour l'excellente détente que tu viens de m'offrir en cette fin de folle journée; je vais finir par avoir une crampe aux zygos !
J'ai rien à ajouter à ta chronique; j'ai carrément l'impression de revisiter mon propre passé.
Et, pour le coup, ça tombe sur un album de Kiss que je n'ai jamais pu écouter en qualité correcte (j'avais eu le LP, très désagréable par sa "qualité" de pressage).
Vraiment, un grand merci pour ce grand moment de plaisir :-)
Tu penses bien que ce n'est pas moi qui vais te blâmer pour une tricherie aussi insignifiance. D'ailleurs, si tu ne l'avais pas avouée, personne ne s'en serait douté. En fait, j'aime bien les tricheurs qui ont le "KISS Alive" dans leur collection. D'ailleurs, j'aime aussi ceux qui ont "KISS Alive" et qui ne trichent pas.
RépondreSupprimerEn vertu des pouvoirs que je me confère personnellement à moi-même tout seul, je te déclare vainqueur de cette manche. Et tant pis pour les autres... y z'avaient qu'à tricher aussi !!!!!
Belle tranche de vie Djeep... tjrs ton flot de vie.. bordel t'as triché !!! ah au fait, j'ai oublié de vous dire.. je triche pas, mais les disques français chez moi sont pas dans la même pièce !!! j'ai d'abord choisi la pièce :D ça enlève 1/4 des choix :CC
RépondreSupprimerKiss Djeep
Ouh la la quel florilège !!! Merci à tous pour vos commentaires, j'en suis tout ému ! Je rassure certains d'entre vous, je ne dors pas sous les ponts (y'en a pas à Dijon), mais dans une sorte de chambre de bonne à la wifi incertaine, d'où mon mutisme relatif. Encore merci, mais n'abusez pas trop des Bisous.
RépondreSupprimerLa suite sera plus dure, 'foiré de Mister Moods...
Salut, y a un film assez marrant sur des jeunes fans de Kiss : Detroit Rock City
RépondreSupprimerPutain!! presque une tranche de vie perso.
RépondreSupprimerTrop Cool
"Je le perdis de vue lorsqu'il ramena Back To Black d'AC/DC."
RépondreSupprimerTu veux dire Back IN Black ? Parce que le Back To Black ce serait pas d'Amy Winehouse ?
Très bonne chronique ! J'aime !