J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -

mardi 15 mai 2012

#132 : Gérard Manset "Le Train Du Soir"

Une des pochettes les plus moches de Manset (qui semblait à l'époque faire des efforts vertigineux pour donner envie au chaland de ne pas acheter ses disques, voyez L'Atelier Du Crabe, du même acabit) pour un des albums les plus noirs. Une pochette presque manichéenne : rouge, blanche et noire. Pas de finesses, pas de demi-teinte, la violence verbale directe et crue. Des textes d'un désespoir total, voyez ce Marchand De Rêve qui fait passer Desolation Row pour la promenade des anglais... ces enfants qui bougent encore au fond du sac, rien que cette phrase, ça glace suffisamment pour écouter les dix minutes apocalyptiques avec... modération. Le reste n'est guère plus gai, même si la rythmique reggae rend la litanie de nos vies monotones plus supportable Quand Les Jours Se Suivent...

Paradoxalement, l'album s'ouvre sur un morceau - oserais-je dire ? - bêtement rock, Le Train Du Soir (qui roooule dans ma méééémoire - on dirait presque Johnny), témoin de l'affection avouée de Manset pour Bob Seger (ce qui explique peut-être sa barbe et sa tignasse crasse du début des années 1970 ?)

Le reste, il faut bien l'avouer, est un peu un cran en deçà de l'Atelier du Crabe ou du Royaume de Siam. Deux morceaux (remixés, déjà...) parus en 45 tours trois ans avant, deux autres pas essentiels, bref, ça sent la chute de studio à pleins nez. La chute du studio ? Manset s'octroiera une pause de deux ans après cela, avant d'embrayer sur Comme Un Guerrier et surtout le diptyque Lumières/Prisonniers De L'Inutile avant le grand silence et le retour en fanfare synthétique (raah les boites à rythme sur Matrice et Revivre ! les guitares limite Metal, quel gâchis ! Enfin bon, c'est une autre histoire et les chansons tiennent quand même largement la route).

On ne va quand même pas cracher dans la soupe, tout cela parce que l'album n'est qu'excellent au lieu d'être fantastique. Il mérite plusieurs écoutes, le grand frisson n'étant pas immédiat. Du moins, à mon humble point de vue.

Moment nostalgique quand même, c'est le dernier album à sonner comme le Manset des années 1970, avec beaucoup de culot dans les arrangements (le clavecin de Pas De Nom), cette patine... la suite devenant bien plus académique au niveau de l'instrumentation avec - c'est bien triste - un goût pour des batteries pachydermiques et des guitares un brin ringardes, genre mate mon rack d'effet qu'il est beau.

Pas Mal De Journées Sont Passées...

Voilà voilà, octroyez-moi une pause après tout ça... il nous reste un vinyle à ripper, le plus connu (Y'A Une Route), que j'ai gardé pour la fin (de la première partie), et que je m'en vais numériser la semaine prochaine (là, c'est repos et vacances, hein !) avant de voir si j'ai le courage de repartir comme un guerrier... le reste relevant définitivement du domaine du compact disc.

Ce fut un plaisir... que j'espère partagé !

10 commentaires:

  1. Bravo pour la saga !! J'avoue ne rien connaître à Manset. Quelques souvenirs de très peu d'articles dans R&F, fin 70's début 80'S et bizarrement cette pochette avec le dc3 perdu dans un coin exotique. D’où la grande question adressée aux spécialistes de l'artiste: on commence par écouter quoi ? Merci d'avance pour vos avis éclairés.
    SYL

    RépondreSupprimer
  2. Merci Jeepeedee pour ton boulot de remise en perspective historique du puzzle.
    Et le clubber, c'est vrai que les sons qu'on accepteraient mal chez les autres sont parfois chez lui ceux qu'on goûte le plus. Étrange paradoxe de ces plaisirs coupables…

    RépondreSupprimer
  3. Sur l'album version 33t, il y a ce morceau génial qui se nomme "Quand les jours se suivent", un reggae sublime...

    RépondreSupprimer
  4. Ce n'est pas simplement un plaisir partagé, c'était une inespérance récompensée, une retrouvaille avec mon vinyle passé, une aventure du temps écoulé, une baignade dans la volupté. Oh que oui je réclame la suite avec de tels textes en petit déjeuner ... je l'ai déjà fait mais merci beaucoup de ta Mans(u)et (é) tude.

    RépondreSupprimer
  5. Oh les gars vous me flattez ?!!! J'ai personnellement pris un plaisir fou à replonger dans ces vinyles, à essayer de leur ravaler la façade, mais j'étais quand même pas le premier ni l'unique !

    La suite suivra (merdre alors, on dirait du Raffarin, je vais me faire épingler par le nouveau gouvernement !) !

    En attendant, enjoy everybody, et merci pour vos remerciements (raah, encore un discours de droite ! je deviens vieux ou quoi ?)

    RépondreSupprimer
  6. Merci pour tous ces Manset... qui nous ont donné l'impression d'être plus intelligent après les avoir écoutés, et re-écoutés, et re-re-écoutés, et re-re-re-écoutés...

    RépondreSupprimer
  7. Qu'est-ce que ce serait bien d'avoir "comme un guerrier" ici ;)

    RépondreSupprimer
  8. "Attends que le temps te vide..." Il y a des mots de Manset qui marquent à vie. Ado, je secouais tous les disquaires de ma ville pour dénicher ses albums, De "Gérard Manset" (1968) réédité au début des 70's - avec "Animal, on est mal", ce truc fabuleux à l'époque en France - jusqu'à "Revivre" (1991). Après, j'ai décroché, mais certains morceaux m'ont aidé à passer des moments pénibles. "Royaume de Siam" et "L'atelier du crabe" sont mes albums préférés. Je lui pardonnais même ses fautes de goût: rimes tirées par les vers, guitares plombant de belles mélodies et productions qui datent les albums. (le bonhomme est si singulier que j'ai pensé qu'il pouvait faire exprès...)

    RépondreSupprimer
  9. PS: J'avais l'édition originale de l'album "2870" (sorti en 1978) avec ses pochettes multiples, un véritable objet d'art.

    RépondreSupprimer
  10. La photo représente un avion de fabrication Soviétique abattu par les Américains, le 17 Juillet 1972, à 15 km de Paksé au Laos durant la guerre des Américains au Vietnam, ou le Laos et le Cambodge étaient régulièrement bombardés. C'est une photo de Manset, en voyage au Laos fin 1979.

    RépondreSupprimer