J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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vendredi 21 septembre 2012

GCDBMDD # 3 : DR. JOHN the night tripper : "GRIS gris"

Thème du jour : la Beauté du Diable
De la musique qui fait peur mais qu'on aime ça !

Ha ! le Diable !

Où se cache-t-il donc, celui-là ?!!! A la croisée des chemins, offrant à Robert Johnson un quart d'heure de gloire contre une âme déjà damnée d'avance ? A Altamont, guilleret et railleur prêt à faire payer aux Stones leur insolence ? Chez des Death-Mettaleux de pacotille prêts à l'invoquer pour quelques dollars ? Mmmh... Ca serait bien cupide et puéril de sa part. Led Zeppelin ? Pas la force d'écouter Stairway To Heaven à l'envers pour y trouver sa trace.

Non.

Je vous le dis, en vérité, le Diable se cache dans la cuisine. Selon Rite Uniformément Accepté de Ginette Mathiot (RUAGM), nous réalisons chaque jour, à chaque repas, la même chose : faire chauffer de la matière grasse, y faire revenir des oignons. Bien sûr, c'est selon, beurre ou huile. Langue d'Oc, langue d'Oil. Mais la quête du plat philosophal débute toujours de la même manière. Dans 95% des cas. Après, cela finit en ratatouille niçoise ou en boeuf bourguignon, mais Ginette règne sur notre alimentation et guide nos pas à chaque instant.

Vous me direz qu'on est sensés parler musique ici, et vous me rétorquerez que bien souvent, l'on croit entendre le Diable dans le blues. Dans cette fameuse blue note qui renvoie le bon Jean-Sébastien et son clavecin bien tempéré dans les feux de l'Enfer, et nous laisse perplexes face à ces bémols indigestes.

Le Gumbo fait le même effet. Suivons la recette.

Au départ, le RUAGM est respecté. Des oignons transpirent leurs effluves dans de l'huile d'arachide. Un peu de farine et de court-bouillon puis s'en suivent poivrons et tomates (peut-être dans le désordre, c'est une expérience que j'ai trop peu souvent tenté pour m'en souvenir dans les détails). On s'approche de la Méditerranée, mais cela reste acceptable. Arrive le légume maudit, le gumbo - ou okra pour les ricains. Sorte de haricot peu ragoutant, la chose est poisseuse, et dès qu'elle se frotte à l'étuve du ramassis précédemment narré, elle se met à suinter des sucs rendant l'ensemble glaireux à souhait. Le choc des cultures dans l'Athanor Tefal. Rajoutez-y écrevisses, saucisses ou poulet, rien n'y fera. Vous venez d'entrer dans un autre univers.

Le gumbo est à la cuisine ce que le blues est à la musique.

Le GRIS-gris de Dr John est à la musique ce que le gumbo est à la cuisine.

Et cet album est unique. Le bon docteur reviendra vite à des recettes mieux calibrées, plus diététiques. Ici, le vaudou se cache entre chaque sillon, entre chaque bit de votre fichier mp3. Du Gris-Gris Gumbo Ya-Ya initial jusqu'à I Walk On Guilded Splinters, tout ici est gluant, macéré et boueux à souhait. Surprenant à chaque instant, j'en veux pour preuve le clavecin de Crockert Courtbouillon qui sans nulle doute inspirera le fielleux Golden Brown des vilains Stranglers, la galette vous envoie dans des lieux inconnus, assurément malsains et diaboliques, l'odeur du bayou vous colle à la peau et les alligators rodent.

Oui, cette musique fait peur, car unique, étrange et atypique, mais oui, qu'on aime ça. Un groove lancinant et monotone plane d'un bout à l'autre, à peine le temps d'un Mama Roux plus funky ou d'un Jump Sturdy un peu bluesy et festif et on replonge dans le marais. Dance Kalimba Ba Doom ! Et les mandolines n'y changent rien. Plus inquiétantes que napolitaines, jusqu'aux instruments utilisés sont déroutées de leur sensibilité initiale. Le gumbo gâte nos beaux oignons... La voix du Docteur inquiète, subjugue et questionne. Comme jamais.

Diable ? Je ne saurais dire. Mais voilà un disque habité. Sur lequel on hésite à danser, de peur de finir derviche, aucune envie de taper du pied. Danse Fambeaux ? Grognements sourds à tous les étages, sifflements inquiétants, groove perfide... cloches qui sonnent dans la nuit...

Le gumbo pèse lourd sur l'estomac. Vous êtes en plein cauchemar. Gris-gris Gumbo Ya-Ya.

Je suis le Grand Zombie...

Le Docteur vous aura prévenu.

Pour un exorcisme numérique, voyez marmiton.org

10 commentaires:

  1. Hello.
    Hé, mais c'est pas un disque du Diable ça, c'est presque le Bon Dieu pour moi...
    Mais puisque c'est ta tournée, c'est avec plaisir!
    EWG

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  2. IMPARABLE
    Depuis ce matin, à la lecture du thème du jour,
    parcourant les différents blogs/participants je me désespérai de l'absence de ce bon diable de Dr John.......ne restait que ton post à venir.....Diable,que l'attente fut longue!
    Mais que j'aime me faire peur avec ce cauchemar.
    Merci Jeepee

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  3. Eh oui, Jeepeedee l'a trouvé, le diable! comme lui-même me l'a dit: « les amaricains,y z'ont jamais fouillé assez à bayou Saint-Pierre pour nous découvert!»
    Bravo!

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  4. Son grand meilleur à coup sur... puis quelle pochette diabolique. Un bien joli cauchemare ...

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  5. Son grand meilleur avec "Babylon" et "City Lights" et putain; mais combien de bon disque a t'il fait ce type? Mais "Gris-gris" c'est le sommet vaudou, le disque zombie, l’occulte, l’essentiel...

    Grand Choix!

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  6. Lumineuse idée, c'est vrai qu'il ne me fait plus du tout peur maintenant, mais au début ... Un grand disque de prière à la magie, noire bien sur, inégalable.

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  7. Yes Dr John ça le fait bien. Bon choix. Le P'tit Jésus en culotte de velours qui vous glisse dans la gorge. Diabolique quoi.

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  8. Le Diable sait être festif pour charrier des âmes, cher Mister Moods... Le flip vient plus tard... hin hin hin hin hin....

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  9. ??? Non, je pense pas. Et puis, le diable ça me fait rigoler un peu quand même. Et IAO de John Zorn, c'est franchement ésotérique, je voulais pas des Clavicules de Salomon sur mon blog, tu le fais si bien... je serais bien piètre commentateur du bonhomme... mais j'espérais secrètement que tu serais l'homme de la situation. Ici, on est plus... classic rock ? Oh et puis j'invoque mon Maître à moi, Bob Dylan pour justifier le Dr John que tu juges festif (ouch ! serais-tu le Prince des Ténèbres pour porter un tel commentaire ? J'ai soudain un doute) : you know sometimes Satan comes as a man of peace... ça te vas comme argument ?

    Bonne nuit à toi... et vivement des thèmes plus légers...

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  10. En retard sur ton album, mais tu as réussi à me donner faim. Je note la recette du Gumbo...
    A la Nouvelle Orleans il y avait un autre plat ou deux (??) un genre de Sandwich PooBoy et un truc avec du riz, des fruits de mer le tout dans un bouillon assez épais et arrache gueule ... le pied.
    Dr John, peut pénétrer nos âmes pour peu qu'il y ait une grosse chaleur, un état d'ébriété avancé et un peu de superstition et ce type dans le coin qui me regarde depuis le début de la soirée...

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